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quantitative et qualitative

A. La qualité des ressources disponibles dans la région

Les ressources matérielles et immatérielles de base nécessaires pour soutenir la croissance des entreprises proviennent du milieu. Ces ressources sont indispensables tout au long du cycle de vie de l’entreprise.

La qualité des ressources humaines disponibles dans un territoire constitue un atout important pour les entreprises de ce territoire et dépend fondamentalement du niveau et de la qualité de la formation de base mais également de celle de la formation continue. Cette ressource peut ainsi renforcer les possibilités de croissance des PME. A la DRCI on affirme que : « Du côté de la formation qui est une évidence, des liens sont à construire ou à renforcer entre le milieu des affaires d’un côté, l’école et la formation professionnelle de l’autre. L’Etat peut jouer à cet effet, le rôle de facilitateur ».

L’importance pour la croissance de l’entreprise d’une formation professionnelle de qualité, est, également soulignée par les représentants de la CGEM qui soulignent « la vrai question est : y-a-t-il une formation continue dans la région ? Oui, peu de formation continue au sein

des entreprises ». Un tel avis est partagé par des représentants dela CCIS.

Au sujet de la qualité des ressources humaines disponibles dans la région, les représentants de la DRCI affirment que : « le capital humain de la région est efficace et la main d’œuvre a le

profil adéquat ». Un tel avis est partagé au sein de la CCIS où on précise que : « la main

d’œuvre n’a pas des opportunités de travail dans la région ». Les représentants de la CGEM

Fès-Taza expriment un avis plutôt mitigé : « le capital humain est assez bon, mais il fuit, ailleurs, vers des régions comme Kenitra, Tanger, Casablanca…. Et surtout vers des secteurs d’activité comme le textile, mécanique et métallurgique et le câblage ».

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Tous les acteurs considèrent que la formation continue des techniciens et des cadres ne peut venir que du milieu mais qu’elle requiert une concertation entre plusieurs entreprises pour trouver des solutions comme la mise en place de programmes particuliers prenant en considération l’hétérogénéité du tissu industriel.

La deuxième ressource importante citée est financière. Les PME ont des exigences de financement différentes tels que le financement par crédit bancaire, peer to peer, financement participatif, fonds de croissance etc. La croissance de ces entreprises nécessite l'accès à différentes sources de financement. Selon la DRCI « le gouvernement a déployé des fonds dédiés à l’appui des entreprises industrielles comme le FDII, le programme Maroc PME et

l’AMDI… ». La représentante régionale de la CGEM ajoute « que cette question de

financement reste théorique et demande des capacités particulières de l’entrepreneur qu’on

ne trouve pas partout ». Toutefois, la CCIS nuance cet avis : « la majorité des PME dans la

région recoure à l’autofinancement et l’accès au financement externe tel que les crédits bancaires demande une longue procédure et des garanties énormes. Ainsi, la pénurie des

capitaux informels peut freiner la croissance des PME industrielles dans la région ». En effet,

si l’autofinancement peut jouer un rôle crucial, il demeure insuffisant pour permettre à l’entreprise de poursuivre ou de consolider son développement. Ceci laisse aux PME les possibilités de l’appel à des financements externes et de développement des partenariats. Les dirigeants des entreprises qui veulent croître sont amenés à accepter de partager le contrôle (l’indépendance) de leurs entreprises pour trouver le financement nécessaire à leur développement.

Le manque de capital-risque, des business angels et des fonds de croissance, surtout dans les régions qui détiennent peu de capitaux informels provenant du milieu comme la région Fès-Meknès, constitue aussi un obstacle important, freinant la croissance.

Un autre élément important cité par divers auteurs426 et qui peut constituer un sérieux obstacle pour la croissance est le manque d’informations dans la région pour stimuler l’innovation et multiplier les opportunités. Les différents acteurs régionaux (fournisseurs, intervenants institutionnels, chercheurs, etc.) coopèrent de différentes façons pour partager et enrichir l’information technique, commerciale et scientifique. Ce partage constitue un élément

426 Jensen, M.B., et al., (2007), « Forms of knowledge and modes of innovation », Research Policy, vol.36, nº 5, pp. 680-693.

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important de la capabilité régionale427. L’accent est mis à la fois sur l’information tacite428 et sur l’information codifiée429.

A cet égard, la CCIS insiste sur le fait que « la chambre est au service de tous les

entrepreneurs qui cherchent l’information technique et commerciale adéquate ». Au

contraire, la directrice régionale de la CGEM suggère que : « la qualité de l’information est

moyenne et que le partage informationnel est peu fluide ». Toutefois, la DRCI affirme que :

« les entreprises et les acteurs régionaux se sont rendus compte qu’une meilleure qualité de l’information et un partage informationnel fluide peuvent contribuer à l’amélioration de la performance, en conséquence, la croissance des PME ».

Le partage informationnel est enrichi particulièrement par ce que Granovetter430 appelle les réseaux à signaux faibles, c’est-à-dire des sources autres que les réseaux personnels et ceux d’affaires offrant généralement de l’information plus traditionnelle. Ces sources génèrent des informations exceptionnelles par le transfert technologique, remettant en question les habitudes et la manière de penser431. Ces réseaux sont généralement liés à des centres de recherche universitaires. Cependant, certaines études432 montrent une difficulté d’établir des liens entre les gens d’affaires et les centres de recherche.

La DRCI affirme que : « le transfert technologique entre l’université et les entreprises dans la région est en cours de développement. La présence des institutions de recherche publiques et privés et la cité d’innovation de l’USMBA, toutefois, le transfert demeure limité à certaines

spécialités comme la mécanique et la chimie ». Par contre, le représentant de la CGEM estime

que « le transfert demeure théorique ». La CCIS ajoute « qu’il n’existe pas de transfert » et ce malgré l’existence de cinq universités dans la région Fès-Meknès.

En effet, les chercheurs et les dirigeants d’entreprises n’utilisent pas le même langage (le premier est scientifique, le second est appliqué) ni les mêmes objectifs (les premiers

427 Pour quelques exemple, voir, Hanlon, et Saunders, (2007) ; Jean et Muteba Wa, (2004).

428- St-Pierre, J. et al., (2013), « Analyse des pratiques d’innovation dans les PME : facteurs endogènes, facteur exogènes et perspectives systémiques », rapport de recherche pour DEC, 60 pages.

- L’information tacite provient de contact direct pour faire parler les interlocuteurs qui réagissent par des haussements d’épaule ou de mouvements de la tête et qu’il faut les aider pour qu’ils expriment ce qu’ils ressentent.

- Provenant de livres, articles, communications et autres documentations écrites et électroniques.

430 Granovetter, M. S. (1982), « The strength of weak ties: a network theory revisited », dans Marsden P.V.et N. Lin (dir.), Social Structure and Network Analysis, Beverly Hills, CA, Sage, pp. 105–130.

431 Pour quelques exemple célèbres, voir, Hansen, (1999) ; Julien et Ramangalahy, (2004).

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recherchent la meilleure réponse, les seconds, une ‘bonne’ réponse), mais aussi ne considèrent pas la question du temps de la même façon. Les chercheurs réclament généralement du temps avant même de commencer à se pencher sur une question et la solution peut demander des années de recherche pour aboutir, alors, que les seconds ont besoin d’une réponse immédiate433.

Si le partage informationnel dans le milieu est mal implanté ou inexistant, comme le cas de la région Fès-Meknès, (la directrice régionale de la CGEM parle de « rétention de

l’information »), il peut, selon certains auteurs, passer par le courtage informationnel, par des

intermédiaires connaissant le monde des chercheurs434.

La présence d’un capital social dynamique peut suppléer à ces manques qui caractérisent la main d’œuvre qualifiée, la finance et l’information. Il permet de faciliter les liens entre les entreprises et les autres acteurs régionaux, de faire connaître les règles du jeu ou les conventions et de renforcer les réputations435. Il aide à mobiliser les acteurs pour obtenir des ressources complémentaires comme des incubateurs ou des parcs technologiques. Il favorise également le développement d’une culture entrepreneuriale, stimulant les échanges d’informations pour multiplier les opportunités et les ressources nécessaires436.

En somme, si un faible capital social dans une région risque de bloquer la croissance des PME, un capital social important, mais très conservateur peut être aussi restrictif. Ajoutons que ce capital social fait partie de ce que certains spécialistes appellent les biens communs mis à la disposition de tous et qui peuvent faire la différence entre le succès pour stimuler la croissance ou au contraire l’échec437. Dans ces biens communs, Shapero438 parle des entreprises modèles ou des entreprises entraînantes qui non seulement innovent et saisissent toutes sortes d’opportunités, mais démontrent que cela est possible pour d’autres entreprises de la région. L’influence des modèles positifs est plus efficace que celle provenant d’experts extérieurs, car les entrepreneurs apprennent plus facilement les uns des autres et entre eux.

433 Julien, P.A., et al., (1988), « Les facteurs de diffusion et de pénétration des nouvelles technologies dans les PME québécoises », Revue internationale PME, vol. 1, n° 2, 1988, pp. 193-223.

434 Voir, l’expérience de la Chaire Bombardier de l’UQTR de 1994 à 2004 (Julien, 2003).

435 Pour quelques exemples célèbres, voir, Aldrich et Fiol, 1994; Lin, 1999.

436 Pour quelques exemple célèbres, voir, Audretch et Keilbach, 2005; Hanlon et Saunders, 2007; Minniti, 2008; García-Cabrera et García-Soto, 2008.

437Ostrom E., (2010), « Gouvernance des biens communs. Pour une nouvelle approche des ressources naturelles ». De Boeck, Bruxelles.

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Le cadre réglementaire (les incitations fiscales, les facilitations de procédures administratives, etc.) et l’infrastructure (électricité, eau, gaz, transport, télécommunications etc.) représentent, également, des ressources de base importantes pour les PME. La directrice régionale de la CGEM affirme que « les entrepreneurs de la région ont besoin d’un port sec et une autoroute

reliant la ville de Fès au port Tanger Med », toutefois, ce problème demeure éternel. La

DRCI ajoute « qu’il existe déjà des zones industrielles dans la région et que l’ONCF s’est

engagé à la réalisation d’un port sec ». Cependant, la CCIS suggère que « les zones

industrielles déjà existantes ont besoin d’une restructuration. Plusieurs initiatives ont été élaborées par l’Etat en accord avec les entrepreneurs pour restructurer ces zones, mais

aucune n’a vu le jour à cause du manque de moyens financiers ». Dans ce contexte, les

éléments clés pour stimuler et maintenir la croissance de ces entreprises engagent l’infrastructure et l’aspect légal et réglementaire, requérant une certaine étendue de services, des services technologiques qui soutiennent la R-D et l’innovation et une assistance pour l’internationalisation et la gestion de la propriété intellectuelle.

De ces différentes ressources, on peut tirer un élément commun qui explique finalement la non-volonté de croître ou, plutôt, une certaine crainte des entrepreneurs relative à l’incertitude inhérente à la création et au développement de toute entreprise dans une économie en perpétuel changement. La présence d’une culture entrepreneuriale (la préférence pour l’auto-emploi et la tolérance du risque) qui peut être encore présente dans une grande entreprise. La directrice régionale de la CGEM parle de « Soft-Skills ; les jeunes ont un manque de

confiance en soi », alors que la DRCI affirme que « jusqu’au 13 octobre 2017, plus de 53000

auto entrepreneurs ont créé leur propre entreprise tous secteurs d’activité confondus ». La

CCIS ajoute « qu’il existe des cas particuliers d’entrepreneurs qui tolèrent l’échec et qui ont confiance en soi ».

L’accès aux marchés locaux, régionaux et surtout étrangers demeure difficile pour les jeunes entrepreneurs en particulier et les PME en général de la région. La responsable régionale de la CGEM affirme que « le marché est presque inaccessible », alors que la DRCI reste neutre et suppose que « ça dépend de l’activité ». La CCIS ajoute que « l’accès aux marchés et surtout

à l’export, ainsi que la tolérance de l’échec dépendent du soutien entrepreneurial». Ce

dernier nécessite la mise en place d’organisations à la fois agiles et apprenantes ainsi que des personnes d’expérience qui peuvent agir comme mentors, coachs, des comités consultatifs, d’incubateurs et réseaux entrepreneuriaux, qui soient accessibles et visibles à tous les entrepreneurs.