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Dominé par la haute chaîne qui sépare comme une épine dorsale sa vallée du plateau suisse, le Doubs prend sa source à Mouthe (25), au pied du Risoux, dans le flanc de l’anticlinal du Mont d’Or, sur le contrefort occidental du Noirmont à 944,7 m d’altitude, à la limite du Jurassique et du Crétacé. C’est une exsurgence alimentée par un réseau souterrain voisin57.

Photo 13: La source du Doubs à Mouthe (Doubs) Photo B. Renaud

Le bassin versant (Fig. 9) qu’il partage avec d’autres sources ou cours d’eau, d’une superficie d’environ 140 km2, correspond, à l’est, au massif du Mont d’Or, le long de

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P. CHAUVE « La haute vallée du Doubs : un passé géologique complexe et une structure hydrologique remarquable », C.U.E.R, Université de Besançon, 1981, p.5-11.

M. BOURGEOIS et al. « Le Doubs, rivière jurassienne, première partie de Mouthe à Mathay », dossier du

l’accident de Pontarlier et à l’ouest, à une ligne transversale passant par Châtelblanc (Doubs)58.

Fig. 9 Le bassin-versant du Doubs en Franche-Comté, d’après Daniel Mathieu, le Doubs rivière comtoise, CNRS (UPRESA 60 49)

Le Doubs traverse ensuite les hauts plateaux à une altitude supérieure à 800 mètres sur une surface haute encore peu affectée par l’érosion profonde, contrairement à ce que sera la suite de son parcours en gorges et vallées encaissées.

Ainsi, après quelques méandres dans le secteur de Mouthe (Doubs), le cours supérieur du Doubs, dans sa forme historique - car son tracé a subi des transformations au cours des

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M. BOURGEOIS et al. « Le Doubs, rivière jurassienne, première partie de Mouthe à Mathay », dossier du

ères géologiques- suit la direction générale sud-ouest/nord-est des plis synclinaux, mais à la faveur d’une rupture d’un des plis (décrochement), il emprunte à deux reprises les dépressions transversales ou cluses : dans les gorges du Fourperet et au pied du château de Joux, le long de l’accident de Pontarlier. En passant ainsi d’un val à l’autre, le Doubs change brutalement de direction et acquiert son tracé caractéristique « en baïonnette.» (Fig. 10)

Dans cette première portion de son parcours, le Doubs reçoit sur sa rive droite le Bief Rouge au niveau de Rochejean, puis la Taverne, émissaire du lac de Remoray, avant de déboucher dans le synclinal de Malbuisson ou val de Saint-Point.

Photo 14: Le Doubs dans les gorges du Fourperet entre Rochejean et Labergement-Ste-Marie (Doubs)

Photo 15: Le Doubs à l’entrée du lac de Saint-Point. Photos B. Renaud

Après avoir traversé le lac de Saint-Point, le plus vaste des lacs naturels du Jura français, lac d’origine à la fois tectonique (situé au fond d’un synclinal) et glaciaire, le Doubs paresse en quelques méandres avant de franchir le plissement du Larmont, puis par un décrochement, traverse Pontarlieren suivant la ligne de faille jusqu’à Doubs (Doubs) où il reçoit sur sa rive

droite, le Bief des Lavaux et sur sa rive gauche, le Drugeon. Ainsi, dans cette première étape, le parcours est-il particulièrement sinueux (Fig. 11).

Fig. 11 Carte géologique simplifiée de la région de la Cluse et Mijoux

Au niveau d’Arçon-Maisons du Bois, le Doubs perd une partie importante de ses eaux dans les fissures des calcaires portlandiens, pertes qui alimentent la résurgence de la Loue ; il emprunte de nouveau une vallée synclinale ou Val du Sauget jusqu’à Ville-du-Pont et retrouve ainsi une direction sud-ouest/nord-est parallèle au pli. S’enfonçant dans le plateau calcaire (Portlandien et Kimméridjien), le cours d’eau traverse les gorges d’Entre-Roches et de Remonot (défilé du Coin de la Roche), tandis que sa vallée s’encaisse assez vigoureusement.

Parvenu dans le synclinal de Morteau, à 752 mètres d’altitude, il divague nonchalamment en formant quelques méandres, le temps de recevoir le ruisseau des Gras. Puis il reprend son cours, sur le même replat, un cours fortement encaissé à partir de Villers-le-Lac. Après la traversée des bassins, une retenue naturelle étroite qui serpente entre des falaises abruptes pendant 3,5 kilomètres - lac de Chaillexon ou des Brenets- le Doubs,

. Les zones hachurées correspondent aux monts, zones en relief et allongées séparant les vals (en pointillés).

Le Doubs en amont du fort de Joux et le ruisseau des Verrières sont orientées comme les structures et coulent dans les vals. Par contre l’extrémité septentrionale du ruisseau des Verrières passe entre le fort du Larmont et le château de Joux en traversant un flanc de pli en direction méridienne. Il en est de même pour le tracé NS du Doubs. (D’après P. CHAUVE, CUER 1981, « Un passé géologique complexe et une structure hydrologique remarquable. »)

franchissant un barrage naturel, fait une chute spectaculaire de vingt sept mètres : le Saut du Doubs.

Photo 16: Les bassins du Doubs pris par la glace (Villers-le-Lac, Doubs) Photo Isabelle Bévalot

La dénivellation d’environ 200 m entre la source et le lac de Chaillexon, pour nous en tenir à la zone d’étude que nous avons définie, s’accompagne de différences climatiques sensibles qui ont joué un rôle dans la dynamique végétale et ont sans doute influé sur les implantations humaines.

Le Doubs actuel s’élargit alors, sous l’effet de la retenue que crée le barrage du Châtelot, pour former le lac de Moron. En aval, il se précipite dans un long et profond cãnon, creusé dans le faisceau helvétique (Echelles de la Mort, corniche de Goumois) avant de changer radicalement de direction (ouest-est) en entrant en territoire helvétique, à la faveur d’une capture (Coude de Saint-Ursanne). Après une boucle de 180 degrés qui enserre le « Clos du Doubs », il reprend la direction de l’ouest pour rentrer en France à Courclavon, à 410 mètres d’altitude, traverse Saint-Hippolyte, grossi sur sa rive gauche des eaux du Dessoubre et de la Barbèche, et se dirige vers le nord en direction de Montbéliard.

Sa sortie de la montagne jurassienne, en aval du confluent du Dessoubre, marque le début de ce qu’on appelle « le Doubs moyen » ; le cours d’eau a perdu progressivement son caractère montagnard.

Si le nom de « Doubs »59 vient, comme le prétendent certains étymologistes, du latin « dubius », « qui doute, indécis, hésitant », par son parcours tourmenté et perturbé, rarement rivière n’a mieux mérité son nom ! Mais alors que le Doubs paraît bien hésiter sur la direction à emprunter, le décor végétal permanent qui l’accompagne dans son parcours montagnard, à plus ou moins grande distance des rives, est, indubitablement, la forêt.

La forêt est aujourd’hui le trait fondamental du paysage de la haute vallée du Doubs ; forêt de résineux uniformément dense et sombre sur les pentes de la haute chaîne ou des chaînons secondaires, plus clairsemée et mêlée de feuillus sur les plateaux, elle borde les axes de circulation, s’étire jusqu’aux villages, encercle les lacs.

Mais qu’en était-il au Moyen Âge ? Si la toponymie nous renseigne sur l’importance de la forêt à cette époque-là, seul l’examen des composantes de l’écosystème forestier peut nous permettre de comprendre en quoi la région de la haute vallée du Doubs est naturellement propice à la forêt, forêt dont nous tenterons ensuite de déterminer la nature et l’ampleur.

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Dans les Commentarii de Bello Gallico (Livre I, XXXVIII), le cours d’eau est appelé « Dubis » : « …idque

natura loci sic muniebatur, ut magnam ad ducendum bellum daret facultatem ; propterea quod flumen Dubis, ut circino circumductum, paene totum oppidum cingit… » Jules César, parlant de la place-forte de Besançon dit

« que sa position naturelle offrait de grands avantages pour soutenir la guerre : la rivière du Doubs l’environne presque tout entière, et décrit un cercle alentour » (Traduction M. Artaud)

CHAPITRE II

AU PAYS DES JOUX : DES FACTEURS