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B. Les modes de croissance hybrides

A.1. Les caractéristiques

Cette approche est principalement composée de travaux visant à décrire les étapes de la vie des entreprises. Chaque étape est caractérisée par une modification du rôle du management, de la structure de l’organisation et/ou de la stratégie. Durant de nombreuses années, cette conception de la croissance a constitué le principal outil d’explication du développement des entreprises, du moins au sein des sciences de gestion. Leur simplicité, leur déterminisme et les analogies avec des situations « humaines » on sans doute contribué à leur succès81.

Certains auteurs82 suggèrent que le nombre de stades peut varier de 2 à 11. Une grande partie des auteurs qui se sont intéressés à la métamorphose de l’entreprise propose 5 étapes de développement83. Certains de ces modèles sont le fruit de la recherche d’une analogie avec les phénomènes biologiques84 et décrivent le cycle de vie inéluctable de chaque entreprise. Un modèle qui est souvent interpelé est celui proposé par Greiner. C’est pourquoi nous l’avons choisi pour illustrer ce pan de la recherche sur la croissance. Ce modèle comporte également 5 phases. Le passage d’une phase à l’autre est provoqué par une crise au sein de l’entreprise. Chaque phase est à la fois la conséquence de la phase précédente et la cause de la phase suivante. Toutefois, l’entreprise ne pourra évoluer vers cette phase suivante qu’après avoir modifié son style d’organisation et de direction, dans un souci de perte d’autonomie et du contrôle de l’entreprise.

S’inspirant de la littérature théorique existante, Miller et Friesen85 ont développé un modèle sur la base des stades communs aux modèles de leurs prédécesseurs. Ce modèle a introduit la croissance du CA et le degré d’innovation dans chaque phase.

80 Greiner, L. E., (1972), “Evolutions and revolutions as organizations grow”. Harvard Business Review, 50(4), pp. 37-46.

81 Frank J., (2011), « La croissance de l’entreprise, une obligation pour les PME ». Edition, de boeck, p. 70.

82 Levie, J.D. et al., (2010), “A terminal assessment of stages theory : introducing a dynamic states approach to entrepreneurship”. Entrepreneurship Theory and Practice, 34 (2). pp. 317-350.

83 Voir, Greiner, (1972) ; Churchill et Lewis, (1983).

84 Voir, Adizes, (1979) ; Steinmetz, (1969).

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L’hypothèse centrale de la plupart de ces modèles est donc que l’entreprise croit comme si elle était un organisme vivant. Selon certains auteurs86, on peut en déduire trois propositions.

• Premièrement, tout comme pour un être vivant qui grandit, on peut clairement identifier des stades distincts au sein d’une entreprise qui croit.

• Deuxièmement, la séquence de ces stades de croissance est prédéterminée et, donc, prévisible.

• Troisièmement, les entreprises se développent sur base de règles prédéterminées, depuis un état que certains spécialistes qualifient de primitif jusqu’à un état de réalisation et de maturité.

A.2. Faiblesses

Même si les modèles de stades de développement ou de cycle de vie sont intuitivement attrayants, soulignant avec précision la nature progressive de l'évolution des entreprises, ils ont été fortement critiqués.

Premièrement, ils sont fréquemment rejetés pour leur coté mécanique et déterministe, ou encore pour leur analogie trop poussée avec les lois biologiques. Les théories des stades de développement négligent donc totalement les aspects volontaristes de la croissance et, partant, le rôle des objectifs du dirigeant.

Deuxièmement, la plupart de ces modèles sont exclusivement conceptuels, voir intuitif, et n’ont pas été testés empiriquement, à l’exception de certains travaux, comme celui de Miller et Friesen.

Troisièmement, la plupart de ces modèles se concentrent sur la dynamique interne de la croissance et ignorent généralement l’impact des facteurs exogènes87. Or, l’environnement externe est au centre de diverses théories explicatives de la croissance. En outre, les organisations participent à la construction de leur environnement et s’adaptent à coexister involontairement.

Enfin, la majorité de ces études s’attache à examiner les symptômes de la croissance, sans chercher à expliquer l’influence des contextes dans lesquels les entrepreneurs choisissent ou non d’agir.

86 Voir, Levie, J.D.et al., (2010),

37 B. Le courant processuel

Selon certains auteurs88, seule une minorité d’études peuvent être classifiées dans ce courant processuel. Ce modeste sous-ensemble se compose de travaux consacrés aux changements entrainés par la croissance, tels que les implications organisationnelles et financières, ainsi qu’aux défis nouveaux qu’elle pose à l’entreprise et à son dirigeant(s). La croissance n’est pas considérée comme un aboutissement, mais comme le déclencheur ou la cause d’autres phénomènes89.

Quelques auteurs se sont intéressés aux modifications organisationnelles engendrées par la nécessité de contrôler l’accroissement de la taille de l’entreprise, sans pour autant intégrer cette problématique dans un modèle de stade de développement de l’entreprise90.

D’autres travaux se sont attachés à identifier les problèmes et défis récurrent engendrés par la croissance91. Une série d’études se sont intéressées à la relation entre la croissance et la profitabilité92. D’autres auteurs se sont interrogés sur les conséquences de la croissance sur la santé financière des entreprises93, ou sur les spécificités financières des PME en fonction de leur stade de croissance94.

En effet, les travaux sur les différents modes de croissance (interne, externe, hybride) peuvent également être rattachés à cette approche processuelle95 et même le processus d’internationalisation.

Au sein de la catégorie d’analyses de la croissance en tant que variable indépendante, ces différents travaux demeurent encore relativement marginaux par rapport aux théories des stades de développement. Si l’on prend la littérature sur la croissance dans son ensemble, les études empiriques sur les déterminants de la croissance, et donc l’approche explicative de la croissance en tant que variable dépendante, constituent toutefois le courant de recherche dominant.

88 Achtenhagen, L. et al., (2010), ‘“Business growth” – do practitioners and scholars really talk about the same thing ?,” Entrepreneurship Theory and Practice, Vol 34, pp 289–316.

89 Sakari Sipola, (2015), “understanding growth and non-growth in entrepreneurial economies”; Analysis of startup industries and experimental winner generation in Finland, Israel and Silicon Valley.

90 Pour quelques exemples célèbres, voir, Child et Kieser, (1981) ; Scott, (1981) ; Jennergren, (1981) ; Child, (1973).

91 Voir, Hambrick et Crozier, (1985).

92 Voir, par exemple, Davidsson et al., (2009).

93 Voir, Boardman et al., (1981).

94 Voir, St-Pierre, (1999).

38 §II. La croissance en tant que variable dépendante

Ces approches constituent l’aspect le plus étudié de la croissance. Deux types de théories ont cherché à expliquer les causes de la croissance : les théories « externes » et les théories « internes ». Chacune de ces perspectives est considérée par ses défenseurs comme étant le principal moteur de la croissance, et plus généralement, de la performance des organisations. Ces théories sont concurrentes mais complémentaires pour notre recherche sur la croissance des PME en tant que variable dépendante, mesurée par le CA et l’emploi. Avant d’examiner les différents déterminants dans la section 3, nous allons ici nous intéresser aux théories sur les causes de la croissance.