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2.1.2- Le modèle de Borensztein, De Gregorio et Lee (1998)

Le but de Borensztein, De Gregorio et Lee, était de fournir un modèle économique dans lequel les investissements étrangers stimulent l’accumulation du capital ainsi que le progrès technique, les deux mécanismes qui assurent une croissance économique positive de long terme. Afin d’améliorer notre compréhension du modèle, nous commencerons par analyser le lien théorique historique entre l’accumulation du capital, le progrès technique et la croissance économique.

Grâce aux modèles de croissance néoclassique, comme celui de (Solow, 1956) avec lequel nous avons travaillé dans notre premier chapitre, nous savons désormais que les variations de la production sont dues à des modifications du stock de capital , du travail , ainsi qu’au progrès technique . Les variations de stock de capital et de travail, sont des modifications de

quantités d’inputs utilisées pour la production de biens. Toute autre modification de la production , sera donc le fait de variations du progrès technique , on parle aussi de « résidu de Solow» ou de productivité totale des facteurs. On peut noter la fonction de production comme suit :

! (46)

Dans les modèles néoclassiques, les effets sur la croissance des modifications de quantités d’inputs, s’amenuisent à long terme. La croissance positive de long terme, est assurée par le progrès technique, qui y est exogène. Les investigations concernant les origines du progrès technique, ont révélées qu’il est dû essentiellement à deux facteurs. La qualité des inputs capital et travail utilisée, c'est-à-dire le niveau de technologie utilisée, ainsi que le mode de combinaison des inputs dans le processus de production, on parle d’efficience technique (Jorgenson & Griliches, 1967). Cela a constitué la base, du développement des théories de croissance endogène par la suite.

La qualité du travail, est devenue le point focal des théories de croissance endogène avec capital humain (Lucas, 1988) et (Rebelo, 1991). La qualité du capital, l’objet des théories de croissance endogène avec approfondissement du capital (Romer, 1990) et (Aghion & Howitt, 1992). L’efficience technique en revanche, a été étudiée dans les modèles de croissance endogène avec diffusion de savoir faire (Romer, 1986) et (Lucas, 1988). Pour capturer l’impact de la qualité des inputs, on peut réécrire la fonction de production néoclassique de la manière suivante :

š š ! (47)

Les variations du niveau de production, seront désormais imputables aux modifications de la quantité des inputs travail et capital , aux changements de qualité des inputs š et š , ainsi qu’au progrès technique .

On admettra donc à ce stade, que si les investissements directs étrangers ont un impact sur la croissance économique de long terme, ce mécanisme ce traduira alors de la façon suivante. Ils peuvent d’une part, impacter le processus d’accumulation du capital en augmentant la quantité de bien capital disponible (on parle d’élargissement du capital ou d’accumulation du capital au sens de (Solow, 1956)). D’autre part, ils peuvent promouvoir le progrès technique, via le niveau de technologie utilisée, en améliorant soit la qualité des biens en capital existant, soit en apportant de nouvelles variétés de biens en capital (on parle d’approfondissement du capital). En considérant que les entreprises multinationales opèrent dans le pays hôte avec une technologie avancée, on suppose qu’ils ne vont pas simplement augmenter la quantité de bien capital disponible dans le pays. C’est pourquoi, les modèles de croissance endogènes avec IDE, supposent que les investissements étrangers font partie à la fois des processus d’accumulation et d’approfondissement du capital dans le pays hôte, dans la mesure où ils peuvent favoriser soit l’émergence de nouveaux types de bien capital, soit l’amélioration de la qualité des biens en capital existant. Dans le modèle de (Borensztein, De.Gregorio, & Lee, 1998) que nous présenterons, les investissements étrangers augmentent la variété (le type) de bien capital disponible dans le pays hôte.

La structure de base, des modèles de croissance endogène avec approfondissement du capital est la même ((Romer, 1990) et (Aghion & Howitt, 1992)). Les producteurs de biens finaux, demandent du travail et du capital dans le but de produire, via une fonction de production néoclassique. La quantité de travail est supposée constante, tandis que le capital est produit par des entreprises présentes sur un marché intermédiaire. Les entreprises du secteur intermédiaire, investissent en recherche et développement, afin de produire des biens en capital complètement nouveaux (Romer, 1990) ou de qualité supérieure (Aghion & Howitt, 1992) , qu’elles vendent ensuite aux entreprises fabriquant les biens de consommation finale. Le stock de capital physique connait donc une évolution soit en quantité (nombre de variétés où de types de bien disponible), soit en qualité (résultat d’un processus de recherche et développement). Ce mécanisme d’évolution du capital physique, assure la croissance de long terme. Dans les faits, ces deux sources d’évolution du stock de capital physique (quantité et qualité), se manifestent en même temps. C’est pourquoi, il est conseillé de regarder les deux grandes familles de modèles de croissance endogènes, comme étant complémentaires, plutôt que rivales (Barro & Sala-i-Martin, 2004).

(Borensztein, De.Gregorio, & Lee, 1998), considèrent une économie où le progrès technique résulte de l’approfondissement du capital comme explicité plus haut, sous la forme d’une augmentation de la variété de bien disponible dans l’économie ( (Romer, 1990) et (Grossman & Helpman, 1991)). L’économie fabrique un seul bien de consommation, à partir d’une fonction de production de la forme suivante :

P ! (48)

Avec représentant l’état exogène de l’environnement économique, P le niveau de capital humain et le stock de capital physique. L’état de l’environnement, est sensé correspondre aux différentes variables de contrôle et de politique qui affectent le niveau de productivité de l’économie. Le niveau de capital humain est supposé donné, alors que le stock de capital physique consiste en une agrégation de différentes variétés de bien capital. Ce faisant dans leur modèle, les processus d’accumulation et d’approfondissement prennent la forme d’une augmentation du nombre de variétés de bien capital.

A chaque instant, le stock de capital physique est donné par l’expression suivante :

Ÿ % nx !

lY< `l * ! (49)

Le stock de capital physique total, est donc représenté par la somme des variétés de bien capital, chacune étant notée% n . Le nombre total de variétés de bien capital, est p. Il existe dans le modèle, deux types d’entreprises qui fabriquent les biens en capital. Des entreprises nationales, ainsi que des multinationales qui font des investissements dans le pays hôte. Les entreprises nationales produisent n variétés de bien capital, et n* pour les multinationales. On a donc :

Ils supposent que ce sont des entreprises spécialisées, qui produisent les bien en capital et les vendent ensuite aux firmes productrices de biens finaux au prix m(j). La demande pour chaque type de bien capital x(j), suit la condition d’égalité entre le coût de chaque variété de bien capital et sa productivité marginale. Cette condition d’optimalité s’écrie :

] n - P % n ! (51)

L’augmentation du nombre de variété de bien capital, nécessite une adaptation de la technologie déjà disponible dans les pays avancés, de sorte à rendre possible l’incorporation de nouveau type de bien capital. Ils supposent que cette adaptation de niveau de technologie est coûteuse, et nécessite un coût fixe F avant la production de nouveau type de bien en capital. Borensztein, De Gregorio et Lee, assument que ce coût fixe dépend négativement du ratio (n*/N), c'est-à-dire du ratio nombre d’entreprises étrangères sur le total d’entreprises présentes sur le marché intermédiaire de production de bien capital. Cette hypothèse est formulée pour capturer l’idée, que les entreprises multinationales peuvent apporter dans les pays en voie de développement, un savoir faire nécessaire à la production de nouveau type de bien en capital. Donc, en facilitant l’adoption de nouvelles technologies nécessaire à la production de nouvelles variétés de bien capital, les investissements directs étrangers opérés par les multinationales, constituent ici le seul vecteur de progrès technique. Ils supposent aussi, l’existence d’un phénomène de rattrapage technologique. Ceci pour traduire le fait qu’il est moins coûteux d’imiter des biens en capital déjà existant, plutôt que d’en inventer une nouvelle catégorie. Ils incorporent cette hypothèse dans leur modèle, en supposant que le coût fixe d’adaptation du niveau de technologie, dépend positivement du ratio (N/N*). Ce ratio représente, le nombre de variétés de bien capital produit dans le pays hôte (N) sur le nombre de variétés de bien capital disponible dans les pays les plus industrialisés (N*). Dans les pays où le ratio (N/N*) est faible (pays en voie de développement), les possibilités d’imitation sont grandes, rendant par conséquent faible le coût d’adaptation du niveau de technologie F. Le coût d’adaptation technologique F sera donc de la forme:

En plus de ce coût fixe F, une fois le nouveau bien capital introduit dans le pays hôte, ils supposent que l’entreprise multinationale doit faire face à un coût de maintenance constant à chaque période de temps. Cette hypothèse revient par exemple à affirmer, qu’il existe un coût de production marginal constant égal à 1, et que le bien capital se déprécie totalement, en entrant dans la fabrication du bien final. Le profit espéré et actualisé de chaque firme produisant le nouveau bien capital j, au taux d’intérêt r constant est :

£ n ¤# ( p p p ( ¥ " Ÿ % n ] n¦ !§ H! ` (53)

La différence entre le prix de vente et le coût de production (profit), pour chaque entreprise et à chaque période de temps est donné dans l équation ci-dessus par l’expression x(j)(m(j)-1). Ce profit est actualisé au taux d’intérêt constant r, représentant la rentabilité du projet d’investissement à chaque période de temps. L’objectif de chaque entreprise est de maximiser ce profit, par rapport à la demande de bien capital s’adressant à elle (équation 51 ci-dessus). On obtient un niveau d’équilibre, pour la production de chaque type de bien capital x(j) définit comme suit :

% n P * - @* (54)

On remarque à partir de l’équation ci-dessus, que le niveau de production de chaque type de bien capital est constant dans le temps. Le niveau de production de chaque variété de bien capital est le même, à cause de la symétrie entre entreprises productrices. En arrangeant les équations (54) et (51) ci-dessus, on obtient le prix de vente constant dans le temps pour chaque type de bien capital comme suit :

En supposant que les entrées d’entreprises étrangères sur le secteur intermédiaires sont libres, Borensztein, De Gregorio et Lee considèrent qu’à long terme les profits seront nuls. Le taux de rentabilité des projets d’investissements r, qui annule le profit des entreprises est définit de la manière suivante :

K ¨ 7# ( p p p ( 9! P Avec ¨ - - @! * (56)

C’est le comportement d’épargne, qui décrira le processus d’accumulation du capital. On considère que les individus maximisent, une fonction d’utilité inter temporelle de forme suivante :

© Ÿ ª«¬-®

!u !s H! ` ¦

(57)

Avec C, désignant le montant de consommation de bien final Y. La trajectoire optimale de consommation peut être extraite, à partir du taux de rentabilité des projets d’investissements r, définit ci-dessus. Le taux de croissance du niveau de consommation, donné par la condition standard de maximisation de l’utilité sera égal à :

ª¯

ª¯ u K j (58)

On vérifie aisément, que le taux de croissance de la consommation doit à l’équilibre stationnaire, être égal au taux de croissance de la production Y, qu’ils notent g. En combinant les équations (56) et (58), on obtient l’expression du taux de croissance de la production de l’économie g :

6 u ,¬ 7# ( p p p ( 9! P j (59)

L’équation ci-dessus montre que les investissements directs étrangers, représentés par le ratio des biens en capital produits par les multinationales sur le nombre total de bien en capital dans l’économie # ( p , réduisent le coût d’introduction de nouvelles (technologies) variétés de bien capital F, et augmentent par conséquent le taux de croissance de la production de bien final Y. Les investissements étrangers, augmentent donc la probabilité avec laquelle de nouveaux biens en capital (nouvelles technologies) sont introduits dans l’économie du pays hôte.

Le coût d’introduction de nouvelles (technologies) variétés de bien capital F, est également faible pour les pays avec un écart technologique. Ceux sont dans le modèle, les pays dans lesquels il existe peu de variété de bien en capital, par rapport aux pays dits développés p p ( . Dans ces pays, comme nous l’avons évoqué plus haut, ce sont les possibilités d’imitation qui réduisent le coût d’adoption de nouvelles technologies.

De plus, l’équation (59) ci-dessus indique que l’impact positif des investissements directs étrangers sur le taux de croissance de la production, dépend du niveau de capital humain du pays hôte (H), ainsi que de l’état de l’environnement économique affectant la productivité de l’économie dans le pays hôte (A). Plus le niveau de capital humain dans le pays hôte est élevé, plus les effets des investissements étrangers sur le taux de croissance économique seront fort. Plus l’état de l’environnement économique affectant la productivité est bon (ce que nous avons définit plus haut comme les déterminants de l’ampleur des externalités), plus les IDE impacteront positivement sur le taux de croissance de l’économie.

De façon générale, pour un pays en voie de développement le nombre de variétés de bien en capital, par rapport aux pays dits développés est faible p p ( . Comme mentionné plus haut, cela réduit le coût d’adaptation du niveau de technologie F dans ce pays, à cause des possibilités d’imitation et d’incorporation plus fortes de nouvelles variétés de bien en capital, déjà disponibles dans d’autres pays. Donc les entreprises multinationales, seront incitées à entreprendre des investissements dans ce type de pays (IDE). Cela permet une augmentation progressive de la variété de bien en capital disponible dans le pays (N), et par conséquent du ratio nombre de variété de bien en capital disponible dans le pays par rapport aux pays dits

développés p p ( . Plus ce ratio se rapproche de 1, plus le nombre de variété bien en capital disponible dans le pays (N) approche celui des pays développés (N*), c'est-à-dire plus la part de variété bien en capital produit par les entreprises étrangères est forte # ( p , plus les possibilités d’incorporations de nouveaux types de bien en capital s’amenuisent et moins le taux de croissance de la production sera élevé, toute chose égale par ailleurs. On comprend donc à ce stade, que les investissements directs étrangers ont un impact plus fort sur le taux de croissance de la production d’un pays, quand celui-ci est éloigné du niveau de production des pays dits développés (N*). Plus un pays reçoit d’investissements étrangers, plus son nombre de variété de bien en capital s’approche de celui des pays développés, moins les nouveaux investissements étrangers auront d’impact sur la croissance de sa production, toute chose égale par ailleurs. D’après (Neuhaus, 2006), quand un pays atteint le nombre de variété de bien en capital disponible dans les pays développés, ceux à la frontière de l’innovation, le progrès technique atteint un taux constant et faible, car il est guidé par les améliorations de la qualité des biens en capital disponible, plutôt que par l’incorporation de nouveaux types de bien en capital.

Ce faisant, l’impact des investissements étrangers sur le taux de croissance économique, qui passe par l’augmentation de la variété de bien en capital, sera élevé pour les pays avec un niveau de bien en capital faible par rapport aux pays développés, toute chose égale par ailleurs. Puis, quand le nombre de variété de bien en capital (N) commence à augmenter (quand les investissements étrangers augmentent), l’impact des investissements étrangers sur le taux de croissance économique se réduit peut à peu. Une fois que le nombre de variété de bien en capital disponible dans le pays, atteint celui des pays développés, l’impact des investissements étrangers sur le taux de croissance économique est constant et faible, car ce sont désormais les améliorations de qualité de bien en capital disponible, plutôt que l’incorporation de nouveaux types de bien en capital qui influeront sur le taux de croissance économique. Le graphique 13 ci-dessous résume cette idée, en montrant l’évolution du taux de croissance économique d’un pays (g), à mesure que le nombre de variétés de bien en capital augmentent (N), c'est-à-dire au fur et à mesure qu’il reçoit des investissements étrangers.

Dans la suite de notre chapitre, nous chercherons à estimer l’impact des investissements directs étrangers reçus par les pays de notre échantillon, sur leur revenu par tête de long terme, à la fois via l’accumulation du capital, ainsi que par le progrès technique, étant donné

que nous connaissons désormais par quels mécanismes, ils sont censés influer sur le taux de croissance économique du pays hôte.

Source: The Impact of FDI of Economic Growth (Neuhaus, 2006)

2.2- Les investissements directs étrangers, les investissements