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Les toxines botuliques sont majoritairement sécrétées par Clostridium botulinum et

plus accessoirement par C. baratii et C. butyricum. Ces bactéries sont des bacilles Gram

positif, sporulantes, strictement anaérobies, d'une taille d'approximativement 0,3 à 1,3 x 3 à

10 µm et disposant de flagelles péritriches (Figure 61). Les bacilles sont généralement isolés

mais ils peuvent aussi être associés en courtes chainettes. (Lindström & Korkeala, 2006; Paul

et al., 2007; J.-C. Zhang et al., 2010) Les spores présentent une résistance exceptionnelle puisqu'elles ne sont pas inactivées par : des températures comprises entre 3°C et 121°C, des pH compris entre 4,6 et 9, des concentrations de 5 à 10 % de NaCl (Lindström & Korkeala,

2006), une concentration de 5 mg.ml-1 de chlorine dans l'eau (Wannemacher, Dinterman, Thompson, & Schmidt, 1993), une dose d'UV de 5000 erg.mm² ou encore une dose de 1600 krad de rayons gamma (Denis, Dai, & Hamblin, 2013; Durban & Grecz, 1969).

Figure 61 : Observation au microscope électronique à transmission de la souche FE0507BLP de

Clostridium botulinum.

La bactérie est marquée négativement. Les flagelles péritriches apparaissent en gris foncé. D'après Paul et al

(Paul et al., 2007).

4.2.1) Diversité et classification

4.2.1.1) Classification physiologique historique

En fonction des températures optimales de croissance et de la sécrétion préférentielle

des toxines de certains sérotypes, les clostridies ont été réparties en cinq groupes, tous

potentiellement pathogènes pour l'Homme (Tableau 7). Quatre de ces groupes (I à IV)

regroupent des souches différentes de Clostridium botulinum et de quelques espèces rares de

clostridies, et le groupe V regroupe les espèces C. baratii et C. butyricum. L'ensemble de ces

cinq groupes se différentie par leur activité protéolytique, en l'occurrence par la capacité des bactéries à cliver certaines protéines (lait ou œuf par exemple dans les tests biochimiques historiques), par leurs températures de croissance ainsi que par d'autres caractéristiques

microbiologiques (Tableau 7). (Hatheway, 1990; Peck, 2009; J.-C. Zhang et al., 2010)

Il est actuellement proposé que toutes les souches sécrétant la toxine botulique (BoNT) du sérotype A (BoNT/A) soient rattachées au groupe I, qui inclut également les souches protéolytiques sécrétant BoNT/B et F. La température optimale de croissance des souches du

groupe I est comprise entre 35 et 40 °C, favorisant une multiplication optimale dans le corps humain. Les spores produites par les bactéries de ce groupe sont les plus résistantes puisqu'elles peuvent survivre plusieurs secondes à 121°C.

Les souches du groupe II sont non protéolytiques et sécrètent BoNT/B, E et F. Leur température optimale de croissance est comprise entre 18 et 25 °C, et donc leur capacité à se multiplier dans l'organisme humain est limitée. Néanmoins, les bactéries appartenant à ce groupe présentent la caractéristique de pouvoir continuer à se développer à basse température (jusqu'à 3,3 °C), donc un aliment contaminé par une souche de ce groupe représente un risque pour la santé même s'il est conservé au réfrigérateur.

Les souches du groupe III ont une activité protéolytique faible voire nulle et sécrètent les sérotypes C et D. Leur température optimale de croissance est comprise entre 37 et 40 °C et ces souches peuvent donc, tout comme celles du groupe I, se multiplier de façon optimale chez l'Homme.

Les souches du groupe IV sont protéolytiques. Elles comprennent C. botulinum et,

depuis 1978, C. argentinense. Ces bactéries protéolytiques sécrètent uniquement BoNT/G, et

leur température optimale de croissance est comprise entre 25 et 45 °C.

Finalement, le groupe V regroupe les souches rares de C. baratii et C. butyricum. Les

souches de C. baratii sécrètent BoNT/F et leur température optimale de croissance est

comprise entre 30 et 37 °C. Les souches de C. butyricum sécrètent le sérotype BoNT/E et

elles se développent préférentiellement entre 30 et 45 °C.

Optimale Minimale

C. botulinum groupe I A, B, F 35-40°C 12°C 4,6 D121 = 1 s à 1,48 min 10% C. botulinum groupe II B, E, F 18-25°C 3,3°C 5 D85 = 1 à 98 min 5% C. botulinum groupe III C, D 37-40°C 15°C 5,1 D104 = 0,9 min ND C. botulinum groupe IV + C. argentinense G 25-45°C ND ND D104 = 1,1 min 6,50%

C. baratii groupe V F 30-37°C ND ND ND ND

C. butyricum groupe V E 30-45°C 10°C 4,8 D100 < 1 seconde ND

Neurotoxine Fermentation des Hydrolise de Digestion de protéolytique Lechitinase Lipase carbohydrates la gélatine la caséine

C. botulinum groupe I oui non oui oui oui oui

C. botulinum groupe II non non oui oui oui non

C. botulinum groupe III Peu ou pas oui oui oui oui faible

C. botulinum groupe IV + C. argentinense oui non non non oui oui

C. baratii groupe V ND oui non oui non non

C. butyricum groupe V ND non non oui non non

Résistance des spores à la chaleur

(D-Value)

[NaCl] maximale pour la croissance Clostridie Clostridie Température de croissance Production de Neurotoxines sécrétées pH minimal de croissance

Tableau 7 : Caractéristiques biochimiques et physiologiques principales différenciant les cinq groupes de clostridies.

La D-Value correspond au temps nécessaire à la température indiquée pour détruire 90 % des spores. (Hatheway, 1990; Peck, 2009; J.-C. Zhang et al., 2010).

4.2.1.2) Classification génétique actuelle

Le principe sur lequel repose la classification physiologique présentée ci-dessus est critiquable au vu des nouvelles techniques biomoléculaires, permettant une caractérisation des espèces beaucoup plus précise. Il a été démontré que l'ADN codant les toxines BoNT/A, B, E et F fait partie du génome de la bactérie, l'ADN codant BoNT/C et D est intégré à un ADN

phagemidique et l'ADN codant BoNT/G est situé dans un opéron plasmidique. (Hill et al.,

2007; Popoff & Marvaud, 1999) Si l'on compare les séquences protéiques des toxines des sept sérotypes, celles-ci peuvent présenter jusqu'à 70 % de différences au niveau de l'holotoxine et jusqu'à 61 % de différences au niveau des chaines légères, qui portent le domaine catalytique (Tableau 8). (T. J. Smith et al., 2005) A l'intérieur de chaque sérotype, des variations dans les séquences peptidiques de 1 à 31,6 % ont été observées. Ces variations sont à l'origine de la création de sous-types pour au moins six des sept sérotypes, seule la toxine du sérotype G ne

comporte actuellement aucun sous-type (Tableau 9). Smith et al (T. J. Smith et al., 2005)

proposent de considérer une toxine comme appartenant à un sous-type distinct si sa séquence en acides aminés présente au moins 2,6 % de différence par rapport aux séquences des sous-types existants. Ces différences permettent de comprendre la difficulté à neutraliser efficacement l'ensemble des sous-types d'un même sérotype avec un seul anticorps. Plusieurs études descriptives des sérotypes et des sous-types de toxines sont actuellement proposées, mais aucune analyse n'a étudié de façon exhaustive l'ensemble des souches sécrétant les sept sérotypes de toxine. Les sérotypes A, B, E, et dans une moindre mesure F étant à l'origine des

cas humains, ils ont été les plus étudiés. Actuellement, l'étude de Hill et al (Hill et al., 2007)

est certainement la plus détaillée pour les sérotypes A, B et E, et peut être considérée comme la classification de référence pour ces trois sérotypes.

A 31 33 34 34 34 35 B 33 33 37 38 59 C 56 35 35 35 D 36 36 36 E 58 38 F 40 G Sérotypes de la chaine légère A B C D E F G

Tableau 8 : Pourcentage d'homologie moyen entre les chaines légères des sept sérotypes de toxines botuliques.

A 2,1 à 16 % 5 B 2 à 7 % 7 C 24 % à 24,2 % 3 D 23,7 % à 23,9 % 2 E 1 à 5 % 5 F 10,7 % à 31,6 % 7

G Pas de sous-type décrit 0

Nombre de sous-types actuellement

décris Sérotypes

Pourcentage minimal et maximal de différences au niveau des acides aminés

dans le sérotype

Tableau 9 : Variation de la séquence en acides aminés au sein de chaque sérotype de toxine botulique.

Selon les sources des souches bivalentes peuvent être considérées ou non comme un sous-type particulier. Adapté de (Hill et al., 2007; Jacobson et al., 2011; Raphael, Choudoir, Lúquez, Fernández, & Maslanka, 2010; T. J. Smith et al., 2005)

L'analyse de 60 souches sécrétant BoNT/A par Hill et al (Hill et al., 2007) a mis en

évidence l'existence de quatre sous-types. Selon cette étude, les sous-types A1 et A2 sont

majoritaires puisqu'ils regroupent respectivement 54 et 4 souches, les sous-types A3 et A4 sont

eux minoritaires puisqu'ils ne sont représentés que par une seule souche chacun. Le pourcentage d'identité au niveau protéique entre ces quatre sous-types varie de 84 à 93 %, et

les sous-types A3 et A4 apparaissent éloignés des sous-types A1 et A2. Une étude de 2009 a

identifié un nouveau sous-type, A5, à partir de souches isolées chez quatre personnes atteintes

de botulisme par colonisation de plaies datant de 2004. (A. T. Carter et al., 2009) Ce

sous-type est sécrété par cinq souches ce qui en ferait un sous-sous-type majoritaire, et il présente

97,1 % d'identité protéique avec BoNT/A1. (Jacobson et al., 2011) L'étude du génome d'une

souche sécrétant BoNT/A5 isolée à partir d'un enfant atteint de botulisme a mis en évidence

des réarrangements génétiques avec le sérotype B. (Dover, Barash, & Arnon, 2009) Les souches Ba, Ab, et Af sont des souches bivalentes qui peuvent sécréter deux sérotypes, mais la sécrétion de la toxine d'un des deux sérotypes est prédominante, la toxine majoritairement produit étant représentée par la lettre en majuscule. Le rapport de sécrétion peut varier de 10/1 à 10 000/1. (Fernández, Ciccarelli, Arenas, & Giménez, 1986; Franciosa, Fenicia, Pourshaban, & Aureli, 1997)

L'analyse de 60 souches sécrétant BoNT/B par Hill et al (Hill et al., 2007) a mis en

évidence l'existence de cinq sous-types. Les sous-types B1 et B2 sont majoritaires puisqu'ils

regroupent respectivement 16 et 32 souches. Les sous-types B3, B4 (B non protéolytique) et

B5 (B exprimé de façon bivalente avec A) sont minoritaires puisqu'ils regroupent

protéique varie de 93 à 98 %. Des études plus récentes ont identifié de nouveaux sous-types

B6 et B7. (Kalb et al., 2012; Umeda, Seto, Kohda, Mukamoto, & Kozaki, 2009)

L'étude de 36 souches sécrétant BoNT/E par Hill et al (Hill et al., 2007) a mis en

évidence cinq sous-types, de E1 à E5. Cependant aucun des cinq sous-types ne peut être

considéré comme majoritaire, car l'ensemble des souches est réparti équitablement entre chacun des cinq sous-types. Le pourcentage d'identité entre ces cinq sous-types varie entre 95 et 99 %.

Actuellement sept sous-types de BoNT/F (F1 à F7) sont décrits. Les sous-types F1 à F5

correspondent à des souches de C. botulinum du groupe I, le sous-type F6 correspond aux

souches de C. botulinum du groupe II et le sous-type F7 à des souches de C. baratii. Les

souches bivalentes Af sécrètent des toxines des sous-types F4 et F5 alors que la souche

bivalente Bf ne sécrète que le sous-type F2. (Raphael et al., 2010)

Trois sous-types de BoNT/C (C1 à C3)ont été décrits et il a été observé que certaines

souches contenaient des gènes mosaïques CD et DC. En plus de ces deux gènes mosaïques, il existe deux sous-types de BoNT/D. Aucun sous-type de BoNT/G n'a été décrit et ce sérotype présente environ 58 % d'identité avec le sérotype BoNT/B. (Campbell, Collins, & East, 1993) Une toxine du sérotype G a été détectée dans le corps de personnes décédées, sans que ne soit

établi avec certitude l'implication de cette toxine dans le décès. (Sonnabend et al., 1981)

4.2.2) Répartition géographie

Les clostridies sont des bactéries ubiquitaires et des cas de botulisme ont été rapportés

dans le monde entier. (Hatheway, 1990) Hauschild et al (Hauschild, 1989) ont estimé le

nombre de spores par kilo de terre ou de sédiments ; selon les lieux de prélèvements, la densité de spores peut varier de une à six spores par kilo de terre au Royaume-Uni, jusqu'à 2 500 dans les champs de pommes de terre aux Pays-Bas. La densité de spores dans les sédiments aquatiques varie d'une spore par kilo aux îles Féroé et dans le golf du Maine, jusqu'à 920 dans le lac Michigan. On retrouve principalement le sérotype A aux Etats-Unis d'Amérique et en Australie, le sérotype B aux Etats-Unis d'Amériques et en Europe, et le

sérotype E au Canada, en Europe du nord et au Japon (Figure 62). Les sérotypes C et D sont

répartis très sporadiquement dans le monde. (Huss, 1980; Leclair et al., 2013; K. F. Meyer &

Figure 62 : Représentation du sérotype principal impliqué dans les cas de botulisme humain en fonction des zones géographique.

Rouge : cas dus au sérotype A ; Jaune : cas dus au sérotype B ; Bleu : cas dus au sérotype E ; Points noirs : cas dus aux sérotypes C et D. Source : Pr. Popoff, communication personnelle.