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Les classifications des sources du droit.

Dans le document Recherche sur la souveraineté du Vatican. (Page 114-130)

« Par sources du droit on désigne à la fois, les sources substantielles et les sources

formelles du droit »287. La classification des sources implique la distinction des normes du

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droit canonique de valeurs théologique, œcuménique et juridique. Ainsi la classification des sources permet de déterminer la nature positive du droit canonique. Il conviendra alors de présenter la classification classique des sources du droit (paragraphe 1), puis celle des sources propres du droit canonique (paragraphe 2).

Paragraphe 1. La classification traditionnelle.

Il est important de distinguer la norme de sa source. Les sources du droit au Vatican ont une grande importance. Ces sources préservent l’indépendance et la liberté du souverain en rapport avec tout autre système externe. La loi sur les sources du droit énoncée par le motu

proprio du pape Benoît XVI en 2008, se réfère explicitement au droit canonique, au droit

international et au droit italien.

Le terme « sources du droit » désigne alors la loi, la jurisprudence, la coutume et la doctrine. La théorie des sources renvoie aux droits antécédents, certains textes, des lois, la coutume, des traditions et des principes moraux. Principalement, les sources du droit sont présentées en deux catégories : les sources formelles (A) et les sources matérielles (B). Les sources formelles sont des modes d’expression et des manifestations du droit ; elles sont le droit lui-même, considéré comme élément inhérent du droit288. Les sources matérielles appelées aussi les sources réelles du droit résultent plus largement du contexte politique, historique, social, économique, moral ou religieux, philosophique ou idéologique.

A. Les sources formelles du droit.

La loi fondamentale de l’État de la cité du Vatican considérée comme « instrument de

gouvernement »289 est son droit positif. Le pape Benoît XVI, par son motu proprio prononce la loi sur les sources du droit vaticanais le 1er octobre 2008 qui abroge la loi de 7 juin 1929, dans l’objectif de «donner une forme systématique et organique aux changements successifs du système juridique de la cité du Vatican. Cette loi garantit donc de la liberté du siège apostolique et [est le] moyen d'assurer l'indépendance réelle et visible du pontife romain dans l'exercice de sa mission dans le monde, notamment par rapport au droit civil italien » selon les termes du préambule de la loi sur les sources du droit au Vatican. Cette loi attribue une

288

JESTAZ Philippe, Les sources du droit, collection Connaissance du droit, (édition Dalloz, 2015), pp. 3-7.

289

SMITH Eivind « Les fonctions symboliques des constitutions », Alexandre THIERCELIN (trad.), dans Traité

international de droit constitutionnel, Michel TROPER et Dominique CHAGNOLLAUD (dir.), 2v. Tome 1 Théorie de la Constitution, (Dalloz, 2012), p.769.

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grande importance au droit canonique comme source de droit au Vatican, duquel dépendront les lois internes au système juridique de l’État de la cité du Vatican. Cette référence forme un lien entre le droit de la cité du Vatican et le droit canonique. Il y a alors deux codes issus du Concile Vatican II : le code de droit canonique des Églises latines promulgué en 1983 et le code de droit canonique des Églises orientales promulgué en 1990.

L’article premier de cette loi dispose que le droit canonique est la première source et le premier critère d’interprétation des lois du Vatican. S’y ajoute aussi la loi fondamentale et les lois de l’État de la cité du Vatican adoptées par le souverain pontife ou la commission pontificale ou toute autre autorité à laquelle il a délégué l'exercice du pouvoir législatif. Cet article crée une union organique et indissoluble entre le Saint-Siège et l’État de la Cité du Vatican. Le droit canonique devient une source réelle, formelle et valide du droit vaticanais qui rentre automatiquement dans le système juridique de la cité du Vatican. En outre, le système juridique du Vatican est conforme aux normes du droit international et aux traités et autres accords auxquels le Saint-Siège est parti (alinéa 4 du premier article).

L’article 3 de la même loi prévoit la réception de la législation italienne dans le domaine du droit civil, à condition qu’elle ne soit pas contraire au droit divin, aux textes sacrés, et à leurs interprétations. Quoiqu’il s’agisse d’un droit étranger, la réception de la loi italienne comme source du droit est une singularité dans le système de la Cité du Vatican. En effet, au moment de la signature du Traité de Latran en 1929, le système juridique de l’Église n’étant pas un système juridique adéquat et complet. L’ancienne loi sur les sources du droit Vatican a fait référence à la législation italienne pour les situations juridiques qui n’étaient pas prévues par le droit du Vatican. La législation italienne était en effet considérée par le législateur comme un système juridique civil complémentaire. Ce recours à la loi italienne est donc temporaire, dans la perspective d'une intervention progressive du législateur du Vatican290. Dans la nouvelle loi de 2008, le pouvoir souverain au Vatican garde donc la réception de la loi italienne comme source complémentaire du droit du Vatican, afin de respecter l’homogénéité des deux systèmes juridiques, d’une part ; et les relations pénales et

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DALLA TORRE Giuseppe, Lezione di diritto vaticano, (editore, G.giappichelli Torino, 2018) p. 80. Langue originale de l’ouvrage italien.

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civiles mentionnées dans le Traité de Latran et les accords entre le Saint-Siège et l’Italie d’autre part, formant ainsi une harmonie entre les deux systèmes juridiques291

.

Parallèlement, le pouvoir souverain du Vatican a commencé à déterminer ses propres lois dans divers domaines du droit civil dans son article 4. Cet article précise le domaine du droit civil réservé au droit canonique ou aux lois dans la Cité du Vatican:

a) La citoyenneté vaticane est régie par une loi spéciale du Vatican;

b) la capacité d'accomplir tout acte juridique, l'achat et la vente pour les magasins entre vive ou à cause de la mort des clercs, membres des instituts de vie religieuse consacrée et des Sociétés de Vie apostolique, qui sont citoyens du Vatican, est régie par le droit canonique;

c) le mariage est régi exclusivement par le droit canon;

d) l'adoption est autorisée par le Souverain Pontife;

e) la prescription et la propriété de l'Église sont régies par le droit canonique.

f) les dons et legs pour cause de décès en faveur des causes pieuses sont régis par le code canonique.

g) les actes de naissance, de mariage et de décès sont établis conformément à la législation du Vatican;

h) les registres de citoyenneté et au bureau d'enregistrement ont eu lieu au gouverneur;

i) les relations de travail sont régies par une loi spéciale du Vatican;

l) les fonctions de notaire sont exercées par les avocats du Saint-Siège nommés par le président du gouvernorat. De la même manière, ils peuvent être désignés, pour l'exercice des fonctions notariales, y compris la rote ou des avocats civils qui ont une relation organique, ou d'un contrat de partenariat, avec le gouvernorat;

m) les fonctions du conservateur des hypothèques, les effets des relevés de notes et les inscriptions hypothécaires sont exercés par la direction des services techniques ; la même direction, également responsable de la tenue et la mise à jour du registre foncier.

291

En matière procédurale pénale et civile, le souverain garde également la référence aux normes du droit italien (Article 5 et 8 de la loi).

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En outre, en matière pénale, la loi donne au juge son indépendance. L’article 9 de la même loi sur les sources du droit dispose qu’« en l'absence de toute disposition de droit pénal

est pourtant commis un fait qui contrevient aux principes de religion à la morale, d'ordre public ou de sécurité des personnes ou des biens, le tribunal peut se référer aux principes généraux de la loi pour imposer des amendes allant jusqu'à trois mille euros ou une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à six mois ».

D’ailleurs, la référence au droit canonique comme source du droit n’est pas restreinte au code du droit canonique, mais est une référence largo sensu, dans la mesure où le droit canonique est le droit de l’Église catholique. Mais, le droit canon est aussi construit sur des sources qui sont la coutume, la tradition et les textes antérieurs, ainsi que le texte biblique. Il s’agit alors des sources indirectes et implicites du droit au Vatican292

. (B).

B. Le droit canonique source substantielle du droit.

La loi sur les sources du droit de 2008 est silencieuse sur les règles d’interprétation. La doctrine de l’Église est alors divisée. D'une part, s’appuyer les règles d’interprétation du droit canonique selon le canon 22 qui dispose que « Les lois civiles auxquelles renvoie le droit

de l’Église doivent être observées en droit canonique avec les mêmes effets, dans la mesure où elles ne sont pas contraires au droit divin et sauf disposition autre du droit canonique . ».

D’autre part, privilégier le droit italien comme règle d’interprétation des lois, pour la simple raison que la norme vaticane est une norme civile et pas canonique293.

Le recours à la théorie des sources de droit permet de chercher dans le droit canonique les règles administratives et civiles de l’institution du Saint-Siège qui régit l’aspect du droit administratif du Vatican. D'ailleurs, les autres sources du droit constituent la substance de celui-ci. Les sources venues du sommet sont la révélation, la loi, et le jugement294. D’abord, la loi et le jugement sont le produit des pouvoirs législatif et judiciaire dans l’État ; ce sont des sources internes au système juridique. Les sources venues de la base renvoient à l’acte juridique entre particuliers négociés qui peut être confondu avec la coutume295. Ensuite, la révélation est définie dans le droit religieux comme la parole de dieu. « Scientifiquement elle

n’a aucun pôle d’émission précis ; les textes ne sont sacrés que dans la mesure où des

292

DALLA TORRE Giuseppe, Lezione di diritto vaticano, op. cit., p. 76.

293

Ibid., pp. 84-85.

294

JESTAZ Philippe, Les sources du droit, op. cit., p. 9.

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croyants de plus en plus nombreux leur attribuent ce caractère »296. Ces sources sont les textes religieux ainsi que des normes morales présentées comme une vérité supérieure qui n’a pas à être démontrée. Par conséquent, la révélation chrétienne peut être confondue avec la coutume, car les croyants attribueront la sacralisation et l’authenticité des textes par « le consensus généralisé » qui divinise le livre “Vox populi, vox Dei”.

Il faut cependant préciser que la révélation, en soi, n’est pas la loi, mais le fondement religieux du droit. De ce fait, le droit garde sa source directement dans les textes sacrés ; c’est ensuite au législateur de l'institution de l'Église d’élaborer la loi religieuse. Contrairement, par exemple à la révélation musulmane qui considère que le rédacteur est législateur, la Loi (avec majuscule) est donc infaillible. C’est ainsi que la conscience humaine active reçoit la parole divine297. La réception et l'interprétation de la parole sont donc des activités parties intégrantes de la révélation. La Raison est alors le produit de ces activités complémentaires, d’où le rôle des organes du savoir, et des théologiens. En découlent plusieurs observations.

D’abord, la loi est un texte obligatoire, impersonnel et général. La loi inclut les textes législatifs, les textes supra-législatifs, les règlements et les décrets. C’est ainsi que, pour les besoins, l’institution interne de l’Église s’est donné le droit canonique considéré comme un droit « d’exception »298. Il s’agit de la loi écrite de l’institution de l’Église, ayant un domaine un peu plus étendu que le droit ecclésial. Dès le IVe siècle, le droit de l’époque était présenté, dans des collections réunissant des sources rares, décisions conciliaires, décrétales pontificales et même droit romain civil. Ces collections ont été chronologiques, respectant l’ordre de promulgation des décisions. Puis, elles ont pris un caractère plus rationnel en devenant systématiques c’est-à-dire en ramassant les diverses lois sous différents titres299.

Ensuite, la force du jugement, comme source venant du sommet, diffère d’un système juridique à l’autre, car c’est « un phénomène qui ne se produit qu’en présence d’une décision

motivée, publiée et commentée »300, c’est-à-dire fondée sur un raisonnement, une démonstration de la conclusion et une justification du jugement. En effet, le jugement dans le système juridique de l'Église a une grande importance. Il se fonde sur un ratio. Le souverain

296

Ibid., p. 19.

297

DUMÉRY Henry, GEFFRÉ Claude, POULAIN Jacques, « THÉOLOGIE », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 14 Avril 2019.

298

JESTAZ Philippe, Les sources du droit, op. cit., p. 28.

299

VALDRINI Patrick, « Canonique (Droit) », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 3 mai 2019.

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est donc à la fois juge et acteur principal de l'interprétation de la parole reçue par des prophètes ; c’est la raison de la supériorité de l’autorité religieuse sur le pouvoir temporel. En effet, le jugement peut reposer sur deux méthodes : la méthode par la déduction ou par l’induction. Le jugement dans le système juridique de l'Église règne par l'argument d'autorité et utilise la méthode par déduction en se référant à la révélation et au droit naturel. C’est ainsi que le souverain est donc juge d'exception.301

Quant à la jurisprudence appelée style et praxis de la Curie, comme source du droit de l’Église et de l’État de la Cité du Vatican, elle a une place importante dans les normes canoniques. À l’exemple du système anglo-saxon, la jurisprudence sert de norme en cas de lacune de la loi, et constitue les principes généraux du droit appliqués avec équité canonique et avant l’opinion commune et constante des docteurs302

. Le code de 1983 utilise à cet égard le terme jurisprudence au lieu de style de la Curie.303 La jurisprudence prévalait sur la praxis, principalement sur celle de la Rote romaine et de la signature apostolique. Le Pape Jean Paul II annonce d’ailleurs dans son discours de la Rote le 23 février 1983 que la jurisprudence totale a acquis dans l’histoire de l’Église une autorité croissante non seulement morale, mais encore juridique. Le style est la façon constante et particulière d’agir dans l’activité judiciaire et administrative des organismes centraux de l’Église. On distingue le style de la pratique et plus particulièrement deux styles : matériel et formel. Le style matériel porte sur les formalités suivies ou la procédure suivie ; le style formel est la pratique sur la décision prise ou l’habitude de juger dans le même sens. Le style peut être de fait, c’est-à-dire qu’aucune obligation ne résulte de la décision ou de droit. Le style peut aussi être de droit renvoi par exemple aux sentences judiciaires et aux actes administratifs, qui sont une vraie source de droit supplétif, tout en ne pouvant pas produire un droit général304 et reste spécifique à des cas exceptionnels.

Enfin, s’ajoute la doctrine comme une source du droit. Elle est à priori extérieure à la révélation. Cependant, la doctrine désigne naturellement le droit savant ou l’ensemble des ouvrages et des auteurs, c'est-à-dire leurs opinions. Elle présente plusieurs ambiguïtés ;

301

Ibid., P.97. 302

LE TOURNEAU Dominique, « Curie romaine (Style et Praxis) », Dictionnaire historique de la papauté, Philippe LEVILLAIN (dir.) (édition, Paris : Fayard, 1994).

303 Can. 19 “si, dans un cas déterminé, il n’y a pas de disposition expresse de la loi universelle ou particulière ni

de coutume, la cause, à moins d’être pénale, doit être tranchée en tenant compte des lois portées pour des cas semblables, des principes généraux du droit appliqués avec équité canonique, de la jurisprudence et de la pratique de la Curie romaine, enfin de l’opinion commune et constante des docteurs”.

304

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notamment son caractère inclassable, puisqu’elle ne vient ni d’un sommet ni de la base mais elle ne procède que d’elle-même et ne repose que sur le savoir.305

La doctrine de l’Église est l’enseignement dans le domaine de la foi. Elle est l’ensemble des affirmations ou explications qui constituent le contenu de cette foi. La doctrine pontificale et la doctrine canonique sont alors des compléments inhérents à la révélation afin de constituer la loi religieuse. En fonction de cette définition, toutes les autres sources appartiennent à la révélation comme source primaire du droit.

Le droit canonique est donc une source du droit vaticanais dans deux sens. Il constitue une source formelle directe du droit vaticanais disposé explicitement dans la loi. Il est aussi une source substantielle dans sa globalité y compris avec les sources du droit canonique. Il s'agit d'un droit savant d’où vient l’importance du savoir, et du ratio comme des mécanismes essentiels de la souveraineté sur laquelle est fondé l’acte souverain. Bien que le droit vaticanais soit élaboré dans les mêmes conditions que le droit canonique, celui-ci a tous jours été un droit préparatoire au droit vaticanais. Les fondements du droit vaticanais ne sont pas en effet les mêmes que ceux du droit canonique. Par conséquent, le dogme et la foi connaissent un processus de révélation et de rédaction sur différentes formes. Puisque la source en elle même vient du sommet par sa nature, l’organe compétent aura la même supériorité que la décision prise de cette autorité. Il y a donc, à la fois, une cohérence et une unité du système juridique de la Cité du Vatican avec l’autorité religieuse, et une cohérence entre les organes législatifs des deux entités. L’organe compétent du pouvoir législatif de l’État est la Commission composée des cardinaux. Ils constituent le pouvoir législatif de l’État de la cité du Vatican selon l’article 3 de la loi fondamentale de du 26 novembre 2000. Ils sont du même grade que la hiérarchie de l’autorité religieuse. La loi est alors un produit rationnel de ses sources et exprime de la « doctrine de l’Église ». Cette compétence découle de l’esprit du Concile Vatican II, fondateur de la nouvelle codification du droit canonique. C’est pour cela qu’en cas de silence du droit vaticanais sur les principes juridiques, et si la source se trouve dans le droit italien, la référence au droit canonique prévaut. Ainsi en est-il du principe de non-rétroactivité, mentionné dans le canon 9 « Les lois concernent l’avenir, non le passé, à

moins qu’elles ne disposent nommément pour le passé », ainsi que prévu par le droit italien

aux articles 2 et 11 du Code civil de 1942. Il en va de même du principe de la norme

305

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favorable à l’inculpé selon le canon 1313 « 1. Si après qu’un délit a été commis la loi est

modifiée, la loi la plus favorable à l’inculpé doit être appliquée. 2. De même si une loi postérieure supprime une loi ou seulement une peine, celle-ci cesse aussitôt» ou encore du

principe de légalité selon l’alinéa 3 du canon 221 « Les fidèles ont le droit de n’être frappés

de peines canoniques que selon la loi. »306. D’ailleurs le code de droit canonique de 1983

n’est pas seulement un code religieux ; il précise des principes de droit civil, administratif, de droit de la famille, et d’autres normes qui régissent la vie en collectivité. La réforme du droit canonique adopte ainsi de plus en plus les principes de droit civil en respectant la cohérence avec le dogme et la théologie catholique. Ce qui fait du code aussi un droit indépendant de tout autre système juridique étranger, avec des sources propres et une nature spécifique.

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