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A l’origine, la notion de système d’innova- d’innova-tion (SI)

LES SYSTÈMES NATIONAUX DE RECHERCHE ET

CHAPITRE 1. LES SYSTÈMES NATIONAUX

1.1 A l’origine, la notion de système d’innova- d’innova-tion (SI)

Selon [Amable, 2002], la notion de système d’innovation englobe l’ensemble des travaux de recherche qui cherchent à incorporer des éléments institutionnels dans l’analyse économique du changement technique. De ce fait, le point de départ commun à l’ensemble de ces études correspond à un changement de paradigme dans la conception de l’innovation, qui cesse d’être vue comme un processus de décision individuel indépendant de l’environnement, mais plutôt comme un réseau d’acteurs insérés dans différentes institutions. L’innovation apparait ainsi comme le résultat d’interactions entre ces acteurs (entreprises, labo-ratoires, universités...) et leur environnement, où ce dernier ne se réduit pas à un ensemble de prix de marché mais plutôt à un ensemble de règles et d’organisations. De ce fait, [Carlsson et al., 2002] précise qu’un SI dispose d’au moins trois dimensions :

1. Dimension physique ou géographique 2. Dimension sectorielle ou technologique 3. Dimension temporelle

En ce qui concerne cette dernière dimension, Carlsson décrit la construction des SI à travers un mécanisme de retour d’information ("feedback" en anglais) où la configuration des composantes, des attributs et des relations est en perpétuel changement. L’image d’un système à un temps donné n’est donc pas nécessaire-ment identique à celle prise à un temps différent.

En outre, Carlsson précise que dans la littérature, il n’existe que très peu de discussions concernant les fonctions de chaque système et en quoi consiste leurs input et output. De ce fait, il existe encore moins d’études qui s’intéressent aux performances d’un système.

1.1.1 Qu’est-ce qu’un système ?

Dans ce paragraphe nous utilisons les travaux de [Carlsson et al., 2002] qui définissent un système comme un ensemble de composants interdépendants tra-vaillant vers un objectif commun. Les systèmes sont constitués de composants, de relations et d’attributs, où :

— Les composants sont les éléments opérationnels du système. Ils peuvent être matériels comme des individus, des entreprises, des banques, des universi-tés, des instituts de recherche ou des agences de politiques publiques, ou

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immatériels comme des artefacts technologiques (exemple des lignes à haute tension dans des systèmes énergétiques ou des dispositifs biomédicaux dans des systèmes biomédicaux) voire même des institutions sous la forme d’ar-tefacts législatifs tels que des lois, des règlements ou des traditions et autres normes sociales.

— Les relations sont les liens entre les composants. Les propriétés et le com-portement de chaque composant du système influencent les propriétés et le comportement de chaque élément de ce dernier. De même, chaque com-posant dépend des propriétés et du comportement d’au moins un autre composant du système. Les composants ne peuvent ainsi pas être divisés en sous-ensembles indépendants. Pour [Blanchard et Fabrycky, 1990] le sys-tème est de ce fait plus que la somme de ses parties. En outre, [Hughes, 1987] rajoute que si un composant est retiré d’un système ou si ses caractéristiques changent alors les autres éléments du système seront également altérés aussi bien dans leurs propriétés propres que dans leurs relations avec les autres composants. Ce dernier point est par ailleurs vérifié si et seulement si le système est robuste autrement, la suppression voire la modification d’un composant du système le ferait s’effondrer.

— Les attributs sont les propriétés des composants et de leurs relations, ils caractérisent ainsi le système.

[Carlsson et al., 2002] ajoutent à cette définition que pour comprendre un sys-tème il est crucial de comprendre sa fonction ou plus largement son objectif. Ainsi toujours selon Carlsson et al, la fonction d’un SI est de générer, diffuser et utiliser la technologie. Dans ce cadre, les principales caractéristiques d’un SI sont la capa-cité de ses acteurs à générer, diffuser et utiliser des technologies qui ont une valeur économique.

1.1.2 Les différentes approches des SI

Historiquement1, le premier modèle à approcher les SI est Leontief [Leontief, 1941] avec son modèle input/output qui s’intéresse aux flux de biens (ici de technologies) entre les différents secteur de l’économie. Quelques années plus tard est apparue l’approche des blocs de développement ("deve-lopment blocs" en anglais) théorisée au début des années 50 par Dahmén (voir [Dahmén, 1989] pour un travail plus récent). Selon ce modèle, les opportunités dégagées par l’innovation peuvent n’être ni réalisées, ni convertibles dans l’activité économique si les input (ressources et capacités) et les produits ne sont pas mis en place. Chaque innovation provoque ainsi une tension structurelle, laquelle,

1. Cette partie est largement inspirée de la thèse [Costa, 2005] qui utilise [Carlsson et al., 2002]

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lorsqu’elle est résolue, peut créer du progrès ou au contraire, lorsqu’elle est irrésolue, interrompre le processus d’innovation. Alors que l’analyse input/output est statique, le concept dynamique de Dahmén représente une des premières tentatives d’application d’analyse schumpétérienne (voir [Schumpeter, 1926]). En effet, il incorpore la notion de déséquilibre et se centre sur le rôle de l’entrepreneur. Le produit du système, en plus de s’agrandir au cours du temps, varie aussi de caractère et de contenu. Hakansson ([Håkansson, 1990]) avec son modèle de réseau (Network approach en anglais) reprend l’idée de se concentrer sur des unités d’analyse spécifiques plutôt que d’étudier l’intégralité du système en se focalisant sur le réseau et les relations entre les différentes parties prenantes.

Bien plus tard est apparue l’approche du système national d’innovation (SNI) développée notamment par [Freeman, 1987], [Lundvall, 1992], [Nelson, 1993], [Edquist, 1997]. Nous reviendrons en détail sur ce modèle dans la suite du docu-ment. Il est cependant intéressant de noter que le SNI dépasse largement l’analyse input/output en proposant un périmètre d’étude qui dépasse les entreprises pour s’intéresser à tous les acteurs de la science et de la technologie ainsi qu’à la politique publique. En raison de la dimension et de la complexité des SNI, l’insistance sur l’analyse empirique dans les études effectuées est principalement statique, quoique rien n’empêche qu’elle puisse être plus dynamique.

En parallèle, Porter développe l’approche du "diamant" (voir [Porter, 1990]) pour expliquer pourquoi les nations ont tendance à être plus compétitives dans certaines industries que dans d’autres et qui repose sur quatre facteurs interdépendants : la production nationale, la demande locale, la stimulation mutuelle et la concurrence entre sociétés. De cette façon, la définition du système est plus étroite que celle de l’approche des SNI. À nouveau, le principal foyer est statique ou dans une analyse de statique comparative. De même Malerba (voir notamment[Malerba, 2002]) a proposé l’approche des systèmes sectoriels d’innovation, assez proche du modèle de Porter mais qui contrairement à ce dernier qui s’intéresse à l’interdépendance entre les industries, le système d’innovation sectoriel fait l’hypothèse que chaque secteur technologique dispose de ses propres caractéristiques. Ces régimes peuvent ainsi se modifier au cours du temps, rendant l’analyse dynamique.

Une autre construction de système est définie autour de systèmes régionaux ou locaux d’innovation tels que présentés par Saxenian ([Saxenian, 1994]) dans son étude sur l’industrie électronique dans la Silicon Valley en Californie. Ici la définition du système est avant tout géographique en s’intéressant notamment aux différences entre les zones étudiées.

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Enfin Carlsson (voir notamment [Carlsson et Stankiewicz, 1995]) a proposé un système technologique désagrégé et dynamique qui se rapproche ainsi des blocs de développement (cette approche reprend une partie des concepts de Hughes - voir notamment [Hughes, 1983] et [Hughes, 1990] - qui a été le premier à s’intéresser à un système centré sur un produit ou une technologie). En effet, il se concentre sur l’étude d’une technologie et repose sur l’idée qu’il existe plusieurs systèmes technologiques dans chaque pays, qui se développent au cours du temps.

Selon les approches, [Amable, 2002] nous apprend que "l’environnement peut ainsi être, plus ou moins étendu, partant des interactions minimales pour que l’on puisse raisonnablement parler de système, articulées autour des intervenants directs du processus d’innovation, et allant jusqu’à la considération d’une très large gamme d’influences du comportement des agents économiques"

Il se pose ainsi le problème de la délimitation du système qui toujours selon [Amable, 2002] peut être assimilé à un problème théorique en particulier du choix de la théorie économique et de la conception des institutions sur lesquelles doit s’appuyer l’analyse des SI. En outre chaque modèle dispose de ses propres frontières qui peuvent dans certains cas se recouper. Nous proposons ainsi en figure 1.1 un schéma inspiré de [Hekkert et al., 2007] qui présente les frontières des systèmes d’innovation nationale (SNI), des systèmes sectoriels d’innovation (SSI) et des systèmes technologiques d’innovation (SIT).

L’approche des SI, permet ainsi de proposer une nouvelle vision du changement technique qui n’apparaît plus comme autonome vis-à-vis du reste de l’économie mais s’intègre au contraire dans un système économique plus global en allant au-delà du raisonnement économique "trivial" qui voit dans l’innovation le simple résultat d’un investissement. De ce fait, le concept des SI a eu un succès indéniable en particulier dans les grandes institutions telles que l’OCDE (voir notamment [Albert et Laberg, 2007] et [OCDE/Eurostat, 2005] ainsi que [OCDE, 2014] pour une étude du système français) ou la Commission Européenne qui l’utilisent dans la construction de politiques d’innovation.

Enfin, bien que très intéressante, l’approche des SI se situe au croisement de l’économie, de la sociologie, du changement technique, de la théorie de la crois-sance, de la théorie des organisations, de l’analyse comparative des capitalismes... et souffre de ce fait de difficultés à trouver une place bien définie au sein des approches institutionnalistes en économie.

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Figure 1.1 – Relations entre les frontières nationales, sectorielles et technologiques des systèmes d’innovation, inspiré de [Hekkert et al., 2007]