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Chapitre*3*:*S’autoTréguler(pour(collaborer*

3. Le principe d’auto-régulation 1 Définitions

L’auto-régulation est un concept qui apparaît avec l’émergence des théories cybernétiques (Wiener, 1948 cité par Raynal-Rienier, 2009). Dans cette approche, ce principe s’applique à un système quand la régulation est prise en charge par le système lui-même. Informés par leurs résultats, ces systèmes modifient leur comportement si cela s’avère nécessaire. L’auto-régulation constitue un concept nomade qui est étudié dans différentes disciplines comme l’économie, la chimie, l’informatique... Proche de ce concept, la littérature mentionne également le concept d’auto-organisation qui fait référence au processus où le système s’organise lui-même (Morin, 1977 cité par Raynal-Rienier, 2009).

processus par lesquels les sujets activent et maintiennent des cognitions, des affects et des conduites systématiquement orientés vers l’atteinte d’un but » (Schunk, 1994

cité par Cosnefroy, 2011, p.10). Elle correspond donc à la capacité des personnes à s’adapter aux changements qui impliquent des mouvements continuels entre des états désirés et des états actuels (Viau, 2005). Elle constitue une forme de régulation dont le régulateur est tout simplement l’apprenant lui-même.

Selon Cosnefroy (2011), l’auto-régulation passe par un subtil équilibre entre autonomie et effort. L’habileté à apprendre indépendamment de l’enseignant exige en effet des efforts importants. L’idée d’effort est également reprise par Vohs & Baumeister (2004) cités par Cosnefroy (2012) qui définissent le concept comme l’effort personnel consenti pour modifier ses états internes et son comportement. Ce lien entre effort et autonomie peut s’expliquer par le fait que l’engagement, dans une activité d’apprentissage, représente un coût important qui demande de renoncer à d’autres activités, peut-être plus attirantes, dans son environnement proche. Les différents buts d’un individu sont ainsi en compétition permanente. Rodet (2010) considère que si l’autonomie des apprenants est une compétence souhaitable, elle ne doit cependant pas être un préalable. Elle doit être envisagée comme un objectif à atteindre, dans le sens où un apprenant n’est pas autonome dans l’absolu, mais plutôt par rapport à une tâche à réaliser. Le maintien de la priorité dans l’activité exige donc toujours un effort relativement important. Cette situation d’arbitrage peut être renforcée par la confrontation à la difficulté de la tâche. Un individu autonome est un individu qui définit ses propres objectifs, ses critères de réussite, et qui est ensuite capable de mettre en œuvre les stratégies qu’il a imaginées pour atteindre ses objectifs (Cosnefroy, 2012). La littérature distingue plusieurs types de stratégies relatives à l’auto-régulation qui sont mobilisables par les élèves lors de leur progression dans un apprentissage. Nous les décrivons dans la suite du texte. 3.2 Les stratégies d’auto-régulation

Pour Viau (2005, p.83), ces stratégies d’auto-régulation correspondent à « des

stratégies cognitives que l’apprenant utilise consciemment, systématiquement et constamment lorsqu’il assume la responsabilité de son apprentissage ». Pour

décrire de manière plus précise ces stratégies, nous nous appuyons sur le modèle proposé par Zimmerman (2000) repris par Valcke (2007) qui concerne le processus d’auto-régulation sur le plan individuel. Ce modèle met en avant qu’un apprenant s’auto-régule au cours de la réalisation d’une activité quand il prend conscience de ses capacités et qu’il ajuste ensuite son comportement en fonction de celles-ci. Pour y parvenir, il doit mettre en œuvre trois processus successifs qui s’articulent autour d’une logique de cycle : un processus d’anticipation, un processus de contrôle en cours de tâche et un processus d’auto-réflexion.

Le processus d’anticipation et de planification concerne l’analyse préalable de la tâche. Elle amène l’apprenant à analyser les différentes contraintes de la situation d’apprentissage, à évaluer ses ressources et à élaborer son plan de travail. Elle

passe par la fixation des objectifs par rapport à la tâche ainsi que par la mise en évidence des étapes à suivre et des stratégies efficaces pour la réaliser. Cette étape d’orientation revient pour l’apprenant à se poser la question « Où vais-je ? » (Feed- Up).

Le contrôle concerne davantage la supervision du plan prévu pour réaliser la tâche. Il permet à l’apprenant de recueillir des données lui permettant par la suite d’objectiver sa situation. Il consiste à revenir, par comparaison, sur les objectifs fixés et sur les stratégies mises en œuvre afin d’évaluer ses progrès. Cette deuxième étape joue en quelque sorte un rôle de rétroaction en apportant des réponses à la question : « Quelle est ma progression ? » (Feed-Back).

Un troisième processus par lequel l’apprenant prend du recul s’enclenche. Il s’appuie sur les données issues du monitoring. Cette auto-réflexion amène l’apprenant à prendre les décisions nécessaires pour modifier, le cas échéant, les stratégies inefficaces ou inadéquates dans le processus. Bandura (1977) cité par Valcke (2007) parle plutôt d’auto-réaction pour qualifier cette démarche d’adaptation de l’apprenant à partir des résultats de son interprétation. La question qui se pose alors à lui est : « Quel travail dois-je faire ensuite ? » (Feed Forward). Quand l’apprenant passe par ces trois étapes, son apprentissage peut être qualifié d’auto-régulé. Plusieurs auteurs mettent en avant que ces stratégies ont un effet positif sur l’apprentissage. Viau (2005) montre qu’il existe un lien positif entre la performance des apprenants et l’utilisation effective de ces stratégies d’auto- régulation. Il suggère que l’un des moyens efficaces pour améliorer l’aptitude des individus pour apprendre consiste à stimuler dans l’environnement d’apprentissage à utiliser des stratégies d’auto-régulation. Shen, Lee & Tsai (2007) rapportent des effets positifs de ce type de démarche dans un contexte d’apprentissage à distance. Les étudiants qui bénéficient d’une aide spécifique pour mobiliser ces stratégies d’auto-régulation obtiennent de meilleurs résultats académiques que ceux qui n’en bénéficient pas.

D’un point de vue pédagogique, il est donc essentiel que les enseignants soient conscients de ces différentes stratégies afin qu’ils puissent envisager des situations et des outils qui amènent les apprenants à les mettre effectivement en œuvre.

3.3 Auto-régulation et caractéristiques individuelles

Sur le plan méthodologique, Valcke (2007) souligne l’importance de prendre en compte des variables individuelles et personnelles lors d’études examinant la question de l’auto-régulation. L’auteur souligne en effet qu’elles sont susceptibles d’interagir avec les trois stratégies liées à l’auto-régulation (planification, contrôle et auto-réflexion). Ces caractéristiques personnelles concernent le degré de motivation de l’apprenant (Deci & Ryan, 2000), son sentiment d’auto-efficacité (Bandura, 2003) et son niveau de performance.

Au niveau du sens accordé à l’apprentissage, les apprenants animés par des buts de maîtrise font preuve de davantage de comportements d’auto-régulation alors que ceux qui ont des buts de performance élevés ou des buts d’évitement ont tendance, à l’inverse, à éviter ce type de comportements. Par ailleurs, l’individu animé par des buts d’évitement (amotivation) ne fait preuve d’aucune régulation, car il ne perçoit généralement aucun lien entre ses actions et les résultats qu’il obtient par la suite (Viau, 2005).

Pintrich (2002) cité par Valcke (2007) montre qu’il existe un lien positif entre le sentiment d’auto-efficacité et le niveau d’auto-régulation d’un individu. Les apprenants qui estiment pouvoir réussir la tâche grâce à leurs compétences utilisent davantage de stratégies auto-régulatrices. Ses travaux indiquent également qu’il existe une relation positive entre la capacité à s’auto-réguler et la réussite sur le plan académique. Les apprenants qui ont des facilités pour apprendre sont également ceux qui mobilisent ces stratégies dans leur apprentissage. Enfin, il est intéressant de constater que ce lien ne semble pas varier en fonction de l’âge, du milieu social et du sexe.

3.4 Auto-régulation au niveau du groupe

Dans un contexte collaboratif, l’auto-régulation est évidemment rendue plus difficile. En plus de la régulation individuelle, elle implique en parallèle un effort d’organisation de la collaboration (Romero, Tricot & Mariné, 2009). Cette recherche de coordination entre les individus induit la nécessité d’échanges entre les partenaires. La communication est alors essentielle pour maintenir une bonne compréhension partagée de la tâche (Roshelle & Teasley, 1995).

Pour comprendre ce processus complexe, nous pouvons nous référer aux travaux de Leinonen, Järvelä & Häkkinen (2005). Sur la base d’une série d’analyses des interactions au sein de groupes amenés à collaborer à distance, les auteurs distinguent deux autres niveaux d’auto-régulation qui se situent au niveau interpersonnel : la co-régulation et la régulation partagée. La co-régulation correspond à la situation où un membre du groupe régule l’action d’un autre. La régulation partagée se rapporte à la situation où un membre ou plusieurs membres régule(nt) l’activité de l’ensemble du groupe. Cette dernière forme de régulation peut concerner la planification des tâches à réaliser et le degré d’avancement de l’activité du groupe dans la séquence (Saab, 2012). En référence à Bandura (2003), nous pouvons qualifier ces formes d’auto-régulation comme externes, car elles passent par le soutien du groupe et de l’environnement. Pour Saab (2012), toute la difficulté réside dans le fait qu’un apprenant peut très bien être en capacité de s’auto-réguler sur le plan individuel et de ne pas pouvoir gérer les aspects de la co- régulation ou de la régulation partagée. Pour aider les apprenants à gérer cette régulation à multiniveaux, l’enseignant peut leur fournir des règles explicites qui précisent une régulation efficace au sein du groupe (Saab, 2012). Concrètement, elle peut passer par un partage des différentes fonctions tutorales au sein de

l’équipe à l’aide par exemple d’une distribution de rôles. Cette démarche prescriptive permet aux apprenants d’une part de savoir tout simplement comment mettre en œuvre la régulation au sein du groupe et d’autre part, de partager cette tâche entre les différents partenaires.

À partir de notre examen relatif à l’auto-régulation, nous pouvons considérer qu’une distribution des rôles étaye davantage des stratégies d’anticipation (Valcke, 2007). Parallèlement à ce support interne, Jermann & Dillenbourg (2008) suggèrent que la tâche de l’équipe peut être étayée par des visualisations qui informent les différents membres au sujet de la manière dont les activités individuelles et l’activité collective sont mises en œuvre. Les visualisations stimulent plutôt la mise en œuvre du processus de contrôle et d’auto-réflexion tant sur le plan individuel que sur le plan collectif.

Dans les deux sections suivantes de ce chapitre, nous décrivons ces deux pistes pédagogiques susceptibles dans un contexte d’apprentissage collaboratif, de supporter à la fois la régulation individuelle, la co-régulation et la régulation partagée.

4. Assigner des rôles