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L’organisation diagonale pour légitimer l’action pu- pu-blique

FINANCEMENT DE LA RECHERCHE ET DE

4.3 Proposition d’une nouvelle organisation du SNFRI

4.3.4 L’organisation diagonale pour légitimer l’action pu- pu-blique

A notre connaissance, il n’existe pas de méthode qui fait consensus pour caractériser la légitimité d’un système ou plus largement d’une politique publique. Dans [Meinard, 2017], l’auteur réalise un état de l’art scientifique de cette question sans parvenir à un faire un choix méthodologique qui permettrait de démontrer formellement qu’une politique est légitime ou non. Cette question qui est au coeur des travaux sur la "Policy Analytics" telle qu’introduite par [Tsoukiàs et al., 2013] reste aujourd’hui toujours ouverte. Dans ce cadre, pour analyser la légitimité du système diagonal nous proposons d’identifier un faisceau d’indices en l’inscrivant dans le contexte d’un processus d’aide à la décision qui consisterait, si un décideur public nous interrogeait à ce sujet, à faire une recommandation sur une nouvelle organisation du système. Plus particulièrement, pour répondre à cette question, nous allons nous interroger sur les implications du choix de l’approche utilisée en matière de légitimité puis nous chercherons à l’intérieur de ce processus des critères qui pourraient tendre vers cette légitimité.

En proposant une nouvelle organisation du système, nous ne pouvons plus fonder notre analyse sur ce que les parties prenantes jugeaient comme acceptable dans le système préexistant. Il est donc nécessaire comme précédemment de changer d’approche en passant d’une approche conformiste à une approche réflexive telles que décrites par [Meinard et Tsoukias, 2018].

Le choix de l’approche a de nombreuses conséquences notamment en matière de légitimité de l’aide à la décision apportée par l’analyste. De ce fait, lors de l’élaboration de modèles d’aide à la décision, selon l’approche choisie, la tâche principale pour l’analyste sera, de rassembler et d’analyser des observations empiriques (conformiste) ou de rechercher une compréhension mutuelle avec le client (réflexive). Dans ce contexte, [Meinard et Tsoukias, 2018] décrivent pour chaque approche les implications en matière de légitimité.

CHAPITRE 4. UN NOUVEAU MODÈLE

Dans l’approche conformiste, la légitimité repose sur le fait que le client et les personnes qui interagissent avec lui ou l’observent considéreront que ses décisions correspondent bien à ce qui doit être fait. L’acceptation de la décision par le client et les personnes avec lesquelles il interagit détermine si le processus est légitime. La légitimité est ici jugée par la manière dont le processus est capable, à la lumière des connaissances existantes, de bien refléter les meilleures pratiques.

L’approche réflexive permet une prise en compte plus élaborée des exigences de légitimité mais peut en contrepartie impliquer de plus grandes difficultés et des délais d’analyse plus longs. Cette approche permet une remise en question globale de tous les éléments du processus de décision. De ce fait en accord avec la conception communicative de la rationalité décrite par [Habermas, 1981], l’analyste ne peut pas prétendre que son approche est rationnelle à moins de fournir des arguments acceptables, non seulement par le client, mais aussi par le public. La légitimité de cette approche est ainsi fondée sur le dialogue entre toutes les parties prenantes nécessaires à la construction du modèle de décision.

[Tsoukiàs et al., 2013] ajoutent que la légitimité dans un cadre publique est nécessaire aussi bien pour les décideurs eux-mêmes que pour leurs actions mais également pour le résultat et le processus d’élaboration d’une politique publique. La légitimité peut par ailleurs être obtenue de différentes sources (la loi, la tradition, les normes morales, la connaissance, l’expérience...). Pour caractériser la légitimité d’une politique publique, il est donc nécessaire d’identifier des critères. La littérature foisonne de ces critères dont le détail n’est pas le propos de cet article - voir notamment à [Meinard, 2017] pour une telle étude.

Dans ce contexte, en introduisant la "Policy Analytics", [Tsoukiàs et al., 2013] ont notamment proposé une série de trois critères, que nous allons utiliser pour analyser la légitimité du modèle diagonal tout en montrant qu’ils ont été favorisés par la recherche d’un consensus. Ainsi pour [Tsoukiàs et al., 2013], pour légitimer un processus d’élaboration d’une politique publique, il est nécessaire de :

— Favoriser la participation au cycle politique de l’ensemble des parties pre-nantes.

— Favoriser la transparence du processus décisionnel à travers une argumen-tation claire et la justification des résultats.

— Exiger plus de responsabilité (au sens de « rendre compte ») de la part des décideurs publics.

L’organisation diagonale suppose des mesures politiques fortes de l’Orientation qui peuvent être très mal perçues par les autres fonctions du système et donc

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s’avérer contre-productives. La Programmation peut ne pas accepter la mesure de l’impact d’un projet et ainsi financer des projets en totale contradiction avec la politique en vigueur. De même, la Recherche peut ne pas accepter la classification et ainsi mal gérer le stock de connaissances nécessaire à la réussite de la politique en vigueur. De ce fait, il est absolument indispensable que les choix de politiques publiques opérés dans un modèle diagonal soit légitimes aux yeux de l’ensemble des opérateurs du système. Pour y parvenir, nous allons montrer en quoi notre proposition participe à la légitimation de l’action publique.

Le fait de limiter l’Evaluation au financement sur projet nous semble être un bon compromis dans le sens où cela permet de faire une distinction entre les différents impacts attendus des projets. L’impact à court terme immédiatement mesurable est ainsi analysé par l’Evaluation tandis que le long terme est laissé aux bons soins de la Recherche, avec ses travaux en recherche de stock. La question des retombées peut même à notre sens être écartée tant il est difficile de les identifier. De ce fait, le corolaire de l’utilisation de l’Evaluation pour la recherche sur pro-jet doit être de laisser une liberté totale à la recherche financée sur dotation globale. Cette séparation est indispensable pour le bon fonctionnement de l’organisa-tion diagonale et participe à la responsabilisal’organisa-tion et à l’engagement de toutes les parties prenantes.

En effet, en ne finançant la recherche de stock plus que sur dotation globale et en supprimant toute contrainte d’impact, l’Orientation délègue toute la respon-sabilité de la création du stock de connaissances à la Recherche. L’engagement de cette dernière est donc largement favorisé par sa responsabilisation. Par ailleurs, elle aura intérêt à participer à l’élaboration de la politique de recherche et contribuer à la classification de la recherche, sans quoi elle devra rendre des comptes sur un périmètre mal défini.

De même, en ne finançant la recherche de mobilisation de stock plus que sur projet et la mesurant à travers l’Evaluation, l’Orientation délègue toute la responsabilité de la mobilisation du stock de connaissance à la Program-mation. L’engagement de cette dernière est donc là encore largement favorisé par sa responsabilisation. Elle aura en outre intérêt à participer à l’élaboration de la politique de recherche et contribuer à la construction de la mesure d’im-pact, sans quoi elle devra elle aussi rendre des comptes sur un périmètre mal défini. L’organisation diagonale participe ainsi à la responsabilisation des fonctions Recherche et Programmation. Cette responsabilité partagée entre les deux côtés

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du système l’équilibre sur le plan de l’engagement et contribue également à légiti-mer l’action de l’Orientation qui est renforcée par plus de transparence, plus de participation et plus de responsabilité. Cette notion d’équilibre est fondamentale et repose sur une concertation éclairée entre toutes les fonctions du système pour arriver à un consensus à la fois sur la mesure de l’impact mais également sur la classification de la recherche. Sans cette concertation et ce consensus, les parties prenantes risquent de ne pas adopter les outils mis en place dans le cadre d’une politique et arriver à un résultat en totale contradiction avec les objectifs fixés.

Ce consensus est d’autant plus important que le système est d’une extrême complexité. Pour l’Orientation, il est en effet très compliqué voire impossible, du fait du nombre d’acteurs très important, de s’assurer que les outils mis en place sont effectivement utilisés par les autres fonctions. De ce fait, si la concertation n’aboutit pas à une situation où toutes les parties prenantes jugent la politique légitime et se l’approprient, l’Orientation se retrouvera dans une situation similaire à celle décrite précédemment (double gouvernance et double évaluation), à ceci près qu’elle pensera avoir amélioré sa situation et mettra du temps à se rendre compte qu’il n’en est rien. Cette remarque vaut également si l’Orientation tente d’imposer par la loi sa politique sans concertation préalable.

Pour conclure, nous avons montré que le déploiement du modèle diagonal à l’in-térieur d’un système favorise le dialogue entre les différentes parties prenantes et participe donc à la recherche d’un consensus. De même il s’inscrit dans le contexte d’un processus d’aide à la décision réflexif dont la source de légitimité est justement le dialogue. Nous avons également montré que le modèle diagonal favorise la par-ticipation, la transparence et la responsabilisation des opérateurs. Comme énoncé précédemment, à travers cette argumentation, il n’est pas possible de conclure d’une manière rigoureuse à la légitimité du système, c’est d’ailleurs la limite prin-cipale de notre travail. En revanche, nous avons réuni un certain nombre d’indices qui tendent vers cette légitimité et nous permettent au minimum de faire l’hypo-thèse crédible que l’organisation diagonalise favorise la légitimité du système.

Conclusion de la partie