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Synthèse et réactivité des composés de type γ-silylbut-2-ènamides

II. Réactivité des composés de type γ-silylprop-2-ènamides dans les réactions d'allylations diastéréosélectives les réactions d'allylations diastéréosélectives

II.3. Utilisation d'allylsilanes dérivés d’aminoesters

II.3.1. Choix de l'activateur

Dans un premier temps, nous nous sommes intéressés à la nature de l'activateur permettant la réaction d'allylation. En effet, les études précédentes ont montré l'efficacité du TBAF comme source d'ions fluorures permettant l'activation de nos allylsilanes fonctionnalisés. Nous avons aussi envisagé l'utilisation d'autres sources d'ions fluorures pour réaliser cette réaction. Nous avons également testé les conditions classiques rencontrées dans les réactions d'allylation de type Hosomi-Sakurai.

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Bueno, M. P.; Cativiela, C.; Mayoral, J. A.; Avenoza, A.; Charro, P.; Roy, M. A.; Andrés, J. A. Can. J. Chem. 1988, 66, 2826-2829.

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La réaction mise en place est l'introduction du γ-silylbut-2-ènamide dérivé de la phénylalanine 107 avec un léger excès d'acétaldéhyde en solution dans le THF. A -78 °C, l'activateur est alors ajouté au mélange réactionnel. Bien que l'introduction de l'activateur soit réalisée à -78 °C, aucune activation n'a été observée, excepté le cas de référence du TBAF où la diastéréosélectivité a été mesurée à environ 10:1. L'utilisation de difluorotriphénylsilicate de tétrabutylammonium (TBAT) a permis d'obtenir l'alcool désiré 150 avec un rendement de 65%. En revanche, la diastéréosélectivité observée est plus faible que dans le cas du TBAF et estimée à 4:1 en faveur du diastéréoisomère syn. Cette baisse significative peut être expliquée par le fait que cette réaction n'a été réalisée qu'à une température de -20 °C, le TBAT étant insoluble dans le THF en dessous. Les autres sources d'ions fluorures (KF, KF-Kryptofix 222, CsF et NH4F) ni les acides et bases de Lewis couramment utilisés dans ces réactions (DMF, TMSOTf, BF3●OEt2 et TiCl4) n'ont pas permis de réaliser cette réaction, même à température ambiante pendant 16 heures (Schéma 108). Dans ces cas-ci, le composé silylé engagé a pu être récupérer en totalité. Il est apparu très clairement que le TBAF reste la meilleure source d'ions fluorures permettant l'activation de notre allylsilane fonctionnalisé à basse température.

Schéma 108

Dans le cas d'allylsilanes simples, une activation par les acides de Lewis est possible. L'acide de Lewis est coordiné par l'aldéhyde puis l'introduction de l'allylsilane génère un intermédiaire cationique stabilisé par les phénomènes d'hyperconjuguaisons liées aux propriétés du silicium (effet β). Dans le cas de nos allylsilanes fonctionnalisés, la conjugaison du motif allylsilane par une fonction amide, entraine un appauvrissement électronique pouvant empêcher ce type d'activation électrophile (Schéma 109).

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Schéma 109

Dans un second temps, nous avons envisagé la réalisation de cette réaction en utilisant une quantité catalytique d'activateur. En réalisant cette réaction dans différentes conditions, nous avons pu mettre en évidence une différence de réactivité suivant la température. Ainsi, à -78 °C, cette réaction n'a pas pu être réalisée en utilisant une quantité catalytique de TBAF (Tableau 48, entrée 2). En revanche, lorsque cette même réaction est réalisée à température ambiante, l'alcool correspondant a pu être obtenu avec un rendement correct de 57% en utilisant uniquement 10 % mol d'ions fluorures (Tableau 48, entrée 4).

Entrée TBAF T (°C) t Rdt. (%) syn/anti r.d.

1 1,1 -78 10 min 77 10:1 10:1

2 10 % mol -78 6 h 8 10:1 10:1

3 1,1 t.a. 10 min 64 4:1 5:1

4 10 % mol t.a. 45 min 57 4:1 4:1

Tableau 48 : Influence de la température sur la régénération des ions fluorures.

Ces résultats semblent indiquer que l'alcoolate formé n'est pas suffisamment nucléophile à -78 °C pour attaquer le Me3SiF et ainsi permettre l'utilisation d'une quantité catalytique de TBAF dans cette réaction. Des résultats similaires ont été observés par Snieckus.187

148 II.3.2. Etude des paramètres de la réaction

Les autres paramètres de cette réaction ont également été étudiés, à commencer par le solvant. Notre réaction type a donc été utilisée pour tester un panel de solvant, en utilisant le TBAF comme source d'ions fluorures.

Les résultats de cette étude montrent que l'utilisation du THF comme solvant de la réaction est le meilleur choix. En effet, il permet une réaction très rapide, totale après 10 minutes, et de très bonnes sélectivités syn/anti ainsi que des rapports diastéréoisomériques très bons (Tableau 49, entrée 1). La réaction dans Et2O n'a pu être réalisée qu'à une température de -30 °C, le TBAF étant insoluble en dessous, l’augmentation de la température a eu pour conséquence d'entrainer une baisse de la diastéréosélectivité (Tableau 49, entrée 2). Les mêmes conditions appliquées dans l'acétonitrile à -40 °C, limite de solidification de ce solvant, ont également conduit à une baisse de sélectivité (Tableau 49, entrée 3). Un très bon rendement de 74% a été obtenu en utilisant l'acétone comme solvant. Bien que très peu usuel pour les réactions d'allylation, son utilisation nous a permis d'obtenir de très bonnes diastéréosélectivités de l'ordre de 8,5:1, de plus nous avons pu mettre en évidence la chimiospécificité de cette réaction (Tableau 49, entrée 4). En revanche, la cinétique s'est trouvée ralentie dans ce cas. Le dichlorométhane et le toluène ont présenté des réactivités similaires ne permettant pas d'observer de diastéréosélectivités significatives (Tableau 49, entrées 5-6). Enfin, un mélange DMF/acétone, permettant d'atteindre la température de -78 °C a conduit à une diminution de la sélectivité observée (Tableau 49, entrée 7). Le THF étant le meilleur solvant pour réaliser cette réaction, nous avons abaissé la température réactionnelle à -100 °C. Ce dernier essai n'a pas permis d'obtenir une augmentation de l'excès diastéréoisomérique, pour l'alcool 150, par rapport aux -78 °C des conditions précédentes (Tableau 49, entrée 8).

149 Entrée Solvant T (°C) t Rdt. (%) syn/anti r.d.

1 THF -78 10 min 77 10:1 10:1 2 ET2O -30 1 h 61 3,5:1 5:1 3 CH3CN - 40 45 min 61 4:1 6:1 4 Acétone -78 30 min 74 8,5:1 10:1 5 CH2Cl2 -78 2 h 50 1,5:1 1:1 6 Toluène -78 1 h 60 1:1 1:1 7 DMF/acétone (2:1) - 78 1 h 59 5,5:1 5:1 8 THF -100 20 min 74 10:1 10:1

Tableau 49 : Criblage de solvant.

L'influence de la nature des groupements portés sur l'atome de silicium sur la réactivité de ces composés a également été étudiée. Différents allylsilanes ont donc été introduits comme partenaire de la réaction d'allylation et leur réactivité a été observée dans les deux meilleurs solvants pour cette réaction, le THF et l'acétone.

En prenant pour référence le cas où le silicium porte trois groupements méthyles (Tableau 50, entrées 1-2), nous avons pu mettre en évidence l'influence de ces groupements, à la fois sur la réactivité et la diastéréosélectivité de cette réaction. En effet, lorsque le silicium porte trois groupements éthyles, une chute de l'excès diastéréoisomérique à 5:1 dans le THF et à 7,5:1 dans l'acétone a été observée (Tableau 50, entrées 3-4). De plus, les temps de réaction ont été également allongés. Le composé 116 portant un motif tri-isopropylsilyle n'a présenté aucune réactivité dans cette réaction d'allylation diastéréosélective, phénomène probablement lié au fort encombrement stérique présent sur l'atome de silicium (Tableau 50, entrées 5-6). L'utilisation de groupements phényles 117 a permis d'obtenir l'alcool 150 avec cependant une baisse de la sélectivité syn/anti. De plus cette réaction a présenté un taux de conversion limité de 65%, dans chacun des solvants utilisés et malgré des temps de réaction longs (Tableau 50, entrées 7-8). Dans chaque cas, le ratio diastéréoisomérique, mesuré entre les deux diastéréoisomères syn, est supérieur à 10:1.

150 Entrée Silane R Solvant t Conv. (%) Rdt. (%) syn/anti r.d.

1 107 Me THF 10 min 100 77 10:1 10:1 2 acétone 30 min 100 74 8,5:1 10:1 3 115 Et THF 6 h 100 71 5:1 10:1 4 acetone 6 h 90 69 7,5:1 10:1 5 116 i-Pr THF 9 h 0 0 / / 6 acetone 9 h 0 0 / / 7 117 Ph THF 2 h 65 42 2,5:1 10:1 8 acetone 6 h 65 48 2,5:1 10:1

Tableau 50 : Influence des groupements portés par le silicium.

Nous avons ainsi pu déterminer les meilleures conditions opératoires pour réaliser cette réaction d'allylation. Afin de pouvoir étendre cette réaction à d'autres substrats, nous avons réalisé un criblage de différents aldéhydes aromatiques ou aliphatiques en utilisant le composé silylé dérivé de la phénylalanine 107.

Nous avons pu remarquer une faible sélectivité dans le cas d'aldéhydes aromatiques. En effet, l'utilisation de benzaldéhyde, de 4-méthoxybenzaldéhyde ou de 4-chlorobenzaldéhyde a conduit, dans chaque cas, aux produits désirés 151-153 avec une sélectivité syn/anti de 2:1 et de bons rendements (Tableau 51, entrées 1-3). Le même comportement a été observé dans le cas d'aldéhydes α,β-insaturés comme le cinnamaldéhyde ou le crotonaldéhyde présentant respectivement des diastéréosélectivités de 1:1 et 2:1 (Tableau 51, entrées 4-5). Dans tout ces cas, les rapports diastéréoisomériques ont été estimés à 2:1 dans le cas d'aldéhydes aromatiques et 3:1 pour les aldéhydes α,β-insaturés. Concernant les aldéhydes aliphatiques, bien que plus faibles que dans le cas de l'acétaldéhyde, les sélectivités syn/anti se sont révélées intéressantes. L'hexanal a permis l'obtention de l'alcool 156 avec un bon rendement de 76% et un bon excès de 5:1 en faveur du couple de diastéréoisomères syn (Tableau 51, entrée 7). L'isobutyraldéhyde et l'isovaléraldéhyde ont présenté de bonnes sélectivités respectivement de 4:1 et 6:1 (Tableau 51, entrées 8-9). L'utilisation de l'hydrocinnamaldéhyde

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dans cette réaction a permis d'isoler le produit 159 avec un très bon rendement de 81%, en revanche nous avons constaté une baisse de la sélectivité (Tableau 51, entrée 10). Enfin, l'aldéhyde substitué par un groupement cyclohexyle n'a pas présenté de sélectivité syn/anti, cependant le rapport diastéréoisomérique de chaque couple de diastéréoisomères a été mesuré à 5:1 (Tableau 51, entrée 11).

Entrée Aldéhyde t Rdt. (%) syn/anti r.d. Produit

1 30 min 73 2:1 2:1 151 2 30 min 71 2:1 2:1 152 3 30 min 74 2:1 2:1 153 4 30 min 69 1:1 3:1 154 5 30 min 71 2:1 3:1 155 6 10 min 77 10:1 10:1 150 7 15 min 76 5:1 4:1 156 8 15 min 74 4:1 4:1 157 9 15 min 76 6:1 4:1 158 10 15 min 81 3:1 3:1 159 11 30 min 68 1:1 5:1 160

Tableau 51 : Criblage d'aldéhydes.

Nous avons décidé de vérifier les configurations absolues des centres créés en les comparants avec ceux obtenus dans le cas où l'inducteur chiral utilisé est une oxazolidinone. Rappelons que dans ce cas, le diastéréoisomère majoritaire obtenu 145 présente une

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configuration comparable à un type "syn-non-Evans". L'auxiliaire chiral a été clivé par le mélange LiOH/H2O2 permettant d'obtenir l'acide carboxylique correspondant, puis une réaction de couplage peptidique dans les conditions classiques a permis d'obtenir le β-hydroxyamide 150 semblable à celui obtenu à partir de l'allylsilane dérivés de la phénylalanine 107 mais correspondant au diastéréoisomère syn minoritaire obtenu par cette réaction. Cette réaction nous a permis de mettre en évidence une corrélation directe entre la configuration absolue du réactif portant le motif allyltriméthylsilane et celles des alcools obtenus. Ainsi, qu'il s'agisse d'une oxazolidinone ou d'un amino ester, un carbone asymétrique de configuration (S) en position α de l'azote fournira le diastéréoisomère (2R, 3S) et lorsque la configuration est (R), le diastéréoisomère obtenu est de configuration (2S, 3R) (Schéma 110).

Schéma 110

Nous avons ensuite étudié les différents paramètres liées à la nature de notre composé silylé. En effet, notre inducteur possède différentes caractéristiques pouvant influencer la diastéréosélectivité de cette réaction, un centre stéréogène de configuration (S), un alcène de configuration (E), une fonction amide secondaire ainsi qu'une fonction ester.

Dans un premier temps, cette réaction a été réalisée en utilisant le composé silylé (R)-107 dérivé de la phénylalanine non naturelle de configuration absolue (R). Comme attendu, la réaction a conduit, en un temps identique, à l'alcool 150 énantiomère de celui obtenu à partir du silane 107 de configuration (S) avec le même rapport diastéréoisomérique (Schéma 111).

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Schéma 111 : Influence de la chiralité de l'allylsilane fonctionnalisé.

L'étude de l'influence de la géométrie de la double liaison dans cette réaction s'est révélée plus délicate en raison de la très grande sélectivité Z/E de la réaction de métathèse croisée nécessaire à l'obtention des composés silylés. Cependant nous avons pu, en réalisant cette réaction sur une échelle importante, isoler une quantité suffisante de l'isomère (Z)-107 qui a ensuite été engagé dans la réaction d'allylation. Nous avons obtenu un résultat similaire au cas de l'isomère E et des diastéréosélectivités identiques montrant ainsi le caractère diastéréoconvergent de cette réaction d'allylation. (Schéma 112). Il faut cependant noter que dans ce cas, la réaction s'est trouvée ralentie.

Schéma 112 : Influence de la géométrie de l'allylsilane fonctionnalisé.

Nous avons ensuite envisagé l'utilisation du composé 120 portant, non plus un amide secondaire possédant un N-H libre mais un amide tertiaire présentant un groupement méthyle sur l'atome d'azote. Ce nouveau composé a été introduit comme partenaire de la réaction d'allylation induite par le TBAF. La réaction a conduit aux produits désirés avec une cinétique réactionnelle ralentie. Nous avons également pu noter une baisse significative de l'excès diastéréoisomérique, estimé dans ce cas à 4:1 semblant indiquer une participation du proton libre de l'amide dans le transfert de la chiralité (Schéma 113).

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Concernant le dernier point à étudier, à savoir l'influence de l'ester, les travaux préalablement publiés n'ont pas montré d'influence particulière concernant la nature de l'ester, méthylique ou éthylique.200 Nous avons donc envisagé d'étudier l'influence du carbonyle de l'ester dans le transfert de l'information chirale. Nous avons alors synthétisé rapidement le composé silylé 163, ne portant plus de carbonyle, en quatre étapes à partir de l'ester méthylique de la phénylalanine commerciale (Schéma 114).223

Schéma 114: Conditions: (a): NaBH4, EtOH/H2O, 65 °C, 16 h. (b): KH/MeI, THF, 0 °C-t.a., 6 h. (c): AcryloylCl/i-Pr2Net, CH2Cl2, -20 °C, 1 h. (d): Hoveyda-Grubbs 2nd Gén./AllylSiMe3, CH2Cl2, t.a., 6 h.

Ce composé a alors été utilisé comme partenaire de la réaction d'allylation dans nos conditions classiques. L'alcool correspondant 164 a été obtenu avec un bon rendement. Cependant, bien que la sélectivité syn/anti demeure inchangée, il est apparu que l'élimination du carbonyle de l'ester conduit à une perte totale de l'information chirale, l'alcool étant obtenu sous la forme d'un mélange des deux diastéréoisomères syn en proportion 1:1 (Schéma 115).

Schéma 115 : Influence de l'ester.