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Le conseil en sûreté et en sécurité

Dans le document Sécurité privée et Libertés (Page 183-187)

Titre II : La préservation des libertés par la professionnalisation de la sécurité privée

A. Le conseil en sûreté et en sécurité

L’activité de conseil est avant tout une activité de prestation intellectuelle. Elle vise à offrir à la sphère publique comme privée un ensemble de politiques et de stratégies, ainsi que des dispositifs visant à prévenir, à réduire et à maîtriser les risques de malveillance et d’insécurité à caractère intentionnel647. L’activité de conseil se

décompose en deux secteurs. L’activité de conseil en sûreté et sécurité s’adresse souvent à des collectivités, par un accompagnement dans la mise en place d’une politique publique de sécurité pouvant impacter les libertés notamment au travers de la mise en place de dispositif de vidéo surveillance (A). Ensuite, l’activité en intelligence économique qui vise à conseiller, le plus souvent les entreprises privées, dans la protection de leur patrimoine immatériel et contre les malveillances extérieures (B).

A. Le conseil en sûreté et en sécurité

Il n’existe pas de définition de l’activité de conseil en sûreté et sécurité. Cette activité compte près de 50 cabinets en France pour environ 250 consultants648. Une étude fait

état de premières demandes apparues à partir de 1995649. Les cabinets-conseil en sûreté

et sécurité contribuent à la préservation des libertés par les actes qu’ils produisent pour des collectivités comme pour des entreprises (1). Néanmoins, cette activité récente demeure sans règlementation malgré la volonté du seul syndicat regroupant la plupart des entreprises de conseil (2). 1. Une activité au service des libertés Le syndicat du conseil en sûreté, principale organisation patronale du secteur, ne donne pas de définition du conseil, mais du consultant. Pour cette organisation qui regroupe une quinzaine d’entreprises du secteur, le consultant en sûreté participe au processus d’aide à la décision des responsables, produit des audits à la demande de ses commanditaires et propose des recommandations à la suite de cette étude. Le cabinet 647 http://scs-conseil.org/L-emergance-du-conseil-en-surete.html. 648 Source délégation interministérielle de la sécurité privée. 649 Buffat (J.-P.) et Le Goff (T.), « Quand les Maires s’en remettent aux experts », in Cahiers de la sécurité, 2002, n°50, p169.

répond à des sollicitations venant des entreprises privées comme des collectivités qui souhaitent améliorer leurs dispositifs visant à protéger les biens et les personnes.

Les chercheurs Jean-Paul Buffat et Tanguy Le Goff évoquent une volonté des maires d’acquérir de nouveaux savoirs et savoir-faire « pour construire des politiques municipales de sécurité en faisant appel aux compétences de cabinets de conseil en sécurité »650. C’est donc tout naturellement que les entreprises de conseil contribuent à

préserver les libertés (ou à les diminuer selon leurs préconisations). Cette implication dans le paysage de la sécurité publique des cabinets de conseil doit, comme pour les entreprises de sécurité privée, faire l’objet d’un contrôle.

2. Une activité sans réglementation

Le syndicat professionnel tente de définir un cadre visant à délimiter le périmètre de cette activité regroupant les études, le conseil stratégique, la recherche appliquée, la formation, l’appui au management, l’assistance au maître d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre. La délimitation de l’activité s’accompagne également de la mise en place d’une charte de déontologie adoptée par les adhérents le 10 juillet 2012. La charte contient une dizaine d’articles qui préconisent une posture de neutralité du consultant.

Néanmoins, le syndicat reconnaît le manque d’encadrement en indiquant sur son site que « il n’y a pas non plus actuellement de formation spécifique dont l’objectif serait de préparer aux métiers de la consultance en sûreté. Il en est de même pour les entreprises qui s’auto-désigneront comme ‘’cabinets-conseil’’ ou ‘’bureaux d’études’’ »651. Par ailleurs et

selon une lettre interne du syndicat du conseil en sûreté, « une majorité d’avis [des adhérents] se dégage pour souhaiter une régulation de l’activité de conseil, des garanties sur la moralité et la professionnalité des consultants »652. Cette lettre d’information pointe les dérives de la profession en mentionnant les « experts auto-proclamés, les consultants liés à des industriels et des marchands d’équipement, concurrence déloyale sur la base de coûts de prestations intellectuelles anormalement bas ». 650 Ibid. 651 http://scs-conseil.org/Qu-est-ce-que-le-conseil-en-surete.html. 652 Buffat (J-P.) et Le Goff (T.), Quand les Maires s’en remettent aux experts in Cahiers de la sécurité- INHESJ, 2002, n°50, p193.

En plus des pratiques déloyales, le syndicat pointe la dangereuse proximité entre certains cabinets d’audit et des installateurs, en particulier d’alarme et de vidéosurveillance. Cette thèse est confirmée par Jean-Paul Buffat et Tanguy Le Goff qui dans leur conclusion démontrent que « sous l’impulsion de cabinets de conseil provenant du secteur de ‘’la gestion des risques’’, les méthodes et les mesures de sécurisation de nature technologique tendent donc à se voir développer dans les villes, à tel point que certains maires n’hésitent plus à afficher la vidéosurveillance comme vitrine de leur action municipale en matière de lutte contre l’insécurité ».

En effet, ces relations débouchent quelquefois sur des recommandations auprès de clients publics comme privés pour l‘installation de systèmes de vidéosurveillance et d’alarme. Des échanges avec le responsable d’une entreprise de conseil indiquent qu’il existe un système de commissionnement en cas d’attribution de marché. En effet, il arrive que le cabinet-conseil rédige le cahier des charges pour le client. Ce cahier des charges peut être transmis ensuite au soumissionnaire qui dispose d’un avantage sur ses concurrents. Parfois l’installateur rédige lui-même le cahier des charges en intégrant ses technologies et ses spécificités ce qui rend la concurrence encore plus difficile.

Ces pratiques sont condamnables puisque les articles L.432-11 et L 432-14 du Code pénal punissent les délits de favoritisme et de corruption653. En l’espèce, il peut s’agir de

favoritisme lorsque que le consultant conseille la mise en place d’un système de vidéosurveillance et d’alarme alors que la collectivité ou l’entreprise n’en n’a pas nécessairement besoin. La qualification de corruption peut s’établir lorsque le consultant démarche l’entreprise pour soumissionner un marché. Même si le consultant ne participe pas aux commissions d’appel d’offres, l’avantage procuré à l’entreprise soumissionnaire est suffisant pour caractériser le délit. La bonne moralité des consultants, comme pour les agents de sécurité, est nécessaire pour accomplir des missions de conseil en sûreté dans la transparence et la loyauté. Le syndicat des cabinets 653 Article 432-11 du Code pénal : « Est puni de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende le fait de […] Soit pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat ou Soit pour abuser de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir d'une autorité ou d'une administration publique des distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre décision favorable ». Article 432-14 du Code pénal : « Est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende le fait de […] de procurer à autrui un avantage injustifié par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d'accès et l'égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public ».

de conseil préconise d’agréer les personnels car ils incarnent selon la note le savoir- faire654.

Le professeur Florian Linditch reprend les analyses du rapport 2005 du service de prévention de la corruption pour pointer les risques structurels liés aux cabinets de conseil dans les passations de marchés655. Ce rapport du service central indique qu’ « un

foisonnement d’intermédiaires ont pour point commun dans leurs activités diverses d’intervenir dans le processus, de créer souvent des flux financiers ou parfois de rendre

moins claire la relation entre la personne publique et son prestataire 656«. Les cabinets de

conseil, bien plus que les entreprises de sécurité privée, ont besoin de moraliser leurs pratiques, ce que préconise de faire le syndicat des cabinets de conseil en demandant leur rattachement au CNAPS.

Aussi, les cabinets participent de par leurs travaux pour les collectivités à la définition et la mise en place d’une politique publique de sécurité. Ces consultants participent également à la sécurisation des entreprises. L’exemple du système de vidéosurveillance de l’Apple Store est une illustration du travail des consultants. Dans cette affaire, la CNIL a mis en demeure la société Appel Retail de modifier l’emplacement de son système de vidéosurveillance au motif qu’il attentait à la vie privée des salariés. Les emplacements ont probablement été définis par une entreprise de conseil. Par voie de conséquence, leurs orientations peuvent impacter les libertés comme l’installation d’un système de vidéosurveillance ou l’aménagement urbain d’un quartier visant à bloquer l’accès à des trafiquants d’une partie d’un immeuble aussi utilisée par des locataires. Une circulaire du 7 juin 1999 pointe qu’un recours aux cabinets d’audit n’a pas toujours été positif. Cette circulaire évoque des diagnostics ayant fait l’objet de récusation657. Depuis, les

pratiques se sont considérablement améliorées.

La réglementation de cette activité, par l’agrément des sociétés et l’attribution d’une carte professionnelle pour les consultants, est indispensable pour préserver les libertés. 654 http://scs-conseil.org/IMG/pdf/Lettre_interne_no4-SCS-mai2012-2.pdf. 655 Linditch (F.), « Rapport 2005 du service central de prévention de la corruption : ‘’c’est du brutal’’ », JCP A, 2007, n°8. 656 http://www.justice.gouv.fr/art_pix/rapportscpc2005.pdf 657 Circulaire du 7 juin 1999 relative aux contrats locaux de sécurité (http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000760995).

Néanmoins, la Direction des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l’Intérieur est réticente à l’intégration de cette activité dans le périmètre du CNAPS alors que l’ancienne délégation interministérielle à la sécurité privée y était, quant à elle, favorable658. La DLPAJ motive sa position par une décision du Conseil constitutionnel du

10 mars 2010 relative à l’activité de l’intelligence économique659.

B. L’activité d’intelligence économique

Selon Éric Delbecque et Gérard Pardini de l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ), les États-Unis d’Amérique ont été le premier pays à prendre conscience de l’importance de la maîtrise de l’information dans les relations de pouvoir et d’influence660. Pour Sophie Larivet, Maître de conférences, l’intelligence

économique (IE) est une combinaison de trois pratiques : la fonction de renseignement destinée à anticiper les menaces ainsi que les opportunités économiques ; la fonction de protection destinée à protéger les informations stratégiques de l’entreprise ; enfin la fonction d’influence destinée à organiser les relations avec ses concurrents661. Pour le

professeur Bertrand Warusfel, l’intelligence économique est une activité à la charnière entre le domaine du renseignement et celui de la concurrence économique et industrielle662. Il existe d’autres définitions de l’intelligence économique. Le site internet

Portail de l’IE en donne quelques exemples663 sans épuiser leur variété664. Enfin, Alain

Juillet et Éric Delbecque suggèrent, encore, une définition de l’IE basée sur le référentiel rédigé par Alain Juillet, alors Haut responsable pour l’intelligence économique665. Cette 658 Annexes des contributions de l’avant-projet de révision du livre VI du Code de la sécurité intérieure, pp.2-9. 659 Cons. const., 10 mars 2010, DC n°2011-625, 10 mars 2011, préci., considérant n° 74. 660 Delbecque (E.) et Pardini (G.), Les politiques d’intelligence économique, Paris, PUF, coll. Que sais-je ?, 2008, p.18. 661 Larivet (S.), « L’intelligence économique : un concept managérial », in Market management, ESKA, 2006, p.22. 662 Warsufel (B.), « Intelligence économique et sécurité de l’entreprise », Cahiers de la sécurité, IHESI, 1996, n°24, p.50. 663 http://www.portail-ie.fr/article/572/Les-definitions-de-l-intelligence-economique 664 http://www.actulligence.com/ressources/definitions-de-lintelligence-economique 665 http://www.ege.fr/download/referentielie.pdf

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