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Introduction bibliographique

2. Le travail en élevage

2.5. Les adaptations face à la pression du travail

Trois grands leviers d’adaptation du travail existent en élevage : l’équipement, la main- d’œuvre et la conduite (Dedieu et Servière, 2001).

L’équipement renvoie aux conditions d’exécution des tâches et est un facteur essentiel de la durée d’exécution des tâches. Il permet de diminuer le travail journalier comme c'est le cas par exemple lors de la mécanisation de la distribution de l’aliment en élevages porcins (Le Moan et al., 2003). Cet aspect peut aussi influencer les tâches périodiques comme par exemple l’utilisation lors de l'insémination des truies de doses de semence qu’il n’est plus

nécessaire de réchauffer au préalable (Le Moan et al., 2003). D'une manière générale, ces effets sont observés dans les différentes productions animales avec par exemple l'utilisation du robot de traite dans la filière « bovin lait » (Veysset et al., 2001).

L’adaptation de la main-d’œuvre concerne à la fois la composition du collectif de travail, les fonctions des travailleurs et les modes de coordinations entre eux (Dedieu et Servière, 2001). Ce levier est actuellement très mobilisé de par les modifications du collectif de travail (augmentation du salariat, conjoint travaillant à l’extérieur, double-actifs). Des questions se posent sur le « type » de salarié à embaucher (temps partiel ou temps complet, spécialisé ou polyvalent). Ainsi, selon Dufour et al. (2007), les solutions touchant la main-d’œuvre pour faire face aux problèmes liés au travail dans les élevages laitiers du Ségala (région à cheval sur le Cantal, le Lot et l’Aveyron) concernent plus de la moitié des élevages et plus d’une solution sur cinq en moyenne. De même, à partir de 216 entretiens « Bilan Travail », de 10 suivis d’élevages (à 5 ans d’intervalle), Seegers et al. (2004) montrent en Aquitaine que parmi les solutions évoquées par les éleveurs pour résoudre leurs problèmes de travail, les plus fréquentes concernent la modification de la main-d’œuvre (environ 30% des réponses), la mécanisation (20%) et l’aménagement des bâtiments, notamment la salle de traite (33%). Déjà en 1998, dans les élevages ovins du Montmorillonnais, Dedieu et al. (1998) identifiaient différentes stratégies par rapport à la main-d’œuvre. Certains éleveurs réalisaient des choix « radicaux » se focalisant sur le métier de berger et déléguant ainsi toute activité autre alors que d’autres souhaitaient limiter au maximum les interventions extérieures ce qui diminuait leur « temps disponible calculé ». Dans le domaine porcin, Hostiou et al. (2007) ont décrit à l’aide du modèle Atelage diverses contributions du salarié. Celui-ci peut être : (i) polyvalent non autonome et changeant d’activité en période de pointe, (ii) polyvalent non autonome, (iii) en charge d’un atelier, (iv) en charge d’un atelier et de l’élevage durant certains week-ends, (v) en charge d’un atelier et de l’élevage lors de l’absence de l’éleveur, (vi) en charge de l’élevage ou bien encore (vii) en charge de l’élevage et de l’exploitation lors des absences de l’éleveur. Avec ces différentes contributions des salariés d’élevage on remarque clairement différentes attentes des éleveurs par rapport à leur travail : diminuer la charge de travail tous les jours (avec les salariés polyvalents), se spécialiser sur certaines tâches en déléguant un atelier, pouvoir se faire remplacer le week-end ou pour des vacances.

L’équipement et l’aménagement des bâtiments d’une part et les modifications du collectif de travail d’autre part permettent à l'éleveur d’organiser son travail et ainsi de l’adapter à ses objectifs. Mais l’un comme l’autre ont un coût, nécessitent des investissements financiers ou

travail réside dans la modification des pratiques d’élevages. L’exemple le plus étudié actuellement concerne la mise en œuvre de la monotraite aussi bien chez la vache laitière (Davis et al., 1999 ; Pomiès et Rémond, 2002 ; Rémond et al., 2002) que chez la chèvre (Marnet et al., 2005). La mise en œuvre de façon ponctuelle de la monotraite permet de dégager du temps pour les autres activités d’élevage (1 heure par jour), avec une perte économique limitée (0,1%) (Brunschwig et al., 2004). Outre la monotraite, Cournut et Dedieu (2005) décrivent cinq options de simplification des pratiques d’élevage : la fermeture temporaire de la salle de traite, la suppression de la traite du dimanche soir, le « maxi- pâturage », l’alimentation en libre service et la ration complète dont la distribution est sous- traitée. Ces différentes options reflètent la variété des attentes de travail : réduire la durée d’astreinte quotidienne, introduire une arythmie hebdomadaire pour se rapprocher des autres professions ou modifier la répartition des tâches au cours de la campagne. Dans les élevages de bovins allaitants, les pratiques de mise en lots sont généralement simplifiées lorsque la main-d’œuvre est limitée, ce qui évite les déplacements d’animaux (Ingrand et Dedieu, 1996 ; Dedieu et al., 1997). Les grands troupeaux font face à une charge de travail accrue mais ne mettent pas forcément en place ces pratiques d’allotement simplifiées. Ces élevages passent soit par un regroupement des vêlages en une ou deux périodes permettant d’intensifier le travail à certaines périodes, soit par un étalement tout au long de l’année permettant « d’économiser » le pilotage global de la mise à la reproduction et, quand ce choix technique est voulu, d’obtenir une dilution du travail d’astreinte (Pichereau et al., 2004).

Au final les simplifications de la conduite peuvent se classer en deux sous-ensembles (Dedieu

et al., 2006). D’une part les adaptations ciblées, telle que la suppression de la traite le

dimanche soir, qui visent la réduction du temps de travail quotidien sans affecter les grands équilibres de la conduite du troupeau et de l’organisation du travail. D’autre part les adaptations plus radicales qui modifient le calendrier annuel de travail comme la fermeture annuelle de la salle de traite (Cournut et Dedieu, 2005), qui mettent en jeu la planification de la reproduction, le calendrier d’alimentation, les critères de renouvellement et de réforme, bref la cohérence du système.

Dans le domaine porcin nous avons vu que plusieurs simplifications / adaptations des pratiques ont été testées expérimentalement au niveau de la reproduction (diminution du nombre de détections des œstrus, l’absence de surveillance des mises bas, …). Par contre, la mise en œuvre de ces adaptations en relation avec les attentes de travail des éleveurs n’ont pas

mise en œuvre de ces adaptations en relation avec les attentes de travail des éleveurs n’ont pas été étudiées jusqu'à présent. Enfin, nous avons également montré que le choix d’une conduite en bande avait, à l’instar de la fermeture de la salle de traite en bovin lait, un impact très fort sur le calendrier et la périodicité des tâches.

2.6. Conclusion

De cette revue bibliographique sur le travail nous pouvons retenir que les éleveurs (incluant les éleveurs de porcs) ont des objectifs vis-à-vis de leur exploitation qui peuvent intégrer des attentes de « travail » (durée, rythme, conditions) plus ou moins affirmées, tout en étant attentifs à la productivité du travail pour des raisons de compétitivité. Ces attentes ont été traitées par diverses disciplines scientifiques des sciences sociales et des sciences techniques. Du point de vue de la zootechnie, il faut rendre compte conjointement des attentes concernant l’efficacité du travail (ratio de la productivité des animaux et du temps de travail) et celles concernant l’efficience du travail selon les perceptions propres à chaque éleveur (répartition du travail).

Les chercheurs ont identifié trois principaux leviers pour répondre aux attentes de travail des éleveurs : l’aménagement des bâtiments et des équipements, la gestion de la main-d’œuvre et la modification des pratiques d'élevage. Dans le domaine porcin, les composantes « efficacité du travail », « bâtiments et équipement » et « main-d’œuvre » ont été et sont toujours étudiées. Du point de vue de la conduite, l’accent a été mis sur l’impact des différents types de conduite en bandes qui modifient notoirement le rythme pluri hebdomadaire des tâches à réaliser. Par contre, alors que des attentes existent quant à la recherche de temps libre le week- end ou la maîtrise des horaires journaliers, l’efficience du travail et sa relation avec les pratiques de reproduction n’ont été que peu abordées en élevage porcin.