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Le cas particulier du secteur textile-habillement

Chapitre 2: L’activité des entreprises

1. Présentation des entreprises par branche d’activité

1.2. Le cas particulier du secteur textile-habillement

La Tunisie est l’un des pays du Maghreb le plus concerné par la fin de l’Accord Multifibre (AMF). Car l’élimination des quotas qui le privilégiait jusqu’à présent dans l’accès aux marchés des pays européens, a eu un impact significatif sur l’économie largement dépendante du secteur textile pour l’exportation et l’emploi. En effet, le secteur textile habillement constitue le premier poste d’exportation de la Tunisie (50 %) en 2001 et emploie une bonne partie de la population active (48 % de la main d’œuvre de l’industrie manufacturière en Tunisie). Les exportations de la Tunisie dans ces secteurs sont orientées exclusivement vers l’Europe. Elle est le 5ème fournisseur d’habillement dans le classement global des fournisseurs de l’UE.

Le secteur textile en Tunisie est caractérisé par un manque d’intégration verticale ce qui lui impose de procéder à des sous-traitances souvent réduites à de simples confections. Les entreprises du secteur sont dans leur majorité des PME tournées vers l’exportation et employant une main d’œuvre peu qualifiée. Mais vu la menace des deux géants mondiaux, l’Inde et la Chine, le pays a été obligé d’affronter ce défi en adoptant des stratégies de mise à niveau pour renforcer la compétitivité des entreprises du secteur et contractant des nouveaux accords de libre échange.

Mais pour pouvoir expliquer les performances enregistrées par la Tunisie en matière d’exportation, il faut s’appuyer sur l’analyse de la compétitivité des entreprises du secteur textile-habillement en suivant l’évolution des parts de marché. Il faut aussi prendre en considération le développement du commerce intra-branche et la montée en gamme qui peut nous renseigner sur la diversification des marchés et des produits. Tous ces changements structurels seraient attribuables à un ensemble de facteurs explicatifs liés à la structure de coûts de production et aux variables conditionnant le cadre macro-économique.

L’analyse de ces déterminants s’avère fondamentale dans la mesure où la consolidation du positionnement compétitif du secteur textile-habillement exige des entreprises de disposer d’un appareil productif suffisamment flexible pour pouvoir s’adapter aux mutations en cours, de s’organiser de manière à exploiter toute sorte d’économie (d’échelle, de gamme ...) et de veiller à la modernisation de l’outil de production.

En d’autres termes, les entreprises du secteur sont appelées à maîtriser davantage les coûts de production et à améliorer leur productivité afin non seulement de se rapprocher des prix internationaux mais aussi de relever les défis futurs eu égard à l’intensification de la concurrence tant sur le marché interne qu’externe.

En effet, l’analyse des coûts de production et notamment du coût de travail s’impose dans la mesure où la production du secteur se caractérise par un fort contenu en main d’œuvre. Il s’agit plus précisément d’apprécier dans quelle mesure la structure de qualification et l’état des équipements vont de pair avec l’évolution à la hausse de ces coûts.

L’étude sur les coûts mondiaux du travail dans le secteur textile - filature et tissage - effectuée par le cabinet de conseil Werner International, en 2002, fait ressortir plus d’évolutions dans les pays développés que dans les pays à bas prix par rapport à l’étude précédente, étude datant de 2000. Elle souligne d’ailleurs que la compétitivité globale dépend d’autres facteurs que le salaire horaire, comme les coûts des matières premières, de l’énergie, des crédits, ou comme la taille de l’entreprise.

L’analyse comparative des coûts horaires du travail entre la Tunisie et ses principaux concurrents est présentée dans le tableau 21:

Tableau 21 : Coût horaire du travail dans l’industrie textile

1990 1996 1998 2000 2002 Tunisie 2,82 1,8 1,76 1,65 1,77 Maroc 1,28 1,92 1,89 1,87 1,89 Egypte 0,45 0,84 0,91 1,02 1,01 Chine 0,37 0,58 0,62 0,69 0,69 Turquie 1,82 2,02 2,48 2,69 2,13 Pologne n.d. 2,39 3,15 2,35 2,90 France 12,74 16,45 14,16 13,85 15,93 Italie 16,13 16,65 15,81 14,71 15,60

Source : Werner International

Selon le consultant américain, le coût horaire en Tunisie était de 1,77 $ en 2002 soit un neuvième du coût français (15,93 $). Mais, en Tunisie, la main d’œuvre est aussi 6,3 % moins chère qu’au Maroc et 17 % moins chère qu’en Turquie. Il faut noter que les coûts en Afrique du Nord n’ont guère bougé entre 2000 et 2002.

Les Coûts horaires en Egypte ont été en continuelle hausse de 1990 à 2000, mais restent inférieurs à ceux de la Tunisie et du Maroc.

Le secteur textile tunisien est dominé par les activités de sous-traitance, qui demeurent le métier industriel le plus exporté. Le secteur est composé de 2200 entreprises (dont 1600 exportatrices), employant 250 000 personnes (soit la moitié de l’emploi des industries manufacturières), réalisant 3 milliards d’euros par an de recettes. Il existe 1000 entreprises étrangères ou à participation étrangères et 915 offshore assurant la quasi-totalité des exportations du secteur. En effet, la Tunisie a réussi à attirer des montants significatifs d’investissements étrangers, qui se sont dirigés en particulier dans le textile-habillement. A la différence du Maroc, qui a aussi développé une industrie de l’habillement de taille un peu inférieure, l’investissement direct étranger y joue un rôle majeur (les entreprises à participation étrangère emploient 60% de l’emploi du secteur).

Le secteur est spécialisé dans la confection ; c’est donc plus un secteur habillement que textile. 95 % des exportations sont orientées vers les marchés européens, toutefois la Tunisie demeure un exportateur de taille modeste au niveau mondial. En effet, la part du pays dans le commerce international de l’habillement a progressé de 0,8 % en 1980 à 1 % en 1990 et 1,3 % en 2001. La Tunisie est plutôt importatrice de fibres textiles, fils et tissus, ainsi que des accessoires destinés à la confection, elle dépend pour ses approvisionnements en matières premières et de fournitures de l’UE. Il faut noter que plus de la moitié du chiffre d’affaire

réalisé à l’exportation est absorbée par l’importation des matières et fournitures. Pour pallier ces lacunes, le gouvernement encourage le développement d’une industrie textile en adoptant une politique de modernisation et de mise à niveau des entreprises du secteur.

Grâce à la loi tunisienne encourageant l’établissement en Tunisie d’investisseurs étrangers, le pays a aussi pu profiter d’un transfert de technologie considérable. En 2002, le pays compte 763 investisseurs étrangers dans le secteur du textile-habillement. Mis à part quelques investissements de poids dans le secteur textile (comme l’anglais Coats, l’américain Swift et l’italien Marzotto ), ces groupes ont surtout investi dans la confection. La présence française est, pour sa part très importante, avec 320 investisseurs. Mais les investisseurs italiens (170), allemands (128) et belges (106) sont également nombreux.

Occupant une place prépondérante dans l’économie tunisienne, le secteur textile- habillement est largement orienté à l’exportation. Les entreprises du secteur profitent d’un traitement fiscal très avantageux, surtout les entreprises totalement exportatrices qui sont exemptées d’impôts sur les bénéfices pendant les dix premières années de leur activité et, au delà de cette période, elles ne paient que 17,5 % au lieu de 35 %.

Par le biais des AMF, la Tunisie a élargi sa part du marché des textiles et de l’habillement de l’UE de 1,5 % en 1980 à 4 % en 2000. Mais, depuis l’année 2000 on remarque une baisse de la part du secteur textile- habillement et cuir dans l’emploi et la production des industries manufacturières, suite à la pression exercée par les pays asiatiques et des nouveaux membres de l’UE.

Après l’élimination des AMF, une concurrence accrue, de la part des pays dotés d’une main d’œuvre moins chère et/ou plus qualifiée, a rendu difficile pour la Tunisie le maintien de sa part de marché en Europe ou l’accès à d’autres marchés des pays de l’OCDE. En effet, le démantèlement des Accords Multifibres a érodé le potentiel des exportations des entreprises tunisiennes placées sur les mêmes segments que leurs concurrents chinois sur les marchés européens. C’est la moitié des exportations industrielles tunisiennes qui se sont trouvées ainsi confrontées à une concurrence pratiquement insoutenable sur ces créneaux. Il a fallu donc fournir plus d’effort pour améliorer la compétitivité coûts par une augmentation de la productivité du travail à travers le développement des compétences et la modernisation des procédés technologiques.