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CHAPITRE III : Questions et cadre conceptuel

3.5 Le modèle du Social Exclusion Knowledge Network

Dans le cadre des travaux sur les déterminants sociaux de la santé, l’OMS a mis sur pied le Social Exclusion Knowledge Network (SEKN) afin que celui-ci produise un état des connaissances sur l’exclusion sociale et propose un cadre théorique sur le sujet. Le rapport du SEKN est significatif dans le domaine de la santé publique. Popay et al. (2010) expliquent la définition et le cadre conceptuel qu’ils ont développés pour comprendre l’exclusion sociale dans le contexte des inégalités de santé. Les auteurs du rapport Understanding and Tackling Social Exclusion du SEKN proposent un modèle innovant et actualisé de l’exclusion sociale basé sur les rapports sociaux inégalitaires (Popay et al., 2010).

3.5.1 L’exclusion sociale, la définition du SEKN

Dans un premier temps, voici la définition de l’exclusion sociale proposée par le SEKN : L’exclusion sociale est constituée de dynamiques et de processus multidimensionnels induits par des relations de pouvoirs inégalitaires. Ces dynamiques et processus interagissent à l’intérieur des dimensions sociales, culturelles, économiques et politiques et à différents niveaux auprès des individus, des groupes, des ménages, des communautés, des provinces et des pays. Les processus d’exclusion contribuent à la production des inégalités de santé par la création d’un continuum d’inclusion/exclusion. L’exclusion sociale se caractérise par une distribution inégalitaire des ressources, des capacités et des droits nécessaires pour :

 créer les conditions nécessaires afin que toute la population puisse satisfaire ses besoins de base;  encourager la participation et la cohésion dans les systèmes sociaux;

 valoriser la diversité;

 garantir la paix et respecter les droits humains;

soutenir les environnements favorables (Popay et al., 2010, p. 36 [Traduction])

L’une des particularités de cette définition de l’exclusion sociale est qu’elle met l’accent sur les rapports sociaux. En effet, Popay et ses collègues (2010) soutiennent que « l’exclusion sociale est constituée de dynamiques et de processus multidimensionnels induits par des relations de pouvoirs inégalitaires ». Les auteurs mentionnent que ces rapports sociaux inégalitaires s’insèrent à l’intérieur de différents milieux sociaux (famille, travail, école, lieux publics, système judiciaire, etc.). Ces relations de pouvoir inégalitaires peuvent se manifester par des attitudes sociales dominantes, de la discrimination, de la violence physique et verbale, du dénigrement, de l’étiquetage, dans la perte du statut social et dans une distribution inégalitaire du pouvoir. Popay et ses collaborateurs (2010) mentionnent également que l’exclusion sociale peut être volontaire ou involontaire. L’exclusion volontaire est le résultat direct d’une action qui avait l’intention de traiter un individu différemment.

Quant à l’exclusion involontaire, elle se manifeste par un rapport social qui n’avait pas pour intention d’exclure une personne ou un groupe, mais qui le produit néanmoins. Ce modèle conceptuel met également en lumière l’importance de « l’identité » et de la « reconnaissance » comme des aspects qui produisent des processus d’exclusion. Les auteurs avancent que les rapports de pouvoir inégalitaires peuvent être basés sur certaines caractéristiques comme le genre, l’ethnie, les classes sociales et l’âge (Popay et al., 2010). Nous apporterons davantage d’éléments d’explication sur le rapport de pouvoir inégalitaire, l’identité et la reconnaissance dans les prochaines sections qui portent sur la théorie de la justice sociale de Fraser (1998).

Popay et ses collaborateurs soutiennent que l’exclusion sociale se vit dans différents milieux sociaux et que les formes d’exclusion relèvent de quatre grandes dimensions qui sont interreliées (économique, sociale, politique et culturelle). La dimension économique concerne l’accès au marché du travail et ne bénéficient pas des ressources économiques qui sont essentielles telles que l’emploi, le revenu, le logement, etc. (Popay et al., 2010). La dimension sociale permet d’analyser la qualité des relations de soutien avec les amis, la famille, les associations ethniques, les groupes religieux, les organismes communautaires et le voisinage ainsi que l’absence de liens avec les autres membres de la société (Popay et al., 2010). La dimension politique permet d’analyser si les individus ou les groupes peuvent exercer leurs droits reconnus dans les lois, les constitutions, les politiques et les programmes (Popay et al., 2010). L’exclusion sociale peut aussi se manifester par une distribution inégale des possibilités de participer à la vie publique, d’exprimer ses désirs et ses intérêts ou encore par un accès amoindri aux différents services (Popay et al., 2010). Quant à la dimension culturelle, elle permet de voir si les valeurs, les normes, les traditions et les modes de vie des individus sont acceptés et respectés.

3.5.2 Les forces du modèle du SEKN

Ainsi, ce modèle nous permettra d’identifier les formes d’exclusion sociale vécues par les réfugiés dans différents milieux. Quant aux dimensions économiques, sociales, politiques et culturelles, ce sont des construits analytiques que nous retenons pour notre analyse. Elles nous permettent de mieux comprendre si les réfugiés de l’Afrique subsaharienne ont accès aux ressources, aux droits et au pouvoir pour participer pleinement à la société.

Le modèle développé par Popay et al. (2010) permet aussi de rendre explicites les liens entre l’exclusion sociale et la production des inégalités sociales de santé. D’abord, il est attendu qu’une participation restreinte à la société ait des conséquences négatives sur la santé et le bien-être des individus. Deuxièmement, l’exclusion sociale peut positionner les individus de façon hiérarchique dans la société et le statut social définit les opportunités d’accès aux ressources, au pouvoir et aux droits nécessaires pour maintenir un bon état de santé.

la santé tels que l’emploi, les conditions de travail, le logement, la sécurité alimentaire, ce qui contribue à augmenter les problèmes de santé (Popay et al., 2010).

En ce sens, le modèle du SEKN nous permet d’explorer les formes d’exclusion sociale qui pourraient être vécues par les réfugiés subsahariens à Québec. Il offre donc un angle d’analyse approprié pour répondre à notre première question de recherche : « Quelles formes d’exclusion sociale les réfugiés de l’Afrique subsaharienne réinstallés à Québec ont-ils vécues ? » Tel que nous l’avons mentionné ci-dessus, ce modèle a également le potentiel de questionner les rapports sociaux qui ont une influence sur les conditions de vie et la santé des réfugiés. Il nous permet donc de répondre aux questions spécifiques deux et trois de cette recherche : « Quels sont les effets de l’exclusion sociale sur les conditions de vie des réfugiés de l’Afrique subsaharienne réinstallés à Québec? » et « Quels sont les effets de l’exclusion sociale sur la santé des réfugiés de l’Afrique subsaharienne réinstallés à Québec? » Nous avons également retenu la perspective d’une auteure sur l’exclusion sociale qui nous permet d’enrichir ce cadre conceptuel. Les idées complémentaires à notre modèle sont présentées dans la prochaine section.