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Inciter, contrôler et accompagner le management :

Dans le document Private equity et capitalisme français (Page 39-41)

Chapitre 1. Le capital-investissement existe-t-il ?

2. Unité du capital-investissement

2.3. Inciter, contrôler et accompagner le management :

2.3.1. Inciter le management

L’alignement des intérêts des managers et des actionnaires est un thème habituel de la « corporate governance ». Selon Jensen et Meckling (1976), les conflits entre actionnaires et managers se produisent lorsque ces der- niers possèdent moins de 100 % des droits résiduels sur l’entreprise et ne récoltent donc pas la totalité des fruits des efforts engagés pour faire pros- pérer les projets de l’entreprise. Les managers s’emploient alors à effec- tuer un transfert des ressources de l’entreprise en faveur de leur intérêt personnel aux dépens de l’intérêt des actionnaires.

Le capital-investissement utilise pleinement les outils d’incitation à des- tination du management, au point que cette ingénierie constitue une « mar- que de fabrique ». Il est vrai que les sociétés cotées y recourent également, mais on doit reconnaître que le capital-investissement, surtout aux États- Unis, a été à l’avant-garde dans ce domaine.

Les bons de souscription d’action, les stock-options ou le management

package sont autant de mécanismes qui participent au système d’incitation.

Tout d’abord, les bons de souscription d’actions (BSA) : le nombre d’ac- tions auquel ils donnent droit dépend du taux de rendement interne (TRI) atteint. Cependant, des mécanismes dilutifs peuvent être mis en place, dans lesquels le management dispose dès le départ de la part maximale du capi- tal à laquelle il peut prétendre en cas de succès (TRI maximal) ; celle ci venant se réduire à la concurrence des contre-performances enregistrées. Les stock-options constituent le second instrument d’intéressement : leur nombre est souvent indexé sur le taux de rendement interne et leur verse- ment peut être réalisé sur toute la durée, si on prend le cas des LBO. Mais l’incitation ne s’arrête pas là : le management package comprend deux prin- cipaux éléments :

• l’avantage incitatif à l’entrée ou sweet equity : c’est l’intéressement accordé par les investisseurs à l’équipe de management et qui est fonction de l’atteinte ou du dépassement d’objectifs fixés par le business plan. Ce mécanisme confère au management un effet multiplicatif ;

• la participation supplémentaire à la sortie ou ratchet : ce mécanisme fonctionne à l’aide de BSA et s’applique à partir du moment où le capital- investisseur réalise un niveau de plus value seuil.

En résumé, la rémunération des managers est devenue un sujet de négocia- tion très important aujourd’hui. Cette tendance est d’autant plus forte que des banques, des cabinets d’avocats, d’audit, ou des sociétés indépendantes ses sont spécialisées dans le conseil en rémunération pour les dirigeants.

2.3.2. Contrôler et discipliner le management

Le monitoring est l’ensemble des actions visant à mesurer la perfor- mance des agents et à mettre en œuvre les récompenses s’y rapportant. Ce

monitoring réduit les coûts d’agence en concentrant les managers sur les

activités qui sont créatrices de valeur et en les empêchant de s’engager dans des projets contreproductifs pour la firme. De même, les fonds de capital- investissement exercent un monitoring et une surveillance stricts des ma-

nagers par le biais des membres qu’ils désignent au sein des conseils d’ad-

ministration, avec pour objectif principal de créer de la valeur pour les investisseurs.

Dans les opérations de buyout, la dette est aussi utilisée pour discipliner les managers. Les managers sont disciplinés par la dette puisqu’ils ne sont rémunérés que lorsque les rendements du capital dépassent le coût du capi- tal. Le recours massif à l’effet de levier signale au manager que le capital possède un coût élevé et que les firmes managées en LBO doivent gagner un retour sur investissement suffisamment élevé pour pouvoir payer à la fois l’intérêt et le principal de la dette. Les investisseurs en LBO cherchent ainsi à faire reconnaître au manager le vrai coût du capital.

2.3.3. Accompagner le dirigeant dans sa prise de décision

Mais la symbiose entre l’investisseur et le management n’est pas que du niveau du contrôle, de la carotte et du bâton. En réalité, toutes les décisions managériales sont modifiées par cette relation spécifique, qui donne une perspective nouvelle à l’articulation shares holders et stakes holders(15). L’intérêt d’une forte implication du capital-investisseur réside dans l’ac- compagnement du dirigeant dans sa prise de décision. C’est peut-être là que se situe une alchimie très particulière et très efficace. C’est ainsi que Fama et Jensen (1983 et 1985) distinguent quatre étapes dans le processus de décisions dans des entreprises de capital-investissement qui associe ac- tionnaire et management :

• l’initiative, qui se décompose en deux sous étapes : l’élaboration des projets et la définition de l’ensemble des choix réalisables. Durant cette étape, le capital-investisseur apporte son expertise en matière de :

– réseaux de contacts tant sur le plan technique, financier, commercial… ;

(15) Voir Tirole (2006) pour une discussion du concept et des avantages du concept de « stakeholder society ».

– connaissance du secteur ;

– expérience dans la pratique du métier d’investisseur ;

• la ratification du projet d’investissement : dans cette étape, l’investis- seur va chercher à connaître l’adéquation du projet avec les perspectives futures préalablement définies. Elle est fonction des orientations contenues dans le business plan ;

• la mise en œuvre : elle consiste à exécuter les différentes décisions ratifiées. Le capital-investisseur peut contrôler l’utilisation des ressources qui est faite par l’entreprise. Le niveau de risque et la nature du projet à financer peuvent amener l’investisseur à réaliser son apport par étapes ;

• la surveillance : cette étape implique la mesure des performances. Elle permet de vérifier si les résultats obtenus répondent aux objectifs fixés. C’est à cette étape que d’éventuelles sanctions peuvent être prises.

L’expérience des dirigeants est un facteur explicatif de l’impact du capi- tal-investisseur dans les décisions managériales : moins le dirigeant a d’ex- périence et plus il est réceptif aux conseils de l’investisseur.

On mesure en décrivant cette ingénierie organisationnelle sophistiquée que le travail réalisé par le fonds pour le compte de ses investisseurs est coûteux, car faisant appel à des compétences rares en matière de manage-

ment, conseil… qui créent des rendements décroissants. Le coût de

l’intermédiation réalisée par le fonds d’investissement pour le compte des investisseurs est donc substantiel. Nous verrons dans le prochain chapitre comment la rémunération du fonds grève le rendement net servi aux inves- tisseurs.

Dans le document Private equity et capitalisme français (Page 39-41)