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UNE INTÉGRATION DU RAP DANS LA SOCIÉTÉ : LA RÉCUPÉRATION DE SES MYTHES ET STÉRÉOTYPES PAR LES

B. UNE RÉCUPÉRATION EFFECTIVE

2. Le « brand content »

3.1. Le rap en bande sonore

Parmi les degrés de récupération élevé inclus dans la tactique publicitaire globale, la présence de rap en bande sonore est le niveau le plus faible. Il se fait donc à un niveau linguistique, en lame de fond cela dit, et à un niveau musical, mais pas directement iconique, ou alors dans un cadre iconique suggestif et non démonstratif puisqu’il ne montre pas concrètement le rap. Dans l’exemple que nous avons choisi, un film publicitaire pour la marque Axe et un de ses produits qui est en l’occurrence un parfum, le rap est d’abord entendu dans la bande sonore puis son univers est suggéré et certains de ces stéréotypes sont récupérés.

L’univers du rap est suggéré à travers un stéréotype spatial, ce qui permet à la marque de s’associer sans trop s’associer, c’est à dire qu’elle permet, grâce au stéréotype de créer l’identification chez le public qui le percevra, tout en laissant indifférent tout autre public qui ne serait pas réceptif à ce stéréotype. On trouve ce stéréotype dans la substance iconique aux deux niveaux (nous avons segmenté la substance publicitaire en deux soit d’un côté le décor et de l’autre les protagonistes). La publicité montre d’une part un décor très urbain puisque la scène se déroule sur le toit d’un immeuble entouré par d’autres. D’autre part, les protagonistes de la publicité sont exclusivement de jeunes noirs. Par l’image, à travers la suggestion d’un décor spatial, la marque représente la cité pour s’adresser à ces populations. Si l’on se concentre sur la récupération première du rap dans ce spot, on constate que le morceau choisi commence par « s’élancer avec style, faire trembler le quartier », l’objectif de congruence au premier niveau, entre l’image et la voix, est atteint.

L’autre niveau de congruence n’est pas forcément atteint et ce n’est pas ce que cherche Axe. La marque souhaite, en récupérant le rap, récupérer certains de ces caractéristiques et s’y emploie par l’utilisation de stéréotypes utiles pour représenter le rap et y associer la marque dans un message positif. La scène du film publicitaire montre donc, sur fond de rap, de jeunes individus noirs sur le toit d’une cité qui font du roller après

que le protagoniste principal (Tom, il est nommé dans le spot) se soit parfumé. Ainsi, ce qui est récupéré dans ce spot, en plus du dynamisme de la forme artistique à travers la représentation d’une projection de la cible faisant du roller, c’est la performativité du rap (qui rappelons-le est un procédé d’expression qui fait qu’une action se réalise en l’énonçant). Cette récupération est savamment réalisée. En effet, lorsque l’on souhaite faire la promotion du parfum (qui est un objet éminemment performatif dans le sens où il suffit d’en appliquer pour qu’il remplisse sa fonction) auprès d’une cible jeune, récupérer le rap et sa performativité apparaît comme une évidence. À cela s’ajoute, sur le même principe de performativité, une pratique stéréotypique du rap, l’auto-congratulation (qui ne peut se passer du caractère performatif du rap sans quoi elle ne serait qu’arrogance et vantardise). Encore une fois, on constate une pertinence entre ce qui est récupéré et la marque et ses produits ou plutôt, ici, son idée publicitaire.

Axe développe un discours selon lequel les individus doivent trouver ce qui fait leur force, leur identité, leur unicité et que cet élément est en chacun d’entre nous (Axe appelle cet élément le « Magic » comme en témoigne la dernière signature publicitaire de la marque : « find your magic »). Elle se place en tant que partenaire permettant de trouver ce « magic » et de le revendiquer (dans le cadre de la nature des produits de la marque, elle oriente sur les cosmétiques et donc le « magic » prend souvent la forme d’une odeur pour créer le désir de parfum, d’une coupe de cheveux, pour créer le désir de cire…). De la même façon, le rap est un moyen de montrer, à travers la pratique de l’égotrip, que l’on a confiance en soi et que l’on est meilleur que les autres. Ici, jouer en fond sonore un morceau de rap égotrip et montrer des jeunes noirs dans un mouvement dynamique tout en adressant un discours sur la confiance en soi dans le cadre de la promotion d’un parfum apparaît là encore comme une évidence.

Ce qui est intéressant dans cette récupération est qu’elle est, nous l’avons dit, la moins élevée parmi les tactiques dites de publicité, mais elle est totale. La marque réussit à minimiser les risques d’être associée au rap de manière définitive car elle récupère le rap de manière subtile et récupère en lui des stéréotypes qui sont utiles et positifs aux deux parties. La marque gagne en dynamisme (en représentant de jeunes hommes faisant du roller), en performativité (en implémentant de la musique rap) et insiste sur son message de confiance en soi (en mettant parfum, performativité, rap, dynamisme au même niveau) sans s’enfermer dans le rap car elle montre une projection d’une de ses cibles, un « magic » en particulier (le dynamise) qui est en lien avec le rap et non une

association avec un artiste rap. Comme Calvin Klein, la marque Axe réussit à déployer une approche à la fois globale via le « magic » et spécifique via, les « magic » en particulier. Ici, le dynamisme signifié par la présence de rap dans la bande sonore du film publicitaire.