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2. L’analyse économétrique

2.1. Analyse économétrique de la relation exportation-productivité

2.1.2. Le Learning by exporting

L’amélioration de la productivité associée à l’accès aux marchés à l’export a été appelée par Clerides et al (1998) et par d’autres comme « l’apprentissage par l’exportation ».

L’hypothèse de learning by exporting suppose qu’il existe une corrélation positive entre la performance et le fait d’exporter qui est dû à l’amélioration de la productivité suite à l’absorption des connaissances et des nouvelles technologies une fois les firmes entrées dans le marché des exportations.

Une grande partie des analyses empiriques menées sur cette question n’apporte pas la preuve de l’existence du learning by exporting. On montre que les exportateurs sont plus productifs, plus grands, plus intenses en capital, et payent des salaires plus élevés que les non exportateurs. Ainsi, il est très important de comprendre les mécanismes qui caractérisent la relation entre le fait d’exporter et la productivité ; plusieurs gouvernements, par exemple, mettent en place des avantages et des subventions pour promouvoir les exportations. La justification d’une amélioration de l’efficacité existe, si les firmes améliorent leurs technologies à travers l’apprentissage portant sur les caractéristiques de leurs clients étrangers. Cet apprentissage va générer des retombées positives qui vont augmenter la productivité.

Les firmes domestiques qui sont passées à l’export ont besoin de résoudre de nouveaux problèmes comme adopter des standards techniques rigoureux pour satisfaire des consommateurs plus exigeants. La production de biens exportés peut nécessiter l’introduction d’équipements nouveaux et plus efficaces auxquels les travailleurs ont besoin de s’adapter. Les marchés à l’export sont supposés être plus compétitifs que le marché domestique. Ils

exercent une pression sur les firmes pour pouvoir satisfaire les commandes dans les temps et assurer une qualité standard pour leurs produits. Faire face à tous ces défis peut aider les firmes à améliorer leurs productivités. Cependant, une fois que les firmes ont réussi à relever ces défis. La possibilité d’acquérir des effets d’apprentissage supplémentaires peut se réduire de façon significative dans le temps.

La méthode habituelle pour tester l’effet d’apprentissage par les exportations est d’étudier la relation entre l’exportation et la croissance de la productivité du travail ( ou croissance de la PTF).

Comme on l’a vu dans la revue de la littérature empirique, certaines études essayent d’expliquer la croissance de la productivité des entreprises par certaines de leurs caractéristiques ainsi que par le statut d’exportation ou par la part des exportations dans la production. Nous allons suivre cette démarche, en supposant que les entreprises ont des rendements d’échelle constants et que la technologie de la firme i à la période t est décrite par une fonction de type Cobb Douglas, en logarithme. On va estimer l’équation de croissance de la productivité du travail, selon la méthode des effets fixes :

it k i k t t i t i t t i

X

K

L

Z

L

VA

=

α

+

β∆

+

α

+

ε

ln(

/

)

( , −2) 1 ( −2)

ln(

/

)

( , −2)

(4.3) ) 2 , ( ) / ln(

VA L itt : Croissance de la productivité du travail de l’entreprise i entre

l’année t et (t-2); ) 2 (t

i

X : Variable muette égale à 1 si l’entreprise i exporte à la période (t-2) et 0

sinon : ) 2 , ( ) / (

K L itt : Croissance de l’intensité capitalistique de l’entreprise i entre l’année t

et (t-2) ;

i

Z : représente le vecteur des autres caractéristiques de l’entreprise i qui peuvent

expliquer la croissance de la productivité. Ces caractéristiques sont en particulier : o taille: variable binaire égale à 1 si l’emploi>100 (GRANDE) et 0 sinon ; o L’âge (age) : nombre d’année d’existence de la firme, en logarithme ; o εit : l’erreur de mesure.

b. Les résultats

En faisant l’estimation de l’équation (3.4) présentée par le tableau 36, on trouve un coefficient positif et non significatif de la variable muette d’exportation Xi(t−2). Nous ne parvenons donc pas à mettre en évidence l’existence d’un effet learning by exporting. On ne peut pas conclure non plus qu’il n’existe pas. Il faut interpréter ce résultat avec précaution. Pour cela il faut tenir compte de l’existence d’un biais de sélection de l’échantillon, ainsi que de l’étroitesse de celui-ci.

Tableau 35 : Croissance de la productivité et exportation Variable dépendante : ∆ ln(VA/L)i(t,t−2) Modèle : (1) (2) ) 2 (ti X 0.058 (0.083) (0.087)0.033 ) 2 , ( ) / ( K L itt 0.485*** (0.089) 0.480*** (0.093) ) ln(age 0.160 (0.217) taille -0.214* (0.124) Nombre d’observations 448 432

Source : calcul de l’auteur. Les écarts types sont entre parenthèses et *, **, *** indiquent respectivement une significativité aux seuils de 10 %, 5 % et 1 %.

On peut expliquer cette absence de significativité de plusieurs manières.

En premier lieu, les entreprises étrangères offshores (qui font partie des TE) sont totalement coupées de leur environnement local. Il s’agit d’enclaves ne permettant pas de diffusion technologique aux autres entreprises appartenant au régime onshore (PE). Par ailleurs, les entreprises partiellement exportatrices tunisiennes subissent plusieurs contraintes par rapport aux entreprises TE (difficulté d’accès au financement, existence de pratiques anticoncurrentielles sur le marché domestique, rigidité des procédures de licenciement). Donc elles n’arrivent pas à profiter des retombées positives liées à l’entrée sur le marché des exportations qui améliorerait leur productivité du travail.

En deuxième lieu, il faut signaler que les réformes de la libéralisation sont à leur 1ère phase durant la période observée (1998-2003). On note que durant cette période, le programme de libéralisation est encore à son stade initial pour les produits finis. En effet, les réformes commerciales ont touché uniquement les inputs et les équipements jusqu’à la fin des 172

années 1990. Ce programme de libéralisation a été graduel et s’est étalé dans le temps. Ainsi, pendant la période étudiée les entreprises partiellement exportatrices sont peu concurrencées sur le marché domestique, donc peu incitées à faire des gains de productivité.

Une autre explication est que la Tunisie tend à se spécialiser dans des produits et des industries qui ne possèdent pas suffisamment d’effet d’externalités positives. La libéralisation commerciale avec l’UE depuis 1996 a permis à la Tunisie de continuer à acheter des biens de haute technologie des pays de l’UE. Or les industries tunisiennes choisissent l’option rapide d’importer les parties et les composants de haute valeur technologique, qui vont être utilisés dans leurs produits destinés à l’exportation, au lieu d’encourager le transfert des technologies vers les entreprises du régime onshore. Ceci est de nature à limiter la croissance de la productivité des entreprises.

L’étude du contexte dans lequel opèrent les entreprises exportatrices tunisiennes, ne permet donc pas de dire s’il peut exister un effet learning by exporting ou non. Pour cela il faudrait élargir la taille de l’échantillon.

Vu que nous n’avons pas pu obtenir un résultat sur l’existence d’un effet d’apprentissage par les exportations, nous allons maintenant tester une relation plus restreinte entre exportation et productivité du travail, en prenant comme variable explicative les exportations au début de période (année 1998). Nous étudierons leurs effets sur la croissance de la productivité entre la période t et le début de la période étudiée (année 1998). Les entreprises qui exportent durant l’année 1998, vont soit continuer à exporter jusqu’à la fin de la période, soit sortir du marché des exportations à une date donnée comprise entre l’année 1998 et l’année 2003.

Pour cela nous reprenons l’équation (3.4), en changeant la période (t-1) par l’année de début de période (1998). Nous obtenons les résultats figurant dans le tableau 37.

Tableau 36 : Croissance de la productivité et exportation Variable dépendante : ∆ ln(VA/L)i(t,tini) Modèle : (1) (2) ) (tini i X -0.689*** (0.064) -0.697*** (0.066) ) , ( ) / ( ini t t i L K ∆ 0.706*** (0.017) 0.714*** (0.018)

) ln(age -0.084 (0.106) taille -0.148* (0.084) Nombre d’observations 674 649

Source : calcul de l’auteur. Les écarts types sont entre parenthèses et *, **, *** indiquent respectivement une significativité aux seuils de 10 %, 5 % et 1 %.

Le tableau 37 montre qu’il existe une relation négative et significative entre les exportations initiales et la croissance de la productivité. Ceci indique que le fait d’entrer sur le marché des exportations ne garantit pas à lui seul une meilleure performance. Il semble bien que bien qu’exportatrices, elles aient eu des difficultés à s’adapter à un marché qui s’ouvrait rapidement. Il est possible que la concurrence qu’elles subissent sur le marché domestique de la part des autres entreprises tunisiennes altère leur capacité d’exportation.

On peut peut-être expliquer ce phénomène a priori inattendu par le contexte dans le quel ces firmes exportatrices opéraient au début de la période, à savoir que l’on entre dans le début d’une phase de libéralisation commerciale principalement à l’égard de l’UE.

En réalité, une concurrence étrangère élevée peut amener une baisse des ventes des firmes domestiques tunisiennes, au stade initial de la libéralisation. Quelques unes de ces firmes domestiques sont lentes à s’ajuster, mais restent sur le marché, c’est pour cette raison qu’il ya une diminution de la croissance de la productivité du travail pendant la période étudiée. La chute de la croissance de la productivité dans un contexte plus ouvert avec une augmentation de la concurrence aboutit à une diminution de la compétitivité et à une stabilisation de la croissance des exportations tunisiennes. Il est nécessaire d’adopter des réformes structurelles pour faciliter la réallocation des ressources aux secteurs bénéficiant d’avantage comparatif et de freiner les coûts de transition.

Ce résultat (faible preuve de learning) traduit une insuffisance de robustesse des effets des exportations et corrobore les conclusions contradictoires sur les effets de learning by exporting dans les études empiriques précédentes.