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CHAPITRE II : LE MODELE CONCEPTUEL ET LES HYPOTHESES DE RECHERCHE

2. Les hypothèses de recherche

2.4 Le rôle modérateur de la structure de marché

Notre contribution dans cette thèse est de montrer que la satisfaction constitue une variable médiatrice dans la relation entre F&A et performance de l’entreprise. En d’autres termes, une F&A est plus à même d’améliorer la performance quand elle améliore un résultat opérationnel qui est le niveau de satisfaction des clients de l’entreprise. Cependant, cette amélioration de la satisfaction n’est pas généralisable. Elle dépend en partie des caractéristiques du secteur de l’entreprise impliquée dans la F&A. Plus précisément, nous considérons qu’une fusion/acquisition est beaucoup plus susceptible d’influencer le niveau de satisfaction des clients dans des contextes où les managers de l’entreprise disposent d’une latitude (marge de manœuvre) pour satisfaire les attentes des clients.

Dans des contextes où l’entreprise dispose d’une marge de manœuvre plus réduite, une fusion/acquisition aura un impact plus faible ou non significatif sur le niveau de satisfaction. Cette argumentation est fondée sur la théorie de la discrétion managériale de Hambrick and Finkelstein (1987). Selon cette théorie, l’impact des managers sur la performance de l’entreprise dépend de leur latitude d’action. Ce degré de discrétion résulte de facteurs spécifiques.

Dans la théorie de la discrétion managériale, certains contextes offrent une latitude plus grande aux managers que d’autres. Dans ces contextes, l’impact managérial sur la performance est plus grand. Cette théorie a des implications sur la capacité d’une opération de fusion/acquisition à influer sur le niveau de satisfaction des clients. Hambrick and Finkelstein,

39 La mémoire organisationnelle se définit comme l’ensemble des connaissances, du savoir-faire stocké dans une

(1987) considèrent que les caractéristiques sectorielles influencent le niveau de discrétion dont disposeront les managers dans un secteur. Nous étudions trois des caractéristiques sectorielles les plus étudiées dans la littérature à savoir : (1) l’intensité concurrentielle, (2) l’intensité en R&D et (3) l’intensité capitalistique.

2.4.1 Le rôle modérateur de l’intensité concurrentielle

Un marché est concentré lorsqu’un petit nombre d’entreprises partagent l’essentiel des ventes. Les entreprises opérant dans un secteur concentré sont peu motivées à améliorer la qualité de leur offre pour satisfaire les clients malgré le fait qu’elles disposent de moyens pour le faire (Fornell and Robinson, 1983). Il apparaît ainsi une relation négative entre le degré de concentration du marché et la satisfaction des clients (Fornell, 1992). Les marchés concentrés sont en effet composés d’entreprises puissantes capables de contraindre les actions stratégiques de leurs concurrents (Tirole, 1988).

Du point de vue de la théorie de la discrétion managériale, cela signifie qu’un marché concentré est un marché à faible discrétion managériale dans la mesure où les dirigeants et les clients ont peu de choix. Toutefois, on peut alternativement penser que dans un marché concentré, les managers disposent d’une plus grande discrétion dans la mesure où les entreprises sont généralement de grande taille et peuvent ainsi créer leurs propres options stratégiques (Finkelstein and Boyd, 1998).

En effet, dans une économie efficiente, le degré de concentration d’un marché peut résulter des efficiences historiquement réalisées par les entreprises (Demsetz, 1973). Dans ce cas, les entreprises restant dans le secteur sont peut-être celles qui ont pu offrir de meilleures prestations que leurs concurrents. Cette idée est validée par Gruca and Rego, (2005b).

Anderson et Ngobo (1999) montrent que le degré de concentration du marché influence positivement le niveau de satisfaction. Gruca et Rego (2005b) ont par exemple observé que le lien entre satisfaction des clients et croissance des cash-flows était plus marqué dans les secteurs concentrés contrairement aux secteurs concurrentiels.

Nous considérons donc qu’un marché concentré offre une plus grande marge de manœuvre aux managers. Plus précisément, la satisfaction des clients est plus facile à réaliser

car les entreprises disposent généralement d’une taille suffisante (économies d’échelle) pour se créer des options stratégiques à moindre coût (Boulding and Staelin, 1993). Une fusion/acquisition est donc susceptible d’améliorer l’efficience opérationnelle dans un marché concentré où les entreprises sont déjà de grande taille et efficientes plus que dans un marché concurrentiel.

Dans un marché concurrentiel, les clients disposent de plusieurs alternatives et peuvent faire des comparaisons. Les entreprises sont certes motivées pour améliorer la qualité de leurs offres ainsi que la valeur perçue par les clients mais le coût d’une telle amélioration devrait être plus élevé. L’entreprise devrait donc consacrer des efforts plus importants pour que son offre soit remarquée.

Dès lors, nous supposons que l’efficience opérationnelle issue d’une F&A sera plus facile à réaliser par des entreprises qui évoluent dans des secteurs concentrés plus que dans des secteurs concurrentiels. Par conséquent, l’impact d’une F&A sur la satisfaction des clients sera plus important au fur et à mesure que le degré de concentration du marché augmente. Ainsi, nous formulons l’hypothèse suivante :

H2 : L’impact d’une fusion/acquisition sur le niveau de satisfaction des clients augmente avec le degré de concentration du secteur de l’entreprise acquéreuse.

2.4.2 Le rôle modérateur de l’intensité en Recherche et Développement (R&D)

La R&D peut améliorer le niveau de satisfaction des clients de deux manières (Porter, 1985). Primo, la R&D permet d’améliorer la qualité des produits/services existants. Elle permet également de développer de nouveaux produits et services innovants capables de mieux répondre aux besoins/attentes des clients (Product R&D). La R&D peut dès lors augmenter le niveau de satisfaction des clients à travers la différenciation. Secundo, la R&D permet d’améliorer et/ou de développer de nouveaux procédés de production. Elle permet ainsi à l’entreprise de produire de manière plus efficiente et de vendre moins cher (Process R&D).

Cependant, les investissements en matière de R&D produisent généralement des résultats avec un certain retard malgré l’importance des sommes investies. Pour demeurer

rentables, les entreprises pourraient être amenées à augmenter le niveau des prix afin de couvrir les dépenses en R&D. Dans les secteurs à forte intensité en R&D, les clients sont généralement sensibles à la nouveauté. Ils sont friands d’innovations et c’est d’ailleurs ce qui incite les entreprises à se lancer dans la R&D. Par conséquent, l’efficience opérationnelle obtenue grâce à une F&A (création de synergies en matière de R&D) peut permettre aux entreprises d’atteindre beaucoup plus facilement et à moindres coûts les objectifs assignés à leurs projets de R&D.

Sur le plan empirique, les recherches faites sur un échantillon de 50 000 opérations de F&A de 1990-1999 montrent que ces opérations contribuent à améliorer l’utilisation efficiente des dépenses en R&D, ce qui influence l’investissement dans la technologie (Bertrand and Zuniga, 2006). En Chine, les recherches montrent que les F&A internationales ont permis d’importer la technologie et d’augmenter les dépenses en R&D, ce qui a contribué à l’amélioration de l’innovation dans la technologie de pointe (Liu and Zou, 2008).

Une F&A constitue donc un moyen permettant à une entreprise évoluant dans un secteur à forte intensité en R&D d’améliorer la satisfaction de ses clients. En combinant les efforts (moyens financiers et humains), la F&A permet à l’entreprise acquéreuse d’atteindre plus rapidement et à moindre coût ses objectifs de R&D. En atteignant plus rapidement et à moindre coûts ses objectifs de R&D, elle sera capable d’améliorer la valeur perçue de ses clients, notamment les bénéfices-produit et possiblement le prix d’achat. Pour cela, nous faisons donc l’hypothèse suivante :

H3 : L’effet d’une F&A sur le niveau de satisfaction des clients sera plus marqué (positif) à mesure que l’intensité en R&D dans le secteur de l’entreprise acquéreuse augmente.

2.4.3 Le rôle modérateur de l’intensité capitalistique

Un secteur à forte intensité capitalistique se caractérise par des entreprises disposant d’importants actifs fixes. Des machines et/ou des équipements lourds contribuent énormément à la réalisation du chiffre d’affaires de l’entreprise (Elmasr et al., 2007a). Ce sont généralement des entreprises à faible intensité en main d’œuvre. L’intensité capitalistique est un indicateur

du niveau des barrières à l’entrée dans un secteur, car l’investissement dans ce secteur nécessite des sommes colossales difficilement accessibles pour les investisseurs. Les entreprises évoluant dans des secteurs à forte intensité capitalistique recherchent la réduction des coûts et donc l’amélioration de l’efficience opérationnelle. Elles réduisent les prix pour attirer un grand nombre de clients afin de pouvoir réduire le coût unitaire. Leur rentabilité dépend beaucoup de l’utilisation de la capacité de production.

Une F&A permet alors à une entreprise opérant dans ce secteur de réaliser des économies d’échelle à travers le désinvestissement d’une partie de l’actif fixe et l’utilisation optimale des machines de deux entreprises impliquées dans la F&A. Par exemple, la cession des machines trop gourmandes en matière d’énergie et polluantes pour les remplacer par celles modernes et écologiques souvent vendues avec des réductions financières intéressantes. D’ailleurs, Capron, (1999) montre que, lors d’une F&A horizontale, la cession d’une partie de l’actif fixe de l’acquéreur permet de réduire des coûts (cost savings-cost based synergies) et par conséquent, permet d’améliorer la performance des entreprises impliquées.

Si la F&A améliore l’efficience opérationnelle de l’entreprise acquéreuse, Alors nous supposons que cette amélioration sera plus importante pour les entreprises évoluant dans des secteurs à forte intensité capitalistique que dans des secteurs à forte intensité en main d’œuvre. Ainsi, nous formulons l’hypothèse suivante :

H4 : L’effet d’une F&A sur le niveau de satisfaction des clients sera plus marqué (positif) à mesure que l’intensité capitalistique du secteur de l’entreprise acquéreuse augmente.