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Introduction bibliographique

2. Le travail en élevage

2.3. L'approche zootechnique du travail : 2 mondes

2.3.1. Efficacité du travail

Cette approche aborde le travail comme une ressource et l’objectif de l’élevage est considéré comme un objectif économique. Elle correspond donc initialement aux prérogatives de l’OST. Les solutions proposées par l’OST portaient sur la spécialisation des hommes et la mécanisation des tâches, mais d’autres facteurs peuvent aussi limiter l’efficacité du travail comme l’organisation temporelle et spatiale des activités.

Dans les facteurs expliquant les différences d’organisation et d’efficacité, les principaux points analysés restent la main-d’œuvre et les équipements (Sidot, 2006). Les approches relatives au travail en élevage porcin sont aussi souvent tournées vers l’efficacité du travail, facteur important de la compétitivité. Les études de Le Borgne et al. (1994), Le Bris et al. (1995), Le Bris et al. (1996), Le Borgne et Quintric (2002) et Le Moan et al. (2003) visent toutes à estimer ou à mesurer le temps de travail par atelier, créant ainsi des indices tels que « le temps passé par truie et par an », « le temps passé par semaine et par 100 truies », « nombre de truies par UTH », … Les moyennes et la variabilité de ces indicateurs de performance du travail seront repris dans la partie 2.4.

2.3.2. Efficience du travail

La deuxième approche des zootechniciens face au travail en élevage correspond à la notion d’efficience (Landais et Gilibert 1991, cités par Dedieu et Servière, 2004), qui implique un positionnement des résultats et des façons de faire vis-à-vis de ce qu’en attend l’éleveur. C’est l’analyse des « raisons qu’ont les éleveurs de faire ce qu’ils font » (Osty, 1978). L’efficience se distingue ainsi de l’efficacité qui est appréciée avec des normes objectives, construites sur des bases technologiques et ne mettant pas en jeu l’individu, la personne dans l’évaluation. Ici l’objectif de l’élevage est défini par le compromis que fait l’éleveur lui-même entre ses attentes en travail et des attentes en performances technico-économiques. Sidot (2006) confirme que l’efficience est importante pour les éleveurs : « Pour de nombreux éleveurs, la

souplesse dans l’organisation du travail, les espaces de liberté, le sentiment d’indépendance sont tout aussi importants que le temps de travail ». Dans cette optique Le Guen (2006) distingue le temps de travail du temps libre et identifie ainsi 4 rapports au travail qu’il désigne par : « Le temps libre, ce n’est pas notre priorité », « On voudrait bien du temps libre, mais on ne peut pas », « Objectif : dégager du temps libre » et « Le temps libre : on l’a choisi et on y arrive ». Les éleveurs du 1er groupe sont quasi tous des éleveurs travaillant en couple sans salariés recherchant la meilleure productivité des animaux. Ceux du second groupe sont généralement plus âgés et ont moins de marge de manœuvre financière que les autres. Le troisième groupe cherche à dissocier la vie professionnelle de la vie de famille, les femmes travaillant plus souvent que la moyenne à l’extérieur de l’exploitation. Enfin le dernier groupe correspond à des éleveurs plus jeunes, qui emploient davantage de salariés et sont plus souvent investis dans des mandats professionnels. Guillaumin et al. (2004) identifient aussi dans leur étude une diversité de rapports au travail allant des éleveurs « satisfaits » vis-à-vis de leur rythme de travail bien qu’ayant peu de coupures aux éleveurs « mécontents » de leurs conditions de travail en se référant aux conditions dans les autres professions. Les attentes des éleveurs laitiers sont précisées par Chauvat et al. (2003), Frappat (2005) et Guillaumin et al. (2005) : "pouvoir rompre régulièrement l’astreinte quotidienne le week-end ou pour prendre des vacances". D’autre part, on peut ajouter que les attentes de travail peuvent aussi être très importantes en regard des attentes de revenu puisque l’on voit des éleveurs laitiers passer à la monotraite malgré une perte probable de plus d’un quart de la production laitière (Madelrieux, 2004).

Au final, les chercheurs doivent donc évaluer les résultats de l’élevage au regard des objectifs de l’éleveur (Dedieu et Servière, 2004). Plus que le temps nécessaire pour faire une tâche, c’est la répartition des tâches entre les travailleurs et celle au cours du temps, afin de libérer des jours spécifiques ou contrôler ses horaires, qui sont les principaux indicateurs étudiés. Les zootechniciens ont ainsi qualifié les tâches sur le plan de leur rythme et de leur capacité à être différées pour pouvoir étudier leur répartition au cours du temps. On parle ainsi des tâches quotidiennes et des tâches périodiques d’une part et de travail d’astreinte (non différable) et de saison (différable) d’autre part (Dedieu et al., 2006). Par exemple, les soins aux animaux font partie du travail d’astreinte quotidien et les travaux culturaux sont du travail de saison périodique. Pour étudier la répartition des tâches entre les travailleurs, ceux-ci sont caractérisés par des compétences (polyvalent / spécialisé), des disponibilités (à temps complet / à temps partiel tous les jours / présent par période) et leur fonction dans l’exploitation (noyau organisateur ou non). Enfin la répartition des tâches est variable en fonction des

périodes de l’année (travaux d’été et travaux d’hiver par exemple) et ces périodes sont donc les bases temporelles les plus pertinentes pour l’étude de l’organisation du travail. Si l’on ne prend en compte que la partie reproduction de l’élevage porcin et à l’aide de la répartition des tâches décrites précédemment (Tableau I.1), on peut définir des périodes selon la conduite. Si l’on considère la conduite en 20 ou 21 bandes, chaque jour de la semaine constitue un motif différent c'est-à-dire que les activités périodiques à réaliser sont différentes chaque jour. Par contre chaque motif se répète chaque semaine. Dans la conduite en 7 bandes, un motif dure une semaine (semaine de mises bas, d’insémination, de sevrage) et revient toutes les trois semaines. Dans la conduite en 5 bandes, le motif dure aussi 1 semaine mais chaque motif revient toutes les quatre semaines.

Ces différentes définitions (périodes, tâches et travailleurs) permettent de caractériser l’organisation du travail et d’en aborder son efficience en relation avec des attentes d’éleveurs qui peuvent s’exprimer dans des registres variés (répartition du travail à faire, répartition / spécialisation des travailleurs, alternances de périodes creuses et de pointe…).

Les travaux scientifiques sur la question des attentes du travail sont peu nombreux dans le domaine porcin. Seules quelques études confirment que les éleveurs de porcs ont aussi des attentes par rapport à leur exploitation qui incluent une dimension « travail » (Commandeur, 2003 ; Commandeur et al., 2005). Dans les autres productions, plusieurs études ont mis au point des outils pour évaluer cette efficience (section suivante). Ces outils ont permis d’identifier différents leviers permettant d'organiser et de contrôler le travail (section 2.5).