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LA TRANSFORMATION DE LA PERSONNALITÉ JURIDIQUE DU SAINT-SIÈGE.

Dans le document Recherche sur la souveraineté du Vatican. (Page 171-175)

« Quant à savoir si la personnalité inter-souveraine ou internationale est une qualité

de l’Église catholique considérée dans son universalité ou à tout le moins de son organe central et suprême le Saint-Siège, la plus grande confusion règne parmi les auteurs »439. Cette confusion dont parle Marcel Brazzola résulte des relations internationales entre l’Église, par l’intermédiaire de son organe central et les États modernes. L’institution de l’Église, à l’instar de l’État, a connu son propre développement. Le pape et son gouvernement ont des compétences mixtes440, c'est-à-dire des compétences de mission religieuse et des compétences séculières comme l’administration des biens. L’universalisme de l’Église catholique a joué un rôle dans l’émergence de la société internationale ; c’est ainsi que le christianisme a introduit la morale dans le droit international.441 Le pouvoir impérial, ensuite les États modernes, ont reconnu la personne juridique du Saint-Siège dans différents actes juridiques, traités, conventions, concordats ou autres.

Il en résulte deux transformations importantes. La première transformation consiste en la mutation de la personne internationale du Saint-Siège (chapitre 1). Le Saint-Siège a le droit d’établir des relations inter-souveraines, ce qui permet au Saint-Siège d’exercer une souveraineté territoriale sur la Cité du Vatican. Ma deuxième transformation découle du droit de la gestion des biens de l’Église qui devait non seulement s’adapter à la nouvelle situation internationale, mais qui obligeait le Saint-Siège à trouver des techniques d’administration afin d'ajuster sa domination sur le territoire (chapitre 2). C’est ainsi que la souveraineté pontificale est devenue une condition suffisante du caractère étatique de la Cité du Vatican.

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BRAZZOLA Marcel, « La cité du Vatican, est-elle un Etat ? », op. cit., p. 33.

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Ibid., p. 37.

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Voir RENAUT Marie-Hélène, Histoire du droit international public, (édition ellipses 2007), chapitre 1er, partie 1.

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CHAPITRE 1.LA MUTATION DE LA PERSONNALITE INTERNATIONALE DU SAINT-SIEGE.

« ‘L’universalisme’ de l’Église catholique est terminologique et reste interne dans sa

qualification. Et l’indice juridique de celui-ci est le Saint-Siège lorsqu’il est la personnification de l’Église ; elle n’agit qu’en intermédiaire du Saint-Siège ».442 La notion de l’universalisme est une notion propre à l’institution de l’Église. Elle agit dans la société internationale par l’intermédiaire du Saint-Siège. C’est donc le Saint-Siège qui détient une personnalité juridique en droit international. Il devient une institution sui generis, souveraine en fonction de sa domination religieuse à l’intérieur de la société de l’église, et il ne peut exercer sa souveraineté (dans le sens juridique du terme) qu’en fonction de la reconnaissance internationale. C’est ainsi que, d’une part, le pouvoir temporel et l’autorité religieuse sont associés dans la personnalité juridique du Saint-Siège sur le plan international. D’autre part, l’universalisme persiste, étant une caractéristique substantielle de la personne morale de l’Église.

Dès le IIIe siècle sous le pontificat d’Innocent II, le Saint-Siège dispose des représentants. Seuls les États souverains (la France, l’Angleterre, l’Espagne) sont admis à avoir une représentation permanente auprès du pape. Au VIIe siècle, il y avait un lien de parenté avec les États, confirmé par le dictatus papa du pape Grégoire VII en 1075, en se proclamant supérieur à tous les souverains. La diplomatie des princes souverains au XVe siècle n’obéit alors qu’à des motifs dynastiques et des considérations et arrangements matrimoniaux. Les relations entre les souverains n’étaient pas des relations de parité. Il n’est pour autant plus question de féodalité, puisque le territoire devient un élément politique et une condition juridique pour les relations internationales. Le XVIe siècle, quant à lui, est le temps où la chrétienté d’occident perd son unité tandis que triomphe le principe de la souveraineté des États. L’Église ne peut plus exercer son autorité sous la forme directe, qu’avait légitimé au Moyen Âge son imperium mundi.443 Au XVIe siècle se construit donc une société internationale composée d’États souverains, chacun étant animé d’un propre sentiment national. Ces États exercent leur pleine autorité sur un territoire délimité et entretiennent avec

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BRAZZOLA Marcel, « La cité du Vatican, est-elle un Etat ? », op. cit., p. 33.

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leurs voisins des rapports étroits et constants. Enfin, la chrétienté perdant son autorité supra- étatique, il fallut trouver d’autres moyens afin de sauvegarder des relations avec les États.444

Le Pontife devient alors un organe central de la décision politique. Cette supériorité se transforme en un rôle d’arbitrage, le droit des gens au Moyen âge étant construit sur des fondements moraux religieux. C’est ainsi qu’à partir du XIe siècle réapparaissent de véritables relations internationales. La diplomatie devient un moyen pacifique de négociation. L’Église ainsi que les États adoptent en conséquence l’exemple vénitien d’ambassadeur permanent445 Les rapports entre les États et l’Église se changent alors progressivement en rapport d’égalité. Par conséquent, la personnalité internationale du Saint-Siège commence à évoluer. Ce n’est plus le pape souverain qui se présente à la société internationale comme autorité religieuse supérieure aux pouvoirs des États, mais avec son gouvernement, il devient l’organe central de l’Église catholique et son représentant devant la société internationale. L’Église et les États sont désormais dans l’obligation de négocier sur un pied d’égalité. Ceci suppose d’abord la nécessité pratique d’entrer en relation non pas internationale, ni interétatiques, mais inter- souveraines446. La relation de subordination se transforme en une relation inter-souveraine ; l’organisation représentative de l’Église persiste (section 1er).

Puis la disparition de ce rapport de supériorité fait de l’autorité religieuse un pouvoir sans territoire. Alors, un nouveau lien de subordination se reconstruit entre l’autorité religieuse et son propre pouvoir temporel. En d’autres termes, l’acquisition du territoire de la Cité du Vatican renouvelle les compétences du pouvoir temporel. Dans le traité de Latran, l’Italie reconnait ainsi la souveraineté du Saint-Siège y compris une autorité religieuse et un pouvoir temporel. Progressivement le Saint-Siège acquiert une autodétermination dans le choix du souverain, dans l’exercice de cette souveraineté et une autogestion de ses biens. C’est ainsi que la signature du Traité va confirmer la préexistence de la souveraineté temporelle du Pontife au niveau international. Cette souveraineté jouit d’une solide organisation sous la puissance de son chef suprême. Et dans la continuité de la reconnaissance de la personne morale internationale, la reconnaissance de la souveraineté du Saint-Siège réincarne un État pontifical sous des conditions politiques différentes de celles des anciens États pontificaux (section 2e).

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Ibid., pp. 30-50.

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RENAUT Marie-Hélène, Histoire du droit international public, op. cit., p. 33- 55.

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Dans le document Recherche sur la souveraineté du Vatican. (Page 171-175)