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Les difficultés liées à l’emploi, au faible revenu et à la déqualification

CHAPITRE II : Recension des écrits et problématique

2.2 Les causes de l’exclusion sociale chez les réfugiés

2.2.4 Les difficultés liées à l’emploi, au faible revenu et à la déqualification

Une enquête canadienne longitudinale a été effectuée auprès des immigrants du Canada (ÉLIC) afin de comprendre comment ils s’adaptent après leur installation. Cette étude a permis d’identifier des facteurs qui facilitent ou qui freinent cette adaptation. Les sujets abordés touchaient les compétences linguistiques, le logement, la scolarité, la reconnaissance des diplômes étrangers, l’emploi, le revenu, la santé, les valeurs et attitudes ainsi que l’établissement et l’utilisation de réseaux sociaux. Des immigrants de douze cohortes ont été interviewés à trois moments différents, soit six mois (2001), deux ans (2003) et quatre ans (2005) après leur arrivée. La population à l’étude comporte des immigrants qui sont arrivés au Canada, entre le 1er octobre 2000

et le 30 septembre 2001, qui sont âgés de 15 ans et plus au moment de leur arrivée et qui proviennent de l’extérieur du Canada.

En 2003, les données de l’ÉLIC révèlent que 46 % des réfugiés sont concentrés dans le quartile de revenu le plus bas, 35 % dans le deuxième plus bas, 15 % dans le deuxième plus élevé et seulement 4 % dans le quartile de revenu le plus haut. Ces taux sont très différents de celui des sous-groupes d’immigrants économiques qui sont de 24 %, 24 %, 26 % et 26 % (Robert et Gilkinson, 2012). Lorsqu’on analyse les données de l’ÉLIC, on constate que le pourcentage de réfugiés se situant dans le plus bas quartile de revenu augmente légèrement, passant de 46 % en 2003 et à 51 % en 2005 (Robert et Gilkinson, 2012). Les données de l’enquête concluent également que le revenu familial chez les réfugiés est environ 20 000 $ de moins que chez les autres catégories d’immigrants, soit 33 735 $ chez les réfugiés, comparativement à 53 157 $ (Murdie, 2010).

Au Canada, les groupes issus des minorités racisées vivent davantage d’inégalités à l’emploi, occupent des emplois moins prestigieux, ont des salaires moins élevés que les natifs et occupent des emplois pour lesquels ils sont surqualifiés (Robert et Gilkinson, 2012). À Vancouver, Francis (2010) révèle que les réfugiés africains sont plus susceptibles de détenir des emplois précaires caractérisés par de faibles revenus et de mauvaises conditions de travail. Il rapporte que 80 % d’entre eux sont sans emploi ou gagne 10 $/h, ce qui correspondait

au salaire minimum (Francis, 2010). En ce qui concerne tous les réfugiés, les données de l’ÉLIC révèlent que seulement 22 % occupent un emploi six mois après leur arrivée (Murdie, 2010).

Au Québec, une enquête réalisée en 1998-1999 auprès de quatre groupes d’immigrants récents révèle que les réfugiés comparativement aux autres catégories sont moins représentés parmi les professionnels, les cadres supérieurs et intermédiaires, ainsi que chez les techniciens. Par ailleurs, ils disposent d’une moins grande autonomie décisionnelle au travail que les travailleurs québécois et que les immigrants économiques (Clarkson, 2005). En effet, les réfugiés doivent souvent se contenter d’emplois mal rémunérés et leur existence devient marquée par la pauvreté (Saillant, 2007).

Toujours au Québec, un article d’Arsenault (2003) qui s’intéresse aux femmes réfugiées congolaises réinstallées met en lumière certains éléments d’exclusion liés à l’emploi. En effet, l’obligation de trouver rapidement une source de revenus mène à une dégradation des conditions de travail par rapport au pays d’origine. Certaines femmes détenaient des emplois de médecin, d’infirmière, d’entrepreneure, de professeure ou de vendeuse avant leur migration et sont confinées à des emplois en usine ou en manufacture au Québec. Cet article soulève également l’enjeu de la déqualification professionnelle. Bien que plusieurs femmes de cette étude possèdent des diplômes universitaires, la complexité et les coûts des démarches de reconnaissance sont mentionnés comme des facteurs freinant la reconnaissance de l’équivalence des diplômes étrangers (Arsenault, 2003).

De nombreuses études dans le monde rapportent que les réfugiés expérimentent davantage d’inégalités que d’autres groupes par rapport à l’emploi et ont de la difficulté à accéder au marché du travail (Phillimore et Goodson, 2006). Tout comme les études canadiennes, des recherches effectuées en Suède et en Australie concluent que les revenus des réfugiés sont très bas. Les résultats de l’enquête SetlleMEN en Australie rapportent que 63 % des réfugiés participants avaient un revenu hebdomadaire moyen en dessous du seuil de faible revenu (Correa-Velez et al., 2013). Cela a une conséquence sur la qualité de vie et sur la satisfaction de nombreux besoins vitaux comme le logement et la sécurité alimentaire (Bevelander et Pendakur, 2014; Davidson et Carr, 2010).

Le manque de confiance, le manque d’expérience de travail dans le pays d’accueil, les connaissances limitées sur les ressources d’employabilité, le manque de réseaux sociaux pour entrer en contact avec des employeurs potentiels, une faible maitrise de la langue du pays d’accueil, les écarts culturels, le manque de reconnaissance des qualifications, la discrimination raciale de la part des employeurs sont des facteurs susceptibles de maintenir les réfugiés à l’écart du marché du travail (Bevelander et Pendakur, 2014; Khanlou, 2010; Phillimore et Goodson,

2006; Shishehgar et al., 2016). À long terme, toutes ces situations peuvent engendrer une incapacité à participer au marché du travail et, par le fait même, mener à leur marginalisation économique (Davidson et al., 2010).

Les recherches existantes sur l’employabilité des réfugiés concluent que ceux qui travaillent s’ajustent plus facilement à la société d’accueil que ceux sans emploi. En effet, travailler crée des occasions d’apprendre la langue locale et de construire des réseaux sociaux (Phillimore et Goodson, 2006). De plus, le fait d’avoir un emploi stable et de qualité est un facteur prédictif d’une bonne santé mentale et d’un meilleur bien-être (Shishehgar et al., 2016).

En somme, plusieurs études au Québec et dans le monde montrent que les réfugiés vivent de l’exclusion sociale dans leurs recherches d’emploi et dans la reconnaissance de leurs acquis.

2.3 Les conséquences de l’exclusion sociale sur les conditions