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Le tanin, le « quebracho », le tabac, et des objets indiens

Répartition de la production de la ville de Luque selon le type de culture en octobre 1870

4.3. Les autres ressources

4.3.1. Le tanin, le « quebracho », le tabac, et des objets indiens

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Rodriguez, qui emploient 350 ouvriers produisent 850 tonnes de maté449. Dans le même ordre d’idée, le commerce de l’herbe mate est pratiqué par la maison Boettner & Gautier à Asunción. En plus, une licence de dix ans sera octroyée à Augusto Bachen et Alfredo Greiner, Allemands de la colonie San Bernardino pour l’exploitation de maté450.

La production de maté qui atteignit entre 1500 et 2500 tonnes sera exportée dans les décennies d’après-guerre. Ces volumes augmenteront progressivement jusqu’à atteindre entre 6 000 et 7 000 tonnes vers 1900, ce qui représente les deux tiers environ de la production nationale de maté. L’année suivante elle a atteint 9 500 tonnes. Après une régression autour de 3 000 à 4 450 tonnes par an au cours des deux décennies suivantes, les exportations retrouvent leur niveau antérieur dans le courant des années 1920451.

Le ministère de l’Agriculture va par ailleurs créer une administration du département des forêts et yerbales en 1926 au sein de l’institution452. Durant la deuxième moitié du XXe siècle avec la création du statut agraire du Paraguay453, le département de Terres et Colonies se chargera de la promotion de l’industrie de maté, ainsi que de la création des colonies à vocation agricole et d’élevage. Le maté n’a donc pas perdu son statut de produit phare d’avant-guerre, ce qui continuera à être une production d’envergure, du point de vue industriel, et qui se vend sur le marché international. Il n’en reste pas moins que le rendement des yerbales ainsi que l’exploitation du bois ont donné d’excellents résultats en matière de rentabilité économique. C’est ce dernier produit que nous allons traiter.

4.3. Les autres ressources

D’autres produits, certes moins emblématiques et tournés vers la consommation familiale, connaîtront également un fort développement.

4.3.1. Le tanin, le « quebracho », le tabac, et des objets indiens

Le travail du bois n’était pas très développé sous le gouvernement des López, bien que le pays dispose d’immenses forêts et de bois de qualité. Une grande partie des types de bois est sous le monopole de l’État, personne ne peut réaliser des coupes de bois même sur sa

449 LÓPEZ DÉCOUD, Arsenio, Albun Gráfico de la República del Paraguay (1811-1911), Buenos Aires, Talleres gráficos de la Compañía General de Fósforos, 1911, p. 57; BLINN-REBER, V., «Commerce and industry in nineteenth century Paraguay», op. cit., pp. 29-53.

450 République du Paraguay, Registre officiel, loi du 3 juillet 1875, pp. 778-779.

451 SCHURZ, W.L., Paraguay, A commercial, op.cit.,1920, p. 96 ; FISCHER-TREUENFELD, R. F. VON, Le

Paraguay décrit e illustré, op.cit. ; LÓPEZ-DECOUD, A, Ibidem, p. 95; Memoria del Ministerio de

Hacienda, 1925, pp. 27-30 ; 1927, p. 60 ; Memoria de la Dirección general de estadísticas, 1932, p. 49 : KLEIPENNING, J., Rural Paraguay 1870-1932, op.cit., pp. 241-245.

452 République du Paraguay, Registre officiel, loi n° 845 du 28 août 1926, pp. 639 et 695. ; décret n° 24908 du 6 septembre 1926, p. 818.

453 Ministerio de Obras Públicas y Comunicaciones, Decreto n° 120, por el cual se dicta el Estatuto Agrario de la República, Gaceta Oficial, Asunción, 29 de febrero 1940, pp. 5-14.

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propriété sans l’accord du gouvernement454. Afin de protéger cette industrie après la guerre de la Triple Alliance, la loi du 1er janvier 1871 stipule que le bois importé doit payer une taxe de 40 % sur sa valeur455. Dans ce même esprit et pour restreindre le commerce du bois, la loi du 29 août de 1874 détermine les taxes d’exportation456.

De manière générale, l’exportation des bois restera longtemps balbutiante du fait des difficultés de navigation. Peu de bois de tannerie et de charpente, tels que le quebracho,

lapacho, et d’autres sont exportés, alors qu’il en existe cinquante à soixante espèces pouvant

être employées dans les travaux de menuiserie, d’ébénisterie457, etc. Le Paraguay bien qu’il soit un grand fournisseur de bois eut peu d’utilisation locale et seules quelques usines produisent des meubles458. La loi du 1er juin de 1880 stipule que les propriétaires terriens pourront bénéficier, avec certaines limitations, de la commercialisation du bois pour un délai de trois ans459. Malgré des précautions pour la sauvegarde des bois, les exportations de bois du Paraguay vont se développer dans les premières décennies du XXe siècle. Ainsi dans les années 1914 et 1919 des entreprises de scierie appartenant à des immigrés, vont éclore dans le pays en vue de l’exportation de bois vers l’Argentine et l’Uruguay460.

Le seul extrait de bois qui fut longtemps exporté est celui de quebracho, très apprécié en tannerie. La région du Chaco est la principale région d’extraction de tanin à partir du quebracho. L’extrait du bois quebracho, le tanin461 est utilisé dans le travail du cuir, pour la teinturerie et aussi en médecine. L’entreprise pionnière d’extraction de tanin est celle de Carlos Casado qui a acheté en 1889 des millions d’hectares (5835000 hectares)462 dans la région occidentale, le Chaco paraguayen, lorsque le gouvernement vendait des terres à bas prix. Cette entreprise connaîtra une telle croissance qu’elle financera dans les années 1930 la construction d’une ligne de chemin de fer qui atteindra 200 kilomètres dans le Chaco reliant les abattages de la forêt au port, où l’usine de tanin est située. Avec un capital estimé à

454 Dépêche du comte Lucien de Brayer, au ministre des Affaires étrangères, Edouard Drouyn de Lhuys, Direction des Consulats, Assomption, le 14 novembre 1854, Assomption, 1854, Paraguay, 1842-1857, AMAE.

455 République du Paraguay, Registre officiel, loi du 1er janvier 1871, p. 154.

456 République du Paraguay, Registre officiel, loi du 29 août 1874, pp. 573-574.

457 Dépêche de M. A. Mancini, au ministre des Affaires étrangères, Jules Ferry, Direction des Consulats, Assomption le 24 décembre 1883, Assomption,1883, AMAE.

458 L’Économiste français, le 4 janvier 1919, Article par Jean Dorsenne, Paraguay, Affaires diverses politiques, 1919, AMAE.

459 République du Paraguay, Registre officiel, loi du 1er juin 1880, pp. 627-628.

460 SCHURZ, W.L., Paraguay, A commercial ,1920, pp. 88-92.

461 République du Paraguay, Registre officiel, loi du 26 décembre 1912, p. 359. Sur le droit d’exportation du tanin et du « quebracho ». Des lois et décrets pour l’exploitation des forêts sont aussi mis en place selon ces registres : République du Paraguay, Registre officiel, loi du 1er juin 1880, pp. 627-628.

462 Carlos Casado de Alisal, catalan, établi en Argentine, a acheté de millions d’hectares de terrain dans le Chaco paraguayen. DALLA CORTE, Gabriela, Lealtades firmes redes de sociabilidad y empresas: la Carlos

Casado S.A, entre la Argentina y el Chaco paraguayo (1860-1940), Madrid, Consejo Superior de

Investigaciones Científicas, 2009, p. 324; The American Journal of International Law, Official document, «Geographical Facts concerning the Chaco», vol 28, n° 4, 1934, pp. 147-155.

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1 500 000 pesos or. Possède 80 000 têtes de bétail dans les estancias.463. L’entreprise Campos Quebrachales a été créée en 1905 à la suite du rachat d’une partie des terres de Carlos Casado464. D’autres entreprises vont apparaître au fil du temps et de nouvelles villes, qui porteront le nom de leurs fondateurs, seront alors bâties : Puerto Casado ou encore Puerto Sastre 465 dans le Chaco sur les rives du Paraguay. Puerto Sastre est propriété d’une société de capital argentin de plus de deux millions de pesos or. Puerto Guarani appartient également aux capitalistes argentins il est également un centre important de production de tanins et d’élevage.466.

Les établissements étrangers produisent de tanins en alternant avec les estancias d’élevage. L’extrait de quebracho va atteindre des proportions considérables à l’exportation dès 1899 jusque dans les années 1920467, c’est pourquoi la loi du 26 décembre de 1912 sera mise en place afin de réguler les droits d’exportation du tanin et du quebracho468. Le bois de quebracho pour l’année 1918 atteint un pic d’exportation d’un volume de plus de huit mille mètres cubes. Tandis que la production d’extrait de tanin par des entreprises de quebracho en 1914 est de 12 milles tonnes, elle passera à 29 tonnes en 1917469. L’exportation de l’extrait de tanin à destination de l’Argentine, est ensuite re exportée aux États-Unis.

Parmi les autres produits ayant une place majeure dans l’économie paraguayenne, citons par exemple le tabac et notamment les cigares. Le tabac est l’un des produits les plus importants à l’exportation, et il en existe de diverses qualités470. À l’époque des López, pour encourager la production de cigares, le gouvernement a publié un décret le 16 janvier 1855 par lequel l’exportation de cigares devient libre. Des femmes sont fortement encouragées à fabriquer des cigares à la façon « havane », des primes sont accordées d’un montant de deux à quatre réaux pour la fabrication de mille cigares471. Peu de pays dans le monde réunissent toutes les conditions requises pour la culture de cette plante, ce qui incite à augmenter la

463 Ibidem, p. 300; DALLA-CORTE CABALLERO, Gabriela, «Quebracho paraguayo y extracto tánico para la curtición española» (1909-1940), Cuadernos de investigación histórica, Universitat de Barcelona, n° 39, 2015, pp. 217-247.

464 KLEINPENNING, J., Rural Paraguay, 1870-1932, op. cit., p. 267.

465 DALLA CORTE, Gabriela, Lealtades firmes, Ibidem, p. 315; p. 337.

466The American Journal of International Law, op.cit., pp. 147-155.

467 Dirección general de estadística, Anuario, 1917, p. 153; HERKEN, J. C., El Paraguay rural entre 1869 y

1913: contribución a la historia económica regional del Plata, Asunción, Centro Paraguayo de Estudios

Sociológicos, 1984; KLEINPENNING J., Ibidem, pp. 272-275.

468 République du Paraguay, Registre officiel, 26 décembre 1912, p. 359

469 KLEINPENNING J., Rural Paraguay, 1870-1932, op.cit., 1992, p. 275.

470 DEMERSAY, Alfred, Tabac au Paraguay, Etudes Économiques sur l’Amérique méridionale : culture

consommation et commerce, Paris, librairie de Guillemin et Cie, 1851.Decreto de Carlos A. López sobre el

tabaco, Archivo Nacional d’Asunción, ANA SH, vol 314, n° 16, 1858.

471 Dépêche du comte Lucien de Brayer, au comte Alexandre Colonna Walewski, ministre des Affaires étrangères, Direction des consulats, Assomption, le 1er janvier 1856, Assomption 1856, Paraguay, AMAE. Le décret de loi sur le tabac du 23 février 1856 a été promulgué afin de conserver la qualité et la

commercialisation du produit, la loi interdisant que tout tabac « manojado » puisse être vendu dans le commerce. El Semanario, n° 132, Asunción, 23 janvier 1856.

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production. La culture du tabac devient donc une très grande ressource. Voici le rapport du diplomate Lucien de Brayer au ministère des Affaires étrangères, Alexandre Colonna Walewski472.

« Le tabac est un produit important à l’époque des López. Après la guerre de la Triple-Alliance, il sera aussi soumis à des lois pour préserver sa production et rentabiliser les bénéfices. En 1856, le tabac, le bois de construction et le cuir sont les seuls articles non monopolisés sur lesquels le négociant étranger peut commercialiser ce produit. Les cuirs, dont une grande partie est tannée dans les établissements de la famille du président López, sont expédiés directement à des agents à Buenos Aires ou Montevideo ».

À la fin de la guerre (1865-1870), de nouvelles dispositions seront instaurées pour protéger la production du tabac : la loi du 1er janvier de 1871 stipule que le tabac importé de l’étranger doit payer une taxe de 30 % sur sa valeur473. Ce n’est qu’en 1877 que la loi du 25 juillet de la même année va libérer l’exportation du tabac noir474. Le commerce sera favorable à la fin du XIXe siècle où ce produit atteindra des pics importants d’exportation475. Par exemple, en 1886 le tabac exporté est de 416 006 kilos, et en 1890 de 615 310 kilos ; en 1918 20 % des exportations des produits concernent le tabac476. La destination de l’exportation est principalement l’Argentine et quelques pays d’Europe, comme la France. Des maisons d’exportation telles que la Société française d’Exportation (français) ; Rius & Jorba (catalan), Sociedad Exportadora del Paraguay, de Federico Krauch (allemand) sont les principales sociétés d’exportation du tabac. Les produits « indiens » peuvent également être commercialisés à une plus petite échelle. Les sociétés commerciales d’Asunción font des commandes à des artisans, en particulier aux autochtones qui s’engagent à fabriquer des objets qui les caractérisent. Des maisons exportent en particulier sur les marchés de Buenos Aires et Montevideo et se composent d’arcs, de flèches de bijoux et d’autres produits comme la dentelle faite à la main : chemises, rideaux, nappes ou hamacs. Nous citons également d’autres fabrications, les « ponchos » en coton ; les tapis tissés par les autochtones ; des poteries faites à la main d’une variété en couleur terre rouge : pichets (jarras) de pots à eau (cántaros), pots (vasos), etc. Les maisons qui se livrent à l’exportation sont : Frédéric Krauch ;

472 Dépêche du comte Lucien de Brayer, au comte Alexandre Colonna Walewski, Assomption, le 1er janvier 1856, AMAE. Selon la loi du 22 avril 1875, le tabac produit sur le territoire restera à la charge du gouvernement pendant cinq ans. Loi du 25 juillet 1877, l’exportation libre du tabac noir (Registre officiel p. 109). Le gouvernement fixera le prix de vente. République du Paraguay, Registre officiel, Asunción 22 avril 1878, p. 750. République du Paraguay, Registre officiel, Loi du 12 octobre 1883, sur le prix d’exportation du tabac. pp. 1036-1037.

473 Registre officiel, loi du 1er janvier 1871, p. 154.

474 Registre officiel, loi du 25 juillet 1877, p. 109.

475 Rapports commerciaux des agents diplomatiques et consulaires de France, publiés par le ministère des Affaires étrangères et le ministère de l’Industrie et des Colonies, n° 124, « Paraguay », Commerce d’exportation et d’importation du Paraguay en 1892.

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Uribe et Cie, Angulo et Cie, Luis F. Braga, Bibolini frères477. En ce qui concerne la production fruitière, l’orange est le principal produit d’exportation, en 1890 l’exportation d’oranges vers la République argentine atteint plus de soixante-cinq millions, pour une valeur de 81 120 de dollars américains478. D’autres fruits comme la banane sont aussi objet d’exportation, mais sur une moindre échelle.