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2/ L’engagemente féministe de la XIVème législature

Au cours de la XIVème législature, un certain nombre d’initiatives gouvernementales ont vu le jour à propos de la cause des femmes. Sans entrer dans les détails des multiples controverses relatives à la cause des femmes qui ont secoué les gouvernements successifs et l’espace public et qui seront abordées plus tard, nous pouvons pour l’instant examiner les mesures effectivement mises en place. Nous évaluerons le caractère féministe ou non de ces législations, en nous inspirant des critères donnés par Amy Mazur dans son ouvrage Theorizing

feminist policy271. Nous soutenons en effet l’hypothèse selon laquelle les mesures adoptées sous la XIVème et la Xvème législature et concernant la cause des femmes peuvent être qualifiées de féministes. L’étude du traitement de la cause des femmes par l’État couvre également la question du féminisme d’État, c'est-à-dire « l’action des instances gouvernementales formellement chargées de promouvoir les droits et les statuts des femmes »272, qui implique de s’intéresser aux interactions entre les diverses institutions à l’intérieur de l’État, leurs liens avec la société civile mais aussi l’influence de certaines organisations internationales. Se pencher sur la problématique des politiques publiques féministes mises en place par l’État est une manière de tester l’hypothèse d’un champ politique favorable à la cause des femmes depuis la XIVème législature. En effet, si l’analyse quantitative nous permet de constater que l’intérêt pour la question a effectivement crû, elle n’indique rien sur le caractère féministe ou non de cette activité parlementaire. Concernant les lois étudiées, nous écartons pour l’instant la loi dite du « mariage pour tous » qui, si elle a été l’occasion de débats très médiatisés concernant des conceptions opposées de la famille et donc, in fine, des rapports de genre, ne visait pour autant pas spécifiquement la cause des femmes. D’un point de vue législatif, d’autres lois marquent

271 MAZUR Amy G., Theorizing feminist policy, Oxford Univ. Press, 2002.

272 REVILLARD Anne, La cause des femmes dans l’État [en ligne], Sociologie, Ecole Normale Supérieure de Cachan, 2007, p. 22, [consulté le 31 octobre 2017].

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un choix politique clair de la part de la majorité concernant des questions au centre du débat public et relatives aux femmes.

L’une des premières lois entrée en vigueur pendant le quinquennat de François Hollande à ce propos est la loi n°2012-954 du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel. Il s’agissait là de combler un vide juridique consécutif à une décision du Conseil constitutionnel qui avait invalidé la loi sanctionnant ce délit pour le motif que les « éléments constitutifs de l’infraction [étaient] insuffisamment définis » au regard du « principe de légalité des délits et des peines »273. C’est donc la nécessité juridique qui a présidé au vote d’une telle loi. Pour autant, cela a été l’occasion d’ajouter dans le texte des circonstances aggravantes assorties de sanctions alourdies, ainsi qu’un délit de discrimination à l’encontre des victimes de harcèlement sexuel, un délit de transphobie et un alourdissement des sanctions à l’encontre du harcèlement moral274.

Plus emblématique du traitement de la cause des femmes sous la XIVème législature est la loi n° 2014-873 du 4 août 2014, dite « pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes ». Celle-ci comporte des titres relatifs à la « vie professionnelle », à la « lutte contre la précarité », à « la protection des victimes de violences et à la lutte contre les atteintes à la dignité et à l’image à raison du sexe dans le domaine de la communication », à « l’égalité entre les femmes et les hommes dans leurs relations avec l’administration », ainsi que des dispositions visant à « mettre en œuvre l’objectif constitutionnel de parité ». Son article 1 liste les 10 principaux secteurs d’action publique concernant l’égalité entre les femmes et les hommes :

« 1° Des actions de prévention et de protection permettant de lutter contre les violences faites aux femmes et les atteintes à leur dignité ; 2° Des actions visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel ; 3° Des actions destinées à prévenir et à lutter contre les stéréotypes sexistes ; 4° Des actions visant à assurer aux femmes la maîtrise de leur sexualité, notamment par l'accès à la contraception et à l'interruption volontaire de grossesse ; Des actions de lutte contre la précarité des femmes ; 6° Des actions visant à garantir l'égalité professionnelle et salariale et la mixité dans

les métiers ;

7° Des actions tendant à favoriser une meilleure articulation des temps de vie et un

273« Décision n° 2012-240 QPC du 4 mai 2012 », sur Conseil constitutionnel [en ligne], [consulté le 25 septembre 2019].

274 « Projet de loi, harcelement sexuel, droits des femmes. Loi du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel - Panorama des lois - Actualités - Vie-publique.fr », publié le 7 août 2012, [consulté le 25 septembre 2019].

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partage équilibré des responsabilités parentales ; 8° Des actions visant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et

sociales ;

9° Des actions visant à garantir l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes et leur égal accès à la création et à la production culturelle et artistique, ainsi qu'à la

diffusion des œuvres ;

10° Des actions visant à porter à la connaissance du public les recherches françaises et internationales sur la construction sociale des rôles sexués. »

On retrouve dans cette énumération l’ensemble des sous-secteurs d’intervention listés par Amy Mazur comme faisant partie des politiques publiques féministes275. On peut y ajouter l’image des femmes dans les médias, problématique qui n’appartient directement à aucune des catégories élaborées par Amy Mazur, étant donné que la construction de celle-ci précède la généralisation des politiques publiques concernant cette thématique. Dans le texte, cette loi correspond également aux critères énoncés par la chercheure pour qualifier une politique publique de féministe. En effet, il est nécessaire, pour qu’une politique soit qualifiée de féministe, qu’elle arbore trois des cinq idées ou caractéristiques suivantes :

« (1) l’amélioration des droits, du statut ou de la condition des femmes pour les aligner sur ceux des hommes;

(2) la réduction ou l’élimination de hiérarchies fondées sur le genre ou du patriarcat ; (3) une approche cherchant à remettre en cause les distinctions et hiérarchies entre espace public et sphère privée ;

(4) un ciblage spécifiquement genré ;

(5) ou des idées qui peuvent être rapidement associées à des revendications féministes au sein du contexte national »276.

En l’occurrence, l’énumération sus-citée s’accorde parfaitement avec les objectifs (1), (2), (3) et (4). Si la plupart des thèmes abordés dans cette loi ont déjà fait l’objet de politiques visant

275 A.G. Mazur, Theorizing feminist policy, op. cit, p.32. 276 Ibid., p. 31 [notre traduction].

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à atteindre des objectifs d’égalité entre les sexes, cette loi se distingue par l’ambition de traiter la question de manière transversale, presque exhaustive. En revanche, la thématique de l’image des femmes dans la communication publique est plutôt novatrice. Lors de l’analyse des questions au gouvernement, nous avions en effet remarqué que l’image publique des femmes en tant que groupe n’était traitée que sous l’angle des discours sexistes, plutôt combattus par la droite parlementaire, en général pour des motifs conservateurs, relatifs à la décence, la pudeur, mais aussi en vertu de l’influence néfaste de tels discours sur la société. Or, dans la loi « pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes », l’article 56 modifie l’article 3-1 et ajoute un article 20-1 A au sein de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986. Il s’agit tout d’abord de renforcer les prérogatives du CSA, qui « assure le respect des droits des femmes dans le domaine de la communication audiovisuelle » en veillant à « une juste représentation des femmes et des hommes dans les programmes des services de communication audiovisuelle et, d’autre part, à l’image des femmes qui apparaît dans ces programmes, notamment en luttant contre les stéréotypes, les préjugés sexistes, les images dégradantes, les violences faites aux femmes et les violences commises au sein des couples », en portant notamment une attention particulière aux programmes « destinés à l’enfance et à la jeunesse ». L’article 56 formule aussi des obligations à l’égard des services de télévision à caractère national, qui doivent contribuer « à la lutte contre les préjugés sexistes et les violences faites aux femmes en diffusant des programmes relatifs à ces sujets », mais aussi fournir au CSA « des indicateurs qualitatifs et quantitatifs sur la représentation des femmes et des hommes dans leurs programmes »277 afin de permettre à l’organisme de remplir sa mission.

« L’image des femmes » dans l’espace public devient donc un objet de politiques publiques à part entière, que les autorités essaient de mesurer et sur lequel il devient possible d’agir, notamment via des sanctions à l’encontre des médias ne respectant pas certains objectifs de représentation ou diffusant des contenus jugés inadaptés. Nous conjecturons que cette innovation en termes de politiques publiques est loin d’être anodine et correspond à un tournant, concernant le traitement politique de la cause des femmes, vers des politiques axées sur la représentation et les aspects symboliques de la question. Il est possible à ce titre de parler de politiques de reconnaissance, c'est-à-dire visant à promouvoir des représentations positives de groupes sociaux, en sanctionnant si nécessaire les discours véhiculant des représentations négatives. Ces politiques reposent sur des conceptions attribuant une puissance causale

277 « LOI n° 873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes - Article 56 », 2014-873, 2014, [consulté le 7 octobre 2019].

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significative aux discours dans l’espace social, allant dans certains cas jusqu’à faire de ceux-ci la cause première des inégalités. Nous détaillerons un peu plus loin comment ce tournant se manifeste de manière évidente au cours de la XVème législature, ainsi que ses critiques, notamment au sujet de la baisse du budget du Secrétariat d’État aux droits des femmes, que nous avions brièvement mentionnées lors de l’analyse des questions au gouvernement.

Revenons cependant pour l’instant à la XIVème législature. La loi dite « pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes » n’est en effet pas la seule politique féministe de la XIVème législature, et il faut la comprendre comme le cœur d’une ambition plus large. Ainsi, quelques articles de la loi n° 2017 – 86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté – notamment dans le chapitre IV du Titre III – abordent les questions des discriminations envers les femmes et du sexisme. L’article 181 renforce par exemple les prérogatives du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, autre instance centrale dans l’architecture des politiques féministes de la XIVème législature et dont le rôle sera détaillé plus loin.

Il est également important d’aborder la loi n° 2016 – 444 du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées. Celle-ci a en effet soulevé de nombreuses discussions, s’inscrit clairement dans la volonté du gouvernement de l’époque de légiférer sur des questions concernant plus spécifiquement les femmes, et révèle certaines orientations idéologiques de la majorité de l’époque sur ces matières.

Le texte de loi comprend cinq chapitres, respectivement intitulés « Renforcement des moyens de lutte contre le proxénétisme et la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle », « Protection des victimes de la prostitution et création d’un parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle », « Prévention et accompagnement vers les soins des personnes prostituées pour une prise en charge globale », « Prévention des pratiques et du recours à la prostitution » et « Interdiction de l’achat d’un acte sexuel » - ainsi qu’un sixième chapitre « Dispositions finales ». En effet, celle-ci met en place diverses protections et dispositifs d’accompagnement pour les personnes « victimes de la prostitution » en vue de les faire intégrer d’autres parcours professionnels et de les insérer dans la société, il est aussi prévu dans l’article 8 la possibilité d’octroyer une autorisation provisoire de séjour à la personne si celle-ci n’a pas de papiers. C’est néanmoins le chapitre V qui a cristallisé l’essentiel des discussions et des oppositions à cette loi. Celui-ci introduit le délit d’achat d’acte sexuel, qui vise donc les clients de prostituées, en ces termes :

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« Art. 611-1. -Le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir des relations de nature sexuelle d'une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, en échange d'une rémunération, d'une promesse de rémunération, de la fourniture d'un avantage en nature ou de la promesse d'un tel avantage est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe. « Les personnes physiques coupables de la contravention prévue au présent article encourent également une ou plusieurs des peines complémentaires mentionnées à l'article 131-16 et au second alinéa de l'article 131-17. » »278.

Celui-ci remplace l’ancien délit de racolage, qui visait quant à lui les personnes prostituées, et qu’une partie de l’opposition parlementaire souhaitait conserver. La loi est pensée dans une perspective abolitionniste, conformément à la position affirmée par la Ministre des Droits des Femmes Najat Vallaud-Belkacem en 2013279, selon laquelle « c’est parce que les prostituées sont des victimes que l’action publique doit se donner comme objectif l’abolition de la prostitution »280. Cette approche de la prostitution avait été progressivement adoptée par de nombreuses associations féministes lors des décennies précédentes, et celles-ci ont donc soutenu la proposition de loi. Pour autant, la question de la prostitution continue de diviser les mouvements féministes. L’abolitionnisme est plutôt endossé par « les organisations féministes […] les plus institutionnalisées et les plus proches des pouvoirs publics »281. C’est le cas des associations « Osez le féminisme », SOS Sexisme ou encore Les chiennes de garde, mais surtout du Mouvement du Nid, organisation abolitionniste au premier plan des mobilisations en faveur de cette loi, mais aussi au cœur des discussions avec les autorités. Aussi, la « pénalisation des clients doit […] être envisagée comme une coproduction du champ politique et des mouvements abolitionniste et féministe, facilitée par l’institutionnalisation désormais bien avancée de ce dernier »282.

Catégoriser cette loi en tant que politique publique féministe en fonction des critères d’Amy Mazur est cependant plus ardu. En effet, l’orientation idéologique abolitionniste suivie peut être associée à des mouvements féministes reconnaissables (critère 5), la loi cherche

278 « LOI n° 2016-444 du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées », 2016-444, 2016, [consulté le 14 octobre 2019].

279 « Abolition de la prostitution », sur Secrétariat d’État chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes et de

la lutte contre les discriminations [en ligne], [consulté le 14 octobre 2019].

280 JACQUEMART Alban et JAKŠIĆ Milena, « Droits des femmes ou femmes sans droits ? » [en ligne], Genre

Sex. Société, 2018, [consulté le 18 octobre 2019].

281 MATHIEU Lilian, « L’enrôlement du féminisme dans la lutte contre la prostitution », Cites, N° 73, 2018, p. 12. 282 Ibid.

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également à améliorer la condition des femmes puisqu’il est implicitement admis que les prostituées sont majoritairement de sexe féminin (critère 1), mais il est difficile de pouvoir valider un troisième critère. Il n’est guère possible d’admettre qu’elle se focalise autant sur les hommes que sur les femmes (critère 4), malgré la répartition genrée des rôles dans le milieu de la prostitution (prostituées, clients, proxénètes). Ce fait est circonstanciel, et il ne s’agit pas d’aborder le caractère genré de cette répartition ou de le résoudre. La question des sphères privée ou publique ne se pose pas ici (critère 3). Enfin, la conformité au second critère est là encore difficile à mesurer ; elle peut cependant être acceptée étant donné que cette loi est fortement inspirée des positions néo-abolitionnistes d’un certain nombre d’associations féministes à l’activité fortement médiatisée et proches du parti au pouvoir, il ne devrait pas faire de doute que l’objectif que ces militantes poursuivent est effectivement l’atténuation des hiérarchies genrées et l’élimination à long terme du patriarcat. Ce n’est cependant là encore pas explicité dans la loi. Cela peut être expliqué par le fait que, lors de la XIVème législature, et comme nous l’avons brièvement évoqué dans la sous-section précédente, le gouvernement cherchait à objectiver la question des inégalités entre hommes et femmes pour en faire un objet légitime des politiques publiques, avec notamment la promotion des termes « sexisme » et « droits des femmes ». Aussi, étant donné les nombreux débats autour de cette loi, en retirer les éléments de langage les plus susceptibles d’être assimilés à une forme de militantisme a pu être une stratégie pour faciliter son acceptation par l’opposition. Quoi qu’il en soit, au vu des liens entre les revendications d’associations féministes et le contenu de la loi, ainsi que des prises de position de la Ministre des Droits des Femmes Najat Vallaud-Belkacem et des autres institutions et acteurs du féminisme d’État, cette loi peut être qualifiée de formellement féministe. Les critères d’Amy Mazur sont probablement trop précis et doivent être interprétés largement ici.

Les premières oppositions à la loi provenaient autant de l’opposition parlementaire (à droite mais aussi à gauche) que de certaines composantes de la société civile, notamment le syndicat du travail sexuel (Strass) et certaines associations féministes. Il y avait dès l’origine des objections de nature morale concernant le droit de disposer de son corps – que les néo-abolitionnistes esquivent en ne sanctionnant pas les prostituées mais leurs clients et proxénètes –, le fait de considérer automatiquement toute prostituée comme une victime de trafic ou encore les raisons poussant à attacher un statut spécifique aux relations sexuelles par rapport à tout autre type de prestation : ces critiques sont des arguments fréquemment opposés à

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l’abolitionnisme283. Les travailleuses et travailleurs du sexe n’ont d’aillleurs pas été consultés284. En effet, les cibles de cette loi correspondent au cadre abolitionniste à travers lequel la prostitution est pensée, un accent particulier est donc mis sur la situation des prostituées immigrées sans papiers, présumées représenter l’essentiel des « victimes de la prostitution ». C’est ce qui a donné le jour à la possibilité d’octroi d’une autorisation de séjour temporaire que nous avons mentionnée plus tôt. Alban Jacquemart et Milena Jakšić relèvent deux critiques sur ce point : la critique issue des parlementaires de droite, pour qui cette possibilité provoquerait un appel d’air en termes d’immigration – certaines immigrées auraient intérêt à passer par la prostitution pour bénéficier de l’autorisation de séjour – ; tandis que certains parlementaires de gauche veulent s’assurer que la sortie de la prostitution soit bien effective – ce qui est traduit dans la loi par la nécessité de l’insertion dans un parcours de sortie de la prostitution285. C’est cependant la pénalisation des clients qui a cristallisé le plus clairement le clivage entre droite et gauche : les parlementaires de droite s’y opposent pour la plupart quand ceux de gauche y adhèrent en majorité.

Le débat autour de cette loi ne s’est pas terminé avec son entrée en vigueur : la question de ses conséquences se pose encore, et les positions dans ce débat chevauchent la fracture entre l’abolitionnisme endossé par les pouvoirs publics et les associations qui lui sont proches, et le réglementarisme du Strass et d’autres associations féministes dites pro-sexe. Ainsi, à l’occasion d’un colloque organisé le 24 mai 2018, le Mouvement du Nid se félicite la réussite de la loi, notamment en contraste avec l’échec des réglementations réglementaristes des Pays-Bas ou de l’Allemagne : il y aurait plus de 400 000 prostituées sur le territoire allemand, et la majorité des prostituées aux Pays-Bas exerceraient cette activité sous la contrainte286. L’association peut donc mesurer le succès de la loi par l’estimation du nombre de prostituées dans chaque pays : l’évaluation des résultats s’opère donc à l’aune de l’objectif abolitionniste d’éradication de la prostitution. Moins de prostituées signifierait en effet moins de personnes soumises à un trafic ou à des formes d’esclavage. L’association peut également se targuer de l’adhésion du Parlement européen à ce modèle abolitionniste287.

283 Voir par exemple (entre autres) OGIEN Ruwen, La panique morale, Grasset & Fasquelle, 2004.

284 JACQUEMART Alban et JAKŠIĆ Milena, « Droits des femmes ou femmes sans droits ? » [en ligne], Genre