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Le traitement du terme patriarcat dans la presse nationale française

A) Des cadres pro-féministes pour aborder la cause des femmes

1/ Le traitement du terme patriarcat dans la presse nationale française

Le premier concept dont nous allons étudier l’utilisation est celui de patriarcat, qui outre sa centralité dans les pensées féministes, est également étudié en sciences sociales, et peut donc constituer une porte d’entrée intéressante pour explorer les débats théoriques ayant lieu dans la presse nationale, voire les présupposés qui accompagnent l’utilisation du terme. Il permettra également de croiser les critiques théoriques à son encontre, voire à l’encontre des lectures féministes des rapports sociaux. La figure 31 montre l’évolution des occurrences des termes dérivés du concept dans le temps. Par termes dérivés, nous entendons les mots issus de l’expression régulière « patriarca* », c'est-à-dire tous les mots contenant « patriarca » suivi de n’importe quel suffixe (patriarcat, patriarcale, patriarcal, patriarcaux, etc…).

380 DELPHY Christine, L’ennemi principal : Tome 1 : économie politique du patriarcat [en ligne], Syllepse, 2013, p. 243, [consulté le 7 novembre 2017].

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Figure 31. Évolution annuelle de l’utilisation des termes dérivés de « patriarcat » par journal.

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L’examen de la figure 31 révèle que si l’évolution annuelle de l’utilisation de ce terme suit dans les tendances l’évolution de la quantité totale de documents dans notre corpus (voir figure 32), les creux (de 2006 à 2009 inclus) et pics (spécifiquement 2016, 2017 et 2018) d’utilisation sont cependant plus marqués. On observe également que certains journaux n’ont tout simplement jamais évoqué le terme au début de la période analysée : ainsi en est-il de

L’Humanité avant 2000, ou La Tribune avant 2004. Ce dernier se distingue par un très faible

nombre de mentions du terme, à l’instar de Aujourd’hui en France et Les Echos : il semble donc que les journaux spécialisés dans l’économie ou les faits divers investissent peu ce terme à forte teneur théorique mis en avant par les sciences sociales et les mouvements féministes. En moyenne, les journaux assimilés à la gauche en parlent plus – cela semble conforter notre hypothèse selon laquelle évoquer ce terme signifie déjà véhiculer un certain nombre de présupposés favorables au féminisme, étant donné que ce sont les mouvements féministes qui portent le concept et le défendent dans l’espace public.

Cela nous renvoie à une autre hypothèse, qui soutient que la manière dont sont traités le terme « patriarcat » et ses dérivés a changé lors de la période 2010 – 2019 par rapport aux années précédentes. Selon cette hypothèse, si le terme est plus présent, c’est aussi que la grille de lecture féministe que son utilisation suggère est-elle-même plus présente. Autrement dit, la progression du cadre d’analyse féministe est au moins proportionnelle à la progression du volume du corpus de documents contenant le terme patriarcat et ses dérivés – mais probablement plus selon nous. Il est donc ici nécessaire de se demander si l’utilisation de ces termes est effectivement liée à des cadres féministes, et si les cadres qu’il véhicule ont changé à partir du début des années 2010 : il faut interroger nos présupposés.

Ici, nous procédons à un calcul de keyness sur les articles contenant le terme « patriarca* » et publiés à partir de 2010 par rapport à ceux publiés dans les périodes précédentes. Nous sélectionnons les 20 mots dont le différentiel de fréquence entre les deux périodes est le plus significatif.

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Figure 33. Comparaison des 20 mots-clés les plus caractéristiques des périodes 1995 – 2009 (en gris) et 2010 – 2019 (en bleu) pour les documents contenant des dérivés du terme « patriarca* ».

Les deux sous-corpus sélectionnés arborent des mots-clés relatifs à des thématiques très différentes. Les mots-clés spécifiques aux articles publiés avant 2010 font essentiellement référence à des personnes ou des évènements tandis que ceux caractéristiques des articles publiés à partir de 2010 sont pour la plupart relatifs aux violences envers les femmes. Il semble donc que les années 2010 soient marquées par une puissante association, au sein de la presse, entre patriarcat et violences envers les femmes, quand ce n’était pas le cas auparavant. Les mots ne désignant pas spécifiquement des actes de violence mentionnent des des termes au cœur du débat relatif à la cause des femmes, comme « genre », ou des mouvements dénonçant les dites violences comme « metoo » ou « femen », etc. Ces données confirment pour l’instant certaines de nos hypothèses : il y a effectivement un changement de ton à partir de 2010 lorsque la presse parle de patriarcat, ce dernier y est plus associé aux violences envers les femmes qu’auparavant. En revanche, bien qu’intuitivement cela semble également renforcer l’hypothèse d’une prégnance plus importante de cadres féministes dans l’utilisation médiatique du terme patriarcat, il est nécessaire d’analyser le corpus plus en détail si l’on souhaite trancher avec plus de précision.

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Pour cela, nous nous servirons des KWIC pour rechercher des articles contenant précisément chaque mot-clé afin de déterminer si les dits mots-clés sont associés à des cadres féministes. Nous chercherons à identifier les cadres dominants exprimés par les articles contenant les mots-clés les plus significatifs des deux périodes. La fenêtre de 30 mots nous semble en effet suffisamment large pour saisir des articles représentant un éventail d’arguments diversifié. Il ne s’agit cependant pas ici d’être quantitativement représentatif. La démarche est donc la suivante : nous recenserons d’abord successivement quelques articles contenant certains des mots-clés les plus caractéristiques de chaque période et semblant déployer des cadres distincts ; après avoir fait cela, nous traiterons un autre terme. Enfin, une fois les deux termes traités, nous identifierons les cadres dans lesquels il est possible de regrouper les articles pour chaque période, avant de comparer les cadres des deux périodes. Nous n’excluons pas de l’analyse les articles provenant de l’autre période que celle qui correspond à un mot-clé donné : il y a par exemple des articles antérieurs à 2010 contenant le terme « genre », les inclure est d’autant plus intéressant qu’ils permettent de saisir l’évolution de cadres sur un même sujet restreint – dans cet exemple, le genre dans les articles de notre corpus abordant le patriarcat. Nous étudierons les 7 premiers mots-clés assignés à chaque période, indépendamment de leur pertinence ici, afin de récupérer un nombre suffisamment larges de cadres d’interprétation parmi les articles étudiés.

Le traitement médiatique du patriarcat à partir des mots-clés caractéristiques des années 2010 : les violences au premier plan

Le mot-clé « femen », associé le plus fortement au sous-corpus postérieur à 2010, est représenté dans notre fichier KWIC par 7 articles, tous publiés après 2010 : un publié par

Aujourd’hui en France, quatre par Le Monde, un par Libération et un par La Croix. Parmi

ceux-là, l’article le plus ancien, publié le 11 juin 2013 par Le Monde, est une tribune de Sara Salem, une doctorante en sciences sociales accusant le mouvement Femen de renouer avec un féminisme néocolonial381. Si l’article est à charge contre le collectif, l’origine idéologique de la critique est bien féministe : elle est formulée au nom de l’intersectionnalité. Nous pouvons recenser également un article dans Le Monde faisant état de l’octroi du statut de réfugiée politique à Inna Shevchenko par l’État382 – article qui déclare Paris capitale du « nouveau féminisme » – ou la reprise d’une dépêche AFP traitant de leur présence à la Mostra de Venise

381 SALEM Sara, « Les Femen, un féminisme de type néocolonial » [en ligne], Le Monde.fr, 11 juin 2013, [consulté le 29 avril 2020].

382 SMOLAR Piotr et VINCENT Élise, « Une Ukrainienne, figure de proue des Femen, devient réfugiée politique en France » [en ligne], Le Monde.fr, 9 juillet 2013, [consulté le 29 avril 2020].

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pour défendre le documentaire à leur sujet383. Le document publié par Le Parisien –

Aujourd’hui en France est quant à lui descriptif384. L’article de Libération est une tribune du collectif pour promouvoir son manifeste385, quand le dernier article de Le Monde relève l’opposition à l’interdiction du « burkini » par des mouvements « qui, d’ordinaire, se contentent d’appréhender le voile sous l’angle de l’oppression religieuse et patriarcale »386 (comme cela avait été dénoncé dans la tribune de Sara Salem). Enfin, l’article publié par La Croix en 2019, prend le contrepied d’une des thèses portées par les Femen en questionnant la systématicité du lien entre religion et oppression des femmes, envisageant la possibilité que des éléments du christianisme aient pu contribuer à leur émancipation387.

Pour le mot-clé « metoo », le fichier KWIC relève onze articles, dont six tribunes, témoignant de la charge affective et polémique du phénomène. Sur ces six tribunes, une, écrite par Mathieu Bock-Côté388 publiée dans Le Figaro le 17 janvier 2018, dénonce « la radicalisation du néoféminisme nord-américain et, plus encore, du féminisme universitaire »389

engendrée selon lui par #metoo. Les cinq autres tribunes, publiées dans Le Monde390,391,392,

Libération393, et L’Humanité394, dénoncent quant à elles le patriarcat et saluent pour l’essentiel l’effort des mobilisations et discussions consécutives à #metoo. Les autres articles parlent de violences contre les femmes, à l’image de l’affaire de « La Meute » en Espagne395, ou font une

383 Disponible désormais sur d’autres journaux comme : « Mostra: les Femen torse nu pour défendre leur mouvement », L'Express.fr, https://www.lexpress.fr/actualites/1/culture/mostra-les-femen-torse-nu-pour-defendre-leur-mouvement_1278625.html , 4 septembre 2013, (consulté le 29 avril 2020).

384 « Enquête », sur Leparisien.fr [en ligne], publié le 24 mars 2013, [consulté le 29 avril 2020].

385 FEMEN (COLLECTIF), « «Notre féminisme, une haine assumée» », sur Libération.fr [en ligne], publié le 17 mars 2015, [consulté le 29 avril 2020].

386 PASCUAL Julia, « Le « burkini », cheval de Troie de l’interdiction du voile ? » [en ligne], Le Monde.fr, 25 août 2016, [consulté le 29 avril 2020].

387 LUCAS Emmanuelle, « Les religions, un frein aux droits des femmes ? » [en ligne], La Croix, 21 novembre 2019, [consulté le 29 avril 2020].

388 Essayiste québécois conservateur de formation sociologique.

389 Mathieu Bock-Côté, « La France résiste au féminisme anglo-saxon, et heureusement ! », https://www.lefigaro.fr/vox/societe/2018/01/16/31003-20180116ARTFIG00313-mathieu-bock-cote-la-france-resiste-au-feminisme-anglo-saxon-et-heureusement.php , 16 janvier 2018, (consulté le 29 avril 2020). 390 KRÉMER Pascale, « Leïla Slimani » [en ligne], Le Monde.fr, 25 mars 2018, [consulté le 29 avril 2020]. 391 ROUSSEAU Christine, « Laure Murat : “#metoo est la première remise en cause sérieuse du patriarcat” », sur

Lemonde.fr [en ligne], [consulté le 29 avril 2020].

392 BRINBAUM Jean, « Wassyla Tamzali » [en ligne], Le Monde.fr, 3 juillet 2018, [consulté le 29 avril 2020]. 393 PROKHORIS Sabine, « Un effort de lucidité », sur Libération.fr [en ligne], publié le 18 octobre 2018, [consulté le 29 avril 2020].

394 « Violences sexuelles », sur L’Humanité [en ligne], publié le 14 mai 2018, [consulté le 29 avril 2020]. 395 MOREL Sandrine, « Le gouvernement féministe de Pedro Sanchez à l’épreuve de la « Meute » » [en ligne], Le

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rétrospective sur les évolutions récentes du féminisme, interrogeant notamment Christine Bard, qui estime qu’aujourd’hui le féminisme « demande la fin du patriarcat »396.

Concernant le mot-clé « sexuelles », le fichier KWIC renvoie 19 entrées, sur 16 articles distincts, concernant tous, sans surprise, les violences sexuelles, en France ou dans d’autres pays. Ainsi sont évoquées la condition des femmes et leurs revendications en Inde397,398 ou en Israël399, ainsi que la biographie d’une afghane réfugiée en Allemagne400. On retrouve beaucoup de tribunes, la plupart publiées après 2010 et fustigeant les violences contre les femmes401 et l’insuffisance des mesures à leur encontre402. On salue l’émergence d’une « nouvelle vague du féminisme »403, qui engendre des débats enflammés. Cette nouvelle médiatisation du féminisme est l’occasion de rejouer des divisions féministes anciennes (liées aussi à l’actualité législative), autour de la prostitution404, de l’universalisme405 et de la laïcité406. Pour autant, même dans ces cas, l’universalité des violences envers les femmes et la nécessité de faire front commun à leur encontre est rappélée, indépendamment des divergences internes. Deux documents provenant de Le Figaro adoptent un ton plus critique. Le premier est un entretien avec la militante féministe et journaliste allemande Alice Schwarzer, qui dénonce, suite aux agressions du Jour de l’An 2016 à Cologne, l’incapacité à « nommer la réalité »407 concernant l’islamisme politique et la menace qu’il représente pour les droits des femmes, et soulève la question des

396 LUCAS Emmanuelle, « De mère en fille, à chacune son féminisme » [en ligne], La Croix, 15 octobre 2019, [consulté le 29 avril 2020].

397 FARCIS Sébastien, « En Inde, des technologies dissuasives qui rassurent », sur Libération.fr [en ligne], publié le 31 mai 2016, [consulté le 30 avril 2020].

398 BOUISSOU Julien, « En Inde, un film sur les violences sexuelles censuré » [en ligne], Le Monde.fr, 10 mars 2015, [consulté le 30 avril 2020].

399 MATTHIEUSSENT Delphine, « Ces Palestiniennes victimes familiales », sur Libération.fr [en ligne], publié le 20 février 2007, [consulté le 30 avril 2020].

400 GOLSHIRI Ghazal, « La nouvelle vie de Marzieh, jeune Afghane réfugiée en Allemagne » [en ligne], Le

Monde.fr, 1 juin 2016, [consulté le 30 avril 2020].

401 KACI Mina, « Enfin dire « stop au sexisme ! » » [en ligne], L’Humanité, 20 novembre 2004, [consulté le 30 avril 2020].

402 MUSSO Anna, « Agressions physiques et psychologiques, féminicides. Les mesures du Grenelle des violences conjugales seront-elles suffisantes ? », sur L’Humanité [en ligne], publié le 19 novembre 2019, [consulté le 30 avril 2020].

403 MOUSSAOUI Rosa, « Luttes des femmes. La nouvelle vague du féminisme est une déferlante mondiale », sur

L’Humanité [en ligne], publié le 8 mars 2018, [consulté le 30 avril 2020].

404 LEGARDINIER Claude, « Quelle politique mettre en Œuvre pour faire reculer la prostitution ? » [en ligne],

L’Humanité, 25 mars 2010, [consulté le 30 avril 2020].

405 STORTI Martine, « De souche / pas de souche, Blancs / non-Blancs... stop ! », sur Libération.fr [en ligne], publié le 1 juin 2017, [consulté le 30 avril 2020].

406 ROSSIGNOL Laurence, « Féministe universaliste et laïque, je manifeste avec #NousToutes », sur Libération.fr [en ligne], publié le 22 novembre 2018, [consulté le 30 avril 2020].

407 Nicolas Barotte, « Angela Merkel n’a pas perçu la différence entre islam et islamisme », https://www.lefigaro.fr/international/2017/09/22/01003-20170922ARTFIG00233-angela-merkel-n-a-pas-percu-la-difference-entre-islam-et-islamisme.php , 22 septembre 2017, (consulté le 30 avril 2020).

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réfugiés parmi lesquels « même le plus gentil des garçons »408 a été élevé en apprenant que « les femmes n’ont aucun droit »409. Le deuxième est une chronique d’Ivan Rioufol qui dénonce « les néoféministes, qui appellent à déboulonner le patriarcat, [mais qui] se taisent devant les injures machistes ou les agressions sexuelles commises par des hommes venus du Maghreb ou d'Afrique noire »410. Si ces deux articles, et surtout le deuxième, sont à charge à l’encontre de certains féminismes, les deux le font au nom de la défense des droits des femmes. Nous reviendrons sur cet élément – qui a déjà été remarqué par d’autres – plus en détail dans les sections à venir ; il est caractéristique selon nous du fait que les droits des femmes et l’amélioration des conditions de vie des femmes sont devenus des cadres dominants dans l’espace médiatique.

Le mot-clé « harcèlement » est le troisième mot le plus caractéristique des publications après 2010. Sur les treize articles que nous obtenons, deux sont publiés avant 2010. Un certain nombre de tribunes, écrites par des autrices féministes, sont encore une fois publiées – dans

L’Humanité, Libération et Le Monde. On y dénonce le « harcèlement de rue »411, Elisabeth Badinter412, les violences sexuelles413, ou encore les « indignations sélectives »414 suite aux viols de Cologne en janvier 2016 – Nacira Guénif considère qu’on ne s’émeut des violences sexuelles que lorsque les victimes sont des femmes blanches hétérosexuelles et les coupables des personnes racisées. Pour ce qui est des articles qui ne sont pas des tribunes, L’Humanité célèbre le « féminisme nouvelle génération »415, Le Monde fait un portrait de la bédéaste Emma416 et La Croix fait un compte-rendu des « Rencontres d’Averroës », dont la 25ème édition s’interroge sur « les relations entre les sexes dans les pays du pourtour de la Méditerranée »417.

408 Ibid. 409 Ibid.

410 Ivan Rioufol, « Les “humanistes“ n’aiment pas le peuple »,

https://www.lefigaro.fr/vox/societe/2018/01/18/31003-20180118ARTFIG00292-ivan-rioufol-les-8220humanistes8220-n-aiment-pas-le-peuple.php , 18 janvier 2018, (consulté le 30 avril 2020).

411 DE HAAS Magali, MAILFERT Anne-Cécile et ASSEKOUR Hélène, « Harcèlement » [en ligne], Le Monde.fr, 7 août 2012, [consulté le 30 avril 2020].

412 « Madame Badinter, allez porter une robe à fleurs à l’Assemblée ! » [en ligne], L’Humanité, 9 juin 2017, [consulté le 30 avril 2020].

413 LAGUERRE Marie, « Marie Laguerre », sur Libération.fr [en ligne], publié le 9 octobre 2018, [consulté le 30 avril 2020].

414 « Gare aux indignations sélectives ! », Le Monde.fr, 30 janv. 2016.

415 BARBIER Marie, « Féminisme nouvelle génération », sur L’Humanité [en ligne], publié le 20 octobre 2017, [consulté le 30 avril 2020].

416 CAZI Emeline, « Le succès d’Emma, la dessinatrice qui défend un féminisme du quotidien » [en ligne], Le

Monde.fr, 15 novembre 2017, [consulté le 30 avril 2020].

417 BLÉTRY Nadia et HADDAD Emmanuel, « Rencontres d’Averroès, le long combat des femmes égyptiennes et syriennes » [en ligne], La Croix, 15 novembre 2018, [consulté le 30 avril 2020].

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Le mot-clé « trump » s’accompagne d’articles publiés essentiellement par Libération et

L’Humanité, et marginalement par Le Monde. Le propos unanime de la presse, que ce soit dans

des articles ou à travers des entretiens – et donc les invités choisis – est un rejet du personnage, qui devient l’incarnation des « forces de réaction » opposées aux « forces du progrès » exprimées par « les mobilisations féministes » à partir de la Women’s March de 2017418. Selon Marie-Cécile Naves, les choix de Donald Trump sont « destinés à montrer que la masculinité hégémonique, visant la perpétuation d’un système patriarcal, est aux affaires »419, quand Rebecca Traister considère que « la presse, exception faite du Washington Post qui s'est montré très pugnace envers Donald Trump, a été plus sévère avec Hillary Clinton qu'avec lui »420. Nous constatons ici aussi que l’utilisation du terme patriarcat est un bon indice de la présence de cadres de perception féministe dans un article de presse, que ce soit dans des articles généralistes ou à travers des intervenants extérieurs – entretiens ou tribunes.

Concernant le mot-clé « violences », la couverture est, de manière attendue, plus large, et on retrouve des articles cités à l’occasion d’autres mots-clés comme « harcèlement » et « sexuelles ». On évoque les violences en Inde421, mais aussi en Egypte à l’occasion du portrait de Nawal El Saadawi, militante féministe choisie pour figurer dans une série sur cinq intellectuels du Moyen-Orient422. En plus des violences déjà évoquées sur d’autres mots-clés – et traitées de manière similaire –, on croise la prostitution dénoncée par les abolitionnistes423, mais aussi les « violences économiques »424,425.

La mention la plus ancienne du terme « genre » dans ce sous-corpus date de 2000, dans un article de L’Humanité à l’occasion d’un entretien avec Adela Turin, une autrice d’ouvrages pour enfants cherchant à éradiquer le sexisme dans ce type de littérature426. Ici encore, on

418 SKALSKI Jérôme, « Table ronde. Le féminisme, catalyseur des résistances progressistes ? », sur L’Humanité [en ligne], publié le 3 février 2017, [consulté le 1 mai 2020].

419 « De quoi Trump est-il le genre ? », Le Monde.fr, 18 janv. 2018.

420 FRANCK-DUMAS Elisabeth, « Rebecca Traister », sur Libération.fr [en ligne], publié le 9 novembre 2016, [consulté le 1 mai 2020].

421 BOUISSOU Julien, « Un viol suivi de pendaison illustre le martyre des Indiennes de basse caste » [en ligne],

Le Monde.fr, 31 mai 2014, [consulté le 1 mai 2020].

422 BENRAAD Myriam, « Nawal El Saadawi, icône du féminisme en Egypte » [en ligne], Le Monde.fr, 17 août 2017, [consulté le 1 mai 2020].

423 LEJEUNE Léa, « «En tant qu’abolitionnistes, la morale ne nous intéresse pas» », sur Libération.fr [en ligne], publié le 26 novembre 2013, [consulté le 1 mai 2020].

424 THEVENIN Nicole-Edith, ALLIBERT Marie, COHEN Laurence et al., « Le féminisme, revendication sociale ou projet de société ? », sur L’Humanité [en ligne], publié le 8 mars 2017, [consulté le 1 mai 2020].

425 MALLAVAL Catherine et BALLET Virginie, « Pensions alimentaires », sur Libération.fr [en ligne], publié le 19 janvier 2017, [consulté le 1 mai 2020].

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retrouve des tribunes qui saluent les mobilisations féministes et leurs acquis427, en France ou ailleurs428, mais aussi des entretiens avec des invitées comme Judith Butler, qui questionne l’utilité du concept de patriarcat429. Ce dernier entretien est particulièrement intéressant car la question posée voulait associer son œuvre à une critique du patriarcat, en affirmant que sa « démarche s’inscrit alors dans une contestation de l’ordre établi patriarcal », tout en soulignant que « Nombre de féministes considèrent pourtant [qu’elle reste] en retrait sur ce point  ». Sa réponse peut être surprenante dans l’espace médiatique français, étant donné qu’elle rétorque qu’elle « ne travaille pas avec le concept du patriarcat », qu’elle ne considère pas comme une grille de lecture pertinente du changement et des rapports sociaux. Un article de Libération explore quant à lui les apports du concept de genre aux mobilisations et partis d’extrême-gauche430. Il apparaît que le terme « genre » est dans notre sous-corpus un proxy pour des débats théoriques et des prises de position féministes. Nous arrêtons ici l’analyse des textes contenant des mots-clés caractéristiques des années 2010. En effet, les mots suivants se rattachent tous peu ou prou à la même thématique générale, et notre démonstration souffrirait de longueurs et répétitions, ici inutiles.

Le traitement du patriarcat dans la presse à travers les mots-clés spécifiques aux documents antérieurs à 2010

Examinons désormais quelques articles associés aux mots-clés les plus caractéristiques de la partie de ce sous-corpus précédant l’année 2010. Nous procéderons de la même manière que pour examiner les cadres véhiculés par le terme « patriarcat » à partir de 2010.

Le terme le plus caractéristique de la période précédant 2010 est « ii ». De manière attendue, on retrouve une mention rapide de Jean-Paul II – le patriarcat évoqué étant le patriarcat orthodoxe de Moscou – ainsi que de la numération : le IIème siècle ainsi que le IIIème