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Cas particulier du harcèlement moral au travail

Trop souvent invoqué et sorti de son périmètre d’application, le harcèlement moral est devenu un fléau juridique (§ 1) nuisant à la performance de l'entreprise et de ses salariés créant un véritable rapport de force en défaveur de l’employeur, conséquence de la lecture extensive du harcèlement moral (§ 2).

§1. Le harcèlement moral, un « fléau juridique »

Un fléau représente un état « qui est redoutablement nuisible »69. En ces termes, le harcèlement peut être un fléau à en juger la variété des situations qu’il recoupe telles que :

- des agissements ayant pour effet une dégradation des conditions de travail70 ;

- le retrait sans motif à une salariée de son téléphone portable à usage professionnel71 ; - le fait d’installer une salariée dans le bureau de son supérieur hiérarchique avec lequel

elle ne s’entendait pas et sans lui fournir les moyens lui permettant d’effectuer son travail72 ;

- des méthodes de gestion consistant à soumettre ses subordonnés à une pression continuelle, des ordres et des contre-ordres dans l’intention de diviser l’équipe73.

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Nous ne développerons rien sur le harcèlement sexuel car il nous a semblé plus approprié dans le cadre des RPS de se centrer uniquement sur le harcèlement moral. Il n’y a que l’aspect psychique et mental qui nous intéresse pour la thèse

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Cf. Dictionnaire Hachette

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Cass. Soc. 24 Sept. 2008 : D. 2009. Pan. 590, obs. WOLMARK ; RJS 2008. 890, n° 1070 ; Dr. Soc. 2009. 57, Note SAVATIER (A.)

71

Cass. Soc. 27 Oct. 2004 : Bull. civ. V n° 267 ; Dr. Soc. 2005. 100, obs. ROY-LOUSTAUNAU ; JS Lamy 2004, n° 156-2

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Paris, 27 Mai 2003: RJS 2003. 867, n° 1252, 2ième esp.

73

Cass. Soc. 10 Nov. 2009: D.2009. AJ 2857, obs. MAILLARD; ibid. 2010. pan. 672 ; obs. PASQUIER; RJS 2010. 17, n° 8 ; RTD 2009. 109 ; obs. RADE (C.)

Si le droit est, en principe, un « ensemble de règles imposées aux membres d'une société pour que leurs rapports sociaux échappent à l'arbitraire et à la violence des individus et soient conformes à l'éthique dominante »74, il semble que l’interprétation fluctuante de cette notion mette en péril la sécurité juridique des éventuels auteurs et victimes, raison pour laquelle nous montrerons que le caractère conjoncturel (B) du harcèlement moral impacte sur sa définition (A).

A) Un fléau vis à vis de sa définition au cadre incertain

Le harcèlement moral doit son cadre incertain aux différentes dimensions qu’il revêt : psychologique (1), littéraire (2) et juridique (3).

1. Dimension psychologique

Historiquement, c’est dans les années 1980 que le psychosociologue suédois Heinz Leymann formalisait la notion de harcèlement moral. Selon lui, il est « une relation conflictuelle sur le lieu de travail, entre collègues, entre supérieurs et subordonnés. La personne harcelée est agressée de façon répétitive sur une période de six mois au moins, le but étant de l’exclure ». Processus de destruction, à cette époque, le harcèlement moral n’avait pas encore le succès qu’on lui connaît aujourd’hui.

2. Dimension littéraire

Ce n’est qu’en 1998, après la publication de son livre, « Le harcèlement moral, la

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violence perverse au quotidien », que la psychiatre et psychanalyste Marie-France Hirigoyen popularisait ce phénomène en France. Ainsi, de nombreuses victimes s’identifient et y trouvent une explication à leur souffrance.

3. Dimension juridique

L’appréhension psychologique du harcèlement moral a conduit le législateur français à intervenir avec la loi de modernisation sociale n°2002-73 du 17 janvier 2002 laquelle introduit l’article L. 122-49 dans le Code du travail, anciennement. Aujourd’hui devenu l’article L. 1152-1 dans le Code du travail, il prohibe toute forme de harcèlement moral sur le lieu de travail. Ainsi, «aucun salarié ne doit subir les agissements répétés (a) de harcèlement moral ayant pour objet ou pour effet (b) une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits du salarié et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (c) »75.

Il convient d’analyser chaque terme choisi par le législateur pour nous permettre de mieux cerner la notion de harcèlement moral.

a- « Ensemble d’agissements répétés »

Tout d’abord, il emploie les termes « ensemble d’agissements répétés ». Englober ces agissements dans un « ensemble » complique sa compréhension du fait de son imprécision. Néanmoins, de cette imprécision s’en suit une précision, celle du caractère répétitif desdits agissements. Dans sa définition, il induit l’idée de « durée ». Cependant, la jurisprudence est manifestement revenue sur ce critère en jugeant qu’un fait s’étant déroulé sur une « brève

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V. la rédaction similaire du C. trav. Art. L. 1152-1 et de l’Art. 6 quinquiès de la loi n° 83-634 du 13 Juillet 1983 sur le statut général de la fonction publique : « aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel »

période » relève du harcèlement moral76. Le critère de répétition ne serait, donc, plus une condition pour faire reconnaitre un cas de harcèlement.

b- « Pour objet ou pour effet »

Reste encore que, ces agissements doivent avoir « pour objet ou pour effet » « la dégradation des conditions de travail ». Intentionnels (« ayant pour objet ») ou non (« ayant pour effet »), ils sont qualifiés de harcèlement moral qu’à condition que la situation de la personne, dans son travail et sur son lieu de travail, soit détériorée. Le législateur a jugé utile de soumettre le harcèlement moral à un élément objectif. Cependant, celui-ci se heurte à des conditions subjectives.

c- Les différentes atteintes

La première concerne « l’atteinte aux droits du salarié »77. Mais, de quels droits s’agit-il ? Sur ce point, le Conseil constitutionnel s’est prononcé78 et déclare que « si l’article L. 1152-1 du Code du travail n’a pas précisé les « droits » du salarié auxquels les agissements incriminés sont susceptibles de porter atteinte, il doit être regardé comme ayant visé les droits de la personne au travail, tels qu’ils sont énoncés à l’article L.1121-1 du Code du travail », lequel stipule que « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiés par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».

Dans cette décision, en se référant l’article L.1121-1 du Code du travail, le constituant justifie sa pensée en objectivant l’éventuelle atteinte portée à ces droits. Selon lui, elle ne peut être justifiée qu’au regard d’éléments concrètement objectifs : « la nature de la tâche à

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Cass. Soc. 26 Juin 2010 : D 2010. 1988; note DEDESSUS-LE-MOUSTIER ; RJS 2010. 580, n° 640 ; JCP S 2010. 1330, obs. LEBORGNE-INGELAERE

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Largement, «un droit» signifie toute prérogative reconnue par la loi aux hommes individuellement et parfois collectivement (faculté, libertés, protection)

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accomplir » et « la proportionnalité au but recherché ».

La seconde porte sur « l’atteinte à la dignité »79 et « l’altération de sa santé physique ou mentale ». C’est sur cette question que porte véritablement la difficulté de la définition. Synonyme de « respect », l’atteinte à la dignité relève de l’injure, l’outrage, l’offense ainsi que la violence qui atteignent gravement et durablement l’état psychique du salarié dans sa santé, sa personnalité et son esprit80.

De cette définition, ressort une très grande subjectivité81, laquelle s’enracine dans les conséquences du harcèlement. Elle se révèle lorsque, face à une même situation, un salarié se sentirait atteint dans sa santé, sa personnalité ou son esprit alors même qu’un autre n’éprouverait pas ce ressenti. Une même expérience peut être vécue différemment par deux salariés.

Face à une telle subjectivité, comment affirmer que la situation relève de harcèlement moral en respectant les limites imposées par l’article L.1152-1 du Code du travail et que le salarié ne commet pas d’abus ?

Enfin, la dernière condition porte sur la question d’un avenir professionnel compromis. Dire cela sous-entend que l’atmosphère de travail est si pesante pour le salarié qu’il ne saurait rester dans la société. Par « atmosphère », nous désignons les situations précédemment citées (injure, mésentente, offense et violence) mais aussi les situations liées aux méthodes contraignantes de gestion et/ou de direction.

Dans ce sens, la Chambre sociale de la Cour de cassation82 caractérise de harcèlement moral les méthodes de gestion ou de direction « mises en œuvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu’elles se manifestent, pour un salarié déterminé, par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d’entrainer une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter

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Cf. Introduction : vient du terme « dignitas » en latin qui signifie l’honneur d’une personne

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Voir définition du « trouble mental » dans le dictionnaire Le Robert de poche, 2014

81

A noter qu’à la lecture de l’article, cette subjectivité est très présente dans l’utilisation des adjectifs possessifs « sa » et « son »

82

Pour les méthodes de gestion : Cass. Soc. 10 Novembre 2009 n° 07-45.321 : RJS 1/10, n° 8 - Cass. Soc. 3 Février 2010 : RJS 5/10, n° 400 - Cass. Soc. 27 Octobre 2010 : RJS 1/11, n° 9 - pour les méthodes de direction : Cass. Soc. 19 Janvier 2011 : RJS 4/11, n° 292 – Rappr. Soc. 1 Mars 2011 : RJS 5/11, n° 390 - Cass. Crim. 19 Juin 2012 : JCP S 2013, 1093, note LEBORGNE-INGELAERE (C.) - Cass. Soc. 29 Janvier 2013 : RJS 4/13, n° 259

atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

En statuant ainsi, la Chambre sociale reconnait une nouvelle forme de harcèlement dit « managérial ». C’est une façon pour la Cour de cassation de confirmer que le harcèlement moral est une composante des risques psychosociaux mais, plus généralement, de reconnaitre implicitement ces risques au sens du droit du travail.

D’un point de vue positif, nous comprendrions que la haute juridiction se serve du harcèlement moral comme tremplin pour faire entrer pleinement les risques psychosociaux dans l’ordre juridique puisque, parallèlement aux critères de reconnaissance de harcèlement, ce mécanisme conciliant l’objectif au subjectif semble plus adapté à leur admission. Mais, d’un point de vue négatif, calquer les RPS sur un système aux contours incertains tel que le harcèlement moral ne nous parait pas opportun.

« Mis à toutes les sauces »83, certains affirment qu’il faut se garder de « toute dérive à l’américaine ».

B) Un fléau « juridique » vis à vis de la pluralité des situations

« De silences en sous-entendus, de brimades en vexations, de déstabilisations en humiliations (2), de mises à l’écart (1) en discriminations (3) … le harcèlement s’installe », écrivait l’avocat Philippe Ravisy, dans son livre84. Pour soutenir son propos, nous nous appuierons sur des exemples récents de jurisprudence.

1. Manœuvres d’exclusion

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RAY (J.-E.) et DEJOURS (Ch.) 84

Une salariée avait été installée avec une collègue dans un bureau aux dimensions restreintes, elle avait été laissée pour compte, et le travail qui lui était confié se limitait à l’archivage et à des rectificatifs de photocopies. Dans cette affaire, la Chambre sociale décide le 10 novembre 2009 que ces manœuvres, telles que la mise à l’écart, l’isolement que la salariée avait subi, ainsi que les tâches sans rapport avec sa qualification qui lui avaient été confiées, caractérisent une situation de harcèlement moral85.

2. Comportement autoritaire, calomnieux ou vexatoire

Aussi, le harcèlement moral peut être caractérisé dès lors que « le salarié subit de fortes pressions psychologiques, un manque de respect total et une pression constante de la directrice de l’école qui l’a recruté qui trouve tout prétexte pour le rabaisser y compris devant les élèves et les clients, le pousse à démissionner et l’humilie en hurlant qu’il est débile ou qu’il ne comprend rien »86.

3. Charge excessive de travail ou absence de considération matérielle et psychologique

Le fait que l’employeur ait obligé le salarié à travailler sept jours sur sept pendant près de deux ans tout en lui adressant de nombreux mails pour l’inviter à accélérer son rythme de travail87 ou encore l’accroissement des tâches, la multiplication des réunions, courriels d’ordres et de contre ordres, l’absence de considération pour la personne tant matérielle que psychologiques et l’altération de la santé du salarié qui s’en est suivie, sont de nature à caractériser le harcèlement

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Cass. Soc. 10 Novembre 2009; JCP S 2010. 1125, note LEBORGNE INGELAERE (C.) ; Dr. Soc. 2010. 111, obs. RADE (C.)

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Cass. Soc. 20 Juin 2013 : RJS 10/13, n° 715

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moral88.

En résumé, mêlant grossièretés, propos calomnieux, menaces, insultes, comportement autoritaire manifestement excessif (reproches incessants et publics, rumeurs jetant le discrédit, sanctions manifestement injustifiées), mesures vexatoires (surnoms ridicules, humiliations, brimades, discriminations, tâches dégradantes), manœuvres pour exclure un agent (mise à l’écart, « mise au placard », isolement, privation de local, de téléphone ou d’outil de travail), privation de travail ou charge excessive abusive, déclassement, tâches sans rapport avec sa qualification89, certains ne manquent pas de reprocher au harcèlement moral de n’être qu’un « déversoir », « attrape tout », ou encore « auberge espagnole » juridique. De plus, il semble que la violence psychologique se fonde dans le terme « harcèlement moral » (4).

4. La violence psychologique

La juxtaposition des deux notions dans l’intitulé de l’accord national interprofessionnel du 26 mars 201090 nous fait penser que la violence est une composante du harcèlement moral. Pourquoi une telle démarche dans la rédaction de cet accord ? D’après le Bureau International du Travail (ci-après « BIT »), la violence psychologique s’entend de « toute action, tout incident ou tout comportement qui s’écarte d’une attitude raisonnable par lesquels une personne est attaquée, menacée, lésée ou blessée dans le cadre du travail ou du fait de son travail ». C’est en

88

Cass. Soc. 8 Novembre 2011 : JCP S 2012, 1196, 1ère esp., note LEBORGNE INGELAERE (C.)

89

V. aussi Paris, 27 Mars 2003 : RJS 11/03, n° 1252, 1er esp. sur des menaces et pressions commis par l’employeur ; Cass. Soc. 27 Octobre 2004 : « sur le retrait sans motif à une salariée de son téléphone portable à usage professionnel, de l’instauration d’une obligation nouvelle et sans justification de se présenter tous les matins au bureau de sa supérieure hiérarchique, de l’attribution de tâches sans rapport avec ses fonctions, fait générateurs d’un état dépressif médicalement constaté nécessitant des arrêts de travail, la conjonction et la répétition de ces faits constituaient un harcèlement moral »

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Dans son article 2, l’ANI sur le harcèlement et la violence au travail dénonce deux formes de violences interne et externe : « aucun salarié ne doit subir d’agressions ou violences dans des circonstances liées au travail, qu’il s’agisse de violence interne ou externe » ; toutes deux affectant la santé et la sécurité et/ou créant un environnement de travail hostile pour le salarié. La première se manifeste entre les salariés, y compris le personnel alors que la seconde survient entre salariés, personnel d’encadrement et toute personne extérieure à l’entreprise présente sur le lieu du travail

référence à un critère objectif, la raison91, qu’il convient de se conformer. Si le comportement en cause est non conforme, alors il est par déduction un comportement violent faisant sentir autrui menacé, lésé, ou blessé.

Aussi subjectif que le harcèlement moral, la violence psychologique possède un champ d’application large allant du manque de respect à la manifestation de la volonté de nuire, de détruire, de l’incivilité à l’agression physique verbale ou comportementale. Voilà, certainement, la raison pour laquelle il était difficile pour les rédacteurs de l’ANI de dissocier ces deux notions ; généralement, la violence psychologique étant constitutive de harcèlement moral au travail. La plus fréquente dans le monde du travail concerne les comportements abusifs ou tyranniques vis-à-vis d’un subalterne ou d’un pair : c’est la situation où le harceleur rend la vie difficile à celles ou ceux qui sont capables de travailler mieux qu’en leur hurlant dessus92.

La multitude des cas relevant de harcèlement moral témoigne de sa large admission dans les tribunaux. Cette interprétation extensive est risquée en ce qu’elle ouvre une voie à un possible abus. Limiter ce danger en restreignant et en structurant strictement le cadre juridique permettrait d’éviter tout à la fois un abus excessif, un détournement du sens initial, et une instrumentalisation du concept de harcèlement93 par les salariés prétendument victimes.

Leur démarche nous semble étonnante : pour quelles raisons entendent-ils largement le harcèlement moral ? Serait-ce dans l’unique but : la protection du salarié et de son statut précaire ? Cette interrogation trouve sa source dans le rapport de force entre employeur et salariés, lesquels doivent faire face à leurs responsabilités respectives.

91

CORNU (G.), Vocabulaire juridique, PUF, p. 837 : « plus objectivement, la conformité à la raison ; ce que révèle l’exercice de la faculté précédente ; ce que commande la compréhension des choses, l’intelligence des situations ; ce que suggère une conscience bien disposée (informée, claire et sereine) ; ce qui est conforme au bon sens : la sagesse même

92

RAVISY (P.), avocat au barreau de Paris, Le harcèlement moral au travail, Delmas Express, 2° éd.

93

CROZAFON (J-L.), « Risques psychosociaux et souffrance au travail », Semaine juridique, Droit social, n° 3

§2. L’étude du rapport de force Employeur-Salarié au regard de la lecture extensive du harcèlement moral

Au regard de l’effervescence autour du harcèlement moral, la politique d’amélioration de la santé du salarié menée par les magistrats (B) s’est réalisée au détriment des intentions et logiques patronales lesquelles ne sont, toutefois, pas systématiquement qualifiées de harcèlement moral (A).

A) Des intentions et logiques patronales non systématiquement qualifiées de harcèlement

La souffrance subie ou, du moins, la perception que la personne a de cette souffrance n’appartient qu’à elle. Tous les actes de l’employeur destinés à exercer ses pouvoirs de direction, contrôle et gestion ne sont pas automatiquement constitutifs de harcèlement, d’autant plus lorsqu’il n’a pas de véritable intention malveillante de harceler ses salariés94. Le plus souvent, il agit dans l’exercice normal des pouvoirs précités.

1. Adresser des observations ou des reproches justifiés

Lorsque l’employeur intervient dans les limites de sa compétence, le fait de faire des observations à ses salariés ne peut lui être reproché (remontrances justifiées par une insuffisance au travail, absences répétées, prétendu manque de reconnaissance, communication mal comprise

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Cass. Soc. 7 Juin 2011 : RJS 8-9/11, n° 656 – Rappr. Cass. Soc. 15 Novembre 2011 : JCP S 2012, 1061, 2ième esp., note LEBROGNE-INGELAERE (C.) : « le harcèlement moral peut être constitué indépendamment d’une volonté de harceler de l’employeur »

ou remarques mal perçues)95.

De plus, le harcèlement moral ne doit pas être confondu ni avec les reproches exprimés par un supérieur hiérarchique, avec les tensions épisodiques entre collègues ni avec un conflit né d’une différence d’approche d’une question d’ordre professionnel.

2. Engager une procédure disciplinaire justifiée

Engager une ou plusieurs procédures disciplinaires ne constitue pas nécessairement un harcèlement si la procédure peut être objectivement justifiée par la nature de la tâche à accomplir et la proportionnalité du but recherché96. De même, comme en juge, en 2003, le tribunal administratif de Marseille97, la maladresse de l’employeur peut aboutir à une dégradation du climat social sans pour autant être constitutive de harcèlement moral.

3. Charge excessive de travail justifiée

Ni le fait d’imposer une surcharge de travail ponctuelle à certains, ni une situation de tension liée à un contexte difficile ou aux fonctions exercées, ou encore, une dégradation des conditions de travail résultant des seuls impératifs de gestion ne peuvent être qualifiés de harcèlement moral.

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Cass. Soc. 17 Janvier 2013 : RJS 3/13, n° 193 : « le seul exercice du pouvoir de direction de l’employeur ne peut suffire à justifier des faits de harcèlement » ou Paris, 3 Avril 2003 : RJS 11/03, n° 1252, 3ième espèce : « l’absence d’un bureau, d’une ligne téléphonique et d’un ordinateur lors du retour d’une salariée d’un congé maternité ne s’analyse pas en un harcèlement moral mais constitue un manque d’égards de la part de l’employeur

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V. C. trav. Art. L. 1121-1 ; V. Cass. Soc. 9 Décembre 2009 : RJS 2/10, n° 148 : « ne peut s’analyser en agissement répétés constitutifs de HM, une décision de l’employeur de rétrograder un salarié, peu important, répondant aux protestations réitérées de celui-ci, il ait maintenu par divers actes sa décision. »

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Cela étant, les juges font primer dans un souci d’améliorer la situation de mal-être au travail des salariés, la subjectivité sur l’objectivité et ce, au détriment du statut patronal.