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Répartition de la production de la ville de Luque selon le type de culture en octobre 1870

4.3. Les autres ressources

4.3.2. L’élevage et le cuir

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Uribe et Cie, Angulo et Cie, Luis F. Braga, Bibolini frères477. En ce qui concerne la production fruitière, l’orange est le principal produit d’exportation, en 1890 l’exportation d’oranges vers la République argentine atteint plus de soixante-cinq millions, pour une valeur de 81 120 de dollars américains478. D’autres fruits comme la banane sont aussi objet d’exportation, mais sur une moindre échelle.

4.3.2. L’élevage et le cuir

L’élevage bovin existe au Paraguay à toutes les époques. C’est une ressource -clé comme le tabac et le maté. Avant l’éclatement de la guerre sous le gouvernement des López, les produits issus de cet élevage étaient déjà l’objet d’une consommation très importante479. La loi du 25 septembre de 1869480 fixe les conditions d’introduction du bétail et de leur établissement sur les terres publiques, tandis que la loi du 7 juin de 1870 libère l’impôt pour l’introduction du bétail et établit le prix à l’exportation pour le cuir481.

Il faut rappeler qu’à l’époque des López l’état était propriétaire de presque tous les domaines d’élevage bovin. Du point de vue des exportations, le cuir est l’un des produits essentiels issus de l’élevage. À partir des années 1920, le Paraguay exportera près de 400 tonnes de cuir482. Les cuirs exportés proviennent uniquement des animaux pour la consommation du pays. L’élevage, à l’avenir, sera la base d’une véritable richesse pour le pays. Le Paraguay possédant des prairies immenses sera utilisé pour l’intensification de l’élevage. Le gouvernement d’après-guerre sous la présidence de Bernardino Caballero (1881-1886) a vendu d’énormes étendues de terres aux capitaux étrangers. Au cours de la période, plusieurs entrepreneurs étrangers ont investi dans l’économie pastorale. La région nord du pays, notamment le département de Concepción, est la région la plus propice à l’élevage dans la mesure où seront utilisés des pâturages de cette région. C’est précisément dans cette région que l’Autrichien Carlos Pfannl et le Français Robert Cahen d’Anvers établissent en 1898 la Société Foncière du Paraguay qui possédait alors 600 000 hectares, plus de 20 « estancias »483 et près de 160 000 bovins484. D’autres sociétés seront également créées, dont les sociétés britanniques, « la Cooper and Nephwes », « La Gibson Paraguayan Estates Company », ou « l’International Products Corporation » (Puerto Pinasco), avec un capital de plus de quatre millions de pesos or. La société produit 2000 tonnes d’extrait de tanin par mois, et le bétail

477 República del Paraguay, Guía Comercial del Paraguay, Asunción, s/ed.,1901.

478 Bureau of the American Republics, Paraguay, op. cit., p. 27.

479 HERKEN KRAUER, Juan Carlos, El Paraguay rural entre 1869 y 1913, op.cit.

480 République du Paraguay, Registre officiel, du 25 septembre 1869, p. 20. «se habilita toda la costa del Paraná para la introducción de ganado del exterior» (art.1).

481 Registre officiel, Loi du 7 juin 1870, p. 86.

482 SCHURZ, William L. Paraguay, op. cit.; Bureau of the American Republics, Paraguay, op.cit.

483 « estancia », grand domaine pour la culture et l’élevage.

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sur ses estancias sont estimés à 50 000 bêtes485. Des entrepreneurs allemands aussi vont exploiter des terres pour l’élevage. La viande fraîche devient alors un produit-clé et sera, par exemple, exportée en Argentine. Des entrepreneurs dont le docteur Kemmerich et Hermman Krabb & compagnie s’installent dans la région du nord et seront aussi pionniers dans ce domaine en 1912. Cet avantage attire par la suite plusieurs entrepreneurs qui se consacrent à la fabrication de conserves de viande (le corned-beef). Des saloirs sont bâtis dès la fin du XIXe siècle486. La spécificité d’élevage de la région du nord est devenue très importante, un saloir de la région portera le nom de « Saladillo » fondé par Pedro Risso, également une colonie agricole Risso est établie dans la région du nord ce qui facilitera la main d’œuvre pour cette activité. Le développement de cette filière incite le gouvernement à légiférer pour encourager l’exploitation des saloirs à viandes, loi du 5 septembre de 1900487. Il s’agit alors de mettre en place des franchises en vue de développer l’industrie de la viande accordant des exonérations pour l’établissement de frigorifiques dans le pays et travaillant pour l’exportation. L’article 1er de cette loi manifeste : « accorder les exemptions et franchises aux sociétés de saloirs, de mise en conserve et d’extrait de viande établies dans le pays jusqu’au 31 décembre 1910 »488; l’exonération de taxes pour l’introduction de machines et sur les produits de l’industrie de la viande pour l’exportation489. C’est ainsi que des capitaux nord-américains seront attribués par cette loi. À titre d’exemple, la compagnie « South American Land and Cattle Company » ( Puerto Cooper) a le droit d’établir un frigorifique490 ; ou encore, le Syndicat Farquhar propriétaire de Paraguay Land Company achète en 1912 des terres dans le Chaco paraguayen pour l’exportation de viande. Le Syndicat Farqhuar est une holding d’entreprises nord-américaines, britanniques et brésiliennes associées travaillant dans le frigorifique et l’élevage), et aussi dans la production de l’herbe mate et dans l’extrait de tanin dans le Chaco paraguayen. En outre, la « Compañía Paraguaya de Frigoríficos de carnes en conserva » s’installe à Zeballos Cué pour développer cette industrie. De même, G. L. Rickard représentant de la compagnie Paraguay Land & Cattle company obtient la concession en 1915491. Les principales franchises accordées pour les frigorifiques sont les suivants : l’exonération des droits d’importation de machines pour l’installation ; l’exonération de droits

485 HERKEN KRAUER, Juan Carlos, El Paraguay rural, op. cit. ; The American Journal of International Law,

op.cit., pp. 147-155.

486 KLEINPENNING, J., Rural Paraguay, op. cit., p. 165.

487 République du Paraguay, Registre officiel, loi du 5 septembre de 1900, pp. 220-221. KLEINPENNING J.,

Ibidem, p. 175.

488 « Se concede a las empresas de saladeros, conservas y extractos de carnes que se establezcan en el país, las siguientes exenciones y franquicias hasta el 31 de diciembre de 1910 ». République du Paraguay, Registre officiel, loi du 4 juillet 1910, p. 26.

489 République du Paraguay, Registre officiel, loi du 4 juillet 1910, p. 26.

490 République du Paraguay, Registre officiel, loi n° 321, du 15 novembre 1918. p. 7.

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sur l’exportation de viande ; les concessionnaires paieront un unique impôt de 0,20 centavo oro pour chaque exportation de cuirs. À la même époque, le droit d’exportation générale sur le cuir était de 1 peso et 0,50 centavo oro et des parties comme les viscères, ou autres auront une taxe de 10 pesos oro492. L’avantage pour les compagnies de frigorifiques était donc considérable par rapport à la loi d’exportation de cuirs. La compagnie Swift & Co. est mise en place par F.H.T. Walton (nord-américain), elle débute avec une petite usine pour la viande à Zeballos-cué. Par la suite, cette usine sera vendue à la plus importante compagnie de viande en conserve au Paraguay à la « Liebig’s Extract of Meat Company Ltd »493. Cette dernière, d’origine britannique, est fondée à Londres en 1865 et s’installera au Paraguay en 1893 pour établir une usine de viande. La Loi n° 553 du 9 novembre de 1923 autorise aussi l’installation de la compagnie Brook Bon Liebig’s pour d’autres filières494. La Liebig’s Extract of Meat est propriétaire d’une dizaine d’estancias, avec 150 000 mille têtes de bétail. L’entreprise a bénéficié de l’exemption de taxes douanières pour faire entrer des machines, des outils, et pour exporter ses produits de fabrication. À noter aussi que d’autres produits d’exportation, dont la viande séchée, constitueront un très bon produit de commercialisation à l’étranger dès les années 1920. Cette période d’implantation d’entreprises frigorifiques dans les décennies (1912-1918) pour la plupart avec des capitaux étrangers, aura un impact important dans le pays pour l’augmentation des exportations en or et l’amélioration de l’économie. En 1 870, il y avait deux têtes de bétail par habitant, tandis qu’en 1940 ce chiffre est multiplié par quatre495. L’essor de l’élevage dans le pays est tel que les éleveurs du Paraguay s’organisent afin de protéger ce commerce, et d’encourager l’amélioration de la race du bétail. À cette fin on a créé la « Sociedad ganadera del Paraguay » en 1903496, cette société est composée au début, de cent cinquante membres comptant des Paraguayens et des étrangers. Les gouvernements qui se succéderont après la Guerre de la Triple Alliance vont ainsi proposer des réaménagements sur le plan économique. C’est là le début d’un long chemin pour réussir à rétablir le pays et à mettre en place de nouveaux programmes adaptés en matière économique et sociale497.

492 République du Paraguay, Registre officiel, loi n° 172 du 24 de décembre 1915. 1 peso oro : 8 pesos ; 1 peso fuerte : 100 centavos, KLEINPENNING, J., Rural Paraguay., op. cit., 1992, p. 512.

493 La compagnie Liebig’s s’installe aussi dans le Chaco paraguayen en 1898. DALLA CORTE, Gabriela,

Lealtades firmes, op. cit., p. 313.

494 République du Paraguay, Registre officiel, Loi n° 553, date de publication, 10 novembre 1923.

495 Memoria del Ministerio de Hacienda, Dirección general de estadística y Comercio exterior del Paraguay, Asunción, 1921-1927-1940.

496 SCHURZ, W.L., Paraguay, A commercial, op. cit, p. 67.

497 Voir sur ce sujet: ASHWELL, W., Historia económica del Paraguay, Estructura y dinámica de la economía

nacional, 1870-1925, vol I, Carlos, Asunción, Carlos Schauman,1989; BÁEZ, Cecilio. et/al, El Paraguay moderno, o sea el Paraguay estudiado del punto de vista geográfico, agrícola, industrial, comercial y

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Conclusion

Nous avons observé la grande différence qui existait entre la dictature de Gaspar R. de Francia (1814-1840) et le gouvernement du président Carlos A. López (1844-1862) : le premier a fermé le pays aux étrangers, tandis que le second a organisé la première immigration européenne (1855). Bien que Francia ait renforcé un nationalisme exacerbé, il a toujours été considéré comme le fondateur de l’État paraguayen. Carlos A. López, quant à lui, est l’organisateur de l’État-nation498. Le tableau 2 montre les estimations de la population entre 1846 et 1872 selon différents auteurs. Les chiffres sont très disparates, puisque les estimations pour la même année varient en 1846-1847 de 238 862 à 1 100 000 (5 fois plus). En 1864 - 1866 entre 291 605 et 768 883 (presque 3 plus). Ce sont de très grandes variations que chaque auteur ait donné en fonction de ses critères ou de sa vision de l’époque. Nous émettons évidemment des réserves sur les chiffres surestimés et invraisemblables, mais nous avons voulu montrer que certaines sources ne reflètent probablement pas la réalité démographique de l’époque. En outre, nous avons établi un parallèle entre une étude du recensement de 1870 (1998) et la copie de ce recensement. En 1870, entre 141 351 et 251 000 (1,8 fois). Donc, une fois de plus, il y a des différences entre chaque résultat obtenu par les auteurs. Cela peut s’expliquer par le manque de Partidos pour obtenir un recensement complet. Malgré cette limite, le bilan de la population paraguayenne à la fin de la Grande Guerre reste que plus de la moitié de la population a disparu. Les gouvernements successifs après la guerre de la Triple Alliance font en sorte de mettre en application un dispositif légal permettant de trouver des solutions en s’attaquant à l’immense plaie ouverte par la guerre en matière économique et démographique. Ainsi, les gouvernements ont mis en œuvre des moyens sur la durée. Aucune législation n’a eu des conséquences aussi importantes que celle de la vente de terres publiques, qui détermine les différentes catégories de terrains et les prix de vente selon chaque région. Les lois du 11 août 1871, du 28 mai 1872, du 4 novembre 1875, du 15 décembre 1876, du 2 octobre 1883, et du 10 novembre de la même année, ainsi que celle du 16 juillet 1885 ont marqué le destin des terres du Paraguay. Des millions d’hectares de terres fiscales sont passés dans les mains d’une centaine de propriétaires, pour la plupart des entreprises étrangères. Dans ce contexte, un Code rural est adopté en 1877499. Les entreprises propriétaires ont établi des enclaves agro-industrielles pour la production de l’herbe maté, l’exploitation du bois ou encore pour l’élevage. Des traités de commerce et de libre-échange sont signés entre le Paraguay et la République Argentine500 ; un traité d’amitié,

498 BÁEZ, Cecilio, Le Paraguay, Son évolution historique et sa situation actuelle, Bibliothèque France Amérique, Paris, Libraire Alcan, 1927 ; BAREIRO-SAGUIER, R., Le Paraguay, op.cit.

499 République du Paraguay, Registre officiel, Loi du 8 août 1877, pp. 111-116.

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de commerce et de navigation avec l’Empire du Brésil501 et un traité de paix, d’amitié et de reconnaissance de dette pour la guerre (1865-1870) avec la République orientale de l’Uruguay502. Du point de vue diplomatique, le pays se réorganise progressivement. La loi du 9 décembre 1870 et le règlement consulaire de 1871 marquent les débuts d’une organisation diplomatique503. Les lois de 1889 et de 1912 établissent l’installation de Légations diplomatiques504. En 1879, le corps consulaire est encore faible en nombre de représentants des pays, tandis qu’entre 1926 et 1932 il est agrandi en Amérique latine et en Europe505. Le Paraguay reste structurellement désavantagé de par sa position géographique en tant que pays « méditerranéen », entouré de terres. Mais surtout, il a plus que jamais besoin d’une main-d’œuvre étrangère pour travailler la terre. C’est pourquoi différents projets sont mis en place pour favoriser l’installation de colons agriculteurs. Le pays qui, avant la guerre, avait entamé une ouverture au monde poursuit cet effort en favorisant le développement de certaines ressources phares (maté, tabac, bois, viande, cuir), développement auquel les investisseurs étrangers ont largement contribué. Le Paraguay de la fin du XIXe siècle jusqu’aux premières décennies du XXe siècle (1939) prend en main son destin avec un processus d’accroissement par des facteurs exogènes : commerce extérieur et immigration étrangère (1881-1939)506, le début d’installation organisée des colons immigrés de l’après-guerre qui commence en 1882 et l’expansion de capitaux étrangers, par la politique libérale (1904-1920). De cette manière, le pays a ainsi accru l’immigration étrangère afin de combler les besoins de main-d’œuvre. Si la population paraguayenne est métissée depuis la colonisation, avec l’immigration, ce mouvement s’est poursuivi, s’est amplifié et diversifié dès le XIXe siècle. Le début du XXe siècle ouvre la porte au Paraguay moderne : un changement économique accompagne le changement social apporté par les immigrants. Au cours de cette période, ce ne sont plus des immigrants anglais, français, italiens ou allemands qui, sous le gouvernement des López, sillonnent le pays, mais d’autres nationalités qui viennent principalement alimenter l’expansion du flux migratoire. Afin de donner une réponse à la politique du gouvernement de cette nouvelle ère, les chapitres suivants tenteront de mettre en lumière les politiques publiques et les lois en faveur de l’immigration choisi par le gouvernement paraguayen.

501 Loi du 31 septembre 1883.

502 Ibidem.

503 République du Paraguay, Registre officiel, Décret du 9 décembre 1870, p. 130. Décret du 5 juin 1872, p. 329.

504 République du Paraguay, Registre officiel, loi du 14 août 1889 créent les Légations en Europe : France, Grand Bretagne et Espagne ; loi du 23 novembre 1912.

505 Loi du 10 mai 1879 sur la Légation de Paraguay à Buenos Aires ; la loi du 10 août 1903 organise le service diplomatique à l’étranger ; république du Paraguay, Registre officiel, Loi du 1903, publié le 17 août 1903 ; république du Paraguay, Registre officiel, lois et décrets.

506 Au-delà de ces dates continuera l’immigration des mennonites ; et la seconde entrée des japonais dans les années cinquante et soixante.

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Chapitre 2