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II L’ ECOSYSTEME FORESTIER JURASSIEN

II.4 LE RÔLE DU CLIMAT

II.4.2 Les constantes climatiques

A l’heure actuelle, le Jura est globalement sous l’influence d’un climat océanique dégradé à fort caractère continental96, mais il présente d’importantes différences entre le bas-pays et la montagne. (Fig. 15)

D’autres facteurs que la latitude interviennent en effet comme l’altitude, l’orientation, l’exposition qui expliquent de nombreuses nuances et l’existence de micro-climats.

95

R. MOREAU, ibidem, p.236.

96

J. KESSLER, A. CHAMBRAUD, 1986, La météo de la France. Tous les climats, localité par localité, Lattès, 1986.

Le climat de la haute vallée du Doubs se caractérise par une abondance de précipitations qui résultent de l’apport des perturbations océaniques, en moyenne un jour sur deux, réparties assez régulièrement tout au long de l’année.

Les précipitations augmentent avec l’altitude environ 170 millimètres pour 100 mètres d’élévation. A Pontarlier le total annuel est d’environ 1400 mm, 1700 mm à Mouthe et peut atteindre 2000 mm sur la haute chaîne97 (Les Rousses) ou dans des dépressions transversales comme Morez ou le col de Jougne. Il pleut en moyenne 134 jours par an à Mouthe,98 c'est-à-dire plus d’un jour sur trois, et, pendant les six mois où le sol est dépourvu de neige (de mai à octobre), près d’un jour sur deux. Mais il peut pleuvoir plus encore dans d’autres stations (165 jours par an à la Brévine- Suisse)99.

La répartition saisonnière a une incidence sur les phénomènes naturels ; si la pluviosité est abondante chaque mois de l’année (supérieure à 100 mm en moyenne), elle est généralement moindre en octobre et prononcée en août et novembre ; les déficits qui peuvent survenir un mois sont compensés le mois suivant si bien que la grande sécheresse est rare : le Jura est un pays vert ! Les précipitations journalières sont rarement diluviennes comme dans d’autres massifs montagneux.

L’hiver, les précipitations prennent en montagne un caractère neigeux ; les chutes de neige peuvent se produire dès septembre et se prolonger jusqu’en juin mais elles se concentrent généralement de novembre à avril, sans exclure des chutes de pluie possibles en hiver aussi. Le paysage devient blanc ; la forêt est noire sous le ciel gris. La couche de neige atteint 3m en moyenne à Mouthe, 6,80 m aux Rousses pendant l’hiver 52-53. La fonte est rapide ; actuellement l’enneigement annuel subit des fluctuations remarquables : certaines années peuvent être totalement dépourvues de neige. La couverture neigeuse protège la végétation.

L’humidité atmosphérique, modérée surtout en été définit le bioclimat ; la teneur en vapeur d’eau diminue avec l’altitude.

97

D. MATHIEU, « Le climat du Haut- Doubs », in C.U.E.R., Université de Besançon, 1981.

98

H. CORDIER, « Contribution à la climatologie de Mouthe (Doubs) », in LIXe Bulletin météorologique de

l’Observatoire national de Besançon, 1943, Besançon, 1944.

99

H. SPINNER, « Le climat de la vallée de la Brévine et du vallon des Verrières », in Bulletin de la Société

Neuchâteloise de Sciences Naturelles, 1926, p. 20-52 ; B HOFMÄNNER, Le climat de la Chaux-de-Fonds d’après les observations météorologiques de 1900-1929, La Chaux-de-Fonds, 1932.

Le régime thermique est celui des régions tempérées d’Europe occidentale mais la position altitudinale augmente la fraîcheur des températures : le gradient thermique est, pour 100m d’élévation, de 0,54°C en juillet, et de 0,45°C en janvier. Globalement, les températures s’abaissent d’environ 0,5°C par 100 m pour atteindre dans la Haute Chaîne une moyenne inférieure à 6°C. L’été est court et frais. Mais si la moyenne estivale est peu élevée, de fortes chaleurs ne sont pas rares : plus de 25°C parfois 30°C, mais elles sont de courte durée (quelques jours) ; leur effet est atténué par la fraîcheur nocturne (14°C-15°C et températures parfois très basses).

Fig. 15 Le Jura froid et humide d’après J.C. Wieber, réalisation J. Maillardet

A Mouthe (935 m), pendant quatre mois (juin à septembre) la température moyenne est supérieure à 10°C mais la moyenne de juillet est de 14,5°C. Il n’y a pas de mois où il ne puisse neiger ou geler ; les gelées nocturnes sont statistiquement fréquentes même en plein été (-2,5° en juillet 1971 et même -3 °C la même année).

Le Haut-Doubs se caractérise aussi par de grands froids hivernaux (-30°), qui atteignent souvent des records chaque année plutôt en décembre, janvier ; entre 1951 et 1980,

les mois de novembre, décembre, janvier, février ont connu des températures inférieures à -30°C (A Mouthe : - 37°C le 13 janvier 1968 et même -43°C en 1956). Le froid ne nuit pas à une végétation adaptée si ce n’est dans les dépressions fermées (« trous à gelées ») où il entrave la croissance des arbres. Mais là encore le contraste est possible avec des températures hivernales très clémentes (maxima journaliers de 10° -12°C), plus élevées qu’à moindre altitude quand l’ensoleillement est intense. (Fig. 16)

Le printemps est souvent atrophié : si un réchauffement sensible est constaté à Mouthe en avril (6,1°C en moyenne), il arrive fréquemment que chutes de neige et gelées retardent la végétation jusqu’à la fin mai. On passe assez brutalement de l’hiver à l’été.

Toutefois, si la région est globalement froide et humide, il faut noter des nuances liées à l’altitude, en différents points de la haute vallée du Doubs : si, à Mouthe, la température moyenne annuelle est de 5,6° C et la hauteur totale de pluie 1810 mm, à Remoray/lac de Saint-Point, la température moyenne annuelle est 6,6° C et la hauteur totale de pluie 1490 mm, enfin, à Morteau/Villers-le-Lac, la température moyenne annuelle est de 7,0° C et la hauteur totale de pluie de 1500 mm. Ces différences qui ont toujours existé ont pu influer au cours des âges sur la végétation et la présence humaine.

L’insolation est limitée : la durée annuelle de l’ensoleillement est de 1600 heures à Pontarlier contre 1900 heures à Besançon.

D’autres facteurs climatiques influent sur l’environnement végétal comme le vent.

Les vents, constants mais modérés en moyenne, sont plus violents sur les reliefs ; ils soufflent généralement de l’Ouest, du Sud-Ouest et du Nord. Les trois ondulations successives (Haute-Joux 1200m, Noirmont 1400m et Mont Tendre 1600m) sont frappées de plein front par les vents d’ouest porteurs de précipitations mais, au nord de Pontarlier, les chaînons prenant insensiblement une direction nord-est, l’impact est moins frontal et le vent s’engouffre davantage dans les vallées obliques (Val de Travers).

Fig. 16 Températures et précipitations annuelles de quelques stations du massif jurassien d’après E.Gauthier , Evolution de l’impact de l’homme sur la végétation du massif jurassien au cours des quatre

derniers millénaires, 2001.

Les microclimats jouent un rôle important100 :

- le couvert forestier est un régulateur thermique. L’amplitude est moindre dans la forêt : elle abaisse les maxima mais le froid y est atténué l’hiver, les gelées estivales y sont rares. Il semble que ces conditions particulières exercent une influence sensible sur la santé et le renouvellement de la forêt.

100

- la topographie joue un rôle déterminant en agissant sur la température, la pluviosité, les mouvements de l’eau et des particules du sol. Non seulement le gradient altitudinal de température détermine des étages de végétation mais le relief qui commande l’exposition joue un rôle capital : le versant nord (ubac), moins ensoleillé est plus humide et plus froid ; le versant sud (adret), chauffé par le soleil porte une flore termophile (des broussailles épineuses peuvent faire pendant à une sapinière). L’exposition aux vents, en particulier à la bise, peut causer un retard (parfois d’une dizaine de jours) dans la maturation des foins et moissons.

Les dépressions fermées connaissent les températures les plus basses (La Brévine, le Lac de Joux) ; les larges plateaux un peu encaissés ou les longues vallées resserrées où l’air est emprisonné se refroidissent fortement (Mouthe, Les Granges Sainte-Marie, la Chaux-de-Fonds) ; les versants, même s’ils sont exposés au nord sont favorisés si la pente n’est pas trop abrupte: la forêt y pousse sans difficulté ; les zones exposées au nord sont livrées aux morsures de la bise mais les zones exposées à l’ouest ou au sud-ouest, livrées au « vent » sont battues par la pluie, la neige, la tempête...

- les tourbières ou zones humides affichent des records de froid en hiver (tourbière de la source du Doubs à Mouthe, tourbière du Crossat au bord du lac de Remoray).

Traits généraux ou nuances spécifiques des micro-climats, tout concourt à donner de cette région centrale du Jura une impression de rudesse climatique rebutante pour l’homme et ses cultures ; pourtant, le froid et l’humidité qui la caractérisent profitent indéniablement à la forêt, en particulier la forêt de résineux.

Ainsi posées toutes les données stables ou fluctuantes concernant l’écosystème forestier, il est nécessaire, pour situer plus commodément les choses et comprendre ce qu’a pu être la forêt médiévale, de se référer d’abord à ce que les botanistes et forestiers contemporains peuvent nous apprendre de la composition actuelle de la forêt jurassienne d’altitude.