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CHAPITRE I – LE SYSTÈME DES SOINS DE SANTÉ AU QUÉBEC DU MODÈLE INTÉGRÉ

1.2 La réorganisation du système de santé québécois De la logique d’établissement à

1.2.4 Les années 2000, une période de transformations majeures

Toujours à la recherche d’une meilleure intégration des soins, la décentralisation du système de santé conduit à la naissance d’un modèle d’organisation des services sur une base territoriale locale qui aboutit à la création des réseaux locaux de services (RLS). Et malgré les controverses nées de l’instauration du régime universelle de santé, le système de santé québécois demeure public et accessible à tous.

1.2.4.1 Vers une décentralisation marquée du système de santé

Le besoin d’améliorer l’accès aux services de santé amène le gouvernement québécois à créer une Commission d’étude sur les services de santé et les services sociaux, la Commission Clair (2000), dans une période caractérisée par une série de transformations

2 FTQ – la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. CSQ – la Centrale des syndicats du Québec. CSN – la Confédération des syndicats nationaux.

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majeures dans le système de santé québécois. De ce fait, selon le rapport de cette commission, «la régulation est en rupture avec le modèle global et technocratique qui guidait le gouvernement du Québec depuis 1971 dans le secteur de la santé». S’impose ainsi le besoin d’une distinction entre la régulation politique, visant les objectifs et les choix sociaux, et la régulation administrative, concernant les mécanismes de gestion, ainsi que sa conception managériale. Et cela, en raison de l’essor d’un pluralisme de valeurs, de la présence de nouvelles réalités sociales et culturelles, de la contribution du secteur privé, de même que de la manifestation des exigences d’une imputabilité régionale et locale (Bergeron et Gagnon, 2003). Une décentralisation plus importante du système de santé se profile. La commission vise à favoriser une flexibilité accrue en ce qui a trait à l’organisation du travail et aux équipes interdisciplinaires.

Les travaux de la commission Clair s’orientent vers les mêmes objectifs que les deux commissions précédentes, soit la continuité et l’intégration des services, tout en faisant état des résultats peu satisfaisants quant à l’accessibilité, la coordination et la continuité des services, ainsi qu’au financement. Suite aux travaux de cette Commission, seront adoptées, en 2000, la Loi sur l’administration publique et en 2001, la Loi modifiant la loi sur les services de santé et les services sociaux et modifiant diverses dispositions législatives. La commission Clair souligne ainsi l’importance de plusieurs aspects permettant l’amélioration des services de santé, comme la consolidation et l’amélioration des services de première ligne, ou bien des services (médicaux, sociaux) de base, courants, la considération de l’approche par programme comme moyen d’intégration, la révision du financement selon les besoins des populations et la création des réseaux de services intégrés pour certaines clientèles spécifiques. De ce fait, se profile une nouvelle perspective organisationnelle, les réseaux de services intégrés, dépassant ainsi l’approche structurelle qui a constitué le fondement organisationnel du système de santé en réseau.

La Loi sur les agences de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux de 2003 apporte des changements importants dans le système de santé du Québec, amenant l’imposition d’une nouvelle réforme de la santé. Celle-ci sera guidée par deux principes fondamentaux qui visent à assurer, autant les soins de base à la population, que l’accessibilité de celle-ci à chacun des types de soins dont elle a besoin, notamment par la création de «corridors de services», dont le but est de faciliter l’accès des patients à des services plus complexes (Levine, 2007). Prend naissance ainsi un modèle d’organisation des services sur une base territoriale locale, par la création des RLS qui visent à améliorer

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l’accessibilité, la continuité et la coordination des soins et des services de santé (Québec, MSSS, 2013). Les centres de santé et de services sociaux (CSSS), situés au cœur des RLS et nés de la fusion des CLSC, CHSLD et CH, sont responsables de la gérance des niveaux de soins primaires et secondaires, de même que de la coordination des services afin d’assurer l’accès aux services plus spécialisés. Aussi, dans le nouveau modèle basé sur le développement des soins de première ligne, la création des Groupes de médecins de famille (GMF), de même que des équipes multidisciplinaires, ou bien des réseaux de services intégrés s’avère nécessaire.

Dans la nouvelle formule, les RRSSS deviennent des agences de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux, responsables de la gérance, de la coordination et de la prestation des soins. De ce fait, la nouvelle réforme vise l’introduction des contrats managériaux entre le ministère de la santé et les agences régionales des provinces, ainsi qu’entre chaque agence et les organisations qui fournissent des services dans sa juridiction. Ces contrats assurent l’évaluation du développement et la mesure de la performance des services régionaux et permettent à chaque organisation du réseau d’identifier les projets et les programmes qu’une agence accepte de soutenir. Par ailleurs, ce type de contrat assure la légitimité des agences régionales (Levine, 2007).

Un fait important à mentionner est l’entrée en vigueur, le 30 janvier 2003, de la Loi modifiant le Code des professions et d’autres dispositions législatives dans le domaine de la santé, désignée comme la Loi 90, qui prévoit un nouveau partage des activités cliniques entre onze professions de la santé, dont font partie les médecins, les infirmières, les diététistes, les pharmaciens. Les dispositions découlant de cette loi viennent par exemple accorder aux infirmières un plus grand pouvoir de décision et une plus grande latitude à l’égard de leurs actions, en leur octroyant un rôle important en première ligne, notamment en ce qui concerne les activités de santé publique. L’infirmière devient ainsi, entre autres, un partenaire dans les GMF (Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, 2003).

1.2.4.2 Maintien d’un système de santé public équitable

Le rapport de la commission Clair qui propose entre autres réformes un recours plus important au secteur privé, l’implantation des GMF, la création des dossiers électroniques des patients et la fusion des établissements de première ligne, est accueilli positivement par l’ensemble de la profession médicale. Toutefois, la question relative au recours au secteur privé maintient les controverses. Les associations professionnelles médicales défendent

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l’idée d’une autonomie professionnelle, considérant que «l’État devrait se limiter à fixer la quantité et les standards de qualité des soins et en garantir le financement, tout en laissant à d’autres, dont les médecins, la responsabilité d’en assumer et d’en gérer la prestation» (FMSQ, 2000, cité dans Bourque et Leruste, 2010). Quant aux centrales syndicales, pour celles-ci, le recours au secteur privé «causerait des inégalités et détériorerait les conditions du travail des travailleurs syndiqués et communautaires du domaine» (Bourque et Leruste, 2010 : 118). Si la CSN et la CSQ se positionnent contre les propositions du rapport, la FTQ s’y montre partiellement favorable. Cependant, toutes les centrales syndicales maintiennent leur position contre la privatisation de l’assurance santé, rejetant l’idée du désengagement de l’État. Selon la CSN (2007, cité dans Bourque et Leruste, 2010 : 122), «la gestion publique et l’universalité d’accès aux soins de santé ont permis de créer des régimes des soins de santé plus équitables et plus efficaces». Toutefois, des impositions gouvernementales, en 2004, quant à l’accréditation syndicale, conduisent à la diminution du nombre d’accréditations par établissement, affaiblissant leur position, ce qui affecte l’influence syndicale sur les choix sociaux (Bourque et Leruste, 2010).

Les acteurs qui ont participé aux commissions d’enquête dans le système de santé ont maintenu leur position quant à l’implication du secteur privé dans les soins de santé. Ainsi, les syndicats ont toujours opté pour une assurance santé universelle, au nom de la justice sociale, de l’égalité et de l’accessibilité. Les associations patronales, pour qui le problème du système de santé se trouve dans le monopole de l’État, de même que dans la «lourdeur» des conventions collectives de travail, vont opter pour la réorganisation des soins et du travail basée sur la nouvelle gestion publique, ainsi que pour l’assurance privée duplicative et la pratique mixte, tout en promouvant l’efficacité, la concurrence et la responsabilité, appuyant dans une certaine mesure la liberté du choix et de pratique. Quant aux associations professionnelles de médecins, celles-ci misent sur la pratique de la médecine libérale, sur la gestion privée des établissements, ainsi que sur l’assurance privée duplicative, au nom de la liberté, de l’autonomie, de la responsabilité et de l’efficacité (Bourque et Leruste, 2010).

Toutefois, malgré les controverses nées du débat suscité par l’implication du privé dans le système du santé et en dépit du maintien des positions initiales par les acteurs impliqués, l’équité et l’administration publique demeurent «au cœur des principes fondamentaux qui guident l’évolution du système sociosanitaire depuis ses débuts», les services de santé et sociaux étant de ce fait «accessibles à tous sans discrimination» (MSSS, 2008a : 3).

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