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Chapitre 4 Des parentalités en tensions

2. Activité de parentage de l’assistant familial : génératrice de tensions

2.1 Concept de parentalité

A partir des regards croisés de différents champs disciplinaires, un rapide détour sémantique sur ce concept m’est apparu opportun pour saisir davantage ce que recouvre ce concept dans le champ de la pratique de l’accueil familial :

Le champ du droit n’utilise pas le concept de parentalité car il n’est pas inscrit dans la législation et n’est pas reconnu indispensable dans le développement de l’enfant. Mais I. THREY, sociologue du droit, propose trois dimensions pour identifier un parent : l’une biologique qui reconnaît le parent géniteur, une généalogique dont le droit désigne le parent, et une domestique qui reconnaît-identifie l’adulte qui élève l’enfant dans la vie quotidienne. Si dans une grande majorité des situations ces trois composantes se conjuguent, dans les familles recomposées, monoparentales, homoparentales ces dimensions peuvent être dissociées. Les juristes différencient la parentalité de la parenté en soulignant le caractère vécu et quotidien de la parentalité.

En sciences de l’éducation, pour P. DURNING : « être parent conjugue des réalités biologiques, des dimensions juridiques fondant la filiation et par là permettant l’inscription de l’enfant dans le corps social et la prise en charge quotidienne qui se traduit en de nombreuses activités de soins, d’éducations, etc… »86.

Aussi, au-delà de la fonction éducative, il est donc davantage question de la conception du rôle des parents et de la façon de l’exercer au fil de leur vie.

En anthropologie, ce concept est peu utilisé, les notions de filiation et de parenté ayant davantage fait l’objet de différentes études. Cependant, J. GOODY, anthropologue, en se référant aux sociétés ouest-africaines, propose cinq composantes de la parentalité « concevoir, mettre au monde, éduquer, donner une identité à la naissance et garantir l’accès de l’enfant au statut d’adulte ».87

Pour ce champ disciplinaire, la base biologique de la parentalité prédomine.

86 ONED, Ch. ZAOUCHE-GAUDRON, H. RICAUD-DROISY, S. EUILLET « Le développement socio affectif des jeunes enfants de 4 ans en famille d’accueil », Octobre 2007, p. 34

En psychologie, divers courants divergent, aussi, la parentalité « peut se définir comme l’ensemble des réaménagements psychiques et affectifs qui permettent à des adultes de devenirs parents, c’est-à-dire de répondre aux besoins de leurs enfants à 3 niveaux : le corps (besoins nourriciers), la vie affective et psychique. C’est un processus maturatif »88.

Enfin en sociologie, la parentalité fait peu référence à l’histoire de la conception et la naissance de l’enfant. Il s’agit davantage des notions de rôles et de compétences. « La notion de parentalité permet avant tout de rendre compte de ceux qui jouent un rôle parental plus ou moins permanent ou ponctuel, et dont la légitimité n’est pas fondée sur un statut ou une place juridique, mais sur une compétence » 89.

De ce croisement de lectures, le système de parenté ne se limite plus seulement aux liens du sang, à la dimension biologique de la filiation, mais englobe les différentes configurations familiales : monoparentalité, homoparentalité, recompositions familiales…

En ce sens, il ne suffit plus d’être le géniteur de l’enfant pour être parent. Je retiens également que la parentalité est centrée sur la relation parents/enfants et comprend l’ensemble des fonctions dévolues aux parents, en incluant des responsabilités juridiques, morales et socioculturelles. La parentalité dépasse l’idée de « bons ou mauvais » parents et ouvre sur de la pluri-parentalité.

Aussi, pour faire lien avec ce sujet de mémoire, les différents acteurs, parents, assistant familial, référent de l’enfant, définissent chacun en fonction de ses représentations un système propre à l’enfant comme dispositif individuel de parentalité. Ce qui implique une individuation de la parentalité et ne facilite pas le fait qu’elle soit re-distributive.

Dans la pratique actuelle de l’accueil familial, l’enfant accueilli a ses parents (biologiques) reconnus défaillants dans leur fonction parentale, et l’assistant familial lui assurant une fonction parentale au quotidien. Ce dernier est reconnu comme parent par la dimension domestique- éducative c’est-à-dire teintée d’une alliance de cohabitationet d’une mise en œuvre de soins éminemment parentaux. Flotte encore dans les pratiques, la non-reconnaissance des liens d’attachement avec l’enfant, ce qui renvoie l’assistant familial à sa professionnalisation concernant la dimension parentale dans la prise en charge de l’enfant.

Le système français est très étriqué sur ce point-là, et repose sur fait que la parentalité reste l’affaire des parents. Aussi, les parentalités comme nous l’avons vu dans les 4 situations évoquées ne se rencontrent pas, elles se substituent, s’opposent, se rivalisent, ou s’effacent. Autrement dit : la parentalité ne serait pas re-distributive dans l’intérêt de l’enfant et de ses parents, mais distribuée ?

La pratique d’accueil familial repose sur le modèle unique « un père – une mère », modèle exclusif proposé par l’assistant familial dans l’espace clos et intime de sa famille, mais qui envahit la place des parents, au risque de l’exclure. Aussi, la persistance de cette représentation de modèle unique, présente le risque de ne pas légitimer les assistants familiaux en tant que

88 Idem, p. 33 89 Idem, p. 34

professionnels dans leur fonction et de ne pas rendre les parents responsables de leur enfant tout en ayant autorité sur lui.

Cette représentation nécessiterait d’être repérée et mise au travail, car lorsque l’enfant est confié à un service d’accueil familial, la parentalité devrait se partager, dans une visée soutenante et complémentaire entre les acteurs concernés. Au regard des quatre situations évoquées, des liens éducatifs et affectifs se construisent avec l’assistant familial qui participe à éducation et la prise en charge de l’enfant. En ce sens, il y aurait une forme de pluri-parentalité.

Les compétences parentales ne sont pas évoquées, mais sont-elles reconnues dans la pratique de l’accueil familial ?