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Le problème de la double gouvernance du système

FINANCEMENT DE LA RECHERCHE ET DE

4.2 L’organisation circulaire du SNFRI : la dy- dy-namique du systèmedy-namique du système

4.2.2 Le problème de la double gouvernance du système

Dans le chapitre précédent, nous avons cartographié le SNFRI français en dé-taillant les différentes étapes du cycle politique qui mène au financement d’un projet de recherche. Ce cycle peut être résumé comme suit :

CHAPITRE 4. UN NOUVEAU MODÈLE

1. L’Orientation fixe une direction, un cadre budgétaire et des objectifs quali-tatifs et quantiquali-tatifs

2. La Programmation comprend et traduit ces objectifs en programmes de financement

3. La Recherche propose des projets à un programme de financement 4. La Programmation choisit des projets qu’elle finance

5. L’Evaluation évalue les agences de financement et les opérateurs de re-cherche

6. L’Evaluation évalue le système

7. L’Evaluation remonte l’information à l’Orientation

8. L’Orientation fixe une nouvelle orientation et des objectifs qualitatifs et quantitatifs sur la base des informations fournies par l’Evaluation

A chaque étape, un travail d’agrégation, de compréhension et de synthèse de données est par ailleurs nécessaire pour passer à l’étape suivante. En outre, à l’issue des étapes 1 à 7, avant de passer à l’étape 8, l’Orientation peut être amenée à demander un avis argumenté aux fonctions Recherche et Programmation pour compléter les informations données par l’Evaluation. C’est par exemple le cas pour la France, dont la stratégie nationale d’innovation (SNI) est définie à l’issue d’une consultation nationale de plusieurs mois.

De ce fait, il peut se passer plusieurs mois voire années avant que l’Orientation n’ait un retour sur les effets de sa politique (passage de l’étape 1 à 7). Du point de vue de l’Orientation, cet intervalle a un effet très négatif sur sa capacité à contrôler le système. En effet, sans retour tangible, l’Orientation reste aveugle sur les conséquences de sa politique et ne peut apporter le cas échéant des mesures correctrices. L’Orientation dispose ainsi d’une marge de manoeuvre limitée quant à sa capacité à orienter les projets financés. Dans cet intervalle, la Programmation est ainsi en charge de traduire cette politique en programmes de financement et par conséquent en projets financés. En multipliant les projets financés il va ainsi se créer une sorte de jurisprudence qui s’affirmera de plus en plus au fur et à mesure des appels à projets si bien qu’au bout d’un certain temps il sera très difficile pour la Programmation de la contourner. Plus précisément, la traduction d’objectifs politiques en programmes de financement par la Programmation implique de don-ner une certaine coloration aux projets qui seront financés, cette dernière devant normalement s’accorder avec la politique choisie par l’Orientation. Elle n’est en réalité que le reflet de la compréhension de la politique par la Programmation qui peut être parfaitement exacte ou au contraire complètement erronée. Dans ce contexte, les différentes générations d’appels à projets issues de ces programmes

CHAPITRE 4. UN NOUVEAU MODÈLE

de financement vont créer un phénomène de renforcement avec une compréhension de plus en plus fine des opérateurs de recherche de la nature des projets financés si bien qu’il sera de plus en plus difficile de discriminer les projets tant ils seront similaires. Notons qu’à ce stade de nos travaux l’identification de ce phénomène de renforcement n’est que le résultat d’observations empiriques de différents appels à projets. Une expérimentation est cependant proposée dans la suite en collaboration avec la région Centre Val de Loire pour essayer de le démontrer plus formellement. L’uniformisation générale des projets sur l’action du phénomène de renforcement n’est en soit pas une mauvaise chose si ces derniers vont dans le sens de la politique initiée par l’Orientation. En revanche, un problème se pose si les projets financés sont éloignés des projets initialement attendus par cette dernière. Pire au même titre que l’uniformisation des projets prend du temps, un changement de direction est également chronophage. A ce titre, il est peut-être intéressant de redémarrer un nouveau cycle d’appels à projets associé à de nouveaux programmes de financement et éventuellement si nécessaire une nouvelle politique. Dès lors, la politique souhaitée initialement par l’Orientation n’aura nécessairement pas eu les effets escomptés.

De ce fait, si l’Orientation ne dispose pas de moyens pour suivre l’écart entre les projets qui sont financés et ceux qui été attendus alors le phénomène de renforce-ment décrit précédemrenforce-ment sera très difficile à inverser. Sans ce moyen de contrôle, l’Orientation se voit ainsi privée de tout ou partie de sa capacité à orienter le système.

L’Orientation garde cependant une influence forte sur le système à travers son contrôle budgétaire qui, dans une certaine mesure, lui permet de garder un contrôle sur le système au moins sur les aspects quantitatifs. L’Orientation peut ainsi décider plus facilement du nombre de projets à financer que du choix de ces derniers. L’organisation du système français actuel est donc un frein pour sa gouvernance scientifique par l’Orientation qui est assumée pour l’essentiel par la Programmation avec sa capacité à influencer le système à travers les projets qu’elle finance.

L’organisation circulaire actuelle du système induit ainsi une dichotomie dans sa gouvernance qui est partagée entre : d’un côté, la Programmation pour les aspects qualitatifs ou scientifiques et, de l’autre, l’Orientation pour les aspects quantitatifs ou financiers. On pourra donc parler de double gouvernance du système.

La Programmation et la Recherche portent ainsi la plus grande part de la responsabilité des choix scientifiques nationaux. De ce point de vue, sous couvert

CHAPITRE 4. UN NOUVEAU MODÈLE

d’une organisation où chaque fonction est séparée dans le système, le SFFRI reste très marqué par ses origines intégrées, où un même acteur est chargé de tout ou partie des fonctions, en particulier pour ses aspects qualitatifs où Recherche et Programmation oeuvrent, dans une même fonction que l’on pourrait appeler Recherche programmée, avec une indépendance toute relative vis-à-vis de l’Orientation.

Pour une plus grande exhaustivité, on devrait parler de triple gouvernance du système, tant l’influence scientifique et financière des collectivités locales s’est accrue ces dernières années. La question du rôle des collectivités dans le SNFRI n’est pas traitée dans le cadre de ce chapitre, mais il serait intéressant de voir d’autres travaux se pencher sur ce sujet.

Le SNFRI tel que nous l’avons décrit dans ce chapitre est ainsi double, double dans ses possibilités d’Evaluation, mais également double dans sa gouvernance. En ce qui concerne la problématique de la double évaluation, nous avons apporté une solution en présentant un cadre où l’évaluation pourrait être unique avec cependant une question sur la légitimité qui reste en suspens.

Il s’agit en fait d’une seule et même dichotomie. En effet, si on sépare une politique de recherche entre ses objectifs quantitatifs et qualitatifs, alors on se rend compte que, d’un côté, nous disposons d’une gouvernance quantitative réalisée par l’Orientation et évaluée selon le point de vue de la Programmation, et de l’autre, une gouvernance qualitative réalisée par le duo Programmation/Recherche ou Recherche programmée et évaluée selon le point de vu de la Recherche. Cette situation est exprimée dans en Figure 4.3.

Figure 4.3 – La dualité du SNFRI

La dualité du système est par ailleurs d’autant plus complexe qu’il existe des zones « grises » qui sont peu ou pas traitées, ni par la gouvernance, ni par l’évaluation du système. C’est notamment le cas lorsque l’on souhaite mélanger objectifs qualitatifs et quantitatifs aussi bien dans la gouvernance que dans l’évaluation.

CHAPITRE 4. UN NOUVEAU MODÈLE

Dans la suite de ce chapitre, nous proposerons une nouvelle organisation du système qui s’articule autour de sa dualité. En particulier, nous allons scinder le système en fonction de la nature des projets qui le constituent. L’idée de cette organisation est de partir des limites du système actuel, notamment en matière d’évaluation et de gouvernance, tout en cherchant à répondre à la question de la légitimité de l’Orientation à imposer une mesure de l’impact des projets.

4.2.3 Caractérisation de la dimension temporelle du