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2. L’analyse économétrique

2.1. Analyse économétrique de la relation exportation-productivité

2.1.1. L’auto sélection des entreprises

L’hypothèse d’auto-sélection suppose qu’il existe une relation positive entre la performance de la firme (exprimée par la productivité) et ses exportations, puisque seules les firmes les plus productives vont être capables d’entrer sur les marchés internationaux. En effets, ces firmes vont devoir supporter des coûts fixes pour entrer sur le marché des exportations, et vont faire face à une concurrence plus élevée sur les marchés étrangers que sur le marché domestique, la firme va, dans la période présente, prendre la décision d’exporter ou pas.

Selon cette hypothèse, les exportateurs futurs tendent à être plus productifs que les futurs non exportateurs avant d’entrer sur le marché des exportations, et souvent elles ont un taux de croissance de la productivité supérieur pendant la période précédant la date d’exportation.

Pour identifier l’existence d’un effet d’auto-sélection des entreprises que le marché des exportations, nous allons étudier comment les caractéristiques initiales de la firme (la productivité) affectent sa probabilité d’exporter ou non. Ainsi, la performance initiale va être très importante pour expliquer pourquoi quelques firmes exportent et d’autres vendent uniquement sur le marché domestique.

Dans notre étude, nous nous sommes inspirés de l’étude d’Alvarez et Lopez (2005), afin d’identifier l’existence d’un effet d’auto-sélection des entreprises sur le marché des exportations. Pour cela nous groupons les années par paire pour les firmes qui n’exportent pas la 1ère année, puis nous regardons comment la probabilité de commencer à exporter la 2nd année est affectée par les caractéristiques de la firme à la 1ère année de la paire. La variable dépendante est égale à 1 si l’entreprise exporte en t, sachant qu’elle n’exporte pas en t-1 et 0 sinon.

La variable retenue dans l’estimation pour représenter la performance de l’entreprise est la productivité du travail (VA/L), exprimée par le ratio valeur ajoutée sur emploi. Comme nous l’avons précisé plus haut nous n’avons pas pu retenir la PTF comme mesure de performance, car il existe très peu d’observations pour chaque secteur présent dans l’échantillon.

Pour estimer cette décision d’exportation, nous utilisons un modèle Probit dans lequel cette décision dépend d’une variété de caractéristiques spécifiques à la firme :

(

Xit 1/Xit 1 0

)

F( lnPTit 1 (lnK/L)it 2 Zit 1 s t it)

P = = = α + β + γ + λ + ω + ω + ε

(4.2) P(.) : probabilité de l’évènement X ;

it

X : Une variable muette égale à 1 si l’entreprise i exporte à l’année t; 1

it

PT : La productivité du travail, exprimée par le rapport valeur ajoutée sur emploi

2

) /

(K L it : L’intensité capitalistique, exprime le ratio stock de capital sur emploi de

l’entreprise i à l’année (t-2) (en logarithme).Pour éviter des problèmes de multicollinéarité entre PTit−1et (K/L)it−1,il faut prendre la variable (K/L) en (t-2) .

1

it

Z : représente les caractéristiques de l’entreprise i, en (t-1), qui peuvent expliquer

la probabilité à se mettre à exporter. Ces caractéristiques sont :

o L’âge (age) : le nombre d’année d’existence de la firme (en logarithme) ; o La taille: variable binaire égale à 1 si l’emploi>100 (GRANDE) et 0 sinon ; o ω s : des variables muettes sectorielles ;

o εit : l’erreur de mesure.

Les entreprises appartenant au secteur manufacturier tunisien sont classées par régime d’exportation. Nous distinguons les entreprises partiellement exportatrices (PE), celles qui possèdent un ratio (exportations/ventes) compris entre 0 et 80 % et les entreprises totalement exportatrices (TE) qui exportent 100 % de leurs ventes, mais qui ont le droit d’écouler sur le marché local une part de leurs produits ne dépassant pas 20 % de leur chiffre d’affaire à l’exportation. Ces dernières ont toujours bénéficié d’avantages spécifiques voir chapitre 2 (financiers, assistance technique, garanties, incitations fiscales, facilitation des procédures douanières). Nous supposons que cette différence de traitement entre ces deux types d’entreprises, même si ces dernières années il y a eu des mesures pour diminuer cet écart, est de nature à apporter des distorsions dans l’analyse de la relation exportation-productivité. En effet, les entreprises TE font face à la concurrence étrangère, donc devraient être performantes. Mais le fait de bénéficier de plus d’avantages que les PE, a permis à certaines d’entre elles de ne pas faire l’effort d’améliorer leurs productivités pour entrer sur le marché à l’exportation. Ce sont des entreprises qui profitent d’une politique commerciale qui favorise les exportations, en se positionnant sur des secteurs pour lesquels la Tunisie possède un avantage concurrentiel, et essayent de profiter des facilités qu’offre le régime totalement exportateur sans se soucier d’améliorer leurs productivités, car il y a toujours des mécanismes d’aide qui leur laissent le temps de réagir face à un choc externe. Comme le cas des entreprises appartenant au secteur textile-habillement et cuir qui sont en majorité des unités travaillant en sous-traitance pour des entreprises étrangères. Sachant que ces entreprises TE exportent sur toute la période, puisque par définition, leur activité principale est orientée vers

les marchés extérieurs, même si elles possèdent une productivité élevée en (t-1), vu qu’elles ne changent pas de statut (de non exportatrices à exportatrices) entre la date (t-1) et t, on ne peut pas voir leur effet d’auto-sélection.

L’histogramme du ratio (exportation/vente totale de l’entreprise) montre que pour le dernier quantile (exp_vente=1), on a une forte densité d’entreprises totalement exportatrices dans l’échantillon. Il faut tenir compte dans l’interprétation des résultats de la présence de ces entreprises TE, puisqu’elles constituent une part importante des entreprises de l’échantillon.

Histogramme de la variable (exportation/vente)

0 2 4 6 8 10 D e ns ity 0 .2 .4 .6 .8 1 exp_vente

Ainsi, pour contrôler l’existence de l’effet de switch (passage de statut de non exportatrice à exportatrice), nous commençons par retirer de l’estimation celles qui bénéficient du régime particulier TE. En effet, ces entreprises n'obéissent pas à un effet de sélection fondé sur la productivité mais profite d’une politique de subvention des exportations. Nous faisons donc un test de l’hypothèse d’auto-sélection en prenant en compte dans l’estimation uniquement les firmes partiellement exportatrices (qui exportent entre 0 et 80 % de leurs ventes à la date t, sachant qu’elles n’exportent pas en (t-1))

Ainsi pour remédier à ce biais, nous testons premièrement l’hypothèse d’auto- sélection en prenant en compte toutes les entreprises exportatrices quelles que soient leur part

du chiffre d’affaires à l’export, puis une deuxième régression en regardant uniquement les estimations pour les entreprises PE.

b. Les résultats

Les résultats des régressions en probit présentés dans le tableau 33 (qui porte sur la totalité des entreprises exportatrices) et le tableau 34 (qui ne comporte pas les entreprises totalement exportatrices), comme le prédisent les nouveaux modèles de l’échange, montrent que le niveau de productivité explique la probabilité pour une entreprise de se mettre à exporter et de rester sur le marché des exportations. Cela est mis en évidence par le signe et la significativité du coefficient de la productivité du travail en (t-1). Dans un modèle probit, cela signifie qu’une augmentation marginale de la PT va accroître la probabilité d’exporter.

Pour les TE, on ne peut observer les corrélations entre productivité et l’entrée au marché des exportations que normalement nous devrons observer, puisqu’elles sont totalement exportatrice dès le début de la période. En somme pour elle la variable d’exportationXit a un bruit lié à la politique d’exportation.

On remarque qu’on a le même résultat pour la variable productivité du travail, aussi bien en prenant en compte dans l’estimation les entreprises TE (tableau 33) ou en prenant en compte uniquement les entreprises partiellement exportatrices présenté dans le tableau 34.

Mais les résultats des deux régressions, en considérant la valeur du pseudo R-squared, montrent qu’il y a une amélioration du pouvoir prédictif avec la deuxième régression présentée par le tableau 34 (estimation sans entreprises TE). Le biais introduit par les entreprises totalement exportatrices est le fait qu’on n’a pas de changement d’état. Ainsi, la variable Xit ne change pas d’état à (t-1) est reste égale 1, donc l’effet d’auto-sélection est

impossible à vérifier pour cette catégorie d’entreprises.

On observe que les coefficients des variables taille et âge ne sont pas significatifs. Ce résultat est sans doute dû à l’étroitesse de l’échantillon et à son hétérogénéité. Nous nous serions attendus à ce que les plus grandes soient les plus exportatrices, résultat que nous retrouvons dans beaucoup d’études empiriques sur le sujet.

Tableau 32 : La probabilité de commencer à exporter La décision d’exporter Modèle : (1) (2) (3) (4) 1 ) ln(PT t 0.359*** (0.126) 0.461** (0.213) 0.469* (0.248) 0.379* (0.220) 168

2 ) / ln(K L t -0.0179 (0.128) -0.023 (0.154) 0.059 (0.131) 1 ) ln(age t -0.168 (0.164) 1 − t taille -0.334 (0.205)

Effets sectoriels non non oui non

Nombre

d’observations 561 448 448 432

Pseudo R-squared 0.033 0.049 0.084 0.064

Source : calcul de l’auteur. Les écarts types sont entre parenthèses et *, **, *** indiquent respectivement une significativité aux seuils de 10 %, 5 % et 1 %.

Tableau 33: La probabilité de commencer à exporter La décision d’exporter

Avec, 0< (exportation/vente) <0.99 à la date t

Modèle : (1) (2) (3) (4) 1 ) ln(PT t 0.416*** (0.133) 0.518** (0.227) 0.475* (0.265) 0.437* (0.235) 2 ) / ln(K L t 0.0132 (0.137) 0.062 ( 0.167) 0.097 (0.141) 1 ) ln(age t -0.216 (0.171) 1 − t taille -0.269 (0.219)

Effets sectoriels non non oui non

Nombre

d’observations 561 448 448 432

Pseudo R-squared 0.044 0.072 0.115 0.084

Source : calcul de l’auteur. Les écarts types sont entre parenthèses et *, **, *** indiquent respectivement une significativité aux seuils de 10 %, 5 % et 1 %.

Le tableau 35 qui correspond aux effets marginaux, montre qu’une augmentation de 1% dans la productivité du travail permet une augmentation de la probabilité de commencer à exporter d’environ 3,5 %, dans le cas où on tient compte de l’intensité capitalistique et des effets sectoriels.

Tableau 34 : Effets marginaux des déterminants de la décision d’exporter Effets marginaux

(Avec, 0< (exportation/vente) <0.99 à la date t)

Modèle : (1) (2) (3) (4)

1

)

ln(PT t 0.040***

2 ) / ln(K L t 0.001 (0.011) 0.005 (0.012) 0.008 (0.011) 1 ) ln(age t -0.017 (0.014) 1 − t taille -0.022 (0.019)

Effets sectoriels non non oui non

Nombre

d’observations 561 448 448 432

Source : calcul de l’auteur. Les écarts types sont entre parenthèses et *, **, *** indiquent respectivement une significativité aux seuils de 10 %, 5 % et 1 %.

2.1.2. Le Learning by exporting