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Introduction bibliographique

4. La modélisation systémique des élevages

4.1. Le système général

La théorie du système général a été décrite par Le Moigne à la fin des années 70 (Le Moigne, 1977). Cette théorie remet en cause l’approche cartésienne d’un problème et notamment les préceptes décrits par Descartes dans son « Discours de la méthode » (ne reconnaître pour vrai que ce que l’on connaît pour tel, diviser les difficultés en parties plus simples à résoudre,

étudier un problème en commençant par le plus simple, exhaustivité des dénombrements). Le Moigne (1977) définit à la place les principes de pertinence, de globalisme (« l’objet à connaître par notre intelligence est une partie immergée et active au sein d’un plus grand tout »), de précepte téléologique (quel est le projet ou la finalité ?) et d’agrégativité (toute représentation est simplificatrice, il faut choisir des agrégats pertinents) (Brossier, 1987). Le système est donc considéré comme un ensemble d’éléments en interactions dynamiques et organisés en fonction d’un objectif. Appliqué au niveau d’une exploitation agricole, le système renvoie à une interaction entre des troupeaux / cultures, des ressources (humaines, physiques, …) et un exploitant qui prend des décisions et choisit ses pratiques en fonction d’un ou plusieurs objectifs spécifiques (Landais, 1987). Appliqué à l’activité d’élevage, cette approche systémique a conduit à la création d’un axe de recherche en zootechnie qui s’intéresse au « système d’élevage » (Livestock Farming System).

4.2. Les « Livestock Farming System »

Les objectifs des chercheurs qui s’intéressent aux systèmes d’élevage sont de produire des connaissances sur le fonctionnement et la diversité de ces systèmes, de construire des outils d’aide à la décision et d’appui au conseil et enfin de proposer des outils de négociation entre les acteurs de différents niveaux (local, régional, national) sur les questions traitant du développement rural et des industries agro-alimentaires (Gibon et al., 1996). Tous ces chercheurs partagent la vision « systémique » de l’activité d’élevage (Gibon et al., 1999) et améliorent la connaissance du fonctionnement de ce système en reliant les informations techniques et biologiques aux décisions, aux pratiques et aux objectifs des éleveurs (Béranger et Vissac, 1996). Le niveau privilégié d’expression et d’analyse du système d’élevage est celui de l’exploitation. L’éleveur finalise et pilote le troupeau et les ressources nécessaires à la production (Landais, 1987), l’ensemble « faisant système », c’est-à-dire étant en interaction dynamique.

Mais il est difficile pour un observateur extérieur de saisir les finalités de l’activité d’élevage, notamment celles qui se situent en dehors du volet économique. C’est pourquoi Landais et Deffontaines (1988) proposent de reconstruire ces finalités à partir d’un objet observable : les pratiques. Les pratiques sont la transcription par l’éleveur d’une technique. Cette transcription dépend des finalités de l’éleveur et permet donc de remonter à celles-ci. L’étude d’une pratique passe, selon ces auteurs, par l’étude de ses modalités (comment fait l’éleveur ?), de son efficacité (quels sont les effets et les conséquences de la pratique ?) et de son opportunité

(pourquoi l’éleveur le fait ?). Mais une pratique n’est pas isolée au sein d’un élevage et il faut donc aussi prendre en compte la cohérence des pratiques mises en œuvre par l’éleveur. C’est cette cohérence que mettent en évidence Dedieu et al. (1997) dans leur étude sur l’élevage extensif. Après avoir identifié les différentes pratiques et leurs modalités, ils ont attribué à chaque modalité une note en relation avec un objectif. L’analyse de l’ensemble des pratiques a mis en évidence plusieurs « logiques de conduite » associées à des modalités particulières. Ces logiques liées à des finalités concernent l’étalement des ventes d’animaux ou l’autonomie fourragère. A partir des pratiques, un objectif concernant la simplification des conduites a aussi été identifié mais se retrouvait dans les différentes logiques productives. Les pratiques permettent donc d’accéder aux différents objectifs des éleveurs vis-à-vis de leur élevage. Les outils utilisés pour réaliser ces recherches sont variés, comprenant notamment les enquêtes, les suivis d'exploitation et la modélisation (Gibon, 1996). La réalisation d’enquêtes auprès des éleveurs permet d’aborder la diversité des systèmes d’élevage puis d’en proposer des typologies avant d’en dégager les traits essentiels de différentiation, notamment au niveau des systèmes de pratiques ou de leurs reformulations sous forme de stratégies d’élevage. Nous pouvons ainsi citer les travaux de Commandeur et al. (2006) caractérisant différents styles d’éleveurs porcins. Dans ce type d’étude, le nombre d’élevages enquêtés est souvent limité (de 20 à 100) et les résultats sont dépendants des critères d’échantillonnage et de la façon dont sont menées les enquêtes (durée, questionnaire ou entretien, …). Ces informations, pourtant essentielles, sont trop souvent absentes des articles présentant des résultats d’enquêtes (Gibon, 1996). Les données recueillies peuvent ensuite être traitées par des analyses multivariées (Analyse en Composantes Principales, Analyse Factorielle des Correspondances, Analyse Factorielle Multiple, …) suivies d’une classification automatique.

Le suivi d’élevage permet le recueil d’information à différents moments de l’année. Il permet de comprendre les décisions et les pratiques au fur et à mesure du temps par l’analyse des variations entre deux passages et d’être plus précis dans l'appréhension des pratiques et des décisions de l’enquêté (Gibon, 1981 et 1996). En effet, le suivi longitudinal permet une interrogation au moment des faits alors que les enquêtes se référent à des « souvenirs » ou des « anticipations ». Ce type d’étude est généralement réalisé sur un nombre plus réduit de cas (par exemple 9 dans l’étude de Magne et al., 2006).

La modélisation permet également d’aborder de façon dynamique le système d’élevage dans son équilibre entre troupeau, ressources et pilotage par l’éleveur.

Toutes ces méthodes sont employées dans le cadre de recherches aux objectifs précis qui orientent la vision du système. Si l’on fait référence à un système d’élevage tel que décrit par

Landais (1992), c'est-à-dire composé d’un éleveur, d’animaux et de ressources, les études privilégient généralement une vision restreinte du système en mettant en avant un type de relation plutôt que l’ensemble. Ainsi, les modèles de fonctionnement de troupeaux (herd dynamics models) se focalisent sur la relation dynamique entre l’homme et le troupeau laissant moins définies les relations homme – ressources ou homme – équilibration des besoins du troupeau et des ressources (Cournut et Dedieu 2004 ; Martel et al., 2006 ; Plà 2007). Nous présentons dans la partie suivante les différentes représentations des systèmes d’élevage observées dans les études utilisant la modélisation.