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Encadré 2.01. : Quelques notions de la théorie des graphes

2.4. Les entraves à l’accessibilité

2.4.3. Les conditions politiques

On entend par cette catégorie de conditions, l’ensemble des politiques extérieures et intérieures susceptibles d’affecter l’accessibilité d’une manière directe ou indirecte.

Dans sa politique extérieure, un État peut s’isoler par rapport aux autres pays malgré l’absence de contraintes matérielles. Même si l’enclavement dans ce cas est politique, l’accessibilité n’en demeure pas moins touchée. À l’échelle locale la politique d’aménagement, la règlementation, etc. peuvent aussi être déterminants dans le processus d’ouverture. Bien que ces distances ne soient pas matérielles, elles peuvent dans bien des cas se transformer en un obstacle physique. Certes, cette fermeture est physique et l’obstacle est matériel, mais la cause directe est l’obstacle politique.

81 Ainsi, sur le plan organisationnel l’accessibilité spatiale est influencée aussi, et surtout, par les politiques d’aménagement du territoire et par les politiques d’organisation et d’exploitation des infrastructures et des équipements collectifs, dont celles des transports publics. Pierre Merlin (1991) confirme que « (…) les transports ont toujours été, dans tous les pays, un des domaines où l’interventionnisme étatique à été le plus systémique, le plus universel, le plus permanent ». Par les lois sur les transports, le budget alloué à l’aménagement du territoire, les décisions de renforcer tel ou tel axe, etc., l’État décide de l’ouverture ou de la fermeture d’un espace quelconque, car « le désenclavement est un processus essentiellement politique d’ouverture des territoires commandés par une certaine conception de la liberté et par les logiques économiques qui lui sont liées » (B. Steck, 2000).

82 Conclusion

Dans ce chapitre, nous avons essayé d’adapter les concepts de centralité et de mobilité au contexte kabyle. Ainsi, cette adaptation va nous permettre d’analyser notre espace d’étude sur trois échelles emboitées : les déplacements au sein du village, les déplacements dans la commune (inter-villages) et ceux à l’intérieur de la wilaya (intercommunaux). Ces déplacements ont des finalités différentes qui correspondent à l’ensemble des besoins des habitants de la Grande Kabylie. Pour analyser ces mobilités, nous nous sommes donc intéressés au système de transport, et à son rôle dans la mise en relation des différentes échelles.

Le système de transport est un élément fondamental dans le processus d’ouverture territoriale. Au-delà des éléments matériels (infrastructures, parc roulant…) il est également composé d’éléments immatériels (organisationnels), qui nécessitent d’être pris en compte dans les mesures d’accessibilités. Cela soulève la question de la nécessité d’équilibrer entre mesures quantitatives (différents indices d’accessibilité) et qualitative (observation des réseaux, de l’organisation des transports, de certaine pratiques sociales (transport informel…).

La mesure de l’accessibilité n’est alors pas une finalité, mais une première étape pour l’ouverture. L’analyse des différents éléments du système de transport permet de révéler les obstacles à l’ouverture des villages kabyles. En effet, la localisation de ces derniers dans des espaces difficiles d’accès, notamment les montagnes, exigent un système de mise en relation performant. Mais, avant d’analyser ce dernier, il nous paraît important d’expliquer les logiques et les conséquences de la spatialisation de ces espaces particuliers.

Dans les deux chapitres suivants, nous allons donc nous intéresser aux distances cognitives (historiques, culturelles, sociopolitiques…) qui caractérisent notre terrain d’étude. Une entrée par ces distances nous permettrait non seulement d’appréhender la complexité de la fermeture de l’espace kabyle, mais de voir également comment les distances cognitives génèrent des enclavements spatiaux.

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« La géographie n’est plus le théâtre des opérations sur lequel l’histoire inscrirait ses événements. L’histoire n’est plus l’explication ultime d’une identité locale, entendue comme la reconstitution de l’itinéraire temporel irréversible qui conduisit nécessairement à l’objet géographique observé aujourd’hui, dans son irréductible unicité. Les deux disciplines s’éclairent réciproquement en s’intéressant à la morphogenèse des structures socio-spatiales, aux processus qui font advenir et devenir l’espace géographique. »

Denise Pumain (1998)

vant d’étudier les distances physiques, nous allons d’abord revenir sur l’appréhension des distances cognitives et des formes de replis qui sont à l’origine de quelques spécificités spatiales de la Kabylie, car « le rapport des kabyles avec leur milieu, tel qu’on peut l’observer aujourd’hui, ne peut être réduit à une action déterminante des données naturelles qui auraient imposé aux kabyles tel ou tel type d’activité (…)» (S. Sebhi, 1987).

En Grande Kabylie, 90% de la population vit en milieu rural, constat non exceptionnel pour cette région montagneuse. Mais ce qui suscite l’intérêt d’une approche détaillée est le fait que seulement 5% des habitants de cette région travaillent dans l’agriculture. Bien qu’elle ait un important potentiel agricole, la wilaya de Tizi-Ouzou enregistre l’un des plus hauts taux de chômage en Algérie (25.6 %) : plutôt que de travailler leur terre, les Kabyles préfèrent travailler dans le commerce, l’administration ou l’industrie. Cette situation engendre une dépendance des petits villages aux villes, qui sollicite constamment le système de transport.

Dans ce chapitre, nous allons essayer de comprendre les causes de cette situation en revenant sur l’origine de l’exode agricole. Serait-ce le fait que 80% de la wilaya de Tizi- Ouzou soit en zone montagneuse ? Ou serait-ce une cause encore plus profonde, relevant d’un problème de déterritorialisation provoquée par l’émigration et l’ouverture sur le monde occidental ?

84 3.1. Le paradoxe de la société kabyle : une région rurale dont l’économie repose peu

sur l’agriculture

Avant la colonisation française, l’économie de la Kabylie était relativement équilibrée. Elle pouvait être qualifiée de traditionnelle70, c’est à dire basée principalement sur le travail de la terre, l’élevage et l’artisanat. La colonisation de la région (à partir de 1857) puis la répression de la révolte des Kabyles71 de 1871 vont profondément marquer ce modèle ancien (Doumane S., 2005). L’équilibre était compromis par la destruction de l’économie traditionnelle et le démantèlement des institutions sociopolitiques. La politique économique de l’Algérie indépendante avait rompu avec la spécificité géographique et socioculturelle de la région en optant pour les grands projets industriels.

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