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5.2.3 2014-2020 : Stratégie régionale d’innovation pour une spécialisation intelligente

5.3 Légitimité du système régional de recherche et d’innovation (SRRI)

5.3.2 Légitimité du SRRI

Comme précisé dans le chapitre 2, a notre connaissance, il n’existe pas de mé-thode qui fait consensus pour caractériser la légitimité d’un système ou plus large-ment d’une politique publique. Dans [Meinard et Tsoukias, 2018], l’auteur réalise un état de l’art scientifique de cette question sans parvenir à un faire un choix mé-thodologique qui permettrait de démontrer formellement qu’une politique est légi-time ou non. Cette question qui est au coeur des travaux sur la "Policy Analytics" telle qu’introduit par [Tsoukiàs et al., 2013] reste aujourd’hui toujours ouverte. Dans ce cadre, pour analyser la légitimité du système régional nous proposons d’analyser un faisceau d’indice. Ainsi nous allons commencer par étudier la satis-faction des opérateurs de recherche avant de nous intéresser à l’approche utilisée par la région pour concevoir son système composé des APR IR et IA.

CHAPITRE 5. LÉGITIMITÉ DU SYSTÈME RÉGIONAL

5.3.2.1 La légitimité par la satisfaction des opérateurs de recherche régionaux

Dans cette partie, nous allons principalement nous appuyer sur l’évaluation de la politique régionale de soutien à la recherche réalisée par le cabinet CMI [Koeltz et Duval, 2016] que nous compléterons avec l’étude STRATER du MESR [MESR, 2016] qui présente un point de vue quantitatif sur la recherche et l’in-novation de la région ainsi que par une rapide évaluation du CoRIT [CoRIT, 2016]. Les équipes de CMI ont réalisé plusieurs enquêtes pour analyser la politique régionale. Des entretiens approfondis internes ont notamment été menés avec les direction régionales de l’industrie, de l’agriculture et des forets, du tourisme, de la culture et de la coopération internationale ainsi que des entretiens externes avec les vices-présidents recherche des Universités de Tours et d’Orléans et les responsables des principales écoles doctorales de la région. De même 3 enquêtes en lignes ont été réalisées auprès d’un panel de 575 personnes correspondant à l’ensemble des bénéficiaires des APR IR et IA et à l’ensemble des partenaires socio-économiques (APR IR). Les taux de réponses ont été très satisfaisants à l’exception des partenaires économiques :

— 132 porteurs APR IA ont été interrogés et 60 ont répondu, soit un taux de réponse de 45 %

— 243 porteurs APR IR ont été interrogés et 160 ont répondu, soit un taux de réponse de 66 %

— 200 partenaires économiques ont été interrogés et seulement 30 ont répondu, soit un taux de réponse de 15 %

Enfin sur la base de ses questionnaires 35 directeurs de laboratoires ont été sollicités pour un entretien approfondis et 24 y ont répondus favorablement.

De cette étude, nous en avons extrait les éléments que nous jugeons les plus importants dans le contexte de l’analyse de la légitimité de la région Centre-Val de Loire. En particulier selon CMI :

1. 80 % des porteurs de projet APR IR estiment que le dispositif prend en compte les priorités stratégiques de leurs établissements

2. 71 % des porteurs de projet APR IA estiment que le dispositif prend en compte les priorités de recherche de leurs établissements

3. 90 % des porteurs APR IR pensent que cet APR conduit à la sélection de projets de bonne qualité scientifique

4. 86 % des porteurs APR IA pensent que cet APR conduit à la sélection de projets de bonne qualité scientifique

CHAPITRE 5. LÉGITIMITÉ DU SYSTÈME RÉGIONAL

En outre, CMI précise que son enquête a permis de conclure à une bonne complémentarité des dispositifs dans leur orientation "Preuve de concept" pour l’APR IR et "Recherche fondamentale" pour l’APR IA.

Dans ce contexte nous pouvons en déduire que les deux dispositifs permettent de financer des projets de bonne qualité scientifique d’une part et respectant les priorités stratégique des laboratoires d’autre part. Nous en déduisons que l’action de la région est légitimée par la satisfaction des porteurs de projets aussi bien APR IR que IA.

Cette dernière déduction est une limite de ce chapitre. En effet, nous ne disposons pas de suffisamment de données pour démontrer que l’action de la région est effectivement légitime, cette question n’ayant jamais été posée en ces termes. En revanche, rien n’indique le contraire.

Il est cependant indiscutable que les porteurs de projets sont pour l’essentiel satisfaits de cette organisation. Notons malgré tout que l’enquête portait sur des lauréats, qui partent donc avec un apriori positif puisqu’ils ont tous été financés. La satisfaction affichée des lauréats doit donc être minorée si on souhaite la généraliser au système entier. On peut en outre, compléter ce point de vu par les nombreux commentaires des chercheurs lors des ateliers participatifs dans le cadre de l’écriture du SRESRI qui souhaitent pour la plupart que les dispositifs APR IR et IA soient maintenus voir même renforcés. Ajoutons enfin que les chercheurs ont su exprimer leur mécontentement lorsqu’ils jugeaient que la région n’était pas légitime dans son action. Ils l’on notamment fait entre 2007 et 2010 lorsque les premiers APR ont été lancés sans une communication suffisante sur les motivations politique de ce dispositif.

Dans ce contexte, nous pouvons déduire que le système est globalement satis-fait de ces dispositifs et que les opérateurs de recherche n’ont pas jugé nécessaire d’intervenir auprès de la région pour lui signifier leur mécontentement. De là à en déduire que ces derniers la jugent légitime, il n’y a qu’un pas qui nécessiterait une démonstration approfondie, en particulier pour faire le lien entre satisfaction et légitimité qui n’a rien d’évident. Ne disposant pas des ressources nécessaires pour cette étude nous ne pouvons que faire l’hypothèse que cette assertion est vérifiée.

5.3.2.2 La légitimité par l’approche

Dans ce qui précède, nous avons fait l’hypothèse que le système régional était légitimé par la satisfaction de ses parties prenantes. Nous avons par ailleurs rappelé que cette hypothèse est une limite de notre travail. Dans cette partie, nous

CHAPITRE 5. LÉGITIMITÉ DU SYSTÈME RÉGIONAL

allons cependant montrer qu’il existe d’autres indices qui vont dans le sens d’un système légitime. En particulier, nous avons précédemment présenté la réflexion qui a mené la région à opérer une scission dans l’APR pour aboutir aux APR IR et IA. Celle-ci est notamment le résultat d’une enquête menée en 2010 à l’issue de 5 appels à projets et qui a conclu à d’importants dysfonctionnements du dispositif notamment en ce qui concerne la compréhension des opérateurs de recherche des objectifs de la région.

Dans ce contexte, les APR IR et IA sont donc le fruit d’une concertation régionale, qui n’en avait pas le nom en 2010, mais bien toutes les caractéristiques. De ce fait, en ajoutant à cette concertation, la satisfaction générale observée précédemment, on pourrait conclure que ces nouveaux APR font aujourd’hui consensus. Une nouvelle fois, une démonstration rigoureuse de ce consensus serait nécessaire pour véritablement conclure à ce résultat. Ce n’est pas tant le résultat mais l’approche qui nous intéresse ici. En effet, si on revient à la typologie des approches de l’aide à la décision présentée en introduction de ce document, on s’aperçoit que l’approche de région pour la mise en place de son système de financement est assez similaire à l’approche réflexive telle que décrite par [Meinard et Tsoukias, 2018] et détaillée dans le chapitre 2 de ce document. Cette approche est notamment caractérisée par un dialogue entre les parties prenantes avec l’ambition d’aboutir à un consensus. C’est d’ailleurs de ce consensus que cette approche est légitimée. Ainsi on peut considérer qu’à travers le dialogue que la ré-gion a établi lors de la mise en place de son système de financement elle l’a légitimé. Nous pouvons aller encore plus loin dans la recherche d’indices qui tendent à légitimer l’action régionale. En particulier, nous pouvons comme dans le chapitre précédent utiliser les critères de légitimité d’une politique publique introduits par [Tsoukiàs et al., 2013]. Ainsi pour ces auteurs, pour qu’une politique soit légitime il est nécessaire de favoriser :

— La participation au cycle politique

— La transparence du processus décisionnel — La responsabilisation des parties prenantes

Dans ce cadre, en instaurant l’APR IA et en déléguant son instruction aux opérateurs de recherche, la région a clairement été dans la direction préconisée par [Tsoukiàs et al., 2013]. Ainsi en proposant aux chercheurs d’être autonomes dans le choix des projets à financer, la région a responsabilisé ces derniers qui ne peuvent dès lors plus lui reprocher un choix plutôt qu’un autre. De même en intégrant les chercheurs dans le processus décisionnel, la région a été dans le sens de plus de transparence tout en favorisant la participation au cycle politique en

CHAPITRE 5. LÉGITIMITÉ DU SYSTÈME RÉGIONAL

incitant notamment les chercheurs à plus de concertation dans le choix des projets. Dans ce contexte, le processus décisionnel propre à l’APR IA est de nature à légitimer l’action régionale notamment vis à vis de son autre dispositif l’APR IR qui contrairement au premier ne bénéficie pas d’une délégation d’instruction. Ainsi comme décrit dans le chapitre précédent, l’équilibre entre les deux dispositifs participe à la légitimisation du système régional.

Pour conclure, nous avons pu observer une bonne satisfaction des opérateurs du système associé à une recherche de consensus dans l’élaboration de la politique tout en cherchant à favoriser la participation, la transparence et la responsabili-sation. Comme énoncé précédemment, à travers cette argumentation, il n’est pas possible de conclure d’une manière rigoureuse à la légitimité du système, c’est d’ailleurs la limite principale de notre travail. En revanche, nous avons réuni un certain nombre d’indices qui tendent vers cette légitimité qui nous permettent au minimum de faire l’hypothèse crédible que le système est légitime.

Nous partirons ainsi de cette hypothèse dans le prochain chapitre. Nous pour-rons ainsi nous interroger sur les possibilités d’intervention dont dispose la région notamment pour orienter l’impact des projets présentés à l’APR IR. Pour y par-venir nous allons mobiliser plusieurs outils informatiques afin d’appréhender la politique régionale et d’en déduire un outil d’aide à la décision.

Chapitre 6

EXPÉRIMENTATION SUR LES