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5.1 Céréales

5.1.4 Le maïs, céréale mineure et complémentaire

Le maïs est considéré comme une culture mineure en compétition avec les cultures de rente dans les systèmes de production. Elle rentre aussi en compétition avec les maïs importés d’autres pays limitrophes mais aussi le maïs provenant de gros exportateurs comme les Etats- Unis. L’aspect socio-culturel de cette céréale en fait une céréale cultivée en complément, juste après la saison des pluies. En outre, elle est considérée par les nigériens comme un « aliment de soudure », et lors des famines, a été largement distribuée.

« Plusieurs préfets notent, comme celui de Maradi, que le « maïs [importé] ne soulève nullement l’enthousiasme des populations au regard des difficultés que demande sa préparation » » (Bonnecase V., 2010b).

Bonnecase V. souligne à l’aide de témoignages que la consommation du maïs n’est pas privilégiée par le monde rural nigérien. En effet, de nombreux ménages préparent les céréales en pilant une certaine quantité. Or, le pillage du maïs est une opération très difficile et chronophage. En outre, en cas de crises alimentaires, le maïs est souvent utilisé si le mil et le sorgho sont épuisés18 accentuant l’idée que le maïs, tout comme le manioc, est un produit de substitution en cas de crise. Enfin, le maïs fait partie des cultures aux besoins hydriques conséquents et ne peut de ce fait être cultivé n’importe où.

En matière de superficies, la tendance est caractérisée par une évolution positive exponentielle. Comme pour les autres superficies céréalières, les superficies se sont accrues surtout depuis le retour du lac Tchad où le maïs de décrue est largement répandu (Valentin C., 1997). Étant donné les faibles besoins en maïs et le caractère de substitution de cette céréale, le maïs est fortement localisé dans les bas-fonds, les vallées fossiles, les rivières temporaires du sud du Niger. A ces zones de production s’ajoute le maïs produit dans l’Aïr. Même si la culture du maïs n’est plus une culture de choix pour les agriculteurs de l’Aïr, elle demeure encore cultivée comme céréale d’appoint pour l’alimentation humaine et animale (Figure 27).

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Information confirmée lors d’une visite d’une banque céréalière dans le Dallols Bosso et Maouri en période de soudure, l’ensemble des sacs de mil était acheté et distribué alors qu’il restait encore du maïs de la précédente campagne. Celui-ci était du maïs blanc en provenance du nord Bénin

Figure 27 : Tendance des superficies de maïs au Niger

L’analyse de l’autocorrélogramme et de l’autocorrélogramme partiel fait ressortir un possible modèle ARMA (1, 0, 2). L’analyse de ce modèle rejette le deuxième facteur du modèle. Nous avons donc opté pour la production d’un modèle ARMA (1, 0, 1) qui est validé par les coefficients. L’analyse d’un possible décalage de 12 n’est pas validé par le modèle ARMA et l’analyse du test de Ljung-Box. L’évolution des résidus des superficies de maïs souligne l’importance des superficies de maïs durant les crises. A l’inverse des céréales en cultures pluviales (mil et sorgho), les superficies de maïs ont fortement augmenté lors des sécheresses et crises alimentaires des années 70 et 80. En effet, il est souvent souligné lors de nos entretiens que la culture du maïs est accrue si les cultures pluviales ne présentent pas des rendements suffisants pour assurer les besoins. Etant donné son intégration dans le marché sous-régional et international, la situation des prix régionaux favorise ou non le développement de la culture du maïs. Comme pour le riz, les superficies de maïs peuvent se découper en trois phases. La première repose sur un emblavement stable jusqu’à la sécheresse de 1973-1974 ; la deuxième correspond à la période des grandes sécheresses des années 70 et 80, et la dernière est caractérisée par de faibles superficies ponctuée par des accroissements de superficies lors des crises de 1998, 2001-2002 ; 2009 ; 2010. Fait marquant de l’analyse des superficies de maïs, elle évolue de manière inverse aux superficies du mil et sorgho (Figure 28). L’analyse des corrélations de Pearson des superficies de maïs et résidus avec les superficies et résidus du mil et sorgho ne démontre toutefois pas cette relation inversement proportionnelle. L’analyse des résidus finaux, ne tenant pas compte de la tendance et possible saisonnalité, fait ressortir deux périodes : une période de stabilité des superficies de maïs entre 1953 et 1972 et une variabilité plus importante à partir de 1973. Cette deuxième période est caractérisée par une tendance à décroitre entre 1973 et 1995 pour ensuite s’accroître. Bien entendu cette tendance est ponctuée par des pics conséquents d’emblavement de maïs (Figure 28).

2020 2010 2000 1990 1980 1970 1960 1950 20000 15000 10000 5000 0 -5000 -10000 Year R és id u

Nuage de points des résidus du modèle ARMA (1,0,1)

Figure 28 : Evolution des résidus du modèle ARMA (1, 0, 1)

Environ la moitié des rendements de maïs varie entre 540 (Q1) et 824 kg/ha (Q3). La moyenne et la médiane des rendements de maïs sont respectivement de 887 kg/ha et 657 kg/ha. Environ six données sont aberrantes et cinq données dépassent le troisième quartile. Celles-ci s’élèvent à 6.655 kg/ha (2007), 3.600 kg/ha (1994), 2.833 kg/ha (1999), 2.375 kg/ha (1996) et 1.962 kg/ha (1998). Ces valeurs aberrantes sont surtout concentrées dans les années 90. Il est à noter que le maximum d’une valeur de 6,7 tonnes par hectare est obtenu en 2007. Le minimum de 43 kg/ha est obtenu lors de la campagne agricole de 1993, caractérisée par une crise alimentaire et la révolte des Touaregs affectant les rendements et superficies de maïs (Andres L., 2013) (Figure 29). 7000 6000 5000 4000 3000 2000 1000 0 M ai s

Boîte à moustaches de Mais

Figure 29 : Boite à moustache des rendements de maïs au Niger

La tendance obtenue lors de la décomposition de la série des rendements entre 1953 et 2014 se caractérise par une relation exponentielle relativement stable. La majorité des rendements ne dépassent pas les 2 tonnes par hectare. La tendance est fortement influencée par les valeurs aberrantes obtenues à partir des années 90 (Figure 30). Lors de l’analyse des autocorrélogrammes et des autocorrélogrammes partiels, aucun décalage ni coefficient de modèle ARMA ou n’a pu être identifié. Nous n’analyserons donc que la tendance développée précédemment. Enfin, la tendance illustre que le potentiel de rendement du maïs est d’environ 800 kg/ha (Figure 30).

Figure 30 : Evolution de la tendance des rendements du maïs

Malgré des rendements intéressants, les superficies et productions de maïs demeurent, comme celle du riz, minimes par rapport à la place du mil et du sorgho :

« La variabilité de la production augmente une fois de plus pour l’arachide, le riz et le maïs, ce qui tend à confirmer leur faible importance dans la production végétale globale » (Banque Mondiale, 2013a)

L’itinéraire technique du maïs dépend de son aire de production. Il peut être mis en culture lors de la saison des pluies. L’emblavement du maïs durant la saison des pluies se pratique surtout dans le sud du Niger où des conditions climatiques sont plus favorables au développement d’une culture comme le maïs. Il peut aussi se pratiquer dans les koris, bas- fonds et vallées fossiles ainsi que le long du fleuve Niger. Le deuxième type de mise en valeur du maïs s’effectue après les pluies lors de la mise en place des cultures d’hivernage et se pratique soit dans des endroits où la nappe est affleurante soit dans des zones où la culture de décrue est possible comme les abords du lac Tchad (Gaoh A.D. et Dassargues A., 1995 ; Herault D., 2004). Enfin, le maïs peut aussi être cultivé en culture irriguée avec des produits de rente comme la tomate, le poivron et l’oignon ainsi que les cultures maraichères. Toutefois, sa proportion au sein de ces trois systèmes (maïs pluvial, maïs de décrue, maïs irrigué) ne représente qu’une part mineure des superficies emblavées. Sa culture représente souvent un appoint permettant de mieux lutter contre la période de soudure en le consommant ou en le vendant. Comme cité précédemment, il est aussi largement en concurrence avec les produits de rente comme l’oignon surtout dans les oasis de l’Aïr où ces superficies ont été réduites au profit de l’oignon19

. Les zones de production au Niger sont surtout situées dans le sud de la région de Dosso, Maradi et Zinder : les systèmes agropastoraux semi-intensifs ainsi que dans une moindre mesure le long du fleuve Niger (système traditionnel et semi-intensif du fleuve Niger) et dans les Dallols Bosso, Maouri et Fogha. Il est aussi très présent aux abords du lac Tchad (Système du Lac Tchad) et de la rivière Komadougou ainsi que dans les systèmes agro- pastoraux de la Korama. Il est dans une moindre mesure couplé aux cultures maraichères dans les Goulbis N’kaba et Maradi ainsi que dans les cuvettes de Mainé Soroa et Gouré. Enfin, il représente encore un potentiel non-négligeable dans les systèmes oasiens de l’Aïr (Gaoh A.D. et Dassargues A., 1995 ; Jahiel L., 1998 ; Herault D., 2004). Les variétés de maïs utilisées ont un cycle oscillant entre 90 et 130 jours. Certains systèmes de production comme les cuvettes, les oasis de l’Aïr et les abords du lac Tchad permettent jusqu’à deux cycles de production étalés de mars à mai et de juillet à septembre (Jahiel L., 1998). Il peut donc être cultivé lors de la saison des pluies avec peu ou pas d’apport d’eau ou durant la saison sèche mais à proximité

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d’une nappe affleurant ou avec apport d’eau en cas de forte chaleur et/ou situation moins favorable. Le maïs se retrouve surtout dans « des sols profonds, meubles, frais, assez légers, bien drainés, fertiles et riches en matière organique » (Escalante-Ten Hoopen M. et Maïga A., 2012). Il est préférable de le mettre en place sur des sols sablo-argileux à argilo-sableux. Il est mis en place après un travail du sol réalisé à la houe ou à l’aide de la traction animale. Le travail du sol est effectué pour faciliter l’entretien de la parcelle et consiste en un défrichement des possibles herbes et un nettoyage de la parcelle. Le semis se réalise en mettant quatre à cinq graines par poquet. Le maïs est cultivé en extensif et n’est donc pas souvent réalisé en ligne mais en poquets distants de 50 cm. La densité de plants à l’hectare varie entre 40.000 et 50.000 plants par hectare. Quelques semaines après le semis, l’agriculteur effectue le démariage et ne maintient que deux à trois plants par poquet. L’entretien de la culture se résume à trois ou quatre sarclo-binages en fonction du type de sol et du développement des adventices. La fertilisation se résume souvent à un apport de matière organique mais elle est loin d’atteindre les 10-20 tonnes par hectare recommandé par la littérature et les techniciens de terrain20. A cet apport organique s’ajoute une fertilisation chimique à hauteur de 100-250 kg/ha. Toutefois, dans la pratique, l’absence de fertilisation est un facteur limitant le développement de la productivité du maïs. Les systèmes de production de maïs localisés le long de la frontière nigériane bénéficient d’un accès facilité aux intrants. Cependant, les nombreux interlocuteurs avec qui nous avons abordé le sujet soulignent la mauvaise qualité de ces engrais originaires du Nigéria (Lawson T.L. et Sivakomar M.V.K., 1991 ; Pandey R.K. et al., 1999 ; CIRAD et GRET, 2002 ; Escalante-Ten Hoopen M. et Maïga A., 2012).