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Introduction bibliographique

5. Les modèles d'élevage

5.4. Les modèles bio-décisionnels de fonctionnement de troupeau

5.4.3. Les décisions

Certains modèles d’élevage cherchent à représenter les décisions que l’éleveur doit prendre pour faire vivre son troupeau, sans toutefois que cela ne nécessite une représentation de l’éleveur lui-même. Ainsi, dans les modèles, si l’éleveur est toujours un décideur, il est bien plus rarement un travailleur. Les règles de décisions présentes dans les modèles concernent principalement la conduite du troupeau (résultant de l’association entre le nombre de bandes et la durée de la lactation), le renouvellement et la réforme, la reproduction et l’alimentation. Mais ces décisions impliquant le déclenchement / la mise en œuvre d’actes ou de pratiques techniques sont généralement fixées à l’initiation du modèle et n'évoluent pas au cours de la simulation. Afin de pouvoir représenter une véritable stratégie de conduite, Martin-Clouaire et Rellier (2003) ont mis au point un cadre conceptuel original. Celui-ci permet de décrire un ensemble de règles de décisions reliées entre elles par des opérateurs permettant de préciser par exemple « s’il faut réaliser telle pratique, il faut alors réaliser telle autre avant ». Un grand

nombre d’opérateurs existent permettant d’organiser les activités de façon temporelle (avant, en même temps, commence en même temps, finit en même temps) ou de lier des activités entres elles (ou, et, optionnel, itérer). Cet ensemble de règles entre activités permet de définir une stratégie flexible en fonction des événements (aléas climatiques, disponibilité du matériel, état du troupeau). Mais si le cadre conceptuel existe, un seul modèle y fait référence actuellement (Vayssières et al., 2007) et il concerne l’élevage laitier.

a. Les nombres de bandes et la durée de lactation

La prise en compte du nombre de bandes est classique dans les modèles d’élevages porcins, mais plus rare dans les autres productions, du moins en France. Elle est utile dans les modèles si l'on cherche à représenter les flux d’animaux d’une bande à l’autre (par exemple pour la gestion d’épisodes d’infertilité), l’organisation du travail et la cohérence entre la conduite des animaux et les bâtiments disponibles. A l’exception de Plà et al. (2003), tous les simulateurs d’élevages porcins font référence à la conduite en bandes. Mais dans la majorité d’entre eux, le nombre de bandes de truies dans le troupeau est fixe (une bande chaque semaine). Trois simulateurs seulement proposent différentes conduites en bandes (Allen et Stewart, 1983; Teffène et Salaün, 1983; Teffène et al., 1986) en laissant la possibilité de modifier la fréquence des dates de sevrage. Pour Plà et al. (2003), la date de sevrage est fonction de chaque truie, la notion de bande n’existant pas. Par contre, le choix de la durée de lactation est possible dans tous les modèles. Dans d'autres productions, les modèles de Cournut (2001) et d’Ingrand et al. (2002) permettent de représenter la gestion en lots des élevages ovins et bovins allaitants, y compris des transferts de femelles entre lots. Le modèle de Tess et Kolstad (2000) permet également de gérer plusieurs lots d’animaux dans des élevages de bovins allaitants mais sans transfert possible entre les lots.

Parmi les modèles présentant la possibilité de gérer les bandes de truies, celui d’Allen et Stewart (1983) propose jusqu'à 6 bandes différentes mais cette possibilité n’est pas exploitée dans l’article qu’ils présentent. Le premier modèle de Teffène et Salaün (1983) était conçu comme un outil d’aide à la décision. Aussi était-il nécessaire qu'il puisse s'adapter au mieux à la situation réelle de l’élevage considéré et donc représenter les transferts d’animaux d’une bande à l’autre et les différentes conduites couramment rencontrées. Le second modèle de Teffène et al. (1986) avait pour objectif la gestion prévisionnelle de l’élevage. Ce simulateur était capable de calculer des objectifs de production en adéquation avec le parc de bâtiments disponible sur l’élevage. Si la conduite en bande choisie ne permettait pas d’atteindre ces objectifs, le simulateur proposait une autre conduite et la marche à suivre pour passer de la

conduite existante à la conduite proposée. En élevage ovin, le modèle de Cournut (2001) gère deux lots de brebis avec un changement de lot pour les brebis infertiles en fonction de leur histoire productive. Cette gestion s’apparente donc à celle observée dans les élevages porcins.

b. Les pratiques de renouvellement - réforme

Ces pratiques sont un aspect essentiel pour simuler un élevage au cours du temps puisqu’elles permettent de renouveler le troupeau avec des animaux plus jeunes et possédant un meilleur potentiel génétique, d'adapter la taille du troupeau à l’espace disponible et d’éliminer les animaux improductifs ou malades. Les critères de réforme volontaire (réformes choisies par l’éleveur et non pas imposée par une maladie, un problème physique ou la mort de l’animal) concernent généralement le niveau de performance des animaux et leur âge (Lucia et al., 2000 ; Malher et al., 2001). Ces réformes sont généralement représentées comme étant obligatoires (si le niveau est en dessous d'un seuil, l’animal est reformé) ou, plus rarement, de façon « optionnelle » (la réforme interviendra si une autre condition est remplie). Tous les modèles représentent la réforme des animaux improductifs mais diffèrent quant aux critères utilisés. Ainsi, Jalvingh et al. (1992) font évoluer le nombre autorisé d’échecs à la reproduction en fonction du rang de portée, alors que Pomar et al. (1991b) n’autorisent qu’un seul retour en chaleur après insémination quel que soit l’âge de la truie. La différence de représentation peut être liée à la finalité du modèle; Jalvingh et al. (1992) s'intéressant aux causes de réformes, ils représentent plus finement les critères utilisés. Les modèles présentent aussi généralement un rang de portée butoir, c'est-à-dire qu’après un certain nombre de mises bas ou à un anniversaire donné une truie / vache / brebis est obligatoirement réformée (Cournut, 2001 ; Singh, 1986). Seul le modèle de Jalvingh et al. (1992) tient compte de la prolificité des truies dont la probabilité d’être reformées s’accroît lorsque leur index de prolificité diminue. Teffène et al. (1986) sont les seuls à inclure un paramètre de renouvellement minimum par an ce qui permet de favoriser l'insertion de jeunes reproducteurs de qualité génétique supérieure et de maitriser l'équilibre démographique du troupeau. Enfin, les modèles d’Allen et Stewart (1983), de Teffène et al. (1986) et de Jorgensen et Kristensen (1995) prennent en compte la gestion de l’espace disponible dans les bâtiments et peuvent donc réagir, en accroissant le taux de réforme, en cas de manque de place.

Le renouvellement est représenté souvent succinctement, à la manière d’Allen et Stewart (1983) pour qui il correspond seulement à la réinitialisation des paramètres d'une truie réformée. En fait, les pratiques de renouvellement (date d’achat des truies ou cochettes, durée de la période de quarantaine, nombre de cochettes à inséminer, gestion du stock de cochettes)

sont souvent délaissées au profit d’une représentation plus poussée de la venue en puberté. Généralement l’achat ou le recrutement de jeunes reproducteurs s’effectue soit dès la réforme d’un animal, soit à des intervalles de temps réguliers (une semaine dans les simulateurs d’élevage porcin, quelques mois dans les élevages d’herbivores) en supposant qu'il existe un "stock" de jeunes reproducteurs disponible. L’insertion dans le troupeau se fait entre une (Allen et Stewart, 1983) et 4 à 5 semaines après l’achat (Jalvingh et al., 1992). Quelques simulateurs gèrent l’auto renouvellement (Singh, 1986 ; Teffène et Salaün, 1986; Pomar et al., 1991b; Cournut 2001) et peuvent ainsi sélectionner les jeunes reproducteurs parmi les animaux en croissance en fonction de critères de qualités intrinsèques.

c. Les pratiques de reproduction

Les choix du nombre de bandes et de la durée de lactation constituent deux volets stratégiques de la conduite de la reproduction. Ils calent dans le calendrier les moments d’exécution des pratiques mais ne fixent pas tout, notamment les protocoles très concrets suivis par les éleveurs au moment de la mise à la reproduction ou à la mise bas. Outre le calage dans le calendrier et la périodicité, il reste donc à préciser d’autres éléments des modalités des pratiques. Or ces modalités pratiques peuvent être importantes pour la productivité des animaux. Nous avons ainsi détaillé dans la partie 2 ci-dessus quelques variants des pratiques de surveillance des chaleurs et d’inséminations en production porcine.

Dans les élevages d’herbivores, d’autres critères interviennent comme la date d’introduction du bélier (taureau), la date de retrait, la synchronisation des chaleurs, la date de tarissement. A l’inverse des modèles d'élevages porcins dans lesquels les pratiques relatives à la reproduction sont rarement représentées (seulement dans le modèle de Jorgensen et Kristensen de 1995), elles le sont fréquemment dans les modèles d’herbivores (Tess et Kolstad, 2000 ; Cournut, 2001 ; Ingrand et al., 2002).

d. L’alimentation

L'alimentation est souvent représentée dans les modèles porcins, dans la mesure où elle intervient de façon importante dans les résultats économiques de l’élevage. Les modèles de fonctionnement de troupeaux porcins se contentent cependant le plus souvent d'évaluer les quantités d’aliment distribuées (et parfois leur coût) en fonction du stade physiologique (Allen et Stewart, 1983 ; Teffène et al., 1986 ; Jalvingh et al., 1992). Seul Pomar et al. (1991b) représentent l’influence des modifications du plan d’alimentation (composition de l’aliment, quantités distribuées) sur la productivité des truies. Ils peuvent ainsi considérer les pratiques

de « flushing » par exemple et plus généralement tenir compte des interactions nutrition- reproduction.

Dans les modèles d'élevages d'herbivores, les pratiques d’alimentation sont en étroite relation avec le pâturage et certains modèles (par exemple Romera et al., 2004) s’intéressent donc aux différentes pratiques permettant de gérer la biomasse végétale des pâtures quand les animaux sont « à l’herbe ».

e. L’éleveur

L’éleveur en tant que tel est souvent absent des représentations de l’élevage porcin. Sa présence est cependant sous-jacente dans les règles de conduite et les pratiques. Deux modèles vont plus loin dans la prise en compte de l’éleveur en incluant la notion de temps de travail. Il s’agit des modèles d’Allen et Stewart (1983) et de Jorgensen et Kristensen (1995). Dans le premier, les tâches à réaliser sont réparties en deux types d'activités : le travail spécifique (surveiller la naissance des porcelets, inséminer les truies, …) et le travail non spécifique (déplacer et alimenter les animaux, nettoyer les loges, …). Une sortie de la simulation consiste en une évaluation du temps passé pour chaque type de travail. Jorgensen et Kristensen (1995) vont encore plus loin en développant tout un système de prise de décision en fonction de la connaissance qu’a l’éleveur de son troupeau. Cette connaissance passe par le biais d’instruments de mesure (échographe, savoir-faire de l’éleveur, …) qui ne sont pas fiables à 100%. L’éleveur a donc une vue partielle de son troupeau mais doit malgré tout prendre des décisions qui sont répercutées au niveau des agents qui les mettent en œuvre un nombre de fois et à des heures déterminés. Ce type de représentation permet d’aborder des questions telles que l'étude de l’effet d’une amélioration de la qualité de la détection des œstrus sur les performances de l'élevage et la quantité de travail.