• Aucun résultat trouvé

Genèse du mouvement kabyle le faux départ 1 La crise berbériste de

Carte 4.01 : Organisation tribale et confédérale de la Grande Kabylie au début du XIX e siècle

4.1.2. Genèse du mouvement kabyle le faux départ 1 La crise berbériste de

La première fois que la « question berbère » à vu jour c’était en 1949, avec « la crise berbériste » qu’a connu le MTLD105 de Messali Hadj. L’origine de cette crise, déclenchée à Paris en 1949, est l’initiative d’un militant nommé Rachid Ali Yahia. Cet étudiant en droit avait fait voter, au comité fédéral du MTLD, une motion qui mettait en cause le principe de l’Algérie arabo-islamique et qui défendait le principe de l’Algérie algérienne (S. Chaker, 1994). Approuvée par 28 voix sur 32, cette motion engendra un conflit irréversible dans les relations entre les berbères et les non-berbères. Le vote s’étant déroulé à huis clos et sans le consentement de tous les militants, « cet acte va être considéré comme un véritable désastre par les militants berbères plus modérés et engagés dans l’action nationaliste en Algérie.» (K. Slimani-Direche, 1997. p 63).

Cette crise n’avait pas dépassé la sphère intellectuelle du mouvement (S. Chaker, 1994 ; H. Ait Ahmed, 1989 ; M. Ait Kaki, 2002), car au-delà des antagonismes politiques, les Algériens, notamment les kabyles, luttaient seulement pour l’indépendance. Cependant, les répercussions de cette crise politique apparaitront dans l’Algérie indépendante, où à chaque revendication politique, culturelle et même sociale, les Kabyles seront soupçonnés de séparatisme et d’antinationalisme.

118 Dans ses mémoires, Hocine Ait Ahmed106 (1983) commente les conséquences de la « crise berbériste » en déplorant le fait que « la Kabylie traînera, il faut dire les choses comme elles sont, la casserole du berbérisme avec toutes les connotations irrationnelles négatives et ironiques attachées à la fonction d’épouvantail. Il y a comme ça des grains de sable, des personnages insignifiants qui entraînent dans la vie politique des conséquences démesurées. » (p.177).

Dans le climat général de lutte politique et militaire quelques années plus tard, la crise de 1949 n’a pas eu un grand impact immédiat. Cependant, ses conséquences ont commencé à se faire sentir dès l’indépendance de l’Algérie.

4.1.2.2. Insurrection de 1963, ultime preuve du séparatisme kabyle ?

Pendant l’été 1963, l’Algérie a connu de fortes manifestations. Aggravée par une guerre longue et ruineuse, la situation économique héritée de la colonisation exigeait la mobilisation de toutes les énergies et de toutes les compétences nationales. Au lieu de cela, le gouvernement en place mène une politique de plus en plus autoritaire et répressive. L’Assemblée constituante algérienne, qui avait la mission de donner une constitution au pays, s’est vue retirer cette tâche. C’est en effet le FLN qui a élaboré une constitution avant de la présenter à l’Assemblée et de la faire adopter par référendum le 8 septembre 1963 (Ait Ahmed, 1983).

Plusieurs partis politiques (dont des non kabyles) à l’époque, étaient contre cette constitution qui limitait considérablement les libertés et la démocratie :

• le parti de la révolution socialiste (PRS) créé par Mohamed Boudiaf ;

• l’union pour la défense de la révolution socialiste (UDRS) dirigé par Krim Belkacem ;

• le front des forces socialistes (FFS) de Hocine Ait Ahmed.

Pour manifester son mécontentement, le front des forces socialistes (FFS) avait organisé une marche dans toute la Kabylie qui finit en meeting dans la ville de Tizi-Ouzou. Bien que ce genre de manifestation fût interdit par la constitution, le mouvement était massivement suivi

119 par la population. Même l’armée, s’était impliquée. Le commandant de la région militaire VII107 (la Kabylie), était le colonel Mohand Oulhadj, l’une des figures emblématiques de la

révolution. Après s’être mis d’accord avec son compagnon de lutte Hocine Ait Ahmed, il a accepté d’impliquer son armée dans le conflit. Ce dernier expliquera plus tard, dans ses mémoires (1989), que cette implication avait pour but de cadrer la Kabylie, afin de permettre la réussite de la manifestation « sans verser la moindre goutte de sang ».

Le pouvoir central de l’époque, sous la présidence d’Ahmed Ben Bella, voyait en cet acte une manœuvre politique et militaire à objectif séparatiste. Pour affirmer la souveraineté de l’État, la Kabylie fut assiégée par l’armée nationale, qui avait réussi à reprendre le contrôle de la situation. Cependant, la crise a fait des centaines de morts (S. Chaker et S. Doumane ; 2006). Ait Ahmed fut arrêté et condamné à mort, avant de s’évader et de s’enfuir vers la Suisse en 1966.

Concernant les raisons de cette insurrection, Ait Ahmed et le colonel Oulhadj, principaux protagonistes de l’insurrection, déclaraient dans une interview accordée à la télévision française en 1963108, qu’ils luttaient seulement et exclusivement pour la démocratie et les droits du peuple et qu’en aucun cas ils ne souhaitaient une guerre civile séparatiste. Le Colonel Oulhadj déclarait qu’il avait pris les armes « (…) Pour défendre la dignité et l’honneur des moudjahidines, des militants, qui sont actuellement (en octobre 1963) dans l’angoisse et dans l’incertitude. Des moudjahidines, des militants, après avoir lutté pendant huit ans se trouvent actuellement sans logement, sans pension, sans travail et beaucoup d’eux se trouvent dans des prisons. (…) Je ne veux pas faire couler de sang entre Algériens, je l’ai évité déjà, je continuerai à l’éviter… ». Hocine Ait Ahmed quant à lui, affirmait, dans la même interview : « (…) aujourd’hui que nous avons atteint un seuil à partir duquel ou c’est la fascisation, c’est à dire la mort, la misère morale pour notre peuple, la misère sociale qui doit nécessairement suivre cette misère morale, ou bien la résurrection de notre révolution… ».

Dans leurs déclarations, les deux chefs de la mutinerie, ne laissaient supposer aucun régionalisme. Les revendications selon eux étaient nationalistes, démocratiques et sociales. Cependant, une question demeure posée : ce soulèvement de 1963 ne traduirait-il pas « les ambitions politiques d’un jeune mouvement (le berbérisme) en quête de légitimité » ?

107 Pendant la guerre, la Kabylie portait le nom de 3ème région. C’est après l’indépendance et la restructuration

de l’Armée qu’elle est devenue 7ème région.

120 (M. Ait Kaki, 2004). Les déclarations à la télévision française n’auraient-elles pas l’objectif de mobiliser l’opinion française, l’État français ou les Algériens qui vivaient en France ? Salem Chaker et Saïd Doumane (2006), voient qu’en tout état de cause et en « dépit de la relative discrétion et de l’ambigüité du FFS et d’Ait Ahmed lui-même sur la question berbère, la révolte armée de 1963 n’a probablement était possible que parce qu’elle s’appuyait sur une région qui se percevait comme une minorité agressée et (politiquement) dépossédée d’une victoire (l’indépendance) dont elle s’estimait l’acteur principal. ».

Dès l’automne 1963, la Kabylie était dans une relation de tension ouverte quasi-permanente avec le gouvernement algérien. Manifestations, grèves, grèves scolaires, affrontements, émeutes et arrestations rythment les relations entre la région et les autorités. Ces mouvements récurrents qui, de toute l’Algérie, ne caractérisent que la Kabylie constituent-ils un signe d’enclavement culturel et politique ? Avant de répondre à cette interrogation capitale, il est essentiel d’analyser le mouvement revendicatif kabyle depuis les incidents de 1963. En effet, tenter de répondre à cette question c’est prendre position par rapport à l’auto enclavement de la Kabylie ou à la politique du gouvernement algérien à isoler cette région. Nous estimons important d’exposer les principaux événements qui ont marqué la région de la Kabylie, depuis l’indépendance jusqu’aux événements du printemps noir.

4.1.3. Conséquence des événements de 1963, protectionnisme étatique ou

Documents relatifs