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Synthèse et réactivité des composés de type γ-silylbut-2-ènamides

I. Les allylsilanes et la réaction d'allylation

I.2. Allylations stéréosélectives utilisant les allylsilanes

Les allylsilanes comptent parmi les composés organosilylés les plus utilisés en synthèse organique. Pouvant être considérés comme des allylmétaux, ils résistent néanmoins à une grande variété de conditions expérimentales. Leur stabilité et leur réactivité extrêmement riche en font des précurseurs de choix dans de nombreuses synthèses de produits naturels.148

Les allylsilanes sont très réactifs vis-à-vis d'espèces électrophiles, notamment les composés carbonylés, après activation par un acide ou une base de Lewis. Les propriétés électroniques du silicium permettent de stabiliser les cations formés par un phénomène d'hyperconjuguaison appelé "effet β" du silicium. Ainsi dans ces espèces, des interactions ont lieu entre l'orbitale σ de la liaison Si-C et l'une des orbitales p vacante du cation, il en résulte un recouvrement latéral stabilisant davantage cet intermédiaire que dans les cas de cations alkyles. En présence d'espèces nucléophiles, l'élimination du groupement triméthylsilyle se réalise très facilement (Schéma 83).149 Un effet opposé permet de stabiliser partiellement des anions en position α.150

Schéma 83 : Réactivité des allylsilanes vis-à-vis d'électrophiles.

148

Langkopf, E.; Schinzer, D. Chem. Rev. 1995, 95, 1375-1408.

149

a) Fleming, I.; Pearce, A.; Snowden, R. L. J. Chem. Soc., Chem. Commun. 1976, 182-183. b) Wierschke, S. G.; Chandrasekhar, J.; Jorgensen, W. L. J. Am. Chem. Soc. 1985, 107, 1496-1500.

150

118

Ces propriétés en font des composés utilisés essentiellement pour réaliser des réactions de substitution électrophile.151 Sa double liaison permet également de réaliser un grand nombre de transformations comme l'addition d'espèces radicalaires, ou encore les cycloadditions.152

L'utilisation d'allylsilanes comme espèces nucléophiles a été largement décrits depuis les travaux d'Hosomi et Sakurai.153 Un grand nombre de substrats ont été utilisés dans ces réactions comme les dérivés carbonylés mais également les α-énones ou toute espèce présentant un atome de carbone électrophile. Ils réagissent exclusivement suivant le mode SE2'. Bien que l'utilisation d'allylsilanes soit très variée, les allylations de composés carbonylés représentent la majorité des ces réactions. Ces réactions de type II sont diastéréoconvergentes. Ce phénomène est expliqué par la géométrie des états de transition ouverts minimisant les interactions défavorables. Les deux isomères Z et E conduisent aux mêmes états de transition, soit antipériplanaire soit synclinal et permettent d'obtenir les produits d'addition de stéréochimie relative syn. Ce cas est valable pour les allyltrialkylsilanes activés par des acides de Lewis (Schéma 84).154

Schéma 84 : Etats de transition dans les réactions d'allylation sous activation acide de Lewis.

Les allyltrichlorosilanes sont des composés moins nucléophiles que les trialkylsilanes.155 Cependant leur activation est possible par une base de Lewis comme le DMF156 ou le

151

a) Chan, T. H.; Fleming, I. Synthesis 1979, 761-786. b) Fleming, I.; Dunoguès, J.; Smithers, R. Org. React. 2004, 57-575.

152

Chabaud, L.; James, P.; Landais, Y. Eur. J. Org. Chem. 2004, 3173-3199.

153

a) Hosomi, A.; Sakurai, H. Tetrahedron Lett. 1979, 17, 1295-1298. b) Hosomi, A.; Endo, M.; Sakurai, H.

Chem. Lett. 1976, 5, 941-942. c) Hosomi, A.; Sakurai, H. J. Am. Chem. Soc. 1977, 99, 1673-1675.

154

a) Denmark, S. E. Fu, J. Chem. Rev. 2003, 103, 2763-2793. b) Denmark, S. E.; Weber, E. J.; Almstead, N. G.; Wolf, L. M. Tetrahedron 2012, 68, 7701-7718.

155

a) Mayr, H.; Hagen, G. J. Chem. Soc., Chem. Commun. 1989, 91-92. b) Mayr, H.; Kempf, B.; Ofial, A. R.

Acc. Chem. Res. 2003, 36, 66-77. c) Laub, H. A.; Yamamoto, H.; Mary, H. Org. Lett. 2010, 12, 5206-5209. d)

Laub, H. A.; Mary, H. Chem. Eur. J. 2014, 20, 1103-1110.

156

a)Kobayashi, S.; Nishio, K. Tetrahedron Lett. 1993, 34, 3453-3456. b) Kobayashi, S.; Nishio, K. J. Org.

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HMPA.157 Dans ce cas, la complexation de la base de Lewis avec le silicium conduit à un silicium pentavalent présentant un caractère acide de Lewis capable d'activer l'aldéhyde. Cette activation par le réactif silylé conduit à un état de transition fermé à six centres de type Zimmerman-Traxler donnant les isomères syn et anti en fonction de la géométrie de la double liaison. Ainsi les composés Z donneront les produits syn tandis que les alcènes E conduiront aux produits anti (Schéma 85).158

Schéma 85 : Etats de transition dans les réactions d'allylation sous activation base de Lewis.

Ces différentes caractéristiques ont conduit au développement de nombreuses méthodes d'allylation diastéréosélectives138 ou énantiosélectives de composés carbonylés.159 Depuis le premier exemple d'allylation énantiosélective décrit par Yamamoto en 1991 (Tableau 36, entrée 1), l'utilisation d'acide de Lewis chiraux dans ces réactions n'a cessé de croître. Parmi les plus utilisés, nous pouvons citer les complexes chiraux de terres rares, de cuivre ou encore de titane (Tableau 36, entrées 2-4). Les allyltrialkoxysilanes sont également très utilisés pour réaliser des allylations énantiosélectives à l'aide de complexes chiraux (Tableau 36, entrée 5). Le cas des allyltrichlorosilanes est le plus décrit, notamment grâce à leur facilité d'activation par les bases de Lewis. Basé sur les travaux précurseurs de Kobayashi qui a mis en évidence l'activation de ces trichlorosilanes par le DMF, de nombreuses bases de Lewis chirales ont été développées comme les dérivés de formamides ou encore les dérivés phosphorés comme les phosphoramides (Tableau 36, entrée 6-8). On retrouve encore quelques exemples utilisant les sulfoxydes160 ou les oxydes de phosphines.161

157

Denmark, S. E.; Coe, D. M.; Pratt, N. E.; Griedel, B. D. J. Org. Chem. 1994, 59, 6161-6163.

158

a) Denmark, S. E.; Fu, J. Chem. Commun. 2003, 167-170. b) Denmark, S. E.; Fu, J.; Coe, D. M.; Su, X.; Pratt, N. E.; Griedel, B. D. J. Org. Chem. 2006, 71, 1513-1522. Voir aussi: c) Mejuch, T.; Gilboa, N.; Gayon, E.; Wang, H.; Houk, K. N.; Marek, I. Acc. Chem. Res. 2013, 46, 1659-1669.

159

Masse, C. E.; Panek, J. S. Chem. Rev. 1995, 95, 1293-1316. Et références 137 et 154a.

160

a) De Sio, V.; Massa, A.; Scettri, A. Org. Biomol. Chem. 2010, 8, 3055, 3059. b) Massa, A.; Malkov, A. V.; Kočovský, P.; Scettri, A. Tetrahedron Lett. 2003, 44, 7179-7181. c) De Sio, V.; Acocella, M. R.; Villano, R.; Scettri, A. Tetrahedron:Asymmetry 2010, 21, 1432-1435.

161

a) Nakajima, M.; Kotani, S.; Ishizuka, T.; Hashimoto, S. Tetrahedron Lett. 2005, 46, 157-159. b) Kotani, S.; Hashimoto, S.; Nakajima, M. Tetrahedron 2007, 63, 3122-3132.

120 Entrée Allylsilane Activateur chiral Référence

1 162 2 163 3 164 4 165 5 AgF, 166 6 167 7 168 8 169

Tableau 36 : Allylation énantiosélectives utilisant les allylsilanes.

162

Furuta, K.; Mouri, M.; Yamamoto, H. Synlett 1991, 561-562.

163

a) Evans, D. A.; Aye, Y.; Wu, J. Org. Lett. 2006, 8, 2071-2073. Voir aussi : b) Hanhan, N. V.; Tang, Y. C.; Tran, N. T.; Franz, A. K. Org. Lett. 2012, 14, 2218-2221.

164

a) Bode, J. W.; Gauthier Jr., D. R.; Carreira, E. M. Chem. Commun. 2001, 2560-2561. b) Gauthier Jr., D. R.; Carreira, E. M. Angew. Chem. Int. Ed. 1996, 35, 2363-2365. c) Aoki, S.; Mikami, K.; Terada, M.; Nakai, T.

Tetrahedron Lett. 1993, 49, 1783-1792.

165

Kiyohara, H.; Nakamura, Y.; Matsubara, R.; Kobayashi, S. Angew. Chem. Int. Ed. 2006, 45, 1615-1617.

166

a) Wadamoto, M.; Naodovic, M.; Yamamoto, H. Eur. J. Org. Chem. 2009, 5132-5134. b) Wadamoto, M.; Yamamoto, H. J. Am. Chem. Soc. 2005, 127, 14556-14557. c) Yanagisawa, A.; Kageyama, H.; Nakatsuka, Y.; Asakawa, K.; Matsumoto, Y.; Yamamoto, H. Angew. Chem. Int. Ed. Engl. 1999, 38, 3701-3703.

167

a) Iseki, K.; Mizuno, S.; Kuroki, Y.; Kobayashi, Y. Tetrahedron Lett. 1998, 39, 2767-2770. b) Iseki, K.; Mizuno, S.; Kuroki, Y.; Kobayashi, Y. Tetrahedron 1999, 55, 977-988.

168

a) Bai, B.; Zhu, H. -J.; Pan, W. Tetrahedron 2012, 68, 6829-6836. b) Simonini, V.; Benaglia, M.; Pignataro, L.; Guizzetti, S.; Celentano, G. Synlett 2008, 1061-1065. c) Malkov, A. V.; Barłóg, M.; Jewkes, Y.; Mikušek, J.; Kočovský, P. J. Org. Chem. 2011, 76, 4800-4804. d) Oh, Y. S.; Kotani, S.; Sugiura, M.; Nakajima, M.

Tetrahedron: Asymmetry 2010, 21, 1833-1835.

169

a) Denmark, S. E.; Fu, J.; Lawler, M. J. J. Org. Chem. 2006, 71, 1523-1536. Voir aussi: b) Denmark, S. E.; Fu, J. J. Am. Chem. Soc. 2000, 122, 12021-12022. c) Denmark, S. E.; Fu, J. J. Am. Chem. Soc. 2001, 123, 9488-9489. d) Nemoto, T.; Hitomi, T.; Nakamura, H.; Jin, L.; Hatano, K.; Hamada, Y. Tetrahedron: Asymmetry 2007,

121

Comme dans le cas des autres métaux, nous retrouvons quelques exemples d'allylsilanes chiraux. L'équipe de Chan a reporté un grand nombre d'exemple dans lesquels la chiralité est portée par l'un des groupements lié au silicium, en revanche de faibles diastéréosélectivités ont été obtenues (Tableau 37, entrée 1). L'utilisation d'un silicium stéréogène, substitué par quatre groupements différents, a également été décrite. Bien que la chiralité issue des siliciums chiraux permette de réaliser des transformations stéréosélectives comme des cycloadditions,170 ou hydrosilylation171 l'utilisation de ces allylsilanes dans les réactions d'allylations ne permet pas d'obtenir des sélectivités satisfaisantes (Tableau 37, entrée 2).172 Les composés de type allylsilicates dérivés de l'acide tartrique ont été utilisés avec des résultats variables mais ont permis de mettre en évidence que la présence d'un atome de chlore sur le silicium est indispensable pour obtenir de bonnes diastéréosélectivités (Tableau 37, entrée 3). C'est basé sur ces observations que Leighton développa une grande série d'allylsilanes chiraux, facilement accessibles à partir de pseudoéphédrine ou de diamines chirales (Tableau 37, entrées 4-5).173 Ces composés permettent de réaliser des allylations diastéréosélectives de nombreux composés carbonylés et se révèlent particulièrement performants vis-à-vis d'imines ou d'hydrazones.174

Entrée Allylsilane Activateur Référence

1 AlCl3 175

2 BF3●OEt2 176

3 DMF 177

170

Akiyama, T.; Funaki, S.; Fuchibe, K. Heterocycles 2006, 67, 369-374.

171

Rendler, S.; Oestreich, M. Beilstein J. Org. Chem. 2007, 3, 3-9.

172

Pour une revue sur les siliciums stéréogéniques, voir: Xu, L. -W.; Lai, G. -Q.; Jiang, J. -X. Chem. Soc. Rev. 2011, 40, 1777-1790.

173

Pour une revue sur les réactifs de Leighton, voir: Leighton, J. L. Aldrichimica Acta 2010, 43, 3-12.

174

a) Perl, N. R.; Leighton, J. L. Org. Lett. 2007, 9, 3699-3701. b) Feske, M. I.; Santanilla, A. B.; Leighton, J. L.

Org. Lett. 2010, 12, 688-691.

175

Wei, Z. Y.; Wang, D.; Li, J. S.; Chan, T. H. J. Org. Chem. 1989, 54, 5768-5774.

176

Hathaway, S. J.; Paquette, L. A. J. Org. Chem. 1983, 48, 3351-3353.

177

Wang, D.; Wang, Z. G.; Wang, M. W.; Chen, Y. J.; Liu, L.; Zhu, Y. Tetrahedron: Asymmetry 1999, 10, 327-338.

122

4 / 178

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Tableau 37 : Allylsilanes chiraux.