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Le risque psychosocial, le fardeau des employeurs

Comme précédemment exposé, le risque psychosocial peut être lié aux états de stress, aux situations de discrimination, harcèlement et/ou violence. Parce qu’il est spécifique à ce types d’agissements commis sur le lieu de travail, nul doute règne quant à la responsabilité juridique engagée. La première intuition serait de penser qu’elle pèse sur l’employeur comme une épée de Damoclès.

Au demeurant, le sentiment prédominant, aujourd’hui, est que les salariés n’ont plus l’intention de se laisser faire107, d’autant plus lorsque nous connaissons la politique de protection de la santé menée par la Cour de cassation.

Pour autant, ces salariés semblent en vouloir toujours plus en affirmant que ce régime n’est jamais suffisamment protecteur. Ce à quoi les employeurs répondent, qu’il est beaucoup trop contraignant, au point d’en devenir un fardeau au travers, principalement, de la consécration de l’obligation de sécurité de l’employeur (Section I), née du contrat de travail (Section préliminaire) dont le système probatoire lui est défavorable (Section II). Davantage lorsque l’obligation de sécurité qui incombe au salarié n’est pas retenue dans le calcul de sa responsabilité (Section III).

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D’après l’INSEE, au début du 21ième Siècle, près de 8 millions de personnes en France étaient concernées par le harcèlement moral constitutif de risque psychosocial

Section Préliminaire : Le contrat de travail : délimitation matérielle du pouvoir de direction face aux RPS

Les relations de travail qu’entretient l’employeur avec ses salariés s’inscrivent dans le contrat de travail, lequel apparait donc comme étant le support illustrant et encadrant la complexité de leurs relations.

L’étude des « risques psychosociaux » nous pousse à tenter de comprendre comment le contrat de travail appréhende une réalité dans laquelle l’employeur reste tout-puissant face à des salariés souffrants. Pour ce faire, il faut revenir au point de départ : la définition du contrat de travail. Expression inventée par des économistes à la fin du XIX° siècle, Antoine Jeammaud108 le définissait comme étant « la convention par laquelle une personne physique s’engage à mettre son activité à la disposition d’une autre personne, physique ou morale, dans un rapport de subordination et moyennant une rémunération ».

Aux termes de cette définition, deux éléments semblent indispensables pour caractériser ce type de contrat : l’un relatif à l’engagement du salarié (§ 1) et l’autre relatif au rapport de subordination (§ 2).

§1. La nature réelle de l’engagement du salarié

Nombreux penseurs se sont intéressés de près à la question de l’engagement du salarié lors de la conclusion du contrat de travail. S’engagerait-il uniquement à mettre à disposition son activité (B) ou cela supposerait-il également toute sa personne autrement dit son corps dans sa totalité (A) ?

108

JEAMMAUD (A.), « Le pouvoir patronal visé par le droit du travail », Sem. Soc. Lamy 2008, n° 1340, Suppl. p. 15, Spéc. p. 18

A) Mise à disposition de l’activité et du corps du salarié ?

Affirmer que, ce que le salarié s’engage à mettre à disposition c’est sa personne même ou avec une nuance certaine, que le corps du salarié forme la matière même du contrat de travail109, cela supposerait que le juriste Antoine Jeammaud révèle « un non-dit », une mise sous silence de la véritable nature de son engagement dans la définition juridique dudit contrat. A tel point qu’il en devient un « artifice » masquant, alors, la réalité des rapports employeurs/salariés110.

Dans l’hypothèse où le législateur avait pris la peine d’insérer la notion de « corps » du travailleur dans la définition traditionnelle du contrat, il en aurait fait sa matière, son essence même permettant ainsi de responsabiliser tant l’employeur que le salarié face à des situations susceptibles de causer un risque pour la santé de ce dernier. Le dire autrement reviendrait à penser que l’omniprésence des RPS dans les entreprises concernées serait la conséquence logique de l’absence de notification du « corps » du travailleur dans la définition du contrat. Car, consacrer cette notion en l’inscrivant dans le contrat permettrait de limiter, certainement, l’émergence des RPS et de mettre en place efficacement un régime plus protecteur de la santé des travailleurs.

B) Une simple mise à disposition de l’activité salariale

Malheureusement, aucun ne retient cette vision considérant que l’objectif du contrat de travail n’est ni d’exprimer l’essence du contrat ni d’agir sur les rapports sociaux111.

109

REVET (T.), « l’objet du Contrat de Travail », Dr. Soc. 1992 ; SUPIOT (A.), Critique du droit du travail, PUF, Coll. « Les voies du droit », 1994, p. 54

110

GENIAUT (B.), Maître de conférence, « Contrat de travail et réalité », Revue de Droit du Travail, Mensuel, n° 2, Février 2013

111

« Le pouvoir patronal visé par le droit du travail », p. 18 ; Voir. aussi « L’avenir sauvegardé de la qualification du contrat de travail. A propos de l’Arrêt Labbane », Dr. Soc. 2001. 227; Spéc., n° 8, p. 231

Dès lors, il semblerait que le contrat n’a pas pour but de promouvoir la santé en tant que droit fondamental de la personne au travail, n’ayant qu’une simple « vocation opératoire », celle de qualifier le statut du salarié comme étant celui qui s’engage vis à vis d’une autre personne dans un contexte de subordination.

§2. Le rapport de subordination, manifestation du pouvoir de direction de l’employeur

Le contrat de travail instaure un rapport de subordination entre l’employeur et le salarié. Que devons-nous entendre par « rapport de subordination » ? Pour la Chambre sociale de la Cour de cassation, le lien de subordination ne peut être défini (A) qu’au regard du pouvoir de direction de l’employeur (B).

A) Définition jurisprudentielle du « rapport de subordination »

La jurisprudence n’a pas hésité avant de se prononcer. Dans le célèbre arrêt Bardou112, la Cour de cassation préférait nettement l’expression « lien de subordination » plutôt que « dépendance économique ». Plus tard, en 1996, elle qualifiait la subordination en ces termes : « le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné »113.

Elle fait de ce lien de subordination un rapport de pouvoir au profit de l’employeur lequel lui confère le pouvoir de diriger, d’organiser l’entreprise, et de commander ses salariés.

112

Cass. Civ. 6 Juillet 1931, DP 1931.1.131, note PIC (P.)

113

Cass. Soc. 13 Novembre 1996 ; Arrêt Société Générale, Bull. civ. V, n° 386; Dr. Soc. 1996. 1067, note DUPEYROUX (J.-J) ; JCP E 1997. II. 911, note BATHELEMY (J.) ; RJS 12/1996, n°1320; GADT n° 2

B) Le corollaire du rapport de subordination : le pouvoir de direction

Le caractère contraignant de ce pouvoir semble se justifier par le seul fait que le lien soit juridique puisqu’engendré par le contrat lui-même. En effet, selon le célèbre linguistique Ducrot, la nature juridique suppose l’idée de droit laquelle renvoie à la contrainte, à l’obligatoire, et au commandement114.

Partant du postulat que l’employeur a la faculté de contraindre son salarié à exécuter ses ordres, est-ce à dire qu’il peut prendre toute sorte de décision et à tout moment ? En d’autres termes, l’employeur a-t-il qualité à agir discrétionnairement au point de considérer son pouvoir comme illimité ?

La Cour de cassation semble avoir répondu par la négative dans la mesure où elle tempère (2) le principe selon lequel le pouvoir de direction de l’employeur est unilatéral (1).

1. Le principe : un pouvoir de direction unilatéral

Manifestement, son statut d’employeur lui permettrait d’agir unilatéralement dès lors qu’il s’agit de modifier les conditions de travail du salarié. En effet, sa puissance se limiterait aux « conditions de travail »115. Sur ce terrain, il pourrait prendre toute sorte de mesures sans qu’il ait besoin de respecter un formalisme quelconque ou requérir l’accord de son salarié, objet de la

114

DUCROT (O.), Dire et ne pas dire, Hermann, 1985, p. 285

115

Cass. Soc. 10 Juillet 1996 : Bull. Civ. V, n° 278 ; GADT, 4° édition, n°50 ; D. 1996. IR 199 ; JCP 1997. II. 22768, note SAINT-JOURS; RJS 1996. 580, n° 900 ; CSB 1996.317, A. 62, note PHILBERT ; Dr. ouvrier 1996. 457, note MOUSSY : « la réorganisation faite par l’employeur pour améliorer la gestion d’un secteur constitue un changement des conditions de travail dans l’exercice de son pouvoir de direction ; le refus du salarié de continuer le travail ou de le reprendre caractérise, en principe, une faute grave qu’il appartient à l’employeur de sanctionner par un licenciement » — Cass. Soc. 8 Janvier 1997 : Bull. Civ. V, n° 3 ; RJS 1997. 89, n° 123

mesure. C’est à ce moment précis que s’exprime son pouvoir de direction.

Par ailleurs, dès lors que le contrat de travail ne fait aucunement référence à la notion de « corps » du salarié, il ne saurait servir de délimitation matérielle au pouvoir patronal permettant de protéger efficacement la santé du travailleur. Si tel était le cas, le contrat serait un moyen de limiter et contrôler son pouvoir de direction et de gestion de l’employeur, l’obligeant ainsi à commander en conciliant ses propres intérêts avec ceux de ses salariés. Or, dans la réalité, il n’en est rien puisque le nombre de RPS ainsi que celui de ses victimes ne cessent d’augmenter chaque année.

Toutefois, il convient de nuancer ce propos.

2. Les tempéraments au principe

En effet, dès lors qu’il tire son autorité du contrat de travail, ce dernier lui impose d’agir de « bonne foi »116, le contraire reviendrait à en user abusivement. C’est, d’ailleurs, la motivation première de l’employeur qui traduit cette bonne foi. En effet, son comportement doit être dicté par l’intérêt de l’entreprise, et non par une intention de nuire117. Encore faut-il que le choix du salarié auquel est imposé le changement de ses conditions de travail soit judicieux ! Prenons pour exemple la situation de l’employeur qui viendrait à imposer un changement de poste d’un salarié dont la mission ne correspondrait pas à ses compétences. Un tel cas d’espèce a déjà été soumis à la Cour de cassation qui a considéré par un arrêt du 10 mai 1999 que si « l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction peut apporter des changements à la fonction du salarié », ce n’est qu’à la condition que « la tâche demandée, bien que différente de celle exercée antérieurement réponde à la qualification de l’intéressé », ce qui n’était pas le cas en

116

Cass. Soc. 10 Juin 1997 : « l’exécution de bonne foi d’une clause de mobilité traduit l’exercice du pouvoir de direction » ; Bull. Civ. V, n° 210 ; RJS 1997. 515, n°794 — V. aussi C. trav. Art. L. 1222-1: « le contrat de travail est exécuté de bonne foi »

117

PAULIN (J-F.), Maitre de conférences des Universités, Directeur de l’Institut de formation syndicale de Lyon, Les cahiers des RPS, n° 20 - Novembre 2012, « RPS et Changements »

l’occurrence118.

Malgré une forte volonté d’asseoir la définition du contrat de travail sur la réalité sociale, l’étude des éléments utilisés par le législateur pour le qualifier montre combien il est encore difficile de le considérer comme un rempart efficace aux situations de RPS encadrant et contrôlant effectivement la puissance patronale. Il lui permet encore d’exprimer son pouvoir de direction lui laissant ainsi, une marge de manœuvre importante sur le terrain des conditions de travail.

Si faire de ce contrat de travail une limite matérielle de l’autorité patronale n’est pas chose facile, il n’en reste pas moins qu’il fait peser sur celui-ci une lourde charge en matière de protection de la santé au travail : il est tenu à l’égard des personnes qu’il a sous sa direction (dans le sens « autorité ») d’une obligation de sécurité (Section I).

118

Cass. Soc. 10 Mai 1999, Bull. Civ. V, n° 199 ; Dr. Soc. 1999. 736, obs. GAURIAU ; RJS 1999. 484, n° 791

Section I : Un fardeau au regard de l’obligation de sécurité de l’employeur119

Imposée, tout d’abord, dans le contrat de transport dès 1911120, l’obligation de sécurité a ensuite été étendue à de nombreux autres contrats mettant en jeu la sécurité des personnes121. Désormais, le pendant du mal-être salarial réside dans l’obligation pour l’employeur de prendre « les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs », aux termes de l’article L. 4121-1 du Code du travail. Pour satisfaire à cette obligation générale de sécurité, le chef d’entreprise doit nécessairement éviter les risques. Pour se faire, il doit combattre les risques à la source, évaluer ceux qui ne peuvent être évités, et les prévenir en prenant en compte tous les facteurs environnementaux du travail (techniques, organisations et conditions de travail). Cette obligation de prévention, corollaire de l’obligation de sécurité, doit nécessairement être une étape préalable à la prise de décision de l’employeur. Selon une formule marquante, il doit « adapter le travail à l’Homme et non l’inverse ». Cela signifie qu’il doit concevoir des postes de travail, choisir des équipements ou méthodes pour limiter le travail monotone et cadencé. Ainsi que remplacer les dispositifs dangereux pour d’autres qui le sont moins122.

La principale interrogation quant à cette obligation de sécurité réside dans son intensité : est-ce une obligation de moyens ou de résultat ? A laquelle de ces deux caractéristiques faut-il

119

Loi n° 91-1414 du 31 Décembre 1991 modifiant le Code du travail et le Code de la santé publique en vue de favoriser la prévention des risques professionnels et portant transposition de directives européennes relatives à la santé et a la sécurité du travail. Cette loi a en grande partie transposé la directive (CE) 89/391 du conseil du 12 juin 1989 concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail. Elle a mis à la charge de l’employeur une obligation de sécurité, une obligation de prévention de la santé des travailleurs

120

Cass. Civ. 21 Novembre 1911, D.P. 1913.I.249, note SARRUT ; S. 1912.I.73, note LYON-CAEN (G.)

121

On la rencontre à la charge de l’employeur pour le problème de l’amiante : Cass. Soc. 28 Février 2002, Bull. civ. V n° 81 et plus généralement, Cass. Soc. 19 Décembre 2007, Bull. Civ. V, n° 216 - SAINT JOURS, De l’obligation contractuelle de sécurité de résultat de l’employeur, D. 2007.3024 ; Cf. LAMBERT-FAIVRE, Fondement et régime de l’obligation de sécurité, D. 1994, Chronique. 81

122

C. trav. Art. L. 4121-2 le fondement des principes généraux de prévention ; V. aussi Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS), « Le stress au travail », Edition INRS ED. 973, réimpression Décembre 2011

rattacher l’obligation de sécurité de l’employeur ?

En droit des obligations, l’obligation de résultat impose au débiteur de s’exécuter sans pouvoir s’exonérer en démontrant l’absence de comportement fautif. Tandis que l’obligation de moyens lui impose seulement de mettre en œuvre tous les moyens à sa portée pour s’exécuter, la possibilité lui étant offerte de s’exonérer par la démonstration de l’absence de faute123.

Devenu le siège légal de cette obligation, l’article L. 4121-1 du Code du travail concrétise aujourd’hui un droit à la santé en milieu de travail au bénéfice du salarié, mais au détriment du chef d’entreprise. Dans un contexte actuel où la réalité des RPS s’est imposée124, notre droit s’est emparée de cette question125 là où la jurisprudence a amplifié la reconnaissance de l’obligation de sécurité mise à la charge de l’employeur, partant d’une obligation de moyens renforcés (§ 1) et allant jusqu’à la considérer comme une véritable obligation de résultat (§ 2).

§1. Initialement, une obligation de sécurité de moyens renforcée

Pensée initialement comme une obligation de moyens renforcée l’obligation de sécurité fait l’objet d’une controverse juridique de longue haleine (A). Récemment, la Cour de cassation est intervenue en affirmant fermement sa volonté d’intensifier fortement cette obligation afin de faire cesser toute controverse (B).

A) Une obligation de sécurité de moyens renforcée controversée

123

FLOUR (J.), AUBERT (J.-L), SAVAUX (E), les obligations 3. le rapport d’obligation, Sirey, 6° éd, 2009, p. 167 ; V. aussi TERRE (F.), SIMLER (Ph.), LEQUETTE (Y), Droit civil, les obligations, Précis, Dalloz, 9° édition

124

« La santé au confluent du droit du travail et du management », Semaine sociale, Lamy Supplément, 18 mars 2013, n° 1576, p. 50

125

L’obligation de sécurité de moyens renforcée fait débat auprès des juges de la Cour de cassation (1) et des penseurs de la Doctrine (2).

1. Vision théorique de la Cour de cassation : une véritable obligation de résultat

En théorie, la Chambre sociale faisait émerger du contrat de travail une obligation de sécurité de résultat qu’il appartenait à l’employeur « d’en assurer l’effectivité »126. Ainsi, par une série d’arrêts dits « arrêts Amiante » rendus en 2002, la Cour de cassation apportait sa réponse : l’obligation de sécurité est une obligation de résultat. Pourtant, la doctrine n’est pas de cet avis.

2. Vision pratique de la Doctrine : une obligation de moyens renforcée

Pour autant, en pratique, les conséquences du manquement à cette obligation ne correspondaient pas totalement aux caractéristiques d’une obligation de résultat mais plutôt à celle d’une obligation de moyens. En effet, en décidant que « en vertu du contrat le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat (…) ; le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable au sens de l’art L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver », l’employeur pouvait éviter les conséquences de ce manquement en démontrant qu’il n’avait pas conscience du danger auquel le salarié avait été exposé ou qu’il avait pris toutes les mesures nécessaires pour l’en préserver. En bref, l’employeur pouvait s’exonérer en démontrant l’absence de toute faute.

La faute inexcusable est, alors, conditionnée à la preuve par le salarié que « l’employeur

126

Cass. Soc. 28 Février 2002, n° 00-13.177 ; RTD civ 2002 p 310, note JOURDAIN (P.) ; RJS 2002, Chronique p. 495, Note MORVAN (P.) ; V. aussi Cass. Soc. 18 Décembre 2013

avait ou aurait dû avoir conscience du danger ». La doctrine s’accordait à dire que la vision donnée par la Cour de cassation était le signe que l’obligation s’apparente davantage à la définition de l’obligation de moyens renforcée, appelée aussi de résultat atténuée qu’à celle de résultat véritable127.

B) Une obligation de sécurité de moyens renforcée intensifiée

Plus tard, en 2004, la Cour de cassation confirmait sa position128 en s’appuyant sur le contrat lui-même. Si la jurisprudence n’a pas hésité à considérer qu’il était interdit pour l’employeur « dans l’exercice de son pouvoir de direction de prendre des mesures qui auraient pour objet ou pour effet de compromettre la santé et la sécurité des salariés »129, il aura fallu attendre huit longues années avant de connaitre véritablement la vigueur de son obligation de sécurité. En effet, en 2010, la Chambre sociale a poussé son raisonnement jusqu’à intensifier le régime juridique de ladite obligation : désormais, elle est une véritable obligation de résultat.

§2. Aujourd’hui, une obligation de sécurité de résultat

C’est à la suite d’un revirement de sa jurisprudence que la Cour de cassation qualifie l’obligation de sécurité d’obligation de résultat. Justifiant sa décision aux termes d’impératifs de santé et de sécurité au travail (A), la Cour fait de cette obligation une véritable protection pour la santé des travailleurs (B).

127

FLOUR (J.), AUBER (J.-L), SAVAUX (E.), Les obligations. 3. Le rapport d’obligation, Sirey, 6°édition, 2009, p.167

128

Cass. Civ. II, 8 Juillet 2004, n° 02-30.984, RCA 2004, Comm. 329, note GROUTEL (H.) 129

Cass. Soc., 5 Mars 2008, Dr. Soc. 2008, p. 605, obs. CHAUMETTE (P.) ; SSL 2008, n° 1346, p. 6, rapt BAILLY (P.)

A) Un revirement de jurisprudence justifié par des impératifs de santé et de sécurité au travail

Si le législateur, en 1991, n’a pas su répondre à la question posée en amont, c’est la jurisprudence qui, en 2002, opérant un revirement considérable, a affirmé fermement que l’obligation de sécurité de l’employeur est une obligation de résultat imposant, ainsi, à ce dernier d’atteindre l’objectif de santé et de sécurité dans son entreprise.

Dans sa décision en date du 3 février 2010, la Cour de cassation énonce que « quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements », l’employeur manque à son obligation de sécurité dès lors qu’est constatée une atteinte à l’état de santé du salarié. Du seul fait qu’il ait été exposé à un état de stress grave, à des comportements violents, discriminatoires ou encore à du harcèlement de la part de l’employeur, désormais ce dernier ne peut aucunement échapper à sa responsabilité en démontrant son absence de faute130. Dit encore autrement, ne pouvant plus s’exonérer une fois que l’atteinte à la santé du salarié s’est produite, il