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CHAPITRE I : LA CHUTE D'UN MONDE

1.3/ LE TOURNANT DU FOLKLORISME

Nous avons souligné cette idée de Chute afin de mettre en avant l'épreuve que représente la modernité à l'origine de changements successifs et de bouleversements rapides de nombreux repères. La modernité est un défi à relever, ce qui ne se fait pas sans une certaine angoisse. Celle-ci semble avoir recours massivement à l'idéologie ( politique, religieuse, humaniste, raciste, scientifique...) afin de répondre au défi moderne.

Concernant notre étude sur les chasses fantastiques, le folklorisme semble avoir joué un rôle majeur dans la recherche, la collecte et la transformation de ces récits.

a) Le rôle central de la tradition

Le folklore est littéralement la connaissance, la science du peuple. Il vise à doter ce dernier

427Les aventures prodigieuses de Tartarin de Tarascon (1872).

428 Voir, entre autres, « La dénonciation politique de la curée » chez Zola (Son Excellence Eugène Rougon) visant le Second Empire (Annexe, texte 27 in : CORVOL A., Histoire de la chasse: l’homme et la bête, Paris, Perrin, coll.« Pour l’histoire », 2010, p.543-544).

d'un savoir spécifique de connaissances intrinsèques à son mode de vie et joue le rôle de passeur d'histoires, de chansons et d'informations diverses. Le peuple constitue alors le réceptacle d'une connaissance déposée lentement au fil des siècles, sédimentée, décantée par le temps et transmise par le biais de la tradition orale.

Les chercheurs de ces sciences populaires sont généralement des lettrés, occupant des fonctions sociales non négligeables et issus de la petite bourgeoisie. Ces lettrés se mettent en quête d'une connaissance populaire dont ils se pensent dépourvus.

Ces connaissances seraient les vestiges d'une culture commune, restée plus ou moins dans une forme de pureté qui lui serait naturelle, comme préservée de toute influence extérieure.

La vision du peuple comme héritier naturel autant que comme vecteur de la tradition repose surtout sur le monde agricole, qui représente encore une large majorité de la population française.

La quête du folklore est également marquée par cette idée de Chute évoquée précédemment : la volonté des folkloristes est de sauver un maximum de récits avant qu'ils ne disparaissent totalement. C'est un engagement vécu comme une véritable course contre la montre, comme une lutte perdue d'avance dans un monde en changements.

« Sous le nom de "Folklore", on comprend l'ensemble des croyances, pratiques et coutumes, des contes, récits, légendes et chansons, bref de toutes les traditions populaires qui, de génération en génération, se sont transmises du plus lointain passé jusqu'à nos jours. Au train dont notre société se transforme, tout cela aura bientôt disparu. On conviendra, je pense, de l'intérêt qu'il y a à recueillir, pendant qu'il en est temps encore, ces souvenirs des anciens âges : aussi bien, sinon mieux que les vieilles pierres plus ou moins sculptées, ils nous instruisent sur l'état d'âme de nos aïeux et leur degré de culture. »429

Les récits recueillis, particulièrement ceux qui nous intéressent, témoignent de cette angoisse, de cette volonté de sauver ce qui apparaît comme un bien collectif et défini comme la tradition. Ces chasses dites fantastiques sont ainsi le résultat de collectes, de retranscriptions et de tris sélectifs. Ces récits sont donc, pour la plupart, adaptés à l'idée qu'on se faisait d'une chasse extraordinaire, dans le sens hors du commun, et sont donc intrinsèquement liés à cette époque et à l'influence des folkloristes.

Pour une partie d'entre eux, le peuple a su garder de manière quasiment intacte son savoir ancestral. Ce dernier a donc pu ce transmettre avec un minimum de perte ou de contamination d'influences extérieures. C'est un savoir préservé des affres de la modernité que recherchent les

429 PINEAU Léon, « Enquête sur le folklore de l'Auvergne », La Musette : revue artistique & littéraire, organe

adeptes du folklore et les érudits.

Ainsi, selon Henri Gaidoz, le savoir populaire a pu résister à l'autorité de l’Église catholique et de ses règles normatives. « Nous ne parlons pas de la religion qui se définissait dans les conciles, qui se prêchait dans la chaire chrétienne ; nous parlons de la religion du peuple, de ces milles rites, pratiques, usages, croyances particulières que l’Église a essayé en vain de déraciner, qu'elle a combattus par ses prédications, condamnés par les anathèmes de ses conciles, et qui pourtant se sont conservés soit en dehors de l’Église, soit dans l’Église même, en se couvrant du nom d'un saint, en prenant une étiquette nouvelle. La dévotion païenne était ainsi devenue une dévotion chrétienne (par exemple, les fontaines consacrées aux saints, etc., etc.). L’Église a tacitement mis en pratique cette grande maxime politique, dont les politiciens paraissent si rarement se douter, qu'on ne détruit que ce qu'on remplace. »430

Toujours selon Gaidoz, les croyances antérieures à la christianisation ont survécu de différentes manières, notamment à travers le culte des saints : « Dans cette grande évolution mentale, on n'a pas cessé de croire aux légendes racontées autrefois des dieux, car le moule de la pensée humaine n'était pas transformé par l'avènement d'une nouvelle religion, et le surnaturel gardait le même empire, sur la plupart du moins ; ces légendes, comme des âmes errantes à la recherche de corps, se sont souvent personnifiées dans ceux qui avaient tué les dieux, dans les saints ou dans les missionnaires des premiers temps. Leur activité avait laissé des traces profondes dans l'esprit des populations ; et la conscience encore obscure et mythologique des néophytes mêlait à l'image des saints l'image des anciens dieux, si bien que l'une se superposait à l'autre. »431

Ces traditions populaires constitueraient la preuve d'une mémoire collective et encore vivante des différents peuples, de leur origine et de leur longue histoire. « Tous les peuples ont puisé leurs premières annales dans les poésies et dans les traditions populaires. C'est à ces sources primitives, presque toutes oubliées ou perdues de nos jours, que les anciens chroniqueurs ont emprunté les renseignements qui ont servi de base à leurs premiers travaux historiques ; et si, par exception, quelques événements ont été écrits et conservés dans des ouvrages de l'époque par des auteurs contemporains, l'histoire des peuples n'en est pas moins née, en grande partie, de leurs traditions. Nous ne prétendons point dire toutefois que l'histoire soit tout entière dans les récits populaires. Nous croyons seulement qu'elle y a trouvé les matériaux essentiels, qui, dépouillés par le génie de l'historien de l'exagération et des fictions naturelles à toutes les créations primitives de ce genre, ont servi à élever le grand édifice de l'histoire. »432

430 GAIDOZ Henri, La rage & St Hubert, A. Picard, Paris, 1887, p.40. 431 Idem., p.40-41.

432 LAURENS de LA BARRE E. (du), Les veillées de l'Armor, récits populaires des bretons, La Découvrance, Rennes, 1996 (1857 pour la première édition), 1-2.

Pour Georges Sand, « il faudrait trouver un nom à ce poème sans nom de la fabulosité ou

merveillosité universelle, dont les origines remontent à l'apparition de l'homme sur la terre, et dont

les versions, multipliées à l'infini, sont l'expression de l'imagination poétique de tous les temps et de tous les peuples. »433

Ernest du Laurens de la Barre reconnaît que se pencher sur ces traditions, étudier cette science du peuple, permet de remonter jusqu'à l'origine. Il décrit ainsi une sorte d’archéologie mentale : « Étudier ce qui subsiste encore du souvenir de tant de traditions enfouies dans le silence des campagnes armoricaines, en rassembler au moins quelques débris, y trouver des vestiges originaux des temps passés, tel est notre but actuel. »434

Par ailleurs, il précise dans un autre ouvrage que ces recherches se font dans l'intérêt du plus grand nombre, dans l'intérêt commun. « Les recueillir [les légendes bretonnes], les publier, c'est donc travailler, non à une œuvre personnelle, mais à une œuvre qui touche à l'intérêt populaire du pays. »435

Ce travail qui rassemble le maximum de récits et d'éléments populaires vise à renforcer la notion et le concept alors grandissant de patrimoine comme bien collectif.

Le cri que pousse Joseph Roux est révélateur de cette idée d'un bien qui se perd, lésant ainsi toute une partie de la population : « Des poètes, des prosateurs ont dit quelques-unes des croyances et superstitions limousines. Pour une si vaste moisson, si peu de moissonneurs ! Quand nous intéresserons-nous à ce qui est nôtre ? »436

L'attachement à la tradition est également un facteur important dans la naissance d'une culture de chasse : la chasse incarne une pratique appartenant pour certains à un passé révolu. Les chasseurs invoquent une histoire longue et prestigieuse pour défendre leur droit à exister. La chasse est généralement du côté des partisans de la tradition.

Ainsi, dans les forêts des Vosges : « La tradition a conservé le souvenir des chasses des vieux rois, de Dagobert, de Sigebert d'Austrasie qui chassait depuis Bâle jusqu'à Strasbourg, de Charlemagne, dans les vallées de Liepvre, de Münster, dans les montagnes de la Schlucht, de Louis- le-Débonnaire dans la vallée de St-Amarin […] ; de Frédéric Barberousse qui transporta les insignes impériaux dans la forêt de Haguenau, sa chasse de prédilection, d'Anselme de Ribeaupierre, qui, à

433 SAND G., Promenade dans le Berry: mœurs, coutumes, légendes, Bruxelles, Editions Complexe, coll.« Le regard littéraire », n˚ 55, 1992, (Avant propos des Légendes rustiques), p.119.

434 Idem., p.2.

435 LAURENS de LA BARRE E. (du), Fantômes bretons, contes, légendes & nouvelles, Yves Salmon Éditeur, Loudéac, 1989 (réédition de 1879), p.7.

436 ROUX Joseph, « Etudes rustiques - Superstitions, Légendes, Contes », L'Écho de la Corrèze : bulletin de la Ruche

la poursuite d'un cerf, se précipita à cheval, du haut d'un rocher de la forêt de Ribeauvillé, de tous ces veneurs, de tous ces barons féodaux chassant sans relâche dans nos rudes montagnes et des jolies et hardies châtelaines qui les suivaient, s'associant à la course, l'oiseau de proie sur le poing, entourées de leurs pages, de leurs varlets et de leurs fauconniers ! Ah ! Quels souvenirs héroïques ! Nos forêts vosgiennes offrirent toujours des chasses réservées, du temps de Charlemagne, aux ducs de Lorraine qui y avaient de préférence leurs plaisirs. »437

En outre, la tradition est souvent conçue comme une continuité. C'est une chaîne qui ne peut être brisée. Les récits de chasse se transmettraient ainsi depuis des temps immémoriaux.

« Telle est la légende du chasseur sauvage et de sa chasse maudite. La tradition en a transmis le récit à travers les âges. Cette tradition se perpétue toujours. Quand un bruit étrange retentit brusquement dans les nuits silencieuses, c'est le maudit qui passe, toujours chassé par Satan, sans merci, pendant des siècles et des siècles. Quand la meute infernale vous rencontre sur les chemins déserts, ne répondez pas à l'appel du terrible chasseur. Vous seriez enlevé de terre par une force invisible, entraîné par monts et par vaux par le cortège du maudit. Surtout ne provoquez pas le chasseur en imitant son cri, car il jette à vos pieds quelque cuissot de haut goût qui vous attache, vous emporte avec la chasse maudite jusqu'à ce que mort s'ensuive. »438

La chasse s'ancre dans l'espace et dans le temps : à travers le local, des paysages particuliers comme dans l'extrait précédent, les forêts des Vosges, et dans la longue durée, à travers ses racines qui remontent, selon l'auteur, au moins jusqu'à Charlemagne. La chasse se sert de ce qui apparaît comme la tradition pour légitimer sa pratique et pour renforcer son discours.

L'une des caractéristiques du mouvement folklorique est de donner indirectement la parole aux paysans. Ces derniers constituent sa source principale : ils sont pensés comme les détenteurs d'une tradition essentiellement orale. Les études et les enquêtes des folkloristes passent donc par de nombreux entretiens.

« Il y a environ soixante ans, trois fillettes d'Herbeumont s'en allaient par là chercher des

ampounes [framboises]. C'était le matin, - détail étrange, - car la fleur de légende aime le clair de

lune. Elles avaient dépassé l'étang et se dirigeaient vers le fond du val, quand des tourbillons de petits chiens sortirent du bois et les enveloppèrent de cercles extravagants. Ils tournaient autour d'elles, "passant comme le vent" et "leur sautant aux hottes". […] | Il y en avait par mille et par mille, de toutes couleurs, des noirs, des rouges, et surtout des blancs !

437 FLAYEUX G., La vallée de la Meurthe, C. Cuny , Saint-Dié, 1905, p.69-70.

438 GRAD Charles, « Légendes et traditions populaires de l'Alsace », Revue alsacienne : littérature, histoire, sciences,

– Vraiment, vous avez vu cela ?

La fillette, qui est maintenant une bonne vieille au regard doux, répondit :

J'ai souvent entendu parler des Sorcîres, des Waros, des Lumerètes et des Arlequins ; je n'en ai jamais vus ; mais la Chasse-Babette, je puis dire que l'ai vue ; oh !... comme je vois cette poule-là !

– Et alors ?

– Alors, nous avons quitté nos hottes, et nous avons pris nos jambes à notre cou – avec les petits chiens dans nos jupes ; ils nous ont poursuivies jusqu'au bas de la côte, mais ils n'ont pas dépassé la gouttelle...

Après un moment de silence, elle ajouta : "On ne croit plus à tout cela, maintenant... les gens sont trop malins". »439

Lorsque les folkloristes relèvent un récit ou un renseignement intéressant, ils soulignent généralement sa provenance modeste, gage, dans un certain sens, de qualité et d'honnêteté.

Ainsi, lorsqu'il évoque la chasse à Bôdet dans le Berry, Laisnel de la Salle s'empresse d'ajouter le point de vue des paysans de la région, qui apparaissent comme détenteurs, si ce n'est d'une vérité, tout du moins d'une connaissance :

« La Chasse à Bôdet est une chasse nocturne qui traverse les airs avec des hurlements, des miaulements et des abois épouvantables, auxquels se mêlent des cris de menace et des accents d'angoisse. Nos paysans affirment que cet horrible tintamarre est produit par Georgeon et ses suppôts, au moment où ils conduisent des âmes en enfer. »440

Ces histoires sont racontées lors des veillées ou avant le coucher des enfants : « Ma mère, qui s'inquiète de mes promenades nocturnes dans la forêt, m'a raconté tout à fait la légende du chasseur maudit. Alors, quand nous étions bien sages, ma bonne mère nous racontait cette histoire des vieux temps et beaucoup d'autres encore. Comme les enfants écoutaient avec attention ! Comme nous restions tranquilles pour ne pas perdre un mot du récit ! Je m'en souviens comme si c'était hier. »441

Mais ces histoires sont également utilisées dans l'éducation des enfants, pour les effrayer en évoquant ce qui arrive à ceux qui désobéissent ou qui enfreignent certaines règles. « Je ne connais rien de plus effrayant et par conséquent de plus révéré dans la vallée de Saint-Julien-le-Foucon que

439 « Renseignements donnés par Mme Damain » in : DELAW G., « L'Ardenne qui s'en va, II- Légendes des Bords de la

Semois » [daté de septembre 1902], Revue d'Ardenne & d'Argonne publiée par la Société d'études ardennaises, 1904/11 (A12,N1), p.206-207.

440 LAISNEL DE LA SALLE G., Le Berry, croyances et légendes, G.-P. Maisonneuve & Larose, Paris, 1968 (1900 pour la première édition), p.201.

l'antique Tarane, excepté peut-être la Fourloire, la Chasse Arthur ou Chasse Caïn dont les dogues aboient comme la ceinture de Scylla, le Loup-Garou crotté jusqu'aux oreilles, les Revenants, le Rongeur-d'Os habitué des boucheries et des abattoirs, et quelques autres Esprits, Démons, Farfadets ou Lémures, dont les vieilles femmes effraient l'imagination des enfants [...] »442

Dans ce dernier extrait la chasse extraordinaire (« Chasse Arthur ou Chasse Caïn ») fait partie d'un ensemble de récits qui côtoient aussi bien les créatures célèbres (le loup-garou, farfadet) que d'autres exclusivement local (la Tarane, la Fourloire). Ce qui indique qu'un certain nombres de figures, terrifiantes ou anodines, ont disparu des histoires et des mémoires. Celles qui restent témoignent d'un tri, souvent dirigé : on conserve par écrit ce qu'on juge digne de conserver et, de même, on raconte et décrit ce qu'on juge digne d'être rapporté. Il est également plus facile de retenir des figures répandues à l'échelle d'une région voire d'un pays, que de sauvegarder des entités extrêmement localisées et liées à un bois, un ruisseau, une vallée.

Dans le cadre de notre étude, le folklorisme ne peut pas être vu comme la transmission intacte de croyances en des chasses hors du commun, mais bien comme la transformation progressive de ces récits, qui sont sélectionnés. Et c'est sans compter tous les récits qui ne nous sont jamais parvenus.

« Lorsque je qualifie un objet de vestige, je l'affecte par là même à un autre système culturel, appartenant au passé ; pourtant, le simple fait de porter mon attention sur cet objet, et surtout la classification pour laquelle j'opte, sont le résultat d'une appréciation, d'un jugement qui, eux, se situent dans le présent. En conservant cet objet, je le transforme, dans la mesure où je lui donne une fonction à l'intérieur de l'horizon culturel du présent. »443

Dans un article intitulé « Enquête sur le folklore de l'Auvergne » (1912), Léon Pineau, alors « professeur de littérature étrangère à la Faculté des Lettres de l'Université de Clermont-Ferrand »444

appelle à recueillir les renseignements avant que toute tradition ne soit perdue.

Il donne aussi des consignes à ceux qui voudraient l'assister dans cette tâche : « les moindres détails ont leur importance. Ne rien changer ; ne rien enjoliver. Reproduire exactement le langage

local. Noter le nom, l'âge, la profession, le pays d'origine de la personne dont on tient les

renseignements. »445

Cette rigueur, incarnée par une méthode précise, témoigne de la volonté de coller au plus

442 DU BOIS L., Histoire de Lisieux : ville, diocèse et arrondissement, tome 2, Durand imprimeur-éditeur, Lisieux, 1845, p.356.

443 BAUSINGER H., Volkskunde ou l’ethnologie allemande: De la recherche sur l’antiquite a l’analyse culturelle., Paris, Maison des Sciences de l’Homme, 1993, p.237.

444 PINEAU Léon, « Enquête sur le folklore de l'Auvergne », La Musette : revue artistique & littéraire, organe

mensuel de la société des originaires du Massif Central, 1912/02 (A5, N40, SER5), p.250. Il évoque entre autre la

« chasse Gallery » p.250. 445 Idem.

près possible des faits et de lutter contre les abus ou les tentations de reformuler voire de réécrire un certain nombre d'éléments.

Le folkloriste cherche, collecte et, dans un certain sens, chasse : il traque et il poursuit, c'est un « chasseur de traditions » selon Van Gennep.446

« L'attitude du chasseur d'objets traditionnels s'apparente à celle du chasseur d'images. Il traque dans l'univers du réel, un cadrage qui en donne une représentation conforme à sa conception. Il choisit son premier plan, écarte ou évite les éléments indésirables et produit une image tridimensionnelle du réel. »447

Arnold Van Gennep (1873-1957) a joué un rôle majeur dans l'établissement du folklore en tant que discipline en France. Il incarne une rupture, d'une part entre les érudits locaux et les savants folkloristes, d'autre part, entre les folkloristes et les ethnologues. Le sérieux de ses travaux et de sa méthodologie en font une référence incontournable.448

« En matière de production littéraire ou artistique, Van Gennep s'est toujours fermement démarqué des illusions romantiques (le Peuple seul est profondément créatif) comme des idéologies aristocratiques (les cultures ordinaires ne sont que des ersatz de la culture cultivée). »449

Christine Laurière résume ainsi son travail, avançant qu'il a voulu « démythifier l'exotique convenu, exotiser sa propre société, repérer les invariants, insister sur l'initiative individuelle jusque dans les sociétés traditionnelles, montrer que le sauvage n'est pas que là où on l'attendrait […]. »450

b) La valorisation du local

L'importance du local se manifeste à travers la place donnée à la "petite patrie". Le récit, l'histoire, la légende est souvent attaché à un lieu clairement identifié ou géographiquement