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5.3 L'intervention des équipes des urgences psychiatriques et

5.3.1 Le rôle des intervenants des urgences psychiatriques

De façon générale, les intervenants des équipes des urgences psychiatriques, particulièrement les psychiatres, rappellent que leur mandat consiste à répondre à des situations de crise de nature psychiatrique, c'est-à-dire à des personnes aux prises avec un problème psychiatrique aigu, sérieux et relativement nouveau, et à évaluer le degré et la qualité de l'urgence. Un intervenant précise :

C'est lui [le psychiatre] qui doit évaluer l'état d'urgence de donner les soins immédiats ou non... Si le patient arrive en crise aiguë, le psychiatre n'a pas d'autre choix que de le garder, ou bien il le garde sur une base volontaire ou il le met en cure fermée parce que son jugement est altéré, il ne peut penser correctement.

La principale difficulté des intervenants des urgences psychiatriques vient de la nature des cas qui sont référés et des limites de la psychiatrie à l'endroit des patients récalcitrants :

[...] j'ai tendance à ne pas insister s'ils [les vieux schizophrènes] ne me demandent rien de particulier, je vais les laisser sortir, parce que c'est futile. Si je trouve qu'il n'est pas malade ou que c'est une maladie pour laquelle je ne peux [rien] faire, je vais dire non.

[...] je me dis comme médecin, il me semble que je devrais lui apporter quelque chose pour qu'il soit moins délirant, moins halluciné, pour ne pas apeurer tout le monde tout le temps. Il n'était pas demandeur de rien. Je ne pouvais pas forcer un traitement parce que là il n'était pas dangereux, il était certainement bizarre mais il n'était pas dangereux.

[...] on se sent un peu démuni face à tout ça, parce qu'on sait pas trop l'aide qu'un hôpital psychiatrique peut leur apporter compte tenu qu'ils ne présentent pas nécessairement des gros cas sévères de psychiatrie, c'est souvent des problèmes d'ordre comportemental ou des troubles de personnalité... Je ne pense pas qu'on soit équipé pour apporter le suivi nécessaire à ces gens-là. C'est toujours une intervention immédiate qu'on fait puis à tour de rôle...

Ceci soulève la question des soins psychiatriques réguliers, notamment ceux dispensés par le service de consultation externe de l'hôpital :

Ça va assez bien pour les personnes qui ont besoin d'être hospitalisées parce qu'on les garde, on s'en occupe... mais c'est les gens qui auraient seulement besoin de rendez-vous rapides, en général ces gens-là on ne leur offre pas ces rendez-vous, on leur dit voici une médication pour deux semaines, trois semaines, un mois, vous allez à telle ressource d'hébergement, eux vous prennent en charge... Et là, il y a un problème dans le système, [on] aide mal ces gens-là.

Les intervenants soulignent aussi qu'en plus de leur mandat, le cadre de l'urgence impose des contraintes strictes qui ajoutent aux difficultés liées à la clientèle :

[...] c'est un contexte d'urgence, t'as 24 heures, puis là de plus en plus les normes ministérielles nous obligent à décider dans l'espace de 8 ou 12 heures. Donc il faut que tu coures au plus pressant. Si c'est pas le candidat idéal pour aller faire une descente chez McDonald, tu le laisses partir.

[...] pour ces gens-là qui ne demandent rien, qui nous sont tombés dessus tout à fait au hasard, qui vont probablement être ailleurs un autre tantôt, puis qui représentent 1% de nos clients à part ça, il y a d'autres chats à fouetter, c'est aussi simple que ça.

De plus les intervenants des urgences considèrent que l'urgence psychiatrique n'a pas à s'occuper des patients chroniques connus qui ne viennent pas à leurs rendez-vous en consultation externe ni des cas de toxicomanie qui devraient être pris en charge par les services de toxicomanie. Ils ont beaucoup insisté sur le problème de recevoir ce type de cas à l'urgence psychiatrique : “ lorsqu'elles ont un double diagnostic clair et quand le centre de désintoxication dit que quelqu'un est suicidaire, c'est comme une patate chaude, personne ne veut la tenir trop longtemps et nous disons que nous pensons que le problème primaire est l'abus de drogues et d'alcool ”.

Le problème de l'intervention auprès de ces patients alcooliques et des toxicomanes se pose clairement. Les intervenants reconnaissent qu'il s'agit d'une grande partie de la clientèle qui leur est amenée et que l'hôpital a peu de services à leur offrir :

17 La majeure c'est l'alcoolisme et la toxicomanie. Sauf que ces cas-là, c'est pas encadrable, c'est très difficile à suivre pour un hôpital de courte durée comme le nôtre... Ce qui limite, c'est l'incapacité de suivre le bénéficiaire. C'est là notre lacune profonde, parce qu'on est incapable de savoir ce qui arrive à cet individu là par la suite. Tu sais même pas d'où il vient, où il va, qu'est-ce qui va lui arriver demain... C'est la porte tournante, une semaine c'est nous autres, l'autre semaine c'est un autre.

Le problème de l'accès aux soins et celui de la disponibilité des ressources ressortent :

Quand les gens sont sous l'effet de la drogue ou de l'alcool, la psychiatrie ne veut pas vraiment les toucher tant qu'ils ne seront pas désintoxiqués. Puis ils ne veulent pas se faire désintoxiquer, ça fait qu'ils sont jamais suivis cette population-là.

Quand leur problème psychiatrique ou leur itinérance est jumelé à un problème de toxicomanie, ça devient très très difficile parce qu'il n'y a pas de ressources pour ces gens-là. On a beaucoup de difficultés à les faire admettre sur les unités d'admission dès qu'il y a un problème de toxicomanie...

Le polytoxicomane qui a des troubles de comportement en plus, qui n'est pas nécessairement psychiatrique, mais qui a des fichus troubles d'adaptation, de comportement, ça fait tellement peur puis finalement il y a personne qui ose s'approcher d'eux autres. C'est peut-être ceux-là qui sont les plus vulnérables puis qui auraient le plus besoin sauf que c'est difficile de mettre autour de ces gens-là une structure et des services souples.

Il faut également se rappeler que les patients dont parlent les intervenants des urgences psychiatriques sont ceux qui leur ont été référés par l'urgence générale dans le cas de douze des quatorze hôpitaux. Pour ces références, chaque hôpital développe sa dynamique et ses façons de faire particulières compte tenu des intervenants en place, de l'expérience passée, des attitudes plus ou moins interventionnistes face à cette clientèle. Ainsi, un psychiatre nous a expliqué qu'il lui arrive régulièrement de refuser de voir un patient référé par l'urgentologue après étude du dossier s'il juge qu'il ne peut rien faire dans son cas. Il donne l'exemple d'une personne qui refuse habituellement de collaborer aux traitements. Une autre équipe s'interroge sur l'influence qu'ont leurs exigences à l'égard de l'urgentologue :

We, maybe, miss some because they don't get referred to psychiatry, because we have worked very hard at getting the emergentologist, when they ask for a consultation in psychiatry, to have some kind of a question to ask of us. So they may decide themselves the guy is a drug addict and a bum and they say psychiatry is going to say what do you want us to do? and they will get sent out.

Nous avons aussi demandé aux équipes des urgences psychiatriques quels besoins ils identifient chez ces patients lors de leur évaluation. Les principaux sont des besoins d'hygiène, d'encadrement, d'hébergement et de soins psychiatriques et de désintoxication.

[...] je dirais la moitié ont besoin de traitement psychiatrique qui passe par une hospitalisation. Alors on va offrir l'hospitalisation à ces gens-là. De ceux-là, facilement la moitié vont signer un refus de traitement et on va les laisser partir... Pour tous, il y a un problème d'hébergement qui est pas stabilisé. Le cas le plus classique ce sont des schizophrènes chroniques qui ont déjà été suivis à d'autres hôpitaux mais qui n'ont plus de suivi nulle part, alors ceux-là on les hospitalise et on prend sur nous de les placer en famille d'accueil ou faire quelque chose à la sortie.