• Aucun résultat trouvé

Le processus traductionnel : connaissances et compétences impliquées

Chapitre II : Le processus de traduction humaine

II.2 Le processus traductionnel : connaissances et compétences impliquées

Comme nous l’avons vu en phase d’analyse des modèles de compétence traductionnelle proposés par le groupe PACTE et le groupe EMT, le processus traductionnel se caractérise par une grande variété de connaissances et de compétences spécifiques et génériques impliquées dans chaque phase de l’opération traduisante.

Dans ce paragraphe nous allons analyser cette richesse de connaissances et de compétences en

faisant référence aux études neurolinguistiques de Michel Paradis133 sur le bilinguisme et la

traduction afin de regarder de plus près ce que l’on entend par complexité propre au processus

traductionnel.

Dans sa préface à l’ouvrage Declarative and Procedural Determinants of Second Languages

(2009), Paradis illustre les sous-systèmes neuro-fonctionnels indépendants qui collaborent au sein du système neurocognitif de représentation et de traitement de la communication verbale, en faisant référence à sa théorie neurolinguistique du bilinguisme, présentée en 2004. Ces sous-systèmes incluent la « compétence linguistique implicite », la « connaissance métalinguistique explicite », la pragmatique linguistique, la prise de conscience, l’automaticité, la motivation. En 2009, ces concepts sont repris par l’auteur dans son ouvrage sur les déterminants déclaratifs et procéduraux en langue seconde aux fins d’une mise en relation de ces concepts avec les implications concernant l’appropriation, la représentation et le traitement neurolinguistique d’une langue seconde.

133 Paradis M. (2004), A Neurolinguistic Theory of Bilingualism, Studies in Bilingualism, 18, John Benjamins Publishing Company, Philadelphia, pp. 299.

Paradis M. (2009), Declarative and Procedural Determinants of Second Languages, Studies in Bilingualism, 40, John Benjamins Publishing Company, Philadelphia, pp. 219.

107

La traduction étant un processus qui implique la gestion de deux langues dont normalement une langue maternelle et une langue seconde, dans des conditions de bilinguisme qui varient d’un traducteur à l’autre sur la base de sa formation et de son expérience personnelle et professionnelle, nous allons reprendre les concepts illustrés par Paradis dans son ouvrage de 2009 afin de les mettre en relation avec les spécificités du processus traductionnel en tant que processus de médiation bilingue.

Dans sa définition des composants de la communication verbale (2009 : X), Paradis illustre les éléments suivants :

ƒ la compétence linguistique : phonologie, morphologie, syntaxe, lexique ;

ƒ la connaissance métalinguistique : la connaissance consciente des faits de langue utilisée

pour monitorer le résultat de phrases longues et complexes, notamment dans un contexte formel ;

ƒ la compétence pragmatique : la capacité de déduire le sens à partir du contexte discursif

et circonstanciel, de phénomènes paralinguistiques et de connaissances générales, mais aussi la capacité d’utiliser la langue de manière efficace afin d’obtenir un résultat spécifique ;

ƒ la motivation : le désir d’apprendre une langue pour communiquer.

L’auteur continue en définissant le substrat neuronal spécifique à chacun des éléments indiqués afin d’expliquer comment les différentes méthodes d’enseignement d’une langue seconde peuvent déterminer de formes diverses d’acquisition de la langue : la compétence linguistique implicite est soutenue par la mémoire procédurale, la connaissance métalinguistique par la mémoire déclarative ; la pragmatique est associée essentiellement à des aires de l’hémisphère droit. Le degré de motivation peut influencer la réussite dans l’appropriation et l’usage de la langue :

« To the extent that the teaching of L2 is formal, it will involve the learner’s declarative memory (and result in metalinguistic knowledge) ; to the extent that it provides motivation, it will engage the dopaminergic system (and improve performance in both learning and acquisition); to the extent that it is communicative, it may involve procedural memory (and result in some implicit linguistic competence). Practice will either speed up controlled processing or promote implicit competence (or both, to different extents and at different times) » Paradis (2009: X)

D’après la description de l’auteur, la compétence linguistique implicite (CLI) peut être acquise à travers une approche communicative et par le moyen de la pratique. La pratique, d’ailleurs, peut accélérer les processus langagiers contrôlés, tandis qu’une approche didactique formelle ne

108

contribue qu’à l’activation de la mémoire déclarative pour l’acquisition de connaissances métalinguistiques explicites (CME).

Cette double dimension « explicite/implicite » représente un élément-clé dans l’appropriation, l’usage et la perte éventuelle d’une langue, d’après l’auteur. Dans le cadre de l’étude neurolinguistique du bilinguisme, la CLI correspond à la représentation cérébrale d’un ensemble de procédures computationnelles que l’on ne connaît pas complètement aujourd’hui. La CLI est stockée de manière implicite et utilisée de manière automatique, on ne peut pas contrôler consciemment son utilisation puisque nous ne sommes pas conscients de sa structure, il s’agit de procédures systémiques que l’on ne peut pas contrôler consciemment.

Tout en coexistant, la connaissance métalinguistique explicite (CME) diffère par nature et utilisation de la CLI : la CME est consciemment contrôlée, elle s’appuie sur la mémoire déclarative, la vitesse de son utilisation est variable puisque l’on peut, en pratiquant, régler le degré de contrôle de la prestation langagière. Il faut noter, donc, que ce qui est acquis comme CLI ne peut pas être perçu par le locuteur : le locuteur est conscient seulement du résultat des procédures computationnelles qui soutiennent la CLI, non pas des procédures en elles-mêmes.

Sur la base des informations fournies par Paradis, nous proposons de suite une synthèse schématique de la différence essentielle entre « compétence » et « connaissance » :

Compétence Connaissance

« Savoir comment » « Savoir que »

Mémoire procédurale Mémoire déclarative

Tableau 6. Compétence et connaissance.

Il est intéressant de noter la différence illustrée par Paradis entre ce qu’il appelle « lexicon » par rapport à ce qu’il définit « vocabulary » (2009 : 17). Cette différence porte sur la nature des deux

informations lexicales ainsi que sur l’usage de celles-ci134. L’auteur explique que le « vocabulary »

134 La différence soulignée par Paradis met en lumière une position proprement neurolinguistique, ce qui ne correspond pas exactement à la distinction opérée par la pédagogie des langues entre « lexique » et vocabulaire » qui attribue un caractère général au premier et spécialisé au deuxième. Voir par exemple la distinction présentée par Picoche Jacqueline dans son article « Lexique et vocabulaire : quelques principes pour l’enseignement à l’école », éduscol, Ressources pour

l’école primaire, 2011, pp. 4

http://cache.media.eduscol.education.fr/file/Dossier_vocabulaire/14/4/Jacqueline_Picoche_111202_avec_couv_201144. pdf

« […]LEXIQUE l’ensemble des mots faisant partie de la “langue française” (qu’aucun dictionnaire connu n’a jamais complètement rassemblés) et VOCABULAIRE un sous-ensemble du lexique, les mots employés par un individu donné ou utiles à être par lui connus pour exprimer ce qu’il a besoin d’exprimer dans sa vie courante. En ce sens, dans

109

est ce que l’on apprend à l’école ou que l’on trouve dans les dictionnaires, il s’agit de listes de mots associés à leurs significations, par exemple. En revanche, le « lexicon » est ce que l’on acquiert à travers l’usage, la rencontre directe des mots dans de différents contextes phrastiques. Leurs propriétés morphosyntaxiques implicites sont assimilées à l’intérieur de la compétence linguistique, tout comme leurs propriétés syntaxiques. Les locuteurs natifs acquièrent le « lexicon » et plus tard à l’école ils apprennent de nouveaux mots avec leurs sens associés. Les apprenants d’une langue seconde (L2) normalement apprennent avant tout des connaissances sur le « vocabulary », et ensuite ils acquièrent le « lexicon » en apprenant de manière explicite, du moins en partie, les propriétés syntaxiques des mots. Ceci explique pourquoi, comme suggéré par l’auteur, la plupart des apprenants L2 possèdent un certain nombre d’associations (« son-signification » ou bien « forme écrite-signification ») mais ils n’ont pas de compétence dans l’utilisation des propriétés syntaxiques de ces mots.

La différence entre « lexicon » et « vocabulary » confirme, donc, la distinction entre ce qui, du point de vue neurolinguistique, appartient aux connaissances ou bien aux compétences langagières

chez un locuteur.

Comme on a pu l’observer dans les définitions de CLI et de CME, l’ « implicite » et l’ « explicite » se distinguent l’un de l’autre non seulement par rapport à leur association avec la « compétence » ou la « connaissance », mais aussi sur la base de la nature du processus concerné et de son appartenance à l’un des deux pôles opposés : soit « automatique/subconscient/procédural » soit « contrôlé/conscient/déclaratif ».

Paradis affirme dans son ouvrage l’absence de continuïté entre ces deux pôles, en expliquant que : « In fact, there is no continuum between implicit competence and explicit knowledge, declarative memory and procedural memory, incidental acquisition and attentional learning, or automatic and controlled processing. Processing is either automatic or controlled. Controlled processing may be speeded-up but it remains qualitatively different from automatic processing (which admits of no degree of conscious control whatsoever and is subserved by different neural structures). Conscious control may be involved in deliberate decision to initiate an automatic process, but it is not involved in the processing itself » Paradis (2009 :26)

Il existe donc une autre opposition à clarifier, c’est-à-dire celle entre « acquisition accidentelle » et « apprentissage attentionnel ». Paradis affirme, en effet, (2009 : 27) que l’acquisition accidentelle a lieu en l’absence d’attention ou d’observation, tandis que l’apprentissage délibéré exige nécessairement de l’attention envers ce que l’on apprend. Il peut y avoir, d’ailleurs, différents degrés d’attention au contenu à apprendre dans de contextes divers, mais il ne peut pas y avoir

l’enseignement secondaire, les professeurs de français ne sont pas les seuls à enseigner du “vocabulaire”, tous leurs collègues, chacun dans sa spécialité, en enseignent aussi. » Picoche (2011 :1).

110

d’acquisition accidentelle puisque ce que l’on acquiert n’implique pas que l’on se focalise sur son contenu ; tout comme ce qui se passe lorsque un enfant acquiert de premières informations que l’on associe à la grammaire, mais qui en fait correspondent à des procédures computationnelles implicites.

D’après l’auteur (2009 : 27-28), lorsqu’un processus est automatique, celui-ci sera soutenu par la mémoire procédurale, différemment d’un processus contrôlé qui sera soutenu par la mémoire déclarative. Cette dernière permet donc la mise en pratique consciente de règles (langagières) explicites, tandis que la première soutiendra les procédures computationnelles implicites subconscientes. Ces procédures ne sont pas simplement des opérations plus rapides que les règles explicites. On a beau accélérer le traitement de ces règles, ce traitement ne s’automatise pas. Ce qui est intéressant d’ailleurs c’est que, bien que « procédural » et « déclaratif » soient constitués par deux systèmes neurolinguistiques distincts, ces deux systèmes peuvent être utilisés avec de degrés différents, en parallèle ou bien de manière séquentielle, ce qui ne change pas pour autant la nature explicite des connaissances déclaratives et la nature implicite des compétences procédurales.

Paradis définit ensuite le phénomène neurolinguistique de la commutation interlinguistique (« switching ») (2009 : 69) comme passage entre le soutien des prestations langagières opéré par les connaissances explicites et le soutien qui est fourni par la compétence implicite. À travers la pratique de la langue, le locuteur peut en effet s’appuyer progressivement sur le soutien opéré par la compétence implicite. Il arrive également que, lorsque la compétence implicite d’un locuteur ne suffit pas à communiquer son message, il se sert de la commutation pour s’appuyer sur ses connaissances explicites afin d’encoder consciemment la partie problématique de son message. Paradis insiste sur l’absence d’une véritable interface (ce qui par contre est déclaré par Ellis dans

ses études135) entre connaissances explicites et compétences implicites puisque les deux font parties

de systèmes neurolinguistiques différents qui ne peuvent être ni reliés ni mis en communication.

Toutefois, les données citées aussi bien par Paradis que par Ellis à partir de Frackowiak136 sont

compatibles avec l’idée que ce qui est appris peut devenir automatique à travers la pratique, qui est soutenue par un mécanisme neuronal encore différent :

« The medial temporal lobes are very active early in training ; and later, through practice, subcortical structures (the striatum and other basal ganglia) take over. In other words, the use of the procedural system (acquired incidentally) replaces that of the declarative. Neuroimaging studies have also shown activation in the hippocampal system

135 Ellis, N.C. (2005), At the interface: Dynamic interactions of explicit and implicit language knowledge. Studies in Second Language Acquisition, pp. 305-352.

136 Frackowiak, R.S.J., Friston, K.J., Frith, C.D., Dolan, R.J., Price, C. J., Zeki, S., et al. (Eds), Human brain function

111

(parahippocampal gyri and mesial temporal lobes) in early stages of L2 learning; then, when native-like proficiency has been achieved, the activation occurs in areas associated with procedural memory – the classical perisylvian language areas […] Experience-induced changes are illustrative of the shift from reliance on one system (explicit, declarative) to another (implicit, procedural) » Paradis (2009 : 70)

L’auteur s’arrête, d’ailleurs, sur la définition de compétence « implicite » comme compétence « non observable de manière consciente » : il affirme (2009 : 70-71), en effet, que les linguistes

peuvent seulement déduire l’existence d’un système subjacent constitué par des règles, à partir de

l’observation de productions langagières régulières. Pourtant, ces productions cachent des procédures implicites qui restent inobservables. Au contraire, c’est la fréquence dans l’activation de ces structures non observables ce qui permet l’établissement du système procédural implicite. Ce système va forger des associations sérielles : les collocations, les formules, les expressions composées, ainsi que la création de structure hiérarchiques implicites.

Paradis continue par la description de l’influence que les connaissances explicites peuvent avoir (de manière indirecte) sur l’acquisition implicite (2009 : 100-101) : tout en affirmant que le contrôle conscient n’agit pas sur l’automatisation des processus, l’auteur explique que si la « perception » représente l’un des prérequis nécessaires à la production d’un son ciblé (par exemple), c’est pourtant son imitation et la répétition de cette imitation, non pas la connaissance de ces mécanismes de production, qui va produire de la compétence. Il précise :

« Neither the knowledge of the rule, nor the use of the rule when consciously constructing sentences, directly contributes to acquisition – only the repeated use of the resulting utterances serves as the input from which linguistic competence is implicitly abstracted » Paradis (2009 :101).

Dans le cinquième chapitre de son ouvrage, Paradis reprend la notion de commutation afin de la mettre en relation avec celle de « contrôle » (2009 :163), puisqu’il existe aussi bien la commutation naturelle, notamment automatique et subconsciente, que la commutation sur demande impliquant un contrôle conscient. Cette différence a été observée du point de vue neuro-fonctionnel :

« In automatic selection, in natural uses of language, the activation/inhibition processes are generated within the neurofunctional language system, implicating the perisylvian cortex, basal ganglia and cerebellum ; in deliberate selection, the processes are subject to conscious control, involving attention and general executive functions, thus engaging the prefrontal cortex and anterior cingulate. Language control is part of a system for the control of action in general » Paradis (2009 : 163)

Le contrôle dans l’activation ou l’inhibition de processus langagiers bilingues ou unilingues reste le même phénomène qui peut avoir lieu de manière naturelle ou bien délibérée selon les divers

112

Les locuteurs bilingues possèdent deux sous-systèmes de connections neuronales (2009 : 165), un système pour chaque langue (chacun peut être activé ou bien inhibé de manière indépendante en raison des associations solides établies parmi ses éléments). En même temps, ils possèdent un système plus large qui inclut les deux sous-systèmes, d’où ils sont en mesure de récupérer des éléments de chacune de ses deux langues et à n’importe quel moment. La sélection des éléments est opérée automatiquement par l’activation des niveaux seuil. D’ailleurs, l’auteur explique que dans un flux bilingue, la sélection d’un mot de la langue B tout en parlant en langue A suit le même processus subconscient et automatique qui soutient la sélection d’un synonyme par un locuteur unilingue. Pourtant, la décision de parler en langue A ou en langue B, c’est une décision délibérée

puisque le contrôle bilingue est un cas particulier du contrôle de l’action général137.

Paradis décrit ensuite les deux stratégies de traduction qui sont à la disposition des locuteurs bilingues (2009 : 180-182). La première stratégie consiste à procéder par le processus normal de décodage linguistique implicite (compréhension) du message en langue de départ, ce qui est suivi par l’encodage (production) en langue d’arrivée. Cette stratégie est utilisée par les interprètes occasionnels qui ont l’habitude de parler dans une langue avec un groupe de personnes, et dans l’autre langue avec un autre groupe. Il s’agit de la stratégie basée sur le système conceptuel. Au contraire, les interprètes simultanés professionnels ont appris au cours de leur formation des connaissances métalinguistiques sous forme de traduisants équivalents, ce qui leur permet d’adopter la deuxième stratégie illustrée par Paradis. Cette stratégie de traduction est basée sur les liens d’associations entre le « lexicon » (comprenant également les structures syntaxiques) sans passer par les opérations de décodage et encodage. Il s’agit d’une stratégie basée sur la mémoire déclarative, notamment sur les associations apprises de manière consciente entre les formes ainsi que les structures de surface en L1 et en L2 (comme par exemple l’association entre : « have been +

verbe en –ING + since » pour traduire « l’indicatif présent + depuis » en français et vice-versa).

Comme on peut l’observer dans le schéma proposé par l’auteur, la première stratégie de traduction est définie comme étant « automatique » tandis que la deuxième stratégie est considérée comme « consciente » : la première passe forcément par une prise de conscience de la signification

pour ensuite produire le message en langue d’arrivée ; la deuxième consiste en un transcodage

direct basé sur l’application automatique de règles, à partir de l’élément en langue source jusqu’à ses équivalents structurels en langue cible. Il faut noter également les exemples fournis par l’auteur

au niveau morphologique (en anglais –ical -> en français –ique), au niveau syntaxique (without +

gérondif -> sans + infinitif), et au niveau lexical (décevoir -> disappoint).

113

Figure 1. Paradis : Stratégies de traduction.

La contribution de Paradis nous permet de mieux comprendre en quoi consiste du point de vue neurolinguistique la complexité du traduire.

De manière synthétique, l’on peut identifier comme étant les éléments constitutifs complexes de

de l’opération traduisante :

ƒ la coordination entre typologies de connaissances et de compétences de nature neuronale

différente : compétence linguistique implicite et connaissances métalinguistiques explicites (CLI et CME) ;

ƒ l’activation de processus conscients et subconscients : soutenus par la mémoire

déclarative ou par la mémoire procédurale ;

ƒ la gestion de connaissances et de compétences bilingues : décodage/encodage ou

transcodage automatique ;

ƒ l’accomplissement de choix délibérés relevant des phénomènes cognitifs du contrôle et

de l’action : l’adoption d’un système langagier comme processus d’action.

L’importance de la théorie neurolinguistique du bilinguisme de Paradis, dont nous nous sommes limités à l’illustration des concepts constitutifs, découle non seulement de son pouvoir clarifiant au sujet de la traduction comme opération complexe, mais aussi de son impact sur la réflexion pédagogique pour la formation des traducteurs.

En mettant l’accent sur la différence entre la stratégie de traduction définie comme « automatique » (basée sur les deux opérations constitutives de décodage et d’encodage) et la stratégie de traduction « consciente » centrée sur l’application automatique des règles issues de l’apprentissage des associations « langue source-langue cible », Paradis encourage indirectement une réflexion pédagogique sur les éléments clés de la méthode traductionnelle professionnelle. En

114

effet, l’auteur définit la stratégie du traducteur professionnelle comme « consciente », à la différence de la stratégie du traducteur occasionnel qui est de nature « conceptuelle ». Cette distinction nous permet de constater qu’au centre de la formation des futurs traducteurs professionnels, l’on trouve une méthode opérationnelle centrée sur un entraînement visant chez

l’apprenti le renforcement d’associations à caractère bilingue.

Les exemples (aux niveaux morphologique, syntaxique et lexical) fournis par l’auteur en Figure 1,

s’appliquent aussi bien au contexte propre à l’activité de l’interprète simultané qu’à celui du traducteur. Il faut noter que l’auteur présente ces deux contextes de manière unifiée : il définit les deux stratégies comme étant « de traduction » tout en se référant au métier de l’interprète et de l’interprète simultané sans parler explicitement de celui du traducteur.

Bien évidemment, les deux professions se situant dans le cadre des opérations de médiation inter-linguistique, elles présentent des points de contact qui dérivent de leur caractère bilingue.