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Comment expliquer la distance entre cette évaluation très positive de la majorité des 14 équipes des urgences et le bilan mitigé du travailleur social qui réalisait l'intervention? Ce dernier, comme promoteur du projet, avait au départ de grandes attentes face à l'utilisation des services par les équipes des urgences. À la fin du projet, il réagit d'abord au peu d'ampleur de l'utilisation des services offerts dans le cadre du projet-pilote de maillage, notamment à la faible demande d'“ interventions directes ” et il tient moins compte des demandes plus “ légères ” comme les demandes de renseignements. Il est exact que chacune des équipes a utilisé les services du travailleur social relativement peu fréquemment et surtout pour des demandes de renseignements. Cependant, pour apprécier les résultats de l'expérimentation, il importe de la situer dans le temps. À partir de la présentation plus formelle des services offerts aux équipes des urgences, lors du troisième cycle, chaque équipe n'a assuré que deux semaines de garde. D'autre part, nous savons qu'en moyenne le nombre de personnes itinérantes référées à l'urgence psychiatrique durant cette semaine est relativement peu élevé et que le projet restreignait celui-ci par la définition de sa population-cible. Interrogé au sujet de son bilan à la fin du projet, le travailleur social explique aussi sa perception du peu d'impact significatif de l'expérience sur les équipes des urgences

15 psychiatriques par l'importance déterminante du contexte du fonctionnement de ces urgences. Limites pressantes de temps (délai maximum, équipe de surveillance des urgences), contraintes multiples dont font état les entrevues de la 1ère partie du rapport (manque de renseignements, contraintes légales dans le cas de non consentement, frais considérables pour obtenir une cure fermée, manque de lits, etc.) et structure du système qui fait en sorte que les urgences reçoivent beaucoup de patients mais réfèrent peu et sont peu reliées aux autres ressources et services existants.

Quant aux deux tiers des répondants, l'intérêt dont ils font preuve pour le maillage et son suivi repose peut-être sur l'importance qu'ils accordent à l'amélioration de leur connaissance du milieu de l'itinérance, aux contacts qu'ils ont pu y développer et sur une appréciation qui dépasse l'expérience limitée de leurs deux ou trois semaines de garde. Ainsi, dans un commentaire final, un répondant affirme : “ le partenariat est sans aucun doute la porte de sortie pour le futur et il n'y aura jamais assez de ressources disponibles pour pallier aux problèmes sans cesse grandissants et diversifiés de notre clientèle ”. Il poursuit en reprenant le questionnement sur le système des urgences psychiatriques de garde dont font état les entrevues réalisées dans le cadre de la recherche :

Une semaine de garde par trois mois pour nos urgences contribue certes à les désengorger mais elle ne règle en rien la prise en charge et le suivi de ces patients, ce qui nous engouffre dans un cercle vicieux de services limités qui ne prend pas en charge la clientèle cible. Si tous étaient pris en charge dès le début, il n'y aurait pas d'engorgement des urgences car le taux d'itinérants diminuerait considérablement à mon avis.

Ce commentaire nous renvoie donc à la problématique d'ensemble et aux conclusions de la recherche. Face aux difficultés rencontrées pour desservir la clientèle itinérante, les solutions avancées par les intervenants appellent d'abord à une réorganisation des services d'urgence psychiatrique. Une organisation qui accordera sans doute un rôle significatif à une équipe spécialisée oeuvrant dans la communauté et à la nécessaire collaboration sinon à la coordination entre les dispensateurs de services. Malgré ses avantages, le maillage dans le cadre actuel ne peut contribuer significativement à réduire l'utilisation dysfonctionnelle des urgences, la discontinuité des services et l'absence de suivi tel que l'Équipe Itinérance le souhaitait au point de départ. Il représente certes une piste utile sinon indispensable pour améliorer les services aux personnes itinérantes souffrant de troubles mentaux sévères et persistants et pour concrétiser une collaboration entre ses dispensateurs mais il ne saurait dispenser d'une révision de l'organisation du système de soins d'urgence psychiatrique tel que nous l'avons vu dans la première partie du rapport.

CHAPITRE 8

LE CASE MANAGEMENT

Le deuxième projet-pilote se rapporte au case management (gestion de cas) auprès de personnes itinérantes atteintes de troubles mentaux sévères et persistants, dans un état tel qu'elles ne peuvent satisfaire leurs besoins fondamentaux et s'assurer de recevoir les soins que leur condition requière. Dans cette partie du texte, nous donnons d'abord un aperçu des objectifs que poursuit l'équipe du case management et de son fonctionnement général. Ensuite, nous présentons une courte recension des écrits sur l'outreach et sur des modèles de case management que l'on retrouve surtout dans les écrits américains. Puis, nous décrivons la méthodologie utilisée, l'analyse du processus de case management auprès de certains clients à partir des journaux de bord tenus par le case manager, les données sur la condition physique et psychosociale des personnes itinérantes suivies par l'équipe du case management, ainsi que l'opinion de l'équipe du projet-pilote et des intervenants des ressources et des services d'urgence sur tout le processus. Enfin, nous présentons les grandes lignes qui devraient guider l'élaboration d'un modèle de case management applicable aux personnes itinérantes souffrant de troubles mentaux sévères et persistants.

Pour faciliter la compréhension du texte, il sera question parfois de l'Équipe Itinérance du CLSC des Faubourgs qui comprend deux travailleurs sociaux, deux infirmières, un médecin, une secrétaire, un coordonnateur et des psychiatres-consultants à temps partiel. L'équipe du projet- pilote de case management fait référence à deux personnes : un infirmier et un travailleur social à temps partiel travaillant en étroite collaboration avec un psychiatre-consultant de l'Équipe Itinérance. Leur rôle est expliqué ci-dessous. Il faut préciser que nous centrons notre analyse sur l'équipe du projet-pilote mais qu'en réalité l'Équipe Itinérance est omniprésente. Ses membres interviennent constamment avec et pour les membres de l'équipe du projet qui constitue en réalité une partie intégrante de cette grande équipe. En effet, les deux intervenants (travailleur social et infirmier) engagés pour réaliser le projet font partie de l'Équipe Itinérance et ils y sont remplacés durant la période de temps consacré au projet.