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Un intérêt très marqué pour la cause des femmes au sein de la presse nationale française de 2010 à 2019

Section II – La hausse de l’intérêt pour la cause des femmes dans la presse nationale

A) La cause des femmes : un sujet bénéficiant d’un intérêt croissant dans la presse

1/ Un intérêt très marqué pour la cause des femmes au sein de la presse nationale française de 2010 à 2019

Figure 8. Évolution du nombre d’articles de presse nationale française et quotidienne contenant l’une des expressions : « féminisme », « sexisme », « droits des femmes » et « égalité des sexes » du 1er janvier 1995 au 31 décembre 2019, par an (source Europresse).

La figure 8 montre à l’état brut la répartition des articles qui constituent le corpus par

année. On peut d’ores et déjà y constater une augmentation du nombre d’articles de presse nationale française traitant la cause des femmes de manière très nette à partir de 2010, hausse qui se poursuit jusqu’en 2017 inclus, les années 2018 et 2019 marquant un très léger déclin par rapport à 2017, tout en restant au-dessus du reste de l’échantillon. L’hypothèse selon laquelle il existe une hausse du traitement médiatique de la cause des femmes depuis 2010 semble pour l’instant se vérifier, bien qu’elle nécessite d’être explorée plus avant. L’affaire Strauss-Kahn est probablement un élément marquant ayant contribué à cette hausse en 2010. L’augmentation est ensuite particulièrement marquée en 2012 : il faut principalement mettre cela sur le compte de l’institution d’un Ministère des Droits des Femmes de plein exercice, ce qui a fait croître l’utilisation de l’expression « droits des femmes », comme le montre la figure 9.

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Figure 9. Évolution du nombre d’articles de presse nationale française et quotidienne contenant l’expression « droits des femmes » du 1er janvier 1995 au 31 décembre 2019, par an (source Europresse).

Il est également intéressant de constater que l’évolution quantitative de l’usage des expressions choisies dans la presse rencontre une hausse progressive à partir de 1997, avec ensuite un lent déclin de 2004 à 2009, sans pour autant jamais tomber plus bas que le niveau de 1999. Cette période peut potentiellement correspondre à la Troisième vague féministe, bien que les données soient insuffisantes pour placer des bornes chronologiques définitives à ce phénomène. Cela pose la question des critères à identifier pour déterminer la fin d’une vague féministe : on peut supposer qu’un tel phénomène se manifeste par une chute de l’intérêt politique et médiatique pour la cause des femmes, ce qui ferait de la fin d’une vague un processus, qui débuterait en l’occurrence en 2004 pour s’achever avec la reprise d’une nouvelle vague. Les données semblent également pour l’instant confirmer l’idée que les vagues féministes se superposent mais ne s’annulent pas : le déclin de l’intérêt médiatique pour la cause des femmes ici observé depuis 2004 n’est que relatif, il ne tombera plus, comme nous l’avons déjà souligné, en dessous des niveaux de 1999.

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Si l’on revient à la question de la quatrième vague féministe, il apparaît malgré tout qu’il existe des fluctuations de l’intérêt au sein de la période étudiée, et notamment une diminution du nombre de documents en 2015, retombant à un niveau proche de 2012. Si nous ne pouvons nous permettre d’explorer les conditions de possibilité de ce phénomène pour l’instant, une hypothèse peut cependant être formulée : il est possible que la vague d’attentats terroristes que la France a subie en 2015 ait accaparé l’attention des médias, les divertissant quelque peu de la cause des femmes. Pour autant, la baisse reste faible et est rapidement suivie d’une nouvelle augmentation.

En outre, la confrontation de l’évolution du traitement médiatique de la cause des femmes à celle des mentions des termes recherchés dans les questions au gouvernement analysée dans la section précédente nous révèle des tendances proches. Les hausses et baisses globales semblent simultanées ; elles sont cependant plus marquées dans les médias que dans les institutions politiques pendant la période qui nous intéresse, c'est-à-dire de 2010 à 2019. Ici comme pour les données issues des questions au gouvernement, s’il est difficile de déterminer une année qui ferait office de point de départ indiscutable de la hausse de l’intérêt pour la cause des femmes, il apparaît de manière assez évidente que la moyenne de publications annuelles pour la période courant de 2010 à 2019 est plus élevée que pour les périodes précédentes.

L’analyse de l’évolution quantitative annualisée de notre corpus est cependant insuffisante pour véritablement explorer notre hypothèse. L’évolution mensuelle de celui-ci, présentée dans la figure 10, nous permettra d’être plus précis324.

324 Nous utilisons désormais les données que nous avons importées, aussi nous tiendrons compte des remarques préalables à propos de l’année 2019 et de la période courant du 18 mai 2011 au 3 mars 2012. Il est d’ailleurs visible que les données provenant de Factiva sont moins nombreuses que celles données par Europresse. Nous ne pouvons cependant pas extrapoler la répartition mensuelle à partir des données d’Europresse précedemment exposées, aussi nous devrons nous contenter de ce corpus quelque peu lacunaire.

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Figure 10. Évolution du nombre d’articles de presse nationale française et quotidienne contenant l’une des expressions : « féminisme », « sexisme », « droits des femmes » et « égalité des sexes » du 1er janvier 1995 au 31 décembre 2019, par mois.

On y constate de prime abord les effets du mouvement social de 1995 et des débats concernant la loi du 6 juin 2000 visant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux

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mandats électoraux fonctions électives. La mensualisation des données permet également d’observer qu’il y a de très fortes fluctuations de l’intérêt médiatique pour la cause des femmes au fil des mois, la production d’articles sur la question étant rarement constante et restant évidemment tributaire des actualités quotidiennes325. Pour autant, la tendance générale permet malgré tout d’observer un regain d’intérêt pour la cause des femmes en 2010, non suivi sur ces données en 2011 mais très remarquable à partir de 2012. On rencontre également régulièrement des pics d’intérêt correspondant au mois de mars à partir de 1996, ce qui est cohérent avec la date du 8 mars, Journée internationale des droits des femmes. En moyenne, les mois d’été se caractérisent par une production plus faible, de même que le mois de décembre. Cela semble correspondre aux vacances d’une partie importante de la population et aux fêtes de fin d’année, bien que l’on ne puisse définitivement en inférer la cause réelle. Enfin, les figures 10 et 11 confirment bien la poursuite de l’intérêt médiatique pour la cause des femmes lors de la XVème législature.

Figure 11. Fréquence relative d’utilisation des termes « féminisme », « sexisme », « droits des femmes » et « égalité des sexes » dans la presse du 1er janvier 1995 au 31 décembre 2019, par an.

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La figure 12 nous permet de comparer l’utilisation des différents mots-clés choisis dans l’ensemble du corpus. La première information que l’on peut en retirer est la très faible utilisation de l’expression « égalité des sexes » dans la presse, phénomène intéressant à mettre en perspective avec la très forte utilisation de cette expression lors des questions au gouvernement. Il semble donc que l’expression « égalité des sexes » corresponde à une dénomination officielle et étatique des questions de genre, que ne semble pas avoir adopté la presse326. Il faut également rappeler que l’expression « égalité entre les femmes et les hommes » semble avoir pris le relais de « l’égalité des sexes » en tant que dénomination officielle de la problématique, ne serait-ce qu’en constatant le nom du Secrétariat d'État chargé de l'Égalité entre les femmes et les hommes depuis 2017 ou encore du Haut Commissariat à l’égalité entre les femmes et les hommes. En raison de la nature de nos données explicitée plus haut, nous ne pouvons pas interpréter de manière fiable la chute importante de l’utilisation de l’expression « droits des femmes » en 2011. En revanche, nous remarquons que sur la période 2010 – 2018, le terme « sexisme » est celui dont l’utilisation a subi l’augmentation la plus marquée, se rapprochant des niveaux plus élevés des expressions « droits des femmes » et « féminisme ». La hausse est particulièrement marquée en 2016, aussi nous faudra-t-il être particulièrement vigilants dans les sections qui suivront sur les controverses ayant eu lieu en 2016. L’hypothèse que nous pouvons formuler pour l’instant est que la presse nationale a adopté la catégorie « sexisme » comme représentant objectivement les problématiques spécifiques rencontrées par les femmes. Nous supposons pour l’instant que l’augmentation de l’utilisation du terme « féminisme » renvoie à la part croissante prise par les mouvances et pensées se réclamant du féminisme dans le débat public, y compris sous la forme de mobilisations, et quel que soit le répertoire d’action utilisé. L’expression « droits des femmes » est possiblement utilisée comme une formule générique désignant les questions touchant à la condition féminine, mais recouvre également les mentions des ministères ou secrétariats d’État portant ce titre. Si à ce stade, peu d’informations ont pu être retirées sur ce point, le découpage du corpus en fonction des sources pourrait nous en apprendre plus.