A. Risques versus bénéfices
1. La construction des inquiétudes
En avril 2000, Bill Joy (co‐fondateur de Sun Microsystems) publie dans la revue
Wired une tribune qui fait grand bruit : « Why the Future Doesn't Need Us »312 Il met en
garde contre les dangers que court l’humanité à cause des nouvelles technologies : “Our most powerful 21st‐century technologies ‐ robotics, genetic engineering, and nanotech ‐ are threatening to make humans an endangered species.” Ce qui n’était à la base qu’une simple chronique devient un phénomène qui traverse l’atlantique, puisque même Libé‐ ration l’interviewe spécifiquement sur sa prophétie.
En septembre 2000, la NNI organise des « workshops » (ateliers et conférences) avec les scientifiques impliqués dans les nanotechnologies pour réfléchir sur les « impli‐
cations sociétales de la Nanoscience et de la Nanotechnologie »313 (Societal Implications of
Nanoscience and Nanotechnology, [223]). Leur objectif est de « booster le succès de la NNI » avec un programme ambitieux qui doit réfléchir sur les implications sociales et éthiques des nanotechnologies. En janvier 2002, lors d’une séminaire réunissant des membres de la NSF et des experts de la Commission européenne en Italie, le thème de leur Workshop est celui des « opportunités révolutionnaires » des nanotechnologies mais aussi de leurs implications sociétales ».
En 2002, Michael Crichton314 publie Prey315, un roman de science‐fiction qui ra‐ conte comment des nanorobots sont fabriqués par l’Homme pour un usage de surveil‐ lance. En volant en essaim, ils forment une caméra virtuelle. Ces nanorobots sont des hybrides de bactéries et de nanomachines qui échappent au contrôle de leurs créateurs. Crichton s’inspire en partie d’Engines of Creation [205] d’Eric K. Drexler. Celui‐ci y déve‐ loppe un scénario catastrophe possible, celui de la « gelée grise » (grey goo, en anglais). Il imagine que des nanorobots se dupliqueraient comme une sorte de parasite, capables d’auto‐reproduction comme les cellules vivantes. Comme rien ne peut bloquer leur ex‐ pansion, ils épuisent toutes les ressources énergétiques de la Terre qui devient une masse indifférenciée de gelée grise. On retrouve là une trame classique de la science‐ fiction : l’invention du scientifique finit par lui échapper pour détruire l’humanité en‐ tière. Mais alors que d’autres œuvres de fiction, comme par exemple La planète des singe ou 28 jours plus tard, n’ont pas entrainé la fin de l’expérimentation animale et encore moins de grands débats publics à leur encontre, le roman de Crichton a participé au dé‐ clenchement d’un mouvement de contestation contre les nanotechnologies.
Fin janvier 2003, le collectif canadien ETC (Erosion, Technologie et Concentration) publie un manifeste contre les nanotechnologies (rebaptisées « atomtech ») [231]. Ses membres réclament un moratoire contre les nanotechnologies, jusqu’à ce qu’on en con‐
312 Source : www.wired.com/wired/archive/8.04/joy.html. Le collectif grenoblois Pièces et main d’œuvres fera de ce titre l’exergue de sa newsletter sur les nanotechnologies (Aujourd’hui le nanomonde). 313 Ce singulier est singulier dans la littérature sur les nanotechnologies ; je ne l’ai pas trouvé ailleurs. Peut‐être vou‐ laient‐ils signifier qu’il s’agit d’un domaine « unifié » (comme on dirait la physique ou la chimie) et non pas hétéro‐ gène ? 314 Michael Crichton est un auteur à succès de romans de science‐fiction, dont Jurassic Park (1990). 315 La Proie sera traduit et publié en France en octobre 2003 (éd. Robert Laffont).
La recherche pharmaceutique à l’épreuve des pratiques communicationnelles. L’invention d’un médicament issu des nanotechnologies. 141 naisse les effets sur le vivant. Leurs arguments prennent le contre‐pied de ceux qui pro‐ meuvent les nanotechnologies : à l’excès d’optimisme des uns s’oppose une critique ra‐ dicale et pessimiste. ETC évoque notamment la capacité des nanoparticules à pénétrer partout, même dans les aliments et l’eau, et à s’accumuler dans les organismes vivants, avec potentiellement des effets toxiques. Il invente également une expression qui aura un impact très fort : organismes atomiquement modifié (OAM), en référence aux orga‐ nismes génétiquement modifiés (OGM). Or, quels atomes de quels organismes parlons‐ nous ? Je n’ai trouvé aucun exemple à ce sujet. Certes, toute matière (vivante ou non) est composée d’atomes, mais substituer, ajouter ou supprimer un atome, voire plusieurs atomes, de n’importe quel organisme, ne va en rien le modifier. Les chimistes créent de nouvelles molécules depuis toujours ; certaines sont toxiques, d’autres sauvent des vies. Personne ne pourrait dire qu’un chimiste crée des organismes atomiquement modifiés, alors que c’est bien ce qu’ils font tous les jours. Parcque nous savons qu’ils synthétisent des molécules, et que celles‐ci sont obtenues en mélangeant plusieurs autres molécules. Aucun chimiste ne manipule les atomes un par un. Seuls une poignée de physiciens dans le monde, équipés d’un microscope à effet tunnel ou d’un microscope à force atomique, peuvent déplacer quelques atomes formant de petites molécules. Cependant, leurs expé‐ riences sont difficilement reproductibles et ne concernent aucunement les organismes. Bref, les OAM sont un mythe ; celui‐ci est tellement ancré dans l’imaginaire populaire que beaucoup vont le prendre pour vrai. D’autant plus que les physiciens claironnent qu’ils pourront assembler « directement les nano‐objets comme les éléments d’un jeu de Lego » (Lahmani et al., 2004, p. 11).
C’est aussi en janvier 2003 que le Better Regulation Task Force316 publie un rap‐ port intitulé « Innovation with Controls ». Celui‐ci examine notamment la question des nanotechnologies. Sa première recommandation au Gouvernement britannique est d’organiser un débat public sur les risques des nanotechnologies. Du coup, celui‐ci commande un rapport à la Royal Society et la Royal Academy of Engineering sur les op‐ portunités et les incertitudes liées aux nanotechnologies, qui sera publié en juillet 2004 [236]317. A partir de là, de nombreuses études ont été publiées pour évaluer les nano‐ technologies du point de vue toxicologique, sociétal, éthique, financier, pharmaceutique, etc.318 Entre 2001 et 2003, un débat très dur oppose Eric Drexler à Richard Smalley, qui estime qu’il n’est pas possible de construire des « assembleurs moléculaires » (ou « na‐ norobtos autorepliquants ») et ce, à cause de principes physiques fondamentaux. Smal‐ ley à Drexler: “You are still in a pretend world where atoms go where you want because your computer program directs them to go there. You assume there is a way a robotic manipulator arm can do that in a vacuum, and somehow we will work out a way to have this whole thing actually be able to make another copy of itself. I have given you reasons why such an assembler cannot be built, and will not operate, using the principles you suggest. I consider that your failure to provide a working strategy indicates that you implicitly concur‐‐even as you explicitly deny‐‐that the idea cannot
316 Devenu depuis 2006 The Better Regulation Commission, c’est un organisme public du gouvernement britannique, indépendante de tout ministère du gouvernement, mais sous la supervision du Department for Business, Enterprise
and Regulatory Reform. 317 Le Prince Charles, qui s’était ému en 2003 des risques potentiels des nanotechnologies, a réagi par cette déclara‐ tion : « The benefits will largely accrue to those who invest successfully in these technologies and to those who can utilize them. But these new applications will inevitably displace existing technologies. Who will lose from that process, and will it widen the existing disparities between rich and poor nations? What exactly are the risks attached to each of the tech‐ niques under discussion, who will bear them, and who will be liable if and when real life fails to follow the rose‐tinted script? » [11/07/2004 http://www.princeofwales.gov.uk] 318 Cf. certains de ces rapports dans notre bibliographie : [230] à [268]
work. […] You and people around you have scared our children. I don't expect you to stop, but I hope others in the chemical community will join with me in turning on the light, and showing our children that, while our future in the real world will be challenging and there are real risks, there will be no such monster as the self‐replicating mechanical nanobot of your dreams.”319.
Cette controverse publique n’a pas qu’un enjeu scientifique. Elle a également une dimension de pouvoir politique et de subsides de recherche. En 2004, Lawrence Les‐
sig320, membre du Foresight Institut qu’a fondé Drexler, rapporte que les recherches sur la « manufacture moléculaire » que défend Drexler n’a reçu aucune subvention de l’Etat fédéral et de la National Nano Initiative. 321 Drexler serait‐il devenu persona non grata ? Voudrait‐on le mettre aux oubliettes ? En mars 2004, un séminaire organisé par la direction de la santé et du consomma‐ teur de la Commission européenne a pour thème les risques liés aux nanotechnologies ; le mois suivant, c’est direction Recherche qui convoque à Bruxelles des chercheurs en sciences humaines et sociales pour débattre de ces questions. L’objectif est moins de freiner le développement des nanotechnologies que d’anticiper les débats sociétaux les concernant322.
Pendant ce temps, on parle peu des nanotechnologies en France, et encore moins des polémiques qu’elles suscitent outre‐manche. Dans les médias, on évoque la « révolu‐
tion » que constituent les nanotechnologies seulement en termes positifs323. En mai
2004, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques publie à
nouveau un rapport très optimiste à leur égard [238]324. Tous optimistes ? Non ! Un ilot
de résistance commence à se cristalliser. Dans le quotidien Libération du 25 septembre 2003, la journaliste spécialisée à propos des questions environnementales Laure Noul‐ hat rend compte des « rencontres Minatec, du nom du complexe grenoblois qui sortira de terre en 2005 et lancé à l'initiative du CEA » où se retrouvent durant cinq jours à Gre‐ noble des chercheurs qui doivent « séduire » des industriels et des capitaux‐risqueurs « venus faire leur marché ». La journaliste va rencontrer des membres du collectif Pièces et main d’œuvre (cf. p. 155 à 165) ; ils se présentant comme de « simples citoyens » qui
319 Nanotechnology: Drexler and Smalley make the case for and against 'molecular assemblers. Chemical & Engineering
News (American Chemical Society) 81 (48): 37–42. 1 December 2003. http://pubs.acs.org/cen/coverstory/8148/8148counterpoint.html]
320 Juriste américain, Lawrence Lessig est connu pour avoir fondé la licence Creative Commons, qui permettent aux titulaires de droits (livres, musiques, films, etc.) d’autoriser le public à effectuer certaines utilisations (par exemple téléchargement et usage gratuit), tout en ayant la possibilité de réserver les exploitations commerciales (ou pas). 321 Wired, 12/07/2004, http://www.wired.com/wired/archive/12.07/view.html?pg=5 322 Converging technologies : Shaping the future of European Societies, European Comission, aout 2004 323 Je me souviens avoir vu un documentaire américain diffusé sur Arte, au cours du mois de mars ou avril 2006, vers 19h (j’ai oublié son titre). Il présentait les avancées révolutionnaires de la science. On y voyait un militaire plonger dans l’eau et devenir invisible, puis ressortir de l’autre côté de la berge totalement indemne alors que la bataille faisait rage derrière lui. Évidemment, c’était truqué (et ça se voyait) : du vrai cinéma d’action avec effets spéciaux. Ce docu‐ mentaire présentait toutes ces avancées de la science comme réalisables dans les dix années à venir. Ce fut mon prem‐ ier contact avec les nanotechnologies. Autre exemple, le quotidien Le Monde a publié de nombreux articles enthou‐ siastes sur Minatec et ses partenaires, comme le 19/01/2002 (« Les grandes promesses de l’infiniment petit »), le 13/04/2002 (« Motorola rejoint ST Microelectronics et Philips dans les nanotechnologies en France»), le 17/04/2002 («
Le plus important investissement industriel réalisé en France depuis dix ans »), le 18/12/2004 (« C’est à Grenoble, ville distinguée par Time Magazine pour son excellence technologique, que François d’Aubert a choisi de donner le coup d’envoi de l’Agence nationale de la recherche, qui doit être officiellement créée en janvier 2005, avec un premier pro‐ gramme : les nanosciences et les nanotechnologies. Le ministre délégué à la recherche n’est pas arrivé les mains vides : dès l’an prochain, l’État va doubler son effort financier incitatif, qui passera de 30 à 70 millions par an, soit au total 210 millions d’euros sur trois ans. »).
324 Soulignons que Jean Therme, directeur du CEA de Grenoble et promoteur de Minatec, fait non seulement partie de cet Office, mais en plus de l’Académie des technologies.
La recherche pharmaceutique à l’épreuve des pratiques communicationnelles. L’invention d’un médicament issu des nanotechnologies. 143 tentent « de sensibiliser les Grenoblois, et les autres, aux risques posés par les nanotechno‐ logies ». Les citoyens font office de vigie pendant que les conférenciers égrènent les avantages du na‐ nomonde, ainsi que ses retombées sonnantes et trébuchantes. Mais, de sécurité et d'impact sur l'en‐ vironnement, il ne sera pas question à Grenoble. C'est pourtant un débat émergent aux Etats‐Unis, où ce sont les chercheurs qui ont pris les devants. Pour eux, l'objectif est clair : il faut absolument éviter que se répète le même scénario de rejet par le public que les OGM.
Contrairement à la plupart des vulgarisateurs de cette époque, qui s’enthousiasment devant les merveilles que vont apporter les nanotechnologies, Laure Noualhat est plus circonspecte et introduit d’emblée le débat sur leur toxicité potentielle, à rebours des discours dominants. Elle signale ainsi les risques potentiels des nanoma‐ tériaux : Certaines particules, d'après leur composition ou leur structure, peuvent interagir avec les cellules de l'organisme. Dans ce cas, les nanomatériaux, du fait de leur taille, pourraient exacerber les effets nuisibles de certains composés. On ne sait pas si les nanomatériaux sont bioaccumulables dans l'organisme ou s'ils causent des dommages du fait de leurs propriétés. « De vraies questions devant être abordées avec sérénité, estime Jean Therme, patron du futur Minatec. Mais, pour l'ins‐ tant, nous ne sommes pas impliqués dans ce débat. » Elle signale enfin que l'Agence de protection de l'environnement américaine a lan‐ cé plusieurs programmes sur l'impact des nanoparticules sur l'environnement et la san‐ té. Pour elle, « le temps presse, car les nanoparticules n'appartiennent plus à un futur proche ou éloigné, elles sont déjà répandues dans les processus de fabrication de cer-tains produits ». Elle se doute bien que tous les ingrédients sont présents pour que la poudrière explose. Le point G se trouve à Grenoble.
2. De l’éthique
Le débat éthique est latent dans toute la France, suite aux débats sur les biotech‐ nologies et les OGM. Christian Joachim325, physicien à Toulouse qui travaille sur la fabri‐ cation de machines moléculaires depuis de nombreuses années, en particulier les tran‐ sistors à un atome, se souvient d’un débat auquel il avait participé le 16 janvier 2003 au Musée des Arts et Métiers à Paris. Sur le thème « La miniaturisation des machines, jusqu’où ? », une quarantaine de participants interrogeaient un petit groupe de scienti‐ fiques. Une question leur est posée : « Imaginons qu’en manipulant la matière atome par atome, vous soyez capables de construire une cellule. Obtiendrez‐vous une cellule qui se mettrait à vivre ? »326. L’anticipation des risques est naturelle chez l’être humain ; c’est sa survie‐même qui est en jeu s’il ne prenait en considération tous les éléments possibles à venir. Le rôle des sciences humaines est‐il alors de cristalliser ces peurs, de créer de nouvelles interrogations ou de démythifier les mythes ?En lisant et en écoutant les discours développés par les promoteurs ou par les op‐ posants des nanotechnologies (cf. chapitre 2, p. 173 à 183 et annexes, p. 519 à 533), il m’est souvent difficile de distinguer ce qui relève du fantasme, du réalisable ou de l’acquis. Les uns et les autres confondent le présent de l’indicatif, le futur et le condition‐ nel. Comme le souligne le philosophe Evans, appelé à se prononcer sur l’éthique des na‐ notechnologies : 325 Responsable du groupe Nanosciences au laboratoire CEMES à Toulouse, ainsi que du groupe Atom Technology à Singapour. 326 Joachim, Sous le microscope du philosophe, In Bensaude‐Vincent et al., 2008, [273], p. 74
There are numerous difficulties attached to the ethical evaluation of this technology, for at this early stage it is not possible to distinguish easily between, on the one hand, the hype of the promising being made and the possibilities, both positive and negative, wich are being discussed and, on the hand, the realities of what is or might become possible.327 (Evans p. 126, [207])
Comment alors discuter de l’éthique d’un produit possible mais pas encore réalisé, ou encore d’un produit impossible à réaliser ? Comment traiter « des principes régula‐ teurs de l'action et de la conduite morale » 328 de produits dont on ne connait ni l’usage qui en sera réellement fait, ni les effets réels, puisqu’ils n’existent pas encore ? Ce pas là, les philosophes le franchiront allègrement, important des États‐Unis les débats relatifs au transhumanisme et à la convergence NBIC, c’est‐à‐dire des nanotechnologies avec les biotechnologies, les technologies de l’information et les sciences cognitives (Du‐ puy,[282] ; Bensaude‐Vincent [271] ; Maestrutti [297]). La question est fondamentale : à terme, que deviendra l’humain ? Où se situe la frontière entre la machine et le vivant, entre le naturel et le synthétique ? On voit que la question de l’animalité de l’humain à peine éludée par les darwinistes, c’est un autre chantier qui s’annonce pour les philo‐ sophes et les théologiens. Cependant, peut‐on réduire les nanotechnologies à ce seul aspect ? Quid des produits manufacturés comme les médicaments, les pneumatiques, les cosmétiques et les raquettes de tennis ?
Fin 2003, devant le début de contestation de collectifs grenoblois contre les nano‐ technologies, pousse des membres de l’Institut national polytechnique de Grenoble (INPG) à demander au Comité d’éthique du CNRS329 de « s’interroger sur la façon adé‐ quate de répondre à la situation », rapporte Bordé (2010, [275], p.456), membre dudit comité. Celui‐ci auditionnera en mars 2004 une délégation de l’INPG, en juin 2004 Jean‐ Yves Marzin (coordinateur au CNRS du programme ministériel sur les nanotechnolo‐ gies) et en janvier 2005 Jean‐Pierre Dupuy. Celui‐ci enseigne la philosophie à Standford. C’est le premier intellectuel française à s’alarmer publiquement des discours prophé‐ tiques des promoteurs des nanotechnologies. Il avait noté, dès décembre 2003, lors d’une communication au Forum européen des comités d’éthique nationaux à Rome, le sur‐ optimisme d’un rapport de la National Science Fondation (intitulé Converging technolo‐ gies for Improving Human Performances) quant aux impacts des nanotechnologies :
Il ne promet pas moins à terme que l’unification des sciences et des techniques, le bien‐être matériel et spirituel universel, la paix mondiale, l’interaction pacifique et mutuellement avanta‐ geuse entre les humains et les machines intelligentes, la disparition complète des obstacles à la communication généralisée – en particulier ceux qui résultent de la diversité des langues –, l’accès à des sources d’énergie inépuisables, la fin des sou‐ cis liés à la dégradation de l’environnement. Prudemment, le rapport conjecture que « l’humanité pourrait bien devenir comme un “cerveau” unique [dont les éléments seraient] distribués et interconnectés par des liens nouveaux parcourant la société ». (Dupuy, 2004, [282], p. 414)
Là où l’on hausse les épaules devant la promesse d’un industriel comme Monsan‐ ton d’éradiquer la faim dans le monde, voire d’autres mensonges publicitaires identifiés comme tels, Dupuy prend cette utopie pour un monde possible, dont il faut mesurer les conséquences et ébranler les consciences en France, où l’on ne mesure pas assez les dangers liés aux nanotechnologies. Il sait pourtant que l’un des rédacteurs de ce rapport,
327 « Il y a de nombreuses difficultés attachées à l'évaluation éthique de cette technologie, car à ce stade précoce, il n'est pas possible de distinguer facilement entre, d'une part, l'engouement pour les promesses en cours et les possibi‐ lités, à la fois positive et négative, qui sont l'objet de discussions et, d'une part, les réalités de ce qui est ou pourrait devenir possible. » [traduction personnelle] 328 Définition du Petit Robert : « Science de la morale ; art de diriger la conduite » ; définition du Trésor de la Langue Française : « Science qui traite des principes régulateurs de l'action et de la conduite morale ». 329 COMETS : http://www.cnrs.fr/fr/presentation/ethique/comets/index.htm
La recherche pharmaceutique à l’épreuve des pratiques communicationnelles. L’invention d’un médicament issu des nanotechnologies.
145
William Sims Bainbridge, milite au sein du mouvement transhumanisme, « c’est‐à‐dire le dépassement de l’imparfaite espèce humaine par une cyber‐humanité » qui pourra accéder au « contenu informationnel du cerveau, « donc » l’esprit et la personnalité de chacun » et