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Chapitre 6 – Quel avenir pour l’enfant à parentalité multiple ?

2. Exilé en terre inconnue

2.4 Le temps accordéon

AF : « ... C’est souvent qu’elle dit je ne suis pas une enfant comme les autres… si je me mets à la place de cette enfant, lorsqu’elle est invitée elle n’a pas un mercredi de libre entre les dents, sa jambe, les visites avec le père, la mère, l’orthophoniste, pas un mercredi pour se dire je ne fais rien et cette grosse machine où tout le monde veut bien faire et lui dicte toutes les deux secondes et lui rappelle inconsciemment qu’elle n’est pas une enfant comme les autres, qu’elle a des valises… et quelque part pour remplir nos fonctions est-ce que l’on ne veut pas trop bien faire… pourquoi ne pourrait-on pas mettre elle et son intérêt premier…pourquoi ne pourrait-on pas de temps en temps lui laisser la possibilité de dire je fais comme j’ai envie… »

Cheffe de service ASE : « … c’est-à-dire que leur activité le mercredi c’est venir en visite en présence d’un tiers…. On a des gamins qui disent au référent ou à la famille d’accueil « je veux plus, déjà… il faut que je retourne les voir... J’les aime bien mais…. Quand c’est entendu par le référent, ce n’est pas forcément par le magistrat... C’est un peu en enchaînement. Certains enfant voudraient qu’on leur fiche la paix, qu’on les laisse…papa maman les frères et sœurs point… les grands-parents c’est trop lourd… ou alors à petites doses… on a des placements qui durent et on demande des efforts à des gamins… il faut que l’enfant puisse vivre une dimension réaliste pour son âge, pour sa place d’enfant, on le met à une place de quasi adulte… et c’est là où on dit aux magistrats que les décisions de placement elles arrivent à être plus maltraitantes que la situation en elle-même…

Quand c’est trop compliqué on envoie une photocopie du calendrier au magistrat pour lui montrer ce qu’est la vie de cet enfant, parfois on insiste en disant à force de vouloir voir Pierre – Paul – Jean et Jacques de la famille il ne va pas aux activités, il n’a pas de loisirs avec d’autres enfants, il n’a pas de vacances parce qu’il faut aller voir papa et maman 2 x par semaine parce que, monsieur le magistrat vous n’avez pas voulu suspendre les visites pendant une semaine…

…Soit on a des parents qui comprennent, c’est difficile pour eux, mais ils comprennent l’intérêt de l’enfant, et on a des parents qui sont complétement opposés, et sont dans l’attaque systématique et c’est dévastateur... après est-ce qu’ils comprennent sur le bien-fondé de l’enfant ou est-ce qu’ils fatiguent et du coup ils délèguent parce qu’il faut se battre contre un titan… c’est compliqué… »

La séparation avec ses parents et son accueil dans une autre famille deviennent des repères temporels pour l’enfant, entre ces deux familles : « celle de temps en temps, et celle où il vit de façon continue ». Sa situation va être rythmée par les visites médiatisées ou les temps de retour au domicile des parents, les rencontres avec le psychologue du service ou du CMP, les soins médicaux en lien avec le handicap ou la maladie. Les quatre assistantes familiales expliquent le peu de temps restant à cet enfant pour « vivre une vie d’enfant », pour jouer, créer des liens dans un contexte amical, sportif, culturel. L’importance des visites médiatisées avec ses parents, voir la fratrie, certes, essentielles dans la continuité du maintien de liens, replie l’enfant sur sa famille, et ne lui permet pas l’ouverture à d’autres modes relationnels et apports socio-culturels possibles autour de lui. Telle une situation feutrée. Tel un enfant captif.

Il aura fallu des siècles pour que l’enfant soit reconnu en tant que personne en devenir et à part entière et promu sujet de droit comme l’a officialisé la Convention internationale des droits de l’enfant. Il a donc le droit d’avoir une opinion, le droit à la liberté d’expression, le droit d’accéder à une information diversifiée et visant son bien-être physique, mental et social… et bien d’autres droits contenus dans les différents articles. Aussi, « son intérêt bien compris ne consiste dès lors ni à être confiné dans la soumission et la dépendance, au gré des libertés que s’accorderaient les adultes à son égard sans considération de ses droits ; ni à être précocement « adultifié » par eux, au titre d’une responsabilisation prépose qu’ils attribuaient pour se dédouaner de leurs propres devoirs et pour anticiper trop vite les siens »133.

La séparation protectrice ordonnée par le juge, implique différents lieux de vie, différents modes culturels, un partage des actes usuels porté de façon inégale, des représentations propres à chacun des acteurs sur la parentalité… qu’est-ce que l’enfant en comprend ?

Accueilli chez un assistant familial et sa famille, l’enfant dans sa vie quotidienne est sous le regard et les décisions de plusieurs acteurs. Si ces derniers sont en relation entre eux, sont-ils en cohérence éducative ?

L’enfant est partagé entre trois fonctions parentales : celle de l’assistant familial, celle de ses parents, et celle exercée par l’ASE par délégation du juge. Comment se repère t’il entre ces différents modèles parentaux, source de tensions évoquées précédemment ?

Est-ce que ce sont les adultes qui composent entre eux, ou bien est-ce l’enfant qui doit composer dans cette configuration ? Est-ce que la distribution des rôles parentaux, telle qu’elle est conçue aujourd’hui, garantit l’intérêt de l’enfant ?

PARENTS / FAMILLE / FRATRIE

Réseau d’acteurs en coprésence auprès de l’enfant

: Lien : Relation : Rel. épisodique

Chapitre 7 - La parentalité n’est pas re-distributive, elle est