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Cas des aldéhydes chiraux: étude du transfert de l'information chirale

Synthèse et réactivité des composés de type γ-silylbut-2-ènamides

II. Réactivité des composés de type γ-silylprop-2-ènamides dans les réactions d'allylations diastéréosélectives les réactions d'allylations diastéréosélectives

II.4. Cas des aldéhydes chiraux: étude du transfert de l'information chirale

Après avoir étudié la réactivité des allylsilanes fonctionnalisés dans les réactions d'allylation, nous avons décidé d'approfondir notre étude en envisageant le cas d'aldéhydes chiraux. En effet, lors des réactions d'allylations et plus généralement lors d'additions d'espèces nucléophiles, la stéréochimie du ou des centres nouvellement créés peut être

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contrôlée par l'espèce portant l'information chirale (Schéma 119). Dans le premier cas où seul l'aldéhyde est porteur de chiralité, l'addition est régie par les modèles classiques d'induction, Felkin-Ahn224 et Cram225 pour les inductions 1,2, Reetz-Cram226 et Evans227 pour les inductions 1,3. Dans chacun des cas, le résultat peut être modifié suivant la présence de groupements polaire ou coordinants.

L'induction dans le cas d'allylmétaux chiraux est variable suivant la position du centre inducteur. Dans le cas d'allylsilanes substitués en position α, la chiralité est directement transférée sur le substrat.228

Schéma 119 : Induction asymétrique par contrôle du réactif ou du substrat.

Dans le cas où les deux espèces réactives portent un élément stéréogène, le contrôle de la stéréochimie peut être assuré soit par le substrat, soit par l'espèce organométallique, ou plus généralement par l'espèce nucléophile, on parle de contrôle substrat-inducteur (Schéma 120).

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a) Chérest, M.; Felkin, H.; Prudent, N. Tetrahedron Lett. 1968, 9, 2199-2204. b) Ahn, N. T.; Eisenstein, O.; Lefour, J. M.; Dau, M. E. J. Am. Chem. Soc. 1973, 95, 6146-6147. c) Ahn, N. T.; Eisenstein, O. Nouv. J. Chem. 1977, 1, 61-70.

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Cram, D. J.; Abd Elhafez, F. H. J. Am. Chem. Soc. 1952, 74, 5828-5825.

226

a) Reetz, M. T.; Kesseler, K.; Jung, A. Tetrahedron Lett. 1984, 25, 729-732. b) Leitereg, T. J.; Cram, D. J. J.

Am. Chem. Soc. 1968, 90, 4011-4018.

227

a) Evans, D. A.; Duffy, J. L.; Dart, M. J. Tetrahedron Lett. 1994, 35, 8537-8540. b) Evans, D. A.; Dart, M. J.; Duffy, J. L.; Yang, M. G. J. Am. Chem. Soc. 1996, 118, 4322-4343.

228

a) Hayashi, T.; Konishi, M.; Ito, H.; Kumada, M. J. Am. Chem. Soc. 1982, 104, 4962-4963. b) Hayashi, T.; Konishi, M.; Kumada, M. J. Am. Chem. Soc. 1982, 104, 4963-4965.

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Schéma 120 : Réaction diastéréosélective dans le cas où les deux partenaires portent la chiralité.

Il existe également des cas pour lesquels la stéréochimie de chaque partenaire de la réaction peut permettre d'augmenter la sélectivité lorsque les géométries peuvent être appariées, on parle alors d'effet "match". Dans le cas contraire, le changement de configuration d'un des réactifs peut conduire à de faibles diastéréosélectivités par un effet "mismatch" (Schéma 121).

Schéma 121 : Double diastéréosélection.

Nous avons vu précédemment que la stéréosélectivité dans le cas d'aldéhydes simples est assurée par un contrôle 1,4 du centre stéréogène de l'aminoester. Nous nous sommes donc intéressés au cas du contrôle de la stéréosélectivité en utilisant des aldéhydes chiraux de type β-hydroxyaldéhydes. Afin de déterminer, dans ce cas, quel est le partenaire imposant le contrôle de la stéréochimie lors de l'allylation, nous avons décidé d'étudier le comportement

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d'aldéhydes portant un groupement hydroxyle protégé par un groupement silylé en position 3. En effet, l'utilisation de ce type d'aldéhyde permet de déterminer aisément les configurations absolues de chacun des centres stéréogènes en réalisant la déprotection du groupement silylé et en convertissant les diols 1,3 obtenus en acétonides. L'étude des déplacements chimiques de ces acétonides nous donne accès à la stéréochimie relative syn/anti entre les deux hydroxyles. Notre choix s'est porté sur l'aldéhyde 169 dont les deux énantiomères (R) et (S) ont été rapidement synthétisés respectivement à partir du (S)-Glycidol et du (R)-Glycidol disponibles commercialement (Schéma 122).229

Schéma 122

L'analyse des déplacements chimiques des atomes de carbones de ces acétonides permet d'avoir accès à la stéréochimie relative syn/anti des diols 1,3. En effet, les acétonides de diols 1,3 forment des structures cycliques à six centres se présentant sous deux conformations: une conformation de type chaise pour les diols 1,3 syn et une conformation de type bateau-tordu pour les diols 1,3 anti. Dans ces conformations les déplacements chimiques correspondant aux deux groupements méthyles ainsi que du carbone quaternaire sont caractéristiques d'une des deux formes. Dans la configuration chaise, l'un des deux méthyles se trouve en position équatoriale et présente un déplacement de 30 ppm, l'autre se situant en position axiale présente un déplacement de 19,6 ppm. Pour la configuration bateau-tordu, les deux méthyles sont dans le même plan et équivalents, ils ont une valeur de déplacement chimique de 24,6 ppm. Les carbones quaternaires diffèrent également, se situant en dessous de 100 ppm pour les acétonides de diols syn et au delà de 100 ppm pour les diols anti (Schéma 123).230

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Jewett, J. C.; Rawal, V. H. Angew. Chem. Int. Ed. 2010, 49, 8682-8685.

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Schéma 123 : Déplacements chimiques dans les acétonides.

Concernant les aldéhydes chiraux portant un hydroxyle protégé sous forme silylée en position 3, il a été décrit que l'addition d'espèces nucléophiles non chirales conduit à l'obtention majoritaire du diol 1,3 anti. Dans l'exemple de Batey illustré ci-dessous, l'allyltrifluoroborate de potassium L134 est additionné sur l'aldéhyde chiral L133. Dans ce cas, le contrôle 1,3 du substrat entraine la formation du diol 1,3 anti (Schéma 124).231

Schéma 124

Afin de déterminer si dans notre réaction d'allylation la stéréochimie obtenue résulte d'un contrôle 1,3 du substrat ou d'un contrôle 1,4 de l'allylsilane, nous avons utilisé l'aldéhyde 169 comme partenaire de la réaction. Dans le cas d'un contrôle 1,3 de l'aldéhyde chiral, les produits majoritaires obtenus devraient posséder un motif diol 1,3 de relation anti pour les deux énantiomères de l'aldéhyde 169 (Schéma 125).

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Schéma 125 : Produits attendus dans le cas d'un contrôle 1,3 de l'aldéhyde.

Nous avons donc, dans un premier temps, réalisé l'addition de l'allylsilane fonctionnalisé

107 sur l'aldéhyde chiral (S)-169, dans nos conditions classiques d'activation par le TBAF.

Dans ces conditions nous pouvons obtenir quatre diastéréoisomères. Deux diastéréoisomères présentant une relation syn entre les substituants en positions 1 et 2 et deux présentant une relation anti. En vue de déterminer la configuration absolue de chacun des centres créés lors de cette réaction, les différents produits ont été déprotégés par le TBAF puis les diols 1,3 ont été convertis en acétonides 171 par traitement au 2,2-diméthoxypropane en présence d'acide camphosulfonique. Au sein d'un même couple de diastéréoisomères, les acétonides présentent des relations différentes entre les substituants des positions 2 et 4, l'équivalent de diol 1,3 est soit syn soit anti (Schéma 126).

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Schéma 126

L'analyse des déplacements chimiques en RMN 13C des acétonides formés permet d'avoir accès à la stéréochimie de chacun des centres créés. En effet, comme expliqué dans le Schéma 123, le carbone quaternaire de l'acétonide d'un diol 1,3 anti présentera un déplacement chimique supérieur à 100 ppm (composés 171B et 171C) tandis que celui d'un diol 1,3 syn sera inférieur à 100 ppm (composés 171A et 171D). Dans l'agrandissement du spectre RMN

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C illustré en Figure 39, nous pouvons remarquer que le composé majoritaire présente un déplacement chimique de 100,8 ppm, caractéristique d'un acétonide de diol 1,3 anti, nous remarquons également deux signaux à 99,0 et 98,9 ppm correspondants aux deux acétonides

syn. Les alcools homoallyliques issus de la réaction d'allylation présentant majoritairement

une relation 1,2 syn entre les deux substituants des positions 2 et 3, nous pouvons déterminer la configuration absolue du produit majoritaire comme étant celle du composé 171B.

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Figure 39 : Agrandissement du spectre RMN 13C (75 MHz, CDCl3) des acétonides dans le cas de l'aldéhyde (S).

La même expérience, a été réalisée en utilisant l'énantiomère (R) de l'aldéhyde 169. Comme dans le cas précédant, nous pouvons obtenir un couple de diastéréoisomères dans lequel l'acétonide du diol 1,3 présente une relation syn (composés 171B' et 171C'), ainsi qu'un couple pour lequel cette relation est anti (composés 171A' et 171D') (Schéma 127).

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Cette fois-ci, le spectre RMN 13C des acétonides montre la présence d'un signal majoritaire à 99,1 ppm caractéristique de l'acétonide d'un diol 1,3 syn. Nous remarquons la présence de deux autres signaux à 101,0 et 100,8 ppm correspondants aux deux composés

171A' et 171D' dans lesquels l'acétonide du diol 1,3 présente une relation anti. Bien que dans

ce cas le rapport diastéréoisomérique soit moins important en raison d'un effet "mismatch", nous pouvons néanmoins identifier le composé majoritaire comme étant le produit 171B' en raison du caractère syn sélectif de la réaction d'allylation (type II) (Figure 40).

Figure 40 : Agrandissement du spectre RMN 13C (75 MHz, CDCl3) des acétonides dans le cas de l'aldéhyde (R).

Quelle que soit la configuration absolue de l'aldéhyde, le motif alcool homoallylique conserve la même configuration absolue (Schéma 128). Ces observations excluent la présence d'un contrôle 1,3 de l'aldéhyde et attestent que le transfert de l'information chirale dans cette réaction est contrôlé en 1,4 par l'allylsilane 107, bien que ce contrôle soit plus éloigné. Ces résultats complètent les observations de Panek montrant que l'utilisation d'allylsilanes chiraux, portant l'information chirale en α du silicium, surpasse une éventuelle induction 1,3.232

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Schéma 128 : Stéréochimie invariante dans le cas d'aldéhydes chiraux.

Ces observations ont également été confirmées en utilisant l'énantiomère (R) de l'allylsilane 107. De façon générale, chacune de ces réactions a présenté un bon rendement et de bonnes diastéréosélectivités lorsque les partenaires possèdent un centre chiral de même configuration absolue (Tableau 53, entrées 1 et 4). Ces diastéréosélectivités observées se sont avérées moins importantes dans le cas où les configurations du composé silylé et de l'aldéhyde 169 sont différentes, probablement en raison d'un effet "mismatch" (Tableau 53, entrées 2-3).233

Entrée Allylsilane Aldéhyde Rdt. (%) 1,2 syn/anti 1,2 r.d. Effet

1 (S)-107 (S)-169 81 7:1 8:1 Match 2 (S)-107 (R)-169 83 3:1 2:1 Mismatch 3 (R)-107 (S)-169 80 3:1 2:1 Mismatch 4 (R)-107 (R)-169 86 6:1 8:1 Match

Tableau 53 : Cas des aldéhydes chiraux.

Chaque diol 1,3 a été converti en acétonide et l'analyse de leurs déplacements chimiques atteste du contrôle 1,4 de l'allylsilane. Les valeurs des déplacements chimiques des acétonides majoritaires sont rapportées dans le Tableau 54.

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Comme dans les cas précédents, les composés syn et anti ont été identifiés par analyse de la constante de couplage CH(αC=O)-CH(OH).

167 Entrée Silane Aldéhyde δ CH31 δ CH32 δ Cq Triade Produit maj.

1a (S)-107 (S)-169 24,6 24,6 100,8 syn-anti

2b (S)-107 (R)-169 29,7 19,3 99,1 syn-syn

3b (R)-107 (S)-169 29,7 19,3 99,1 syn-syn

4a (R)-107 (R)-169 24,6 24,6 100,8 syn-anti

Tableau 54 : Déplacements chimiques des acétonides majoritaires.

Notre allylsilane, en plus d'avoir la capacité de pouvoir être très fonctionnalisé et complexe, agit comme un allylmétal capable d'imposer le contrôle de la stéréochimie lors de la réaction d'allylation.