• Aucun résultat trouvé

Les applications liées à la santé sont un cheval de Troie pour généraliser le

C. Retour vers le futur : pour ou contre les nanos ?

4. Les applications liées à la santé sont un cheval de Troie pour généraliser le

fichage  et  le  contrôle  des  populations. L’objectif des nanotechnologues est de 

« renforcer toujours et encore le contrôle sécuritaire mené par l’Etat (avec l’aide in‐ téressée de quelques multinationales) et la dépendance vis‐à‐vis de machines mani‐ pulées par d’autres », avec par exemple « des puces sous‐cutanées capables de ren‐ voyer  un  signal  permanent  indiquant  notre  situation  géographique  de  façon  très  précise » ou encore « des projets de manipulations corporelles, de contrôle cérébral  à  distance  et  de  standardisation  des  êtres  humains »,  qui  conduiront  aux  pires  « cauchemars eugénistes ou dans la lignée de 1984 ». 

5. L’absence de débat public concernant les choix budgétaires. Les citoyens ne  doivent  pas  céder  au  « chantage à l’emploi »  des  politiciens  locaux,  qui  promet‐ tent  que  Minatec  attirera  « en Isère des activités à haute valeur ajoutée qui crée‐ ront  des  milliers  d’emplois  dans  les  décennies  à  venir  »,  alors  que  ce  sont  « nos  vies » qui sont menacées et que ces emplois « nous rendent complices de crimes ou  de  catastrophes ».  En  réalité,  Minatec  est  un  gouffre  financier :  des  « milliards  d’euros »  d’argent  public  ont  été  dépensé  dans  ce  projet  qui  ont  servi  « à  l’enrichissement de quelques start‐ups et  multinationales »,  sans  que  les  citoyens  n’aient été consultés. 

6. L’absence de débat public concernant les choix scientifiques. Ils précisent en‐ fin qu’ils ne sont « ni obscurantistes, ni contre la science », mais critiques vis‐à‐vis  du « développement technologique grenoblois » et opposés « à la fuite en avant du  "développement" »,  indignés  que  certains  champs  de  recherche  scientifique  ne  puissent « être ni débattus ni maîtrisés par les populations ». En conclusion, il faut  « stopper Minatec » pour ne pas perpétuer « la dépossession de nos vies par un sys‐ tème  économique,  politique  et  technologique  totalitaire ».  Leur  ambition  pour  la  société  est  d’envisager  plutôt  « de  “révolutionnaires”  (et  intelligentes)  façons  de  réorganiser nos vies ». 

Contrairement  à  d’autres  organisations  militantes  écologistes,  comme  par  exemple le réseau Sortir du nucléaire, ils ont choisi de ne pas avoir de leader visible ni de  communiquer avec les médias ou les universitaires. Même s’ils publient des communi‐ qués de presse, qui relaient certaines de leurs informations, ils ne répondent à aucune         357 Rappelons que le brevetage des molécules existe depuis bien longtemps, au moins depuis une soixantaine d’années  en ce qui concerne les molécules pharmaceutiques en France.  

demande  d’interviews  des  journalistes  ou  des  documentaristes358.  PMO  refuse  de  me  répondre, même en tant que chercheur en sciences sociales. La méfiance est de mise, on  n’entre que si on est adoubé par l’un des leurs. En ce qui me concerne, on m’a catalogué  « journaliste », donc persona non grata. De toutes les manières, les travaux objectifs ne  les  intéressent  pas359.  Ils  renvoient  systématiquement  à  leur  site  web  et  aux  ouvrages  qu’ils publient360

! Tactique n°2 : être de bonne foi même dans sa mauvaise foi

Les articles, livres et brochures de PMO sont généralement de bonne facture. Leur  style et énergique, voire énervé et franc. Ils savent de quoi ils parlent. Ils sont loin d’être  ingénus.  Ils  apportent  beaucoup  d’informations  qu’on  ne  trouve  pas  ailleurs.  Ce  sont  même eux qui vont donner la date exacte de l’inauguration de Minatec, avant même le  CEA. Mais quelque chose me gêne. Qui sont‐ils vraiment ? D’où parlent‐ils ? Et surtout,  pourquoi parfois mettent‐ils en rapport des évènements qui n’ont véritablement aucune  relation  ou  avec  une  logique  tronquée ?  A  la  manière  de  poupées  russes,  une  info  fait  suite à l’autre, mais quand on étale toutes les poupées les unes à côté des autres, l’on se  rend compte qu’elles ne font pas partie du même jeu.   Voilà par exemple ce qu’ils écrivent en 2011 à propos de Clinatec361, le centre ini‐ tié par le CEA pour le développement de nanotechnologies destinées au domaine médi‐ cal :  Le but revendiqué, officiel, de Clinatec, est de « nous mettre des nanos dans la tête »362. En  clair, des implants cérébraux. Pour être encore plus clair, le programme Clinatec travaille depuis  2006 dans une quasi‐clandestinité à l’interface cerveau‐machine, à l’intrusion du pouvoir médical  et  politique  dans  notre  for  intérieur  (espionnage,  détection  des  intentions,  décryptage  des  senti‐ ments, reconnaissance de la « pensée »). (Gaillard et al., 2011, p. 67, [219]) 

A qui peut‐on faire confiance ? A aucun moment le CEA n’évoque ces objectifs de  recherche.  Il  déclare  vouloir  réaliser  des  « neuroprothèses  pour  le  handicap  moteur  ou  sensoriel », des dispositifs pour la neurostimulation (en particulier pour le traitement de  la  maladie  de  Parkinson),  des  « solutions »  pour  réaliser  des  biopsies  et  pour  la  déli‐

      

358 Mais ils rendent compte sur leur site web des articles qui leur ont été consacrés ou aux demandes qu’ils ont refusé,  par exemple en 2006 ils consacrent une série d’articles quant à leurs refus à la journaliste scientifique Sophie Besche‐ relle (de France Inter), à l’émission intitulée Téléphone Sonne (France Inter) ou à l’émission animée par Michel Alber‐ ganti  (producteur  à  France  Culture).  Cf.  infra,  « Discours  radiophoniques  à  propos  des  nanotechnologies »,  p.  185  à  207) 

359 C’est la réponse qu’ils ont fourni à Vivian Gateau, réalisateur du documentaire  Le Nanomonde ou l'abîme (Lyon :  Cap Canal Production, coll. Cap Sup, 59 mn, DVD, 2008) 

360 Il serait trop long de développer ici tous leurs arguments : voir ma sélection bibliographique [197][41][42]. Je vous  recommande également la lecture de leurs articles en ligne : Nanotechnologies / Maxiservitude (daté du 9/01/2003  sur  leur  site  web  http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?article71) ;  Bottom  up  !  Ou  les  nanotechnologies  exis‐ tent‐elles  ?  (1/10/06  http://www.piecesetmaindoeuvre.com/IMG/pdf/Bottom_up.pdf) ;  Et  maintenant,  le  tsunami  de  la  communication (17/10/06 http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?article93). 

361 Le projet Clinatec a été lancé en 2006 par le Léti (laboratoire d’électronique et de technologies de l’information,  dépendant du CEA de Grenoble), l’INSERM, le CHU de Grenoble et l’Université Joseph‐Fourier. Le bâtiment de 5000m2  de Clinatec est voisin de  Minatec et NanoBio à Grenoble. Son inauguration officielle, initialement prévue pour le pre‐ mier semestre 2011, a maintes fois été reportée (cf. les compte‐rendus de la manifestation contre l’inauguration du 31  janvier  2012,  publié  par  des  opposants  http://grenoble.indymedia.org/2012-02-01-Clinatec-inaugure-par-les  et  par  l’édition  grenobloise  du  quotidien  20  minutes 

http://www.20minutes.fr/article/871076/centre-recherche-biomedicale-appliqueeclinatec-expert-culture-secret).  

362 Cette expression est reformulée p. 69 par « des nanos dans le cerveau », où il est précisé qu’elle est extraite de Gre‐

La recherche pharmaceutique à l’épreuve des pratiques communicationnelles. L’invention d’un médicament issu des  nanotechnologies.  159   vrance de médicaments contre le cancer363. Mais l’extrapolation de PMO va encore plus  loin :  L’interface primate‐machine et, déjà, homme‐machine, ouvre la porte, elle, au pilotage  des  rats, des macquaques, des hommes – bref, à la production de robots humains, de « cyborgs » si vous  voulez, « d’organismes cybernétiques ». Faut‐il souligner les avantages de cette nouvelle catégorie  de populations par les entreprises, les gouvernements, les armées ? Demandez donc à la direction  d’Orange qui doit faire face à une vague de suicides parmi ses employés humains, d’un modèle pé‐ rimé.  (Gaillard et al., 2011, p. 67, [219])  Ce raisonnement, pris hors contexte, pourrait sembler dénué de logique. On pour‐ rait même en conclure que PMO  verse dans la théorie du complot systématique. Chan‐ geons de lunettes. Peut‐être que ce qui compte, ce n’est pas forcément ce qui est dit (ils  n’ont pas besoin d’apporter de preuves  à leurs lecteurs) mais qui le dit et à qui s’adresse  ce message.   Dans leur enquête sur la rumeur Orléans364, Morin et al. [15] ont mis en évidence 

que  celui  qui  reçoit  une  information  va  y  croire (même  s’il  s’agit  d’un  «  on‐dit  »)  et  la  diffuser  si  celle‐ci  lui  est  rapportée  par  un  proche.  Ce  dernier  peut  être  une  personne  avec qui il a une connivence idéologique ou à qui il accorde une certaine autorité. Ainsi,  c’est la relation de confiance qui garantirait l’authentification de l’information.365  

La rumeur utilise donc les ressources de la connaissance. Mais en surinterprétant le réel. Et,  en  se  bouclant  sur  lui‐même,  le  récit  rumorologique  tire  sa  propre  force  de  conviction  :  aucune  place  n’est  laissée  au  doute.  La  rumeur  conjugue  des  mécanismes  auto‐interprétatifs,  auto‐ justificatifs  et  auto‐probatoires.  Comme  telle,  la  rumeur  est  un  système  d’idées  qui  force  le  réel.  C’est une possession du réel par les idées, ce qu’on appelle la rationalisation, avec son « pouvoir vé‐ ritablement magique et véritablement mythique de l’idée », tel que l’avait noté Marcel Maus. Con‐ trairement au raisonnement rationnel, qui exige un processus de vérification des faits, la rumeur  fait fi de l’épreuve du réel. Elle se contente de la confiance en des témoins ou, simplement, en ses «  intimes convictions ». Elle chemine donc avec la croyance pour compagne, cet acte auquel aucun  humain  ne  peut  échapper,  puisque  à  lui  seul  aucun  esprit  ne  peut  tout  vérifier.  (Paillard,  2009, 

[27])  Avant de poursuivre, levons une ambiguïté. Je ne prétends pas que les arguments  développés par PMO sont faux ou mensongers366. Rappelons la définition de la rumeur :  « Bruit, nouvelles qui se répandent dans le public; l'opinion, la voix publique. »367 Le paral‐ lèle que je dresse n’est donc pas la qualité  des informations fournies par PMO mais leur  mode de diffusion.        

363 Cf  dossier  de  presse  [197]  et  [195]  téléchargeables  ici : 

http://www.cea.fr/technologies/clinatec_nanotechnologies_-20305  

364 Au  printemps  1969,  une  rumeur  se  répand  dans  la  ville  d’Orléans :  « des jeunes filles sont enlevées et séquestrées 

dans  des  magasins  de  confection  tenus  par  des  Juifs,  pour  être  expédiées  comme  prostituées  au  Moyen‐Orient ».  Alors 

qu'il n’y avait aucune disparition signalée.  

365 Il n’empêche : certaines personnes récusèrent cette information sur la traite des Blanches, qu’ils jugèrent impos‐ sible. Mais cela n’empêcha pas la propagation rapide de celle‐ci. 

366 La  philosophie  a  tranché  cette  question  depuis  longtemps :  « Qu’est‐ce que la vérité ? En dehors de nous, la vérité 

c’est ce qui est. Dans notre esprit, la vérité c’est la conformité de notre jugement avec ce qui est. Nous sommes donc dans  la vérité quand nous formons une idée exacte et complète des différentes parties de la réalité et surtout de leurs rapports.  L’erreur, c’est la non‐conformité de notre jugement avec ce qui est. « Dire que l’être n’est pas ou que ce qui est n’est  pas est, voilà le faux ; dire que ce qui est est, et que le non‐être n’est pas, voilà le vrai ». Ainsi s’exprime Aristote. Entre la  vérité et l’erreur se place l’ignorance, état de l’esprit qui n’est à même de rien affirmer sur une chose, et qui, n’en ayant  aucune idée, n’est pas même tenté de dire si elle est ou si elle n’est pas. Rappelons‐le : la vérité comme l’erreur n’existe que  dans la croyance, c’est‐à‐dire dans l’affirmation ou le jugement. Mais l’intelligence ne peut s’exercer sans affirmer. » [Joly,  1877, pp. 234‐235, ]    367 Le Grand Robert de la langue française, sous la direction d’Alain Rey, édition en ligne 

! Tactique n° 3 : ne jamais oublier

Essayons maintenant de voir dans quel contexte s’insère le raisonnement de PMO.  Si  ce  groupe  critique  tout  ce  qui  peut  provenir  du  CEA,  c’est  parce  qu’ils  n’en  ont  pas  confiance. A juste raison ? Prenons un exemple facilement vérifiable. Le centre Minatec  est censé être  installé  sur un  site « civil »  du  CEA, et donc sans ambition militaire affi‐ chée. Pourtant en 2002, le CEA a conclu avec la Direction générale de l'armement (DGA)  du ministère de la défense un accord de coopération :   « Ce partenariat devrait contribuer à satisfaire les besoins de la défense pour la veille tech‐ nologique, l’accès aux technologies civiles les plus avancées et l’acquisition de technologies spéci‐ fiques. […] MINATEC constituera également un chemin d’entrée par lequel les industriels de la dé‐ fense auront accès aux technologies les plus avancées en matière de microélectronique et de micro‐ systèmes. Ce partenariat permettra enfin d’optimiser les moyens nécessaires à la Défense en asso‐ ciant la DGA aux orientations de MINATEC. Ainsi, la DGA participera au choix des sujets de thèses,  aux  groupes  de  réflexion  sur  l’élaboration  des  programmes  du  CEA‐LETI  et  cofinancera  certains  des  programmes  de  recherche  retenus. »  [Source :  La  Lettre  Minatec,  citée  par  la  fondation 

Sciences Citoyennes, in Joly, 2005, p. 57, [242]) 

Le raisonnement et les arguments de PMO s’insèrent donc dans ce que je nomme‐ rais  une  « logique  de  la  méfiance ».  Dès  février  2006,  ils  appellent  à  manifester  contre  l’inauguration de Minatec. Pour expliquer les origines de leur opposition à Minatec, PMO  publie un document daté d’avril 2006, qui retrace notamment l’histoire du CEA et de ses  accointances  avec  le  ministère  de  la  défense368.  Il  s’appuie  sur  les  ouvrages  de  Domi‐

nique Lorentz369 pour dénoncer le rôle du CEA « en matière de prolifération et de terro‐ risme nucléaire ». Rien que ça. Dans la foulée, il l’accuse pêle‐mêle de « son rôle dans la  dissémination de l'arme nucléaire en Iran, en Irak, au Japon, en Chine, en Egypte, en Israël,  en Afrique du Sud... ; son mépris du traité de non‐prolifération ; […] ou encore sa part de  responsabilité dans les actions terroristes libanaises de 1985 ». Mais aussi de sa responsa‐ bilité dans « des nuisances sociales, sanitaires et écologiques des applications militaires du   CEA  depuis sa création ».370  

Il  conclut  sa  longue  démonstration  (dont  je  ne  reproduis  qu’une  infime  partie)  ainsi : « Comment ne pas imaginer la reproduction d'un scénario semblable avec les nano‐ technologies  et  les  biotechnologies  ? ».  Il  invite  ensuite  le  lecteur  à  venir  manifester  à  Grenoble le jour de l’inauguration de Minatec en juin prochain. Le 3 mai 2006, Le Dau‐ phiné Libéré, quotidien local de la région Isère (dont fait partie Grenoble), rapporte que  c’est un communiqué de presse de PMO qui l’a informé du jour officiel de l’inauguration :  Le "scoop" n'est venu ni du CEA Grenoble ni de l'INPG, pas plus que du Conseil général de  l'Isère. C'est en effet l'opposition  grenobloise  aux "nécrotechnologies" qui nous a appris, hier, que  Minatec serait inauguré le 2 juin […] comité qui rappelle que la contre‐manifestation qu'il organise  est maintenue, elle, le 1er juin. "Mais le jour d'après, nous serons encore là."  

Cet  appel  va  se  diffuser  dans  les  réseaux  écologistes  et  libertaires  comme  une  trainée de poudre. C’est plus de 800 manifestants qui envahiront les rues de Grenoble, 

      

368 Brochure  de  18  pages,  signée  Sébastien  Thomasson  à  Grenoble,  en  avril  2006,  disponible  en  ligne  sur  le  site  de  PMO [www.piecesetmaindoeuvre.com/IMG/pdf/Fermer_le_CEA.pdf] 

369 Affaires atomiques,  Les arènes, 2001. Dominique Lorentz a également écrit  Secret atomique, Les arènes, 2002 et  a 

signé le documentaire La République atomique diffusé par Arte au mois de novembre 2001. [Note et références dans la 

brochure de PMO] 

370 Parmi lesquels on citera Ce nucléaire qu'on nous cache, Michèle Rivasi et Hélène Grié, Albin Michel, 1998 ; Nucléaire : 

la  démocratie  bafouée,  Didier  Anger,Yves  Michel,  2002  ;    Golfech,  le  nucléaire,  collectif  La  Rotonde,  CRAS,  1999,    Audit  atomique,  Bruno      Barillot,  CDRPC,  1999  ;  ou  plus  généralement  tous  les  travaux  de  la  Commission  de  recherche  et  d'information  indépendantes  sur  la  radioactivité  (CRIIRAD)  www.criirad.org  [Note  et  références  dans  la  brochure  de 

La recherche pharmaceutique à l’épreuve des pratiques communicationnelles. L’invention d’un médicament issu des  nanotechnologies. 

161  

venus de toute la France et de tous horizons ; on y trouvera par exemple des militants du  parti LCR et du mouvement canadien ECT Group qui fit une conférence à la Bifurk, le lieu 

de  rassemblement  d’OGN  (Opposition  grenobloise  aux  nécrotechnologies)371.  Résumons 

la chronique qu’en fit un militant372 : 

• Lundi 29 mai 2006, des militants anonymes envahissent un musée grenoblois 

où se tient un cocktail à l’occasion de l’inauguration de Minatec : ils tagguent  des  graffitis  hostiles  à  Minatec,  forcent  des  chercheurs  à  les  suivre  pour  les  faire perdre loin du musée et lacent des œufs à d’autres lors de leur arrivée.  Mardi 30 mai, une soixantaine de militants anonymes occupent le Conseil Gé‐ néral  de  l’Isère  pendant  une  heure,  pendant  qu’un  deuxième  groupe  déam‐ bule en ville pour distribuer des tracts, qu’un troisième subtilise des nourri‐ tures et des boissons dans un hôtel Mercure et qu’un quatrième fait retarder  le  gala  Minatec  qui  doit  se  tenir  au  château  de  Saint‐Jean‐de‐Chépy  en  blo‐ quant,  par  une  barricade  enflammée,  la  route  d’un  bus  qui  transporte  des  chercheurs.   • Mercredi 31 mai, une soixantaine de militants réussissent à investir les locaux  de Minatec, perturbant la conférence qui y a lieu, font prendre l’eau à des or‐ dinateurs, déchirent des brochures publicitaires en faveur de Minatec et lan‐ cent des œufs sur les personnes présentes (chercheurs, investisseurs, indus‐ triels, politiciens). Du coup, des policiers surveillent nuit et jour Minatec. Dans  la  nuit  du  31  Mai  au  1er  juin,  un  autre  groupe  de  militant  peint  un  énorme  « CEA, basta ! » sur les hauteurs de la Bastille. 

• Jeudi 1er juin, c’est la grande manifestation contre Minatec. Sur la banderole 

de tête : « Fermez Minatec ». On peut noter certains débordements : des cas‐ seurs s’en prennent à des distributeurs de billets, des voitures, des panneaux  publicitaires sont cassés, aux vitrines de deux agences bancaires BNP‐Paribas,  à  des  policiers  et  même  à  une  entreprise  privée  (Eolas,  spécialisée  dans  le  conseil  et  l’ingénierie  sur  Internet)  qui a priori  n’a rien à voir avec Minatec.  Les CRS (brigades policières anti‐émeutes) chargent, notamment contre une  barricade qui a été dressée dans une avenue. On déplore une blessée. Les cas‐ seurs  récidivent  durant  la  nuit :  des  voitures  de  fonction  de  la  ville  de  Gre‐ noble  sont  brûlées,  la  vitrine  d’un  commissariat  du  centre‐ville  et  d’une  agence d’intérim et de M6 sont brisées,  l’agence d’un fabricant de systèmes  de fixation par RFID ou nanocomposites pour l’automobile est recouverte de  peinture rouge et d’un tag contre l’industrie cybernétique.          371 Le succès de cette manifestation n’est pas dû au seul collectif PMO, qui n’est qu’un lanceur d’alerte. Il faut l’insérer  dans une histoire des mouvements anarchistes, écologiste et alter‐mondialistes depuis les années 1970‐1980. Cette  manifestation de Grenoble se situe dans la filiation d’autres manifestations, parmis lesquels : grèves et mouvements  de  l’extrême  gauche  en  France  (1960‐70),  sommet  de  Stockholm  sur  l'Environnement  Humain  et  contre‐sommet  (1972), opposition contre l’extension d’une base militaire sur le plateau du Larzac (1971‐1981), The Other Economic 

Summit durant le G7 de Londres (1984) et de Paris (1989), contre‐sommet de la Banque Mondiale et du FMI à Berlin 

(1988), chaine humaine de 70.000 personnes à l’appel de Jubilee 2000 contre le sommet du G7 à Birmingham (1998),  manifestation  de  10.000  personnes  à  l’appel  de  Reclaim  the  Streets  contre  les  centres  financiers  dans  la  City  de  Londres (1999), grandes manifestations de Seattle contre l’AG de l’OMC à Seattle (1999) puis contre la réunion de la  Banque Mondiale et du FMI à Washington (2000), Forum Social Mondial à Porto Allegre (2001), contre le sommet du  G8  à  Gênes  (2001),  Forume  Social  Européen  à  Florence  (2002),  etc.  Biblioghraphie  non  exhaustive :  Aguiton  Chris‐ tophe, Le monde nous appartient, Paris : Plon, 2001, rééd. Coll. 10/18, Paris : Plon, 2003 ; Mondialisation des résis‐ tances : L’état des luttes, Paris : Centre Tricontinental, Forum mondial des alternatives, éd. Syllepse ; La fin du monde  unique : 50 idées‐forces pour comprendre l’état du monde 2011, Paris : La Découverte, 2010. Filmographie non ex‐ haustive : Tous au Larzac, un film documentaire de Christian Rouaud, 2011 ; Le fond de l'air est rouge : 1967 – 1977,  années capitales de l'histoire mondiale, un film documentaire de Chris Marker, 1978  372 Chronologie non‐exhaustive des actions menées contre Minatec et son monde entre le 29 mai et le 3 juin 2006, par  anonyme, vendredi 9 juin 2006, in Indymedia Grenoble (http://grenoble.indymedia.org/2006‐06‐09‐Chronologie‐non‐ exhaustive‐des)   

Vendredi  2  juin.  Les  policiers  sont  partout  dans  Grenoble,  contrôlant  « tout  groupe de plus de trois personnes avec un sac à dos ». Un  large  périmètre  au‐ tour de Minatec est bloqué par des barrières anti‐émeutes en plexiglas et des  cordons  de  flics.  De  bonne  heure,  ils  expulsent  le  campement  anti‐Minatec  installé  sur  le  campus  universitaire,  appréhendent  deux  militants  qui  vou‐ laient  dérouler  une  banderole  sur  un  immeuble  qui  fait  face  à  Minatec,  cer‐ nent  le  lieu  où  se  réunissent  les  militants  affiliés  à  OGN  et  perquisitionnent