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FIGURE 3 : COLLABORATION VS COOPERATION (DILLENBOURG, 2002)

4. Caractéristiques et définitions de l’apprentissage collaboratif

Cette distinction au niveau de la tâche, entre coopération et collaboration, a amené un certain nombre d’auteurs à conceptualiser le processus de collaboration de manière à mettre en évidence ses principales caractéristiques (Henri & Lundgren- Cayrol, 2001).

Pour Roschelle & Teasley (1995, p.70), une démarche collaborative se caractérise par une coordination et une synchronisation de l’activité des apprenants, permettant de maintenir une conception partagée du problème à traiter : « a shared conception

of a problem ». Cette construction d’une représentation commune peut être

associée à la notion de « grounding » (Clark & Brennan, 1991) qui correspond à l’existence d’un « terrain commun » tout au long de la tâche où les participants cherchent à s’assurer de leur compréhension mutuelle. Pour ces auteurs, ce n’est pas la compréhension partagée qui produit l’effet d’apprentissage, mais davantage les efforts cognitifs produits par chaque membre du groupe pour la construire. Les interactions entre apprenants ne se caractérisent pas par une simple transmission d’informations d’un apprenant à l’autre. Cette dynamique entraîne une collaboration active entre les participants.

Selon Ingram & Hathorn (2004) cités par Longchamp (2007), on peut considérer qu’un apprentissage est de type collaboratif quand trois conditions sont remplies. La première est une participation sensiblement égale des différents partenaires. Un certain degré de symétrie doit exister dans les interactions entre les participants. Il correspond à un équilibre dans la participation et la contribution des divers acteurs durant l’activité de collaboration. Pour faciliter un processus collaboratif, Dillenbourg (1999) insiste également sur cette notion d’équilibre dans les interactions qui prennent place au sein du groupe. Il la distingue à deux niveaux complémentaires. La symétrie des actions concerne la proportion d’actions accessibles à chaque membre du groupe. La symétrie des connaissances fait référence au niveau des compétences entre les partenaires. Il met en évidence qu’une légère asymétrie entre celles-ci se révèle bénéfique pour faire apprendre en mode collaboratif et permet d’entraîner des mécanismes d’élaboration plus approfondie. La deuxième repose sur l’émergence d’interactions significatives entre les apprenants. Dans les processus cognitifs, la collaboration n’apparaît que s’il existe une réelle réciprocité qui peut être observable dans les interactions au travers de références explicites aux contributions des autres. La troisième est d’aboutir à un produit d’apprentissage commun qui dépasse la simple somme des différentes contributions individuelles. Elle implique donc une démarche de synthèse des apports individuels permettant d’aboutir à un résultat qu’aucun participant n’aurait pu produire seul, c’est-à-dire la production de nouvelles connaissances par le groupe.

Si ces différentes conditions ne sont pas remplies dans les échanges, les interactions sont plutôt dissymétriques et la dynamique est plus coopérative.

Henri & Lundgren-Cayrol (2001), quant à eux, mettent en évidence que toute expérience collaborative mobilise les apprenants au sein d’un groupe sur trois plans : l’engagement, la communication et la coordination.

L’engagement est lié à la participation active de chaque membre à l’atteinte du but. Il se traduit par un sentiment d’appartenance au groupe, une cohésion du groupe et une productivité de celui-ci. La complémentarité des compétences de chaque membre permet une relation d’entraide et un partage des connaissances (Henri & Lundgren-Cayrol, 2001). Pour Abrami (1996), la cohésion sociale reflète la solidarité entre les membres. Elle correspond donc à l’attraction des individus les uns par rapport aux autres et à leur attachement au groupe (Festinger, 1950 cité par Leyens & Yzerbyt, 2005). Quand la tâche exige la participation de tous les partenaires, Cohen (1994) observe que la cohésion sociale augmente au sein du groupe. La communication fait référence d’un point de vue cognitif à l’expression et à la structuration des idées pour faire émerger de nouvelles connaissances, et à l’établissement de liens sociaux entre les membres du groupe (Henri & Lundgren- Cayrol, 2001). La coordination est relative à la planification des tâches pour maximiser l’efficacité du groupe. Chaque tâche mène à une production concrète et doit être découpée en sous-tâches. Celles-ci portent sur la négociation pour s’entendre sur l’activité à réaliser, la réalisation et la gestion de cette activité (Henri & Lundgren-Cayrol, 2001).

Parallèlement à ces différentes caractéristiques, l’apprentissage collaboratif est souvent associé au concept de communauté. Pour Wenger (1998), la communauté correspond à un groupe de personnes qui a un même intérêt et développe des manières partagées de poursuivre cet intérêt commun. Il définit l’appartenance à une communauté de pratiques comme le résultat d’un engagement des individus dans des actions dont ils négocient le sens les uns avec les autres. La communauté d’apprentissage apparaît quand un groupe d’individus se rassemble autour d’une tâche dans le but de maîtriser de nouvelles connaissances (Riel & Pollin, 2004). Crahay (2005, p.355) propose une réflexion originale pour appréhender ce concept. « La communauté d’apprenants provient du raisonnement suivant : si la

connaissance scientifique résulte d’une communauté de penseurs qui affinent, réajustent et complètent les idées des uns et des autres en collaborant, alors le processus d’apprentissage doit également se dérouler par le dialogue et la collaboration. » Selon cet auteur, le rôle de l’enseignant est d’agencer

l’environnement de telle sorte que les apprentissages de chacun soient liés directement à la qualité de travail de groupe.

En guide de synthèse et en lien avec ces différentes caractéristiques, nous pouvons retenir la définition de l’apprentissage collaboratif proposée par Henri & Lundgren- Cayrol (2001, p. 42) : « L’apprentissage collaboratif est une démarche active par

laquelle l’apprenant travaille à la construction de ses connaissances. Le formateur y joue le rôle de facilitateur des apprentissages alors que le groupe y participe comme source d’information, comme agent de motivation, comme moyen

d’entraide et de soutien mutuel et comme lieu privilégié d’interactions pour la construction collective de connaissances. La démarche collaborative reconnaît le caractère individuel et réflexif de l’apprentissage, de même que son ancrage social, en le raccrochant aux interactions du groupe. La démarche collaborative couple deux démarches : celle de l’apprenant et celle du groupe. »