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Synthèse et réactivité des composés de type γ-silylbut-2-ènamides

II. Réactivité des composés de type γ-silylprop-2-ènamides dans les réactions d'allylations diastéréosélectives les réactions d'allylations diastéréosélectives

II.2. Les allylsilanes portant des auxiliaires chiraux

Basé sur l'expérience et les travaux antérieurs du laboratoire, nous avons entrepris de développer une méthodologie de synthèse de β-hydroxyamides par une réaction d'allylation diastéréosélective.200 Cette réaction sera développée autour d'auxiliaires chiraux, couramment utilisés en synthèse organique, permettant le transfert de l'information chirale. Celle-ci sera initiée par une source d'ions fluorures, soluble à basse température afin de maximiser l'enrichissement diastéréoisomérique, le fluorure de tétrabutylammonium (Schéma 103).

138 II.2.1. Utilisation d'auxiliaires aminés

Les premiers exemples d'auxiliaires chiraux utilisés ont été les amines chirales comme la (S)-α-méthylbenzylamine dont les dérivés sont considérés comme d'excellents inducteurs dans beaucoup de transformations chimiques, comme par exemple dans les réactions de Diels-Alder,212 ou encore comme ligand du rhodium pour réaliser des cycloadditions 1,3-dipolaires énantiosélectives.213 Nous avons également utilisé la forme protégée du prolinol, dérivé de la proline, acide aminé naturel permettant des transformations hautement diastéréosélectives, notamment utilisé comme organocatalyseur dans un grand nombre de réactions comme les réactions de Mannich.214 Les composés silylés dérivant de ces auxiliaires (Figure 37), ont été mis en solution dans le THF, à -78 °C, en présence de TBAF. Leur réactivité vis-à-vis des plus simples représentants d'aldéhydes aliphatiques (acétaldéhyde) et aromatique (benzaldéhyde) a été évaluée.

Figure 37 : Allylsilanes portant des auxiliaires chiraux aminés.

Dans l'ensemble des expériences de ce chapitre, les sélectivités syn/anti ont été déterminées par dosage RMN 1H (CDCl3) et RMN 1H (C6D6) du brut réactionnel. Les composés syn et anti ont été différenciés en analysant les constantes de couplages entre le proton en position α de l'amide et celui au pied de l'hydroxyle, celle-ci étant comprise entre 3 et 5 Hz pour les diastéréoisomères syn et entre 6 et 8 Hz pour les composés anti (Schéma 104).

212

Bailey, P. D.; Londesbrough, D. J.; Hancox, T. C.; Heffernan, J. D.; Holmes, A. B. J. Chem. Soc., Chem.

Commun. 1994, 2543-2544.

213

Carmona, D.; Lamata, M. P.; Viguri, F.; Rodríguez, R.; Oro, L. A.; Lahoz, F. J.; Balana, A. I.; Tejero, T.; Merino, P. J. Am. Chem. Soc. 2005, 127, 13386-13398.

214

Pour des revues sur la proline et ses dérivés en organocatalyse, voir: a) Gaunt, M. J.; Johansson, C. C. C.; McNally, A.; Vo, N. T. Drug Discovery Today 2007, 12, 8-27. b) Gruttadauria, M.; Giacalone, F.; Noto, R.

Chem. Soc. Rev. 2008, 37, 1666-1688. c) Volla, C. M. R.; Atodiresei, L.; Rueping, M. Chem. Rev. 2014, 114,

139

Schéma 104 : Détermination de la configuration relative à l'aide des constantes de couplages.

Il est apparu que seulement 30 minutes de réaction sont nécessaires à la transformation totale des allylsilanes en leurs β-hydroxyamides correspondants. Ces réactions ont présenté de bons rendements dans le cas du dérivé de l'α-méthylbenzylamine 125 cependant, nous avons pu observer une faible diastéréosélectivité de l'addition dans le cas où le benzaldéhyde est utilisé comme partenaire, donnant un mélange des diastéréoisomères syn et anti dans une proportion d'environ 1,5:1 (Tableau 45, entrée 1). En revanche, ce même rapport a été mesuré à 6:1, en faveur des diastéréoisomères de configuration relative syn 127, en utilisant l'acétaldéhyde (Tableau 45, entrée 2). Au sein du couple majoritaire, un excès diastéréoisomérique de 4:1 a été observé. Dans le cas du dérivé de proline 124, les alcools correspondants ont été obtenus avec des rendements modestes et les diastéréosélectivités se sont révélées faible vis-à-vis des deux aldéhydes présentant des sélectivités syn/anti inférieures à 2:1 (Tableau 45, entrées 3-4).

Entrée Silane R Rdt. (%) syn/anti r.d. Produit

1 Ph 74 1,5:1 1,5:1 126

2 Me 89 6:1 4:1 127

3 Ph 54 1,5:1 1,5:1 128

4 Me 66 2:1 2:1 129

140 II.2.2. Utilisation des oxazolidinones d'Evans

Les oxazolidinones développées par Evans215 comptent parmi les auxiliaires chiraux les plus connus et les plus couramment utilisés. Leur utilisation présente généralement des très bons excès diastéréoisomériques, notamment dans les réactions d'aldolisations. C'est en souhaitant utiliser les propriétés intéressantes de ces auxiliaires que nous avons envisagé leur utilisation dans les réactions d'allylations (Figure 38). Les conformations préférentielles de ces composés, en partie liées à la rigidité de ces systèmes, pourrait permettre d'obtenir d'importantes diastéréosélectivités.

Figure 38 : Allylsilanes portant des auxiliaires de type oxazolidinone d'Evans.

Le γ-silylprop-2-énamide lié à une oxazolidinone portant un groupement isopropyle

(S)-121 a donc été mis en réaction avec différents aldéhydes aromatiques ou aliphatiques en

présence de TBAF. Nous avons mis en évidence une faible sélectivité dans le cas d'aldéhydes aromatiques. Le benzaldéhyde, le 4-méthoxybenzaldéhyde ou le 4-chlorobenzaldéhyde ont conduit aux produits désirés 130-132 avec des sélectivités syn/anti comprises entre 1,5:1 et 2:1 avec de bons rendements (Tableau 46, entrées 1-3). Une sélectivité moyenne a été observée dans le cas d'aldéhydes α,β-insaturés comme le cinnamaldéhyde présentant un rapport syn/anti de 3:1 en 1 heure de réaction (Tableau 46, entrée 4). Dans tout ces cas, les excès diastéréoisomériques entre les deux isomères syn ont été estimés à 3:1 dans le cas d'aldéhydes aromatiques et 1,5:1 pour le cinnamaldéhyde. Concernant les aldéhydes aliphatiques, le meilleur résultat a été obtenu en utilisant l'acétaldéhyde. En effet, ce dernier a présenté une très importante sélectivité syn/anti supérieure à 20:1 ainsi qu'un excès diastéréoisomérique entre les deux isomères de configuration relative syn estimé à 10:1 (Tableau 46, entrée 5). Les autres aldéhydes étudiés ont présenté des enrichissements moins importants. L'hexanal a permis l'obtention de l'alcool 135 avec un bon rendement de 81% et un bon excès de 6:1 en faveur des diastéréoisomères syn (Tableau 46, entrée 6).

215

Pour des revues sur l'utilisation des auxiliaires d'Evans, voir: a) Evans, D. A. Aldrichimica Acta, 1982, 15, 23-32. b) Evans, D. A.; Shaw, J. T. Actual. Chim. 2003, 35-38. c) Evans, D. A.; Bartroli, J.; Shih, T. L. J. Am.

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L'isobutyraldéhyde et l'isovaléraldéhyde ont présenté de très bonnes sélectivités supérieures à 10:1 (Tableau 46, entrées 7-8). L'utilisation de l'hydrocinnamaldéhyde dans cette réaction a permis d'isoler le produit 138 avec un bon rendement de 69%, avec une excellente sélectivité

syn/anti supérieure à 20:1, cependant seul un rapport de 5:1 entre ces deux diastéréoisomères

a été obtenu (Tableau 46, entrée 9). L'alcool 139 dérivé du 3-methylthiopropanal a été isolé avec un rendement de 64% et une sélectivité modeste de 4:1 (Tableau 46, entrée 10). Des résultats du même ordre de grandeur ont été obtenus avec les aldéhydes présentant des structures cycliques (Tableau 46, entrées 11-12). L'utilisation d'un aldéhyde α-aminé portant deux groupements Boc sur l'atome d'azote a permis d'obtenir l'aminoalcool correspondant 142 avec un rendement de 79% et une importante sélectivité syn/anti (Tableau 46, entrée 13). Seul le pivalaldéhyde n'a présenté aucune réactivité vis-à-vis de cette réaction d'allylation (Tableau 46, entrée 14).

Entrée Aldéhyde t Rdt. (%) syn/anti r.d. Produit maj.

1 30 min 74 2:1 3:1 130 2 30 min 70 1,5:1 3:1 131 3 1 h 68 1,5:1 3:1 132 4 1 h 76 3:1 1,5:1 133 5 15 min 87 >20:1 10:1 134 6 15 min 81 6:1 4:1 135 7 30 min 71 >10:1 5:1 136 8 30 min 65 >10:1 5:1 137 9 30 min 69 >20:1 5:1 138

142 10 1 h 64 4:1 3:1 139 11 15 min 67 4:1 1:1 140 12 30 min 67 4:1 3:1 141 13 2 h 79 >20:1 5:1 142 14 4 h / / / /

Tableau 46 : Criblage d'aldéhydes.

Dans un second temps, nous avons fait varier la nature ainsi que la stéréochimie des groupements portés sur l'oxazolidinone. Trois autres auxiliaires ont ainsi été utilisés dans cette réaction d'allylation. En utilisant l'acétaldéhyde, les oxazolidinones mono substituées ont présenté les mêmes stéréosélectivités importantes (Tableau 47, entrées 1, 3 et 5). En revanche l'utilisation de l'oxazolidinone 123 portant un groupement méthyle ainsi qu'un groupement phényle a entrainé une chute de l'enrichissement isomérique à 10:1 (Tableau 47, entrée 7). En utilisant le benzaldéhyde aucune diastéréosélectivité significative n'a été observée, quelle que soit l'oxazolidinone (Tableau 47, entrées 2, 4, 6 et 8).

Les configurations absolues des alcools obtenus ont été déterminées en utilisant la méthode des esters de Mosher216 et par comparaison avec les données de la littérature pour le composé 145.217 Ces stéréochimies ont été également confirmées par des expériences complémentaires qui seront détaillées dans la partie II.3.2 de ce chapitre.

216

a) Dale, J. A.; Dull, D. L.; Mosher, H. S. J. Org. Chem. 1969, 34, 2543-2549. b) Dale, J. A.; Mosher, H. S. J.

Am. Chem. Soc. 1973, 95, 512-519. c) Hoye, T. R.; Jeffrey, C. S.; Shao, F. Nature Protocols 2007, 2, 2451-2458.

217

143 Entrée Silane R3 t Rdt. (%) syn/anti r.d. Produit maj.

1 Me 15 min 87 >20:1 10:1 134 2 Ph 30 min 74 2:1 3:1 130 3 Me 15 min 82 >20:1 10:1 143 4 Ph 30 min 76 2:1 3:1 144 5 Me 20 min 79 >20:1 10:1 145 6 Ph 30 min 73 2,5:1 4:1 146 7 Me 30 min 91 10:1 8:1 147 8 Ph 30 min 77 2:1 2:1 148

Tableau 47 : Criblage d'oxazolidinones.

Nous pouvons comparer la stéréochimie des produits obtenus par notre méthodologie d'allylation avec ceux pouvant être obtenus par les réactions d'aldolisations. En effet, dans les réactions d'aldolisations, les stéréochimies relatives et absolues des produits d'additions sont dépendantes des conditions expérimentales. Ainsi en utilisant la N-acyloxazolidinone 149, par une réaction de type aldol basé sur les énolates de bore, le produit dit "syn-Evans" peut être obtenu majoritairement. 218 Le produit d'addition "anti-Evans" pourrait être obtenu par une catalyse au chlorure de magnésium.219 Il faut utiliser le dérivé soufré de l'oxazolidinone chirale pour obtenir, par une catalyse au bromure de magnésium, le produit de stéréochimie dite "anti-non-Evans" (Schéma 105).220

218

Evans, D. A.; Rieger, D. L.; Bilodeau, M. T.; Urpi, F. J. Am. Chem. Soc. 1991, 113, 1047-1049. Et référence 215c.

219

Evans, D. A.; Tedrow, J. S.; Shaw, J. T.; Downey, C. W. J. Am. Chem. Soc. 2002, 124, 392-393.

220

144

Schéma 105

Bien que les mécanismes et les modèles mis en jeux dans notre méthodologie ne peuvent être comparés au cas des aldolisations, les produits obtenus correspondent à une configuration de type "syn-non-Evans". On ne retrouve que peu d'exemples de ce type de stéréochimie dans la littérature, comme cet exemple reposant sur l'utilisation de thiazolidinethiones comme auxiliaires chiraux. Dans ces cas, les énolates de titane correspondants ainsi que l'emploi de deux équivalents de spartéine, diamine chirale peu disponible et relativement coûteuse, sont nécessaires pour obtenir cette stéréochimie "syn-non-Evans" (Schéma 106). 221

Schéma 106

221

a) Crimmins, M. T.; King, B. W.; Tabet, E. A. J. Am. Chem. Soc. 1997, 119, 7883-7884. b) Crimmins, M. T.; Chaudhary, K. Org. Lett. 2000, 2, 775-777. Voir aussi: c) Walker, M. A.; Heathcock, C. H. J. Org. Chem. 1991,

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